- C’est quoi, ça ? Une brochure sur l’identité ! Mais dites-moi, vous n’avez rien d’autre à faire, là, avec la crise économique qu’on traverse et tous les mouvements revendicatifs qui apparaissent un peu partout ?
- Justement, on voudrait éviter les malentendus en série... Des mouvements émergent et vont se multiplier : alors on entend régulièrement des appels à la « convergence des luttes ». Mais dès qu’il s’agit de définir autour de quoi les luttes doivent converger, c’est le flou total. Chacun évite la question avec la peur panique d’apparaître divisés et chacun espère aussi secrètement que la fameuse « convergence » se fera (magiquement !) autour de ses aspirations à lui... On a ainsi des mouvements contestataires qui se caractérisent à la fois par des demandes d’Etat-providence, des exigences de sociétés de consommation, des crispations identitaires, des ruptures anomiques, etc. Si on veut contrer le chaos qui s’avance, il va falloir une orientation commune que les « indignés » nous semblent avoir approchée. Autrefois, on appelait ça une « conscience de classe », nous, nous le nommons une identité collective, c’est-à-dire un projet de société. Nous nous définissons d’abord par ce que nous voulons : la démocratie directe, l’égalité des revenus et la redéfinition collective des besoins.
- Oh là là… un projet défini à l’avance ! Au secours ! C’est comme ça que sont apparus tous les dogmatismes, tous les totalitarismes... Non, le mieux, c’est qu’on déclenche une insurrection, et on verra ensuite au fur et à mesure.
- Ce plan « brillant », c’est justement ce qu’on voit, encore et encore, depuis Mai 68... On va partout répétant que le projet n’est rien, que ce qui compte, c’est ce qui se passe au moment du soulèvement, que les solutions jailliront d’elles-mêmes, etc. Si le mouvement échoue, les insurgés rentrent chez eux sans perspectives tandis que d’autres en profitent pour se faire une place au soleil l’air de rien : on voit ça à tous les mouvements sociaux... Et s’il est victorieux, ceux qui chantaient le même air que toi profitent du vide pour imposer leur projet clos sur lui-même, non discutable et déconnecté des réalités : c’est la Chine de Mao, mais c’est aussi les suites des décolonisations et aujourd’hui des « printemps arabes »...
- Bon, bon, d’accord. Mais vos deux premiers textes, là, ils parlent du débat sur l’identité nationale ! C’est le terrain de l’extrême droite, ça. Toutes ces questions de cultures, de civilisations, d’immigration, c’est un rideau de fumée face à la baisse du niveau de vie, à l’oligarchie prédatrice, à la logique du profit. Moi, je préfère parler de la question sociale, de la redistribution des richesses, ce que certains appellent la lutte des classes.
- Personne n’est dupe sur les manipulations, mais elles ne doivent pas être le prétexte pour éluder les problèmes inédits : comme s’il y avait des sujets « de gauche », sur lesquels on est sûrs d’avoir raison, et des sujets « de droite » qui seraient tabous, parce qu’au fond, on ne sait pas y répondre. Tu ne crois pas qu’une telle division est une manière efficace de rendre impossible toute réflexion globale ? C’est cela le socle de l’oligarchie, parce que si tu n’affrontes pas les réalités dérangeantes, c’est elle qui s’en charge. C’est d’ailleurs à ça que sert le bulletin de vote.... A moins que tu n’aies peur de virer de bord : la pensée-slogan est un pare-choc pour se préserver d’un réel qui pourrait remettre en cause une vision du monde, des convictions... des identités... Par exemple, tu semble tenir à la question sociale : sais-tu de quoi tu parles ?
- Hé ho, ne me la fais pas : on parle des pauvres contre les riches. Ça ne vous est pas familier ? Et moi qui vous croyais anarchistes...
- Et moi qui te croyais de gôche, tu te mets à parler d’identité...
- Pas du tout !...
- …Tu viens pourtant à l’instant de nous identifier comme anarchistes...
- …Ouais mais rien à voir. L’anarchie, ce n’est pas une identité, c’est une volonté de transformation sociale radicale.
- Et pourquoi ce serait pas une identité ? Pourquoi continuer à accepter cette conception figée de l’identité comme héritage subi, définition de soi par le lieu et le moment de ta naissance ou de ce que la société à fait de toi ? Ça, c’est l’emprise de l’esprit du clan, l’affrontement ethnico-religieux, et c’est l’impasse : pas étonnant que ça te fasse peur. Mais on peut, au contraire, penser et revendiquer l’identité comme ce que tu veux être, ce que tu veux devenir, et la société que tu veux faire advenir. Ça ne peut pas être une identité fixe, mais ouverte, réfléchie, discutable et sur laquelle tu as prise. On pourrait même définir l’autonomie que nous voulons comme la capacité à discuter et à interroger son identité... Nous cherchons à briser les clôtures dans lesquelles s’enferment et se sclérosent les identités afin de créer des identités ouvertes, c’est-à-dire des identités qui permettraient leur propre remise en cause, des identités qui assumeraient leur indétermination. On conçoit alors l’identité comme désir, envie, volonté, et comme on parle de politique on retrouve l’idée de projet de société. En ce sens, faire la connaissance de quelqu’un n’est pas lui demander « qui es-tu ? », mais « qu’est-ce que tu veux être ? ». Tu admettras que ces idées ne courent pas les rues...
- Forcément, et c’est à cause de la société de consommation qui abrutit tout le monde et le matraquage médiatique et les manipulations politiciennes qui jouent sur la peur...
- Mais c’est aussi à cause de la capitulation devant leur définition unilatérale du terme d’identité, c’est-à-dire un sens hétéronome et « réactionnaire ».. Quant à l’aliénation du peuple, elle t’épargne miraculeusement à t’entendre... Tu parles comme si les gens étaient irresponsables, c’est quand même problématique pour quelqu’un qui souhaite une réelle démocratie, donc le peuple au pouvoir, non ? Essayons de parler aux gens à égalité, quels qu’ils soient, et éviter les démagogies. Tu parlais de luttes des classes et maintenant tu me dis que les gens sont aliénés : il faudrait savoir.
- C’est une dialectique : c’est la révolte qui émancipe, tu le sais bien.
- Et toi tu essayes d’oublier que l’envie des pauvres de devenir comme les riches ne date pas d’hier... On a bien vu, en août dernier, pendant les « révoltes » des grandes villes britanniques la profonde adhésion de la dite underclass aux codes et aux valeurs de la société de consommation : « C’était comme Noël » disait une jeune, une fête, une occasion de plus pour consommer. Dans le meilleur des cas, c’était l’expression d’une colère vague et d’un ressentiment, sans la moindre articulation d’un projet quelconque de changement de la société en place. Ce qui est intéressant, c’est quand les pauvres veulent un monde d’égalité : Il suffit de les côtoyer aujourd’hui, si par chance tu n’en es pas, pour se rendre compte de leur adhésion profonde à la société telle qu’elle est. C’est cela que nous appelons l’identité, c’est le projet que tu arrimes à ta colère. Tu n’es pas partisan de la politique du pire ?
- Bien sûr que non, et je ne fais pas partie de ceux qui pensent que tous les pauvres sont des révolutionnaires en puissance ! Donc on est d’accord : il faut convaincre les gens.
- D’abord, je ne vois pas ce que ça veut dire de « convaincre les gens ». Là encore, tu les prends pour des idiots. L’héritage du mouvement révolutionnaire du siècle dernier est perçu comme, et est en grande partie, catastrophique. Et les pratiques militantes actuelles sont la plupart du temps dignes des pires régimes qui en sont issus. Pas étonnant que les populations cherchent d’autres perspectives.
- D’accord, mais regarde : l’extrême gauche a de nouveau le vent en poupe, et ça va continuer...
- Doit-on vraiment se réjouir de cette amnésie générale ? Cela ne t’inquiète pas de voir des démagogues staliniens surfer sur le mécontentement populaire ? Et tu remarqueras que la peur panique du déclassement se traduit aussi très facilement en termes d’extrême droite. La logique du bouc émissaire réduit l’analyse politique à un va-et-vient entre la dénonciation de l’oligarchie et la stigmatisation des minorités. Pas de quoi crier victoire, vraiment. Sans parler des promesses de croissance infinie au moment où on rend la planète invivable... Ne me dis pas que tu adhères à ça ?
- Non, non, heu... C’est tactique... Et ça permet au moins de barrer la route au Front National.
- Drôlement efficace, dis donc... Dis-moi plutôt que ça te sert d’antidépresseur, jusqu’à la prochaine désillusion... Tu remarques quand même que ces brillantes « tactiques » font long feu, non ? Les ressorts de l’extrême droite française, ou plutôt de ce populisme droitier, sont totalement intacts, se renforcent même, et son discours se diffuse. A la racine de ça, c’est le vide, le vide de nos existences pleines de babioles, le vide d’un monde où ces babioles viendraient à manquer, le vide politique où l’on ne propose que des babioles... Et le vide identitaire, évidemment démultiplié par tous ces discours bien-pensants qui répètent que la question ne se pose pas... L’empressement à « convaincre les gens » a souvent l’air d’une manière de raffermir des positions bien bancales...
- Pff... T’es dur...
- Bof, ce qui est encore plus dur c’est de s’épuiser à vouloir aplatir la complexité du réel pour que ça nous convienne : ça marche pas et ça arrange rien ! Comme des adolescents, chacun se bricole sa petite identité, ou plutôt plusieurs, selon les circonstances, et on passe de l’une à l’autre, sans trop savoir, au fond, qui on est, ni ce qu’on veut vraiment... C’est le règne de l’opportunisme dépressif ou agressif. Pas vraiment étonnant qu’on assiste ensuite, à un retour fantasmatique aux origines, à une fixation sur une croyance, à la renaissance des idéologies archaïques et réactionnaires, à des poussées d’intolérances, à l’engagement suicidaire, etc. ?
- Ouais, les mouvements d’extrême droite partout en Europe...
- Entre autres... Je pensais aussi aux milieux gauchistes ou libertaire, qui sont extrêmement « identitaires », avec leurs codes vestimentaires ou langagiers, leurs folklores, leurs tabous, ou encore à l’écologisme, les mouvements néo-ruraux, l’hygiénisme bio.... Et partout, bien entendu, les extrêmes droites, dont la version musulmane et son importation.
- Oui, j’ai vu que vous avez un texte sur les immigrés, enfin, une critique des Arabes immigrés « par eux-mêmes »... Je n’avais jamais lu ça auparavant... Mais bon, en tant que révolutionnaire, ça me chiffonne qu’on critique les pauvres et les exploités comme ça, d’autant plus qu’il s’agit de victimes du racisme néocolonial...
- Oulah... Quelquefois, la vérité est ailleurs tu sais, et tu veux pas toujours la voir on dirait : en une phrase, tu viens d’assimiler les immigrés aux pauvres et les pauvres aux révolutionnaires. Tu sous-entends qu’il ne faut critiquer ni les uns ni les autres, et tu ressuscites une figure de messie révolutionnaire damné de la terre/prolétaire. Juste avant tu laissais plutôt supposer qu’il n’y avait pas grand-chose à attendre du peuple « qu’il fallait convaincre ». J’ai plutôt l’impression que ces raisonnements nous enferrent dans un infernal imbroglio : ou bien on surcharge le peuple de fantasmes subversifs en l’écrasant d’une responsabilité dont on se décharge bien facilement ; ou bien on le méprise en pensant avec condescendance qu’il faut lui inculquer la bonne parole. Dans les deux cas on évite la rencontre et la possibilité de travailler ensemble d’égal à égal à la création d’un projet de société pour l’égalité et la liberté. Et nous pensons que c’est à cet ouvrage qu’il nous faut trouver le courage de nous atteler. Bien sûr, les adversaires et obstacles sont nombreux, mais plutôt que de chercher sans cesse des excuses pour expliquer nos défaites, nous préférons pointer nos faiblesses, celles des forces d’émancipation car c’est sur elles que nous pouvons directement agir. On sera d’accord, c’est moins facile, et souvent moins bien reçu que de tirer à boulets rouges sur les « méchants » en faisant croire qu’ils se maintiennent au pouvoir sans aucune implication de la population... Mais si je te laisse faire, dans cinq minutes, tu vas nous dire qu’on fait le jeu de la droite, comme on le reprochait aux critiques de l’URSS dans les années 50, non ?
- (d’un air penaud) Euh nan... Pas du tout... Mais en période difficile, il faudrait plutôt serrer les rangs...
- Là encore, tirons des leçons des erreurs passées, et observons que durant plus d’un demi-siècle, « on » a défendu des régimes totalitaires et des pratiques innommables, sous prétexte de « serrer les rangs », et que cela a participé à la ruine du mouvement ouvrier et de ses suites. C’est le même mécanisme vis-à-vis de l’islam, qu’il faudrait maintenant défendre contre la « droite » plutôt que de lutter contre la bigoterie conquérante... C’est délirant... Tu dis que tu parles aux gens à égalité, mais certains devraient être critiqués plus que d’autres : haro sur le Français qui vote Le Pen, mais on comprend le Tunisien qui vit en France, et qui, d’ici, vote pour les islamistes là-bas !
- Non mais quand même, ce sont des minorités dominées... Il ne faut pas oublier non plus que les Français sont encore porteurs d’une idéologie néocolonialiste, qui stigmatise les Arabes, les Noirs, etc.
- Mais il ne faudrait pas non plus troquer sa responsabilité d’adulte contre une petite culpabilité de nanti facilement allégée en spéculant sur la bonté des cultures traditionnelles dans les salons parisiens... Nous, nous parlons des quartiers où malheureusement la jeunesse devient trop souvent franchement réactionnaire et que tu serais le premier à combattre si elle était franco-française... Ne nous voilons pas la face, en France, les extrêmes droites nationale et musulmane se nourrissent mutuellement. Il y a de l’enjeu, et ça ne date pas d’hier : L’affaire du « voile islamique », ça a commencé il y a plus de vingt ans, et tu as dû remarquer que Mohamed Merah aurait pu être le fils de Khaled Kelkal... Les Frères musulmans, Khomeny, l’Algérie du FIS, c’était quand ? En tant qu’internationaliste, tu ne te renseignes pas sur ce qui se passe non seulement en Arabie saoudite, au Pakistan ou en Malaisie, mais aussi au Nigeria, au Mali, en Egypte ou en Tunisie ?
- Si, je lis les journaux... Mais c’est dû à la misère, tout ça, si tout le monde vivait dans l’abondance, il n’en serait pas question. Ici encore, ce n’est pas la culture ou l’identité, c’est une question de domination et d’exploitation.
- Encore... Du pain et des jeux, c’est ton programme politique ? Ce n’est pas faux : si on abandonne Dieu pour les rayons de Carrefour, et que ceux-ci menacent de se vider... Mais vu que la société industrielle est derrière nous, il va falloir réapprendre la pauvreté... Alors il te reste à expliquer pourquoi, au cours de l’histoire, tous les pauvres n’ont pas versé dans l’intégrisme et la xénophobie – certains ont fait des révolutions sociales et politiques, tu le sais bien – et aussi pourquoi ce ne sont pas toujours les plus pauvres qui en sont porteurs. C’est la culture de l’individu et de sa collectivité qui donne un sens à ce qui est vécu : en soi, avoir un accès restreint à la société de consommation n’est ni un bien ni un mal. Mais ta remarque montre bien cette complaisance gauchiste qui s’étale sans complexes dans les pays arabes.
- Rien à voir, ce n’est pas ça. Votre copain tunisien décrit l’alliance entre les gauchistes et les intégristes pour les élections d’octobre dernier : on en est pas encore là en France, quand même... Et il peut se permettre de dire des choses qui ici passerait pour islamophobes, surtout quand on voit combien le FN a réussi à séduire la population lors des présidentielles de 2012. Le mieux c’est encore de parler d’autre chose...
- Ce n’est ni très « tactique », ni très courageux, ni surtout très sympathique pour ceux et celles qui en sont victimes. Mais encore une fois, c’est moins tactique qu’atavique : l’islamisme s’appuie sur une pratique religieuse ancestrale, c’est ce qui lui donne cette force, et ça rappelle, dans la forme, certains moments des mouvements d’émancipation, où les comportements populaires quotidiens portaient et accompagnaient les luttes. Ça fait rêver tous les manipulateurs... Et puis il y a ici une forme de haine de soi, pour laquelle l’Occident serait la source de tous les maux de la Terre : on rejette tout ce qui en provient, y compris les siècles de luttes contre les religions, l’oppression masculine, le capitalisme ou d’autres formes de domination.
- Oui, c’est votre dernier texte, mais là je ne suis plus du tout d’accord... Enfin, je suis d’accord pour dire que ce que vous appelez le projet d’autonomie s’est essentiellement déployé en Grèce antique et en Europe...
- ...Ça vaut quand même mieux : tous les philosophes et les penseurs auxquels tu te réfères sont de ce courant, ou s’en réclament...
- … Oui, bon. Mais vous sous-entendez qu’on est conditionné par sa culture : c’est horrible. Ça, c’est du culturalisme pur et dur, et vous savez bien qu’il a toujours été le fondement d’idéologies réactionnaires, puisqu’il voile le fait que les sociétés sont divisées en classes antagonistes.
- Ce qui est horrible, c’est d’avoir à préciser ce genre de lieux communs... Il est strictement impossible de parler de liberté si tu ne pars pas des conditionnements, qu’ils soient familiaux, psychologiques, sociologiques, historiques, culturels, etc. Cela fait partie des évidences de base qui ont été pulvérisées récemment, au profit d’une rêverie néo-capitaliste de l’être humain venant sur Terre libre de faire ce qu’il veut... Tomber là-dedans, c’est se condamner à découvrir la vie plus ou moins tardivement, mais de manière dramatique, chez soi et chez les autres, pour se cramponner ensuite à ses illusions universalisantes ou au contraire se replier sur ses certitudes. C’est un des ressorts actuels de l’extrême droite, que le déni gauchiste ne fait que renforcer. Parce que là encore, tu avalises leur conception de la culture : entités closes et définies une fois pour toutes, sacrées et intouchables, hors de toute critique. C’est précisément cette conception culturaliste qui forme le terrain commun de toutes les idéologies hétéronomes, qu’il s’agisse du nationalisme, de l’intégrisme religieux ou du racisme et du sexisme. Et l’antiracisme mondain ne résout rien du tout, voire aggrave la situation.
- Attends, attends : moi je suis antiraciste, hein, je ne fais le jeu de personne.
- Ah, tu es dans le camp du Bien contre le Mal... Tu vois, ce n’est pas simple de s’extraire de sa culture judéo-chrétienne... Mais nous, nous voulons sortir et faire sortir des illusions religieuses, la première étant que ses croyances sont les seules vraies. Il est trop facile de projeter sur le monde ses propres allants-de-soi, sans égards pour la réalité des autres, ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent. Aujourd’hui l’histoire redémarre, après avoir fait semblant de s’arrêter pendant des décennies de confort, et cet univers molletonné ne cesse de se fissurer. Toutes les identités, toutes les cultures, tous les projets politiques sont à examiner, à critiquer, à élaborer, à l’aune d’un projet de liberté et d’égalité. Si cela est encore possible, parce qu’il semble que le type d’être humain que nos sociétés produisent ait balayé toute notion de sens, et tous les repères, traditionnels ou modernes qui pouvaient encore exister. De ce point de vue, les tenants d’un projet d’autonomie, comme les autres, sont des déshérités.
- Je comprends mieux le titre de cette introduction... Mais on papote, on papote, et il faudrait s’y mettre fissa, parce que ça urge, là ! Action ! Action !
- Et c’est encore plus urgent de cesser de recouvrir depuis des décennies les questions importantes par un chantage à l’action ! Les Athéniens de l’antiquité se définissaient comme ceux dont l’action n’empêche pas la réflexion... Bon, tu vas me dire que ce n’est pas notre culture, mais on pourrait peut-être commencer par reprendre ce principe à notre propre compte, non ? Ça changerait un peu...
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