A la fin de l’office du vendredi, l’imam, emporté par un élan mystique, s’écrie d’une voix forte :
– Ô Tout-Puissant ! Donne-nous la foi ! Donne nous la force et l’humilité ! Donne-nous le repentir de nos fautes ! Éloigne de nous les mauvaises pensées !...
A ces mots, Nasr Eddin se lève et crie encore plus fort :
– Ô Tout-Puissant ! Donne-moi des montagnes d’argent, une belle maison, des femmes, des baklavas à la pistache !...
– Arrête, mécréant, blasphémateur, fils de chien !
– Tiens ! Mais nous faisons pourtant la même chose l’un et l’autre, s’étonne le Hodja : chacun demande ce qu’il n’a pas.
Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hoja, Ed. Phébus libretto, Paris, 2002.
(Nasr Eddin Hodja, dit Juha au Maghreb, personnage du XIIIe siècle qui aurait vécu en Turquie, dont les historiettes et proverbes iconoclastes et jubilatoires circulent encore aujourd’hui.)
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Un an après les espoirs suscités par les soulèvements arabes, la carte d’un Maghreb islamiste se dessine sous nos yeux : à l’exception de l’Algérie, tous les gouvernements des pays d’Afrique du Nord ont à leurs têtes des formations islamistes. En France, parallèlement, la xénophobie ne cesse de sourdre, spectaculairement ou en sourdine. Il est grand temps que les immigrés arabes eux-mêmes prennent publiquement la parole, en tant que tels – ce texte veut en être une contribution.
Contre toutes les extrêmes droites
La percée de cette extrême droite musulmane s’inscrit dans un contexte de crise économique mondiale qui s’annonce durable, et dont l’une des conséquences politiques est le développement de toutes les extrêmes droites, concomitant à un accroissement prévisible des flux migratoires vers les pays occidentaux. La présence et l’extension en France de tendances et de forces islamistes laminent des décennies de cohabitation pacifique entre les populations européennes et les Arabes, dont la présence sur ce sol étranger n’est le fruit ni d’une conquête ni d’une domination – chose inédite, récente et donc fragile. Ces mouvances visibles ou sournoises n’ont aucune chance de s’imposer ici, mais leurs capacités de nuisance sont telles qu’elles pourront se féliciter d’avoir grandement contribué à la création d’un climat proprement belliqueux non seulement entre immigrés et xénophobes mais surtout entre les musulmans et tous les autres, français ou immigrés. Mais la critique de l’extrême droite musulmane est minée. Ceux qui affirment leur volonté de vivre dans une société libre, égalitaire et laïque, et donc de combattre toutes les réactions, sont systématiquement rappelés à leur passé colonial, à l’antiracisme culpabilisateur, et immédiatement suspectés d’alliances avec les tendances xénophobes franco-françaises. De leur côté, les Arabes émigrés semblent verrouillés, tantôt par une tolérance peureuse tantôt par un chantage aux origines, quant il ne s’agit pas de complaisance tactique. Les extrêmes droites, qu’elles soient religieuses ou nationalistes, se nourrissent ainsi mutuellement. La seule manière de les contrer est d’affirmer un positionnement clair et explicite face à la montée de la xénophobie mutuelle et des projets de dominations, d’où qu’ils viennent.
Ce texte invite donc les immigrés Arabes et leur descendants – dont nous sommes – à lutter contre l’islamisme, au nom de ce qui nous constitue autant qu’au nom de notre attachement aux valeurs laïques, et à lutter pour construire une société libre, égalitaire et émancipatrice. Cette lutte ne peut être menée qu’à condition d’adopter un regard juste et clairvoyant sur nous-mêmes, c’est-à-dire de rompre d’abord avec les postures victimaires, angéliques, ou tyranniques dans lesquelles nombre d’entre nous se complaisent. Pour ce faire, nous avons une précieuse singularité du fait de notre double culture, qui nous met en position de porter un double regard lucide, donc critique, sur les deux civilisations, occidentale et arabo-musulmane, et les sociétés particulières qui les portent. Cette opportunité ne semble que trop rarement saisie, sinon de manière opportuniste.
Ainsi, nos positions, et le projet de démocratie directe qu’elles soutiennent, nous amènent ici à rappeler d’une part quelques évidences sur le projet islamiste et son accueil en France – et d’autre part, à dénoncer les assignations identitaires colportées par des réactionnaires – et souvent auto-construites par les premiers intéressés – dont il s’agit de se défaire en posant un regard juste et intransigeant sur nous-mêmes, immigrés Arabes.
D’où parlons-nous ?
Nous tenons non pas à la liberté de spéculer, de produire et de consommer de la camelote, mais bien à la liberté de critiquer nos sociétés dans l’espoir de les transformer, et de prendre nous-mêmes en main nos vies et le sort de nos collectivités. Nous sommes pour l’appropriation mondiale de certaines valeurs dont la culture occidentale est porteuse. Certaines sont incarnées dans des institutions et ont un statut d’effectivité en France ; notamment les principes de laïcité et d’égalité, les droits des femmes, la liberté d’expression et de contestation. Nous souscrivons à ces valeurs, conquises et inachevées, que nous jugeons préférables à bien d’autres que porte l’Occident, notamment à celle de l’obsession économique et de la compétition qu’elle engendre entre les individus. Mais nous tenons également à un certain art de vivre maghrébin, que nous avons reçu en héritage et dans lequel nous puisons ce qui nous semble à même de combattre les aspects les plus aliénants de l’évolution des cultures occidentale et arabo-musulmane. Nous pensons que cet art de vivre est menacé non seulement par l’occidentalisation de la planète mais également par le développement de l’islamisme radical. Nous sommes donc pour la reprise critique des valeurs et des pratiques que portent ces deux civilisations.
Ces positions ne sont pas abstraites : lorsqu’en France, on oublie les principes égalitaires et d’émancipation pour se réfugier dans le divertissement et le consumérisme, on peut difficilement reprocher aux immigrés installés en France de se mettre au diapason... Les immigrés arabes ne sont ni plus ni moins que les sociétés qui les habitent. Ils sont arabes et français et bien d’autres choses encore. Leurs situations ne les rendent donc pas plus à même de porter un quelconque projet de démocratie radicale que quiconque en France, mais ne les exonèrent pas plus des comptes qu’ils ont à rendre sur ce qu’ils font, ce qu’ils sont, ce qu’ils veulent. Notre démarche contraste donc d’avec l’ambiance actuelle, puisque ici comme ailleurs, l’heure est à la recherche de boucs émissaires pour en faire les responsables de nos maux et l’élection de grands ou petits sauveurs pour ne plus avoir à croire en nous-mêmes. Plus personne ne prend ses responsabilités dans notre histoire collective, familiale, nationale ou méditerranéenne, à l’heure où le développement effectif du projet théocratique islamiste tend à ruiner tout effort de bâtir des sociétés vivables.
La fascisation de l’islam
Qu’appelons nous le projet islamiste ? C’est la mise en œuvre d’une société théocratique et dictatoriale, xénophobe et ségrégationniste, fondée sur des lois religieuses, donc indiscutables. C’est la volonté d’instituer des sociétés du même type que celles du moyen âge où se déploie l’Inquisition, ou encore celle de la Chine traditionnelle ou du Japon de l’aube de la modernité. C’est la volonté de dominer le monde et de remplacer l’Occident, si haï car si admiré, dans ce rôle. [Il s’agit, comme le fit le nazisme auprès des Allemands, d’exacerber le ressentiment chez tous les musulmans et d’éveiller la nostalgie de l’empire, ici du Califat, thématiques abordées explicitement par les islamistes tunisiens depuis la campagne électorale d’octobre.] Ce projet s’appuie notamment sur la prégnance de normes religieuses dans les Constitutions de tous les pays musulmans – mis à part le Liban – qui, des plus laïcs et inspirés par l’Occident (Tunisie, Turquie, Algérie,...) aux plus islamistes (Barheïn, Qatar, Arabie Saoudite,...), ont toujours maintenu tout ou partie des lois fondées par l’islam dans leur législation. Ainsi, par exemple, dans tous les pays arabes, des lois interdisent à un non-musulman d’épouser une musulmane, sauf si l’homme se convertit à la foi de sa future épouse. Le débat sur la référence à l’origine judéo-chrétienne des Européens dans la Constitution européenne, quoi qu’on en pense, a pu se poser. Initier un tel débat au sein du monde arabo-musulman est tout simplement impossible encore à l’heure actuelle : la question pour les Etats arabes, qu’ils soient progressistes ou islamistes radicaux, est réglée et depuis fort longtemps. La base de leur législation est la Shari’a, plus ou moins présente et appliquée en fonction des pays. Car, pour les musulmans, la religion et la « citoyenneté » sont confondues historiquement depuis la naissance de l’islam. C’est cette prégnance de l’islam et dans les lois et dans la vie civile que le projet islamiste veut radicaliser. Il entend pour cela raviver une division traditionnelle encore présente dans l’esprit de certains musulmans. Traditionnellement, ces derniers divisent le monde en trois zones : il y a d’abord Dar islam : Maison / Terre de l’islam, lieux où les musulmans sont dominants et où la société est entièrement régie par des lois islamiques ; ensuite, Dar el daw’a : Maison / Terre de prédication, appelée aussi Dar solh, Terre où l’islam doit être restauré : pays non-musulmans dont la conquête se doit d’être subtile car limitée par des traités de paix provisoires et relatifs aux rapports de forces et aux enjeux divers en présence. Et enfin, Dar arb, Maison / Terre de guerre, territoires non-musulmans à conquérir par la force et à soumettre, appelés aussi Dar el koufar, terre de mécréants. Ces deux derniers termes englobent bien entendu la France. Comment, dès lors, interpréter les récentes et généreuses propositions d’aides financières du Qatar pour la réhabilitation de certaines banlieues françaises où nous vivons et qui sont socialement et matériellement en ruine ; ou encore les non moins généreuses subventions des pays du Golfe à la vie associative « culturelle et cultuelle » en France ? Comment entendre les revendications des musulmans en France pour la prise en compte de leur religion dans l’arsenal juridique, les installations municipales, ou encore dans les pratiques médicales d’un pays pourtant laïc ?
Vouloir vraiment une société égalitaire, animée par des individus responsables d’eux-mêmes et de leur entourage, c’est refuser la ségrégation sociale et sexuelle, le féodalisme, le clanisme, le colonialisme et la domination des uns par les autres. C’est alors, aussi, voir dans l’émergence croissante de cette bigoterie revendicative une menace pour les acquis de siècles de luttes sanglantes pour la liberté des hommes et des femmes de ce pays et d’ailleurs. C’est enfin refuser cette réaction face au vide spirituel et social occidental contemporain, et la dénoncer publiquement comme telle. Nous ferions preuve de la même clairvoyance et intransigeance si l’idée venait à certains esprits malades et vindicatifs de se bricoler une identité nazie en remettant au goût du jour la mode vestimentaire des Skinheads dans nos rues.
Qui peut croire que les populations françaises, immigrées ou non, resteront tranquillement et éternellement passives face à l’indécence du déploiement du projet islamique en France et des comportements provocateurs et belliqueux qui en émanent ? A chaque aveuglement, il suffit à la droite et à l’extrême droite nationale d’évoquer ce qui se donne à voir de manière évidente pour l’exacerber et en faire un élément à charge.
Les prières de rue, nées il y a maintenant plus de dix ans aux pieds de la butte Montmartre – quartier historique baigné du sang de la lutte des Communards – n’ont provoqué aucune réaction, si ce n’est de l’extrême droite, qui voit là une occasion de grossir ses rangs. Pourquoi jamais aucun collectif d’immigrés arabes n’a manifesté contre ces prières et la construction de mosquées ? Pourquoi le comportement provocateur de certains des nôtres n’est-il jamais dénoncé massivement et publiquement par nous-mêmes ? En désertant ce terrain, nous donnons raison aux discours racistes, qui prennent prétexte de ce spectacle donné par la catégorie la plus fanatique, la plus bruyante et hystérique, et la moins représentative des musulmans en général. Déserter cet espace c’est également et de fait soutenir par son silence le projet islamiste.
L’expression islamiste
Lorsque nous voulons discuter le fait de se revendiquer publiquement musulman aujourd’hui avec n’importe quel adepte de cette religion, nous entendons souvent l’objection : « Nous, nous voulons vivre notre islam tranquille. C’est notre religion. Pourquoi devrions-nous nous justifier tout le temps d’être musulmans ? ». Pourquoi, effectivement, celui qui se revendique de l’islam devraient-ils se distinguer publiquement de toutes les monstruosités qui se sont faites et se font continuellement en son nom ? Pourquoi, en effet, tandis que l’extrême droite cherche à l’amalgamer aux terrorismes et aux régimes théocratiques, devrait-il s’en distinguer ? Qui que l’on soit, si l’on se réclame de quelque chose, il faut en assumer l’histoire ancienne comme l’actualité brûlante : communistes, colonialistes, militaires, nazis ou islamistes doivent pouvoir répondre de leur engagement. Et ce d’autant plus lorsqu’il se donne à voir de façon explicite par la tenue vestimentaire ou le port d’un signe particuliers : déambuler en tenue de djihadiste ou en voile islamique n’a rien d’innocent aujourd’hui, et l’on se demande ce que seraient les réactions si d’aucuns se mettaient à arborer, en France même, un casque colonial ou un tee-shirt avec francisque...
Car il ne s’agit pas, ainsi, de vivre « sa » religion « tranquille » : il s’agit de militer, qu’on le sache ou non, pour une forme d’islam très particulière, celle qui est entrée dans nos salons au début des années 1990 via les chaînes satellitaires du Golfe et notamment salafistes, celle qui pourchasse et souvent massacre non-croyants, non-musulmans, femmes, homosexuels, opposants politiques, journalistes, artistes et acteurs de la lutte pour la laïcité et la liberté de culte. C’est encourager l’affirmation de la discrimination sur la base du sexe et de la religion. Il s’agit de pratiquer « sa religion » non pas de façon intime, mais politique. Il s’agit d’adhérer à un projet de domination clair et récent, aux multiples visages, et qui ravage l’Égypte, l’Iran, l’Algérie, l’Afghanistan, etc., depuis plus de trente ans. Les immigrés qui le soutiennent, de quelque façon que ce soit, se mettent vis-à-vis de la population française dans la position suivante : l’argent que nous pouvons gagner et le confort matériel dont nous pouvons jouir ici nous intéressent ; Cependant, nous insultons publiquement et quotidiennement votre culture, et principalement toutes vos valeurs conquises par des siècles de luttes, la laïcité en premier lieu.
Ce type de posture porte un nom : c’est une attitude coloniale.
Comment les arabes ont découvert l’islamisme
En France, l’islamisme progresse. Un islamisme ordinaire, explicite ou insidieux. Il rencontre au pire la bienveillance, voire le soutien militant d’une partie d’entre nous, immigrés arabes, et au mieux l’indifférence et une tolérance peureuse. Car nombreux sont ceux d’entre nous qui ressentent un profond malaise face au déferlement de bigoterie islamique ; certains luttent quotidiennement dans leur famille, dans leur quartier, en refusant par exemple de faire le Ramadan, de porter le voile ou la barbichette, de se sentir menacés lorsqu’on abat Ben Laden ou qu’on interdit le port du voile dans les lieux publics mais, surtout, en refusant de céder à la réduction de leur identité arabe à l’islam. Cependant, cette opposition semble vouée à ne pas dépasser la résistance passive, c’est-à-dire individuelle et non organisée. En France, il semble très difficile pour les immigrés arabes de ne pas osciller, de ce point de vue, entre le mutisme et l’agressivité.
Nous venons de, et sommes liés à des sociétés où la sociabilité est encore une réalité très forte, où il est naturel par exemple de réprimander un enfants qui fait une bêtise dans la rue, même si cet enfant n’est pas le vôtre, où il est encore possible d’intervenir pacifiquement dans des situations de conflit dans la rue et de prévenir la violence des uns et des autres sans avoir recours à la police, où les déplacements de l’handicapé et du vieillard sont collectivement, spontanément et anonymement accompagnés, etc. Nous faisons régulièrement, dans nos voyages vers nos pays d’origine, l’expérience de sociétés encore socialement vivantes et nous en revenons d’autant plus atterrés par l’aspect humainement glacial de nos villes françaises, sans parler des campagnes moribondes. Partout le désert social français avance, chose à laquelle les immigrés provenant de cultures traditionnelles sont loin d’être insensibles. Petits, nous avons souvent été dérangés par la posture de nos parents, qui se réduisait alors à la fin des années 1960 à celle de l’immigré toléré sous condition de silence total. Nous vivions alors dans le bled el ness, le pays des gens, des autres ; trop bruyants dans nos jeux d’enfants, nos parents brandissaient la menace de la boulicia française qui allait venir nous chercher et nous renvoyer dans nos contrées. Enfermés dans cette posture, difficile d’envisager le combat militant... On remarquera toutefois que l’activisme pro-palestinien échappe curieusement à la règle.
Dans nos familles, la dimension religieuse était alors insignifiante, du moins jusqu’au début des années 1990 ; les doctrines islamistes propagées par les chaînes satellitaires saoudiennes furent précédées de peu par la diffusion sur le marché français de cassettes vidéo de propagande islamiste, notamment celles du Front Islamique du Salut (FIS), parti islamiste algérien. L’arrivée de ces chaînes déversant une propagande salafiste fut accueillie dans nos familles comme une invitation effective au fétichisme religieux archaïsant et à la rupture avec la société française en état de léthargie politique et culturelle. Nous avons, à ce moment-là, assisté avec douleur à la ruine de dizaines d’années de volonté de faire partie de ce pays, et pas uniquement d’un point de vue économique. Par un curieux retournement, et pour diverses raisons, cette position de soumission et d’effacement laissa progressivement la place à une attitude religieuse offensive, fût-ce uniquement en privé dans un premier temps : Bled el ness, le pays des gens, devint petit à petit, et de plus en plus, bled el koufar, le pays des mécréants, à mesure que disparaissaient les espaces laïcs de socialisation. Mafich insanni, il n’y a pas de chaleur humaine, dit l’Arabe moyen en parlant de l’Occident, avant de se tourner naturellement vers les lieux de culte musulmans, qui promettent, et offrent, contacts humains, éducation stricte, principes moraux, échanges sociaux, etc. Le prix à payer de cet engagement du religieux dans le social est sciemment ignoré, ce prix étant la participation au projet islamiste et aux ravages qu’il opère sur les individus, et en premier lieu les femmes. Les mères musulmanes savent, ou ne savent peut être pas, ce qu’elles font lorsque, par exemple, elles choisissent de confier leurs enfants à la mosquée du quartier, une à deux après-midi par semaine, pour que ceux-ci y apprennent l’arabe coranique et chanter Allah akbar : elles confient cet apprentissage et leurs petites filles de cinq ans, faites femmes par le port du voile, à des individus qui pensent que la femme est mariable, et donc désirable à neuf ans. Dans une société d’individus responsables, on devrait interdire à ce type de personnes d’approcher un enfant ou un groupe d’enfants de près ou de loin. Le fait qu’il n’y ait aucune réaction, ni des amis de l’enfance et des femmes, ni de ceux de la connaissance et de l’égalité, musulmans ou pas, face à l’obscénité d’une situation « pédagogique » aux conséquences lourdes quant à la relation aux hommes, à la loi et à la foi de ces enfants, donne une idée de l’état ravagé des forces émancipatrices dans ce pays.
Les damnés de l’identitaire
Nous aimerions que se taisent une fois pour toute et définitivement les voix de ces chantres d’un islam pseudo-mystique et bobo et du narcissisme identitaire comme celles des Diam’s, Akhenaton, Kerry James et autres rappeurs opportunistes, qui s’attachent à dénoncer le racisme anti-immigrés, support infini de fantasmes, dénonciation qui a pour effet d’occulter leur xénophobie bien réelle, elle. Nous aimerions, surtout, entendre plus souvent et avec plus de force des voix combatives pour la liberté et l’égalité, comme celle du chanteur du groupe Zebda en concert, qui après avoir caressé son public immigré de la Goutte d’Or dans le sens du poil en lui servant la litanie de ses chants antiracistes, clôt son concert en invitant son auditoire à la vigilance et au combat « contre tous les intégrismes », au cœur du quartier qui a vu naître l’intégrisme musulman en France.
Bien que l’exercice de l’autocritique collective – vital pour qui veut ériger une société authentiquement démocratique – se raréfie, il nous est encore possible de trouver des gens au sein de la société française avec lesquels nous pouvons la regarder sans fard. Nous pouvons assez facilement encore critiquer toutes les mouvances et expériences politiques de France et d’Occident en général – du moins en Occident... L’épisode colonial, par exemple, n’est aujourd’hui un « tabou » pour personne. Se livrer au même exercice collectif, et par essence démocratique, appliqué cette fois à la société et à l’individu arabo-musulman nous est quasiment impossible sans rapidement verser dans l’auto-flagellation, l’auto-dénigrement ou au contraire l’hyper-idéalisation, que ce soit avec des Arabes ou des Français dits de souche, qu’ils soient politisés ou non. Il serait pourtant salutaire qu’enfin nous puissions regarder sérieusement et sans drame autant les sociétés dont nous sommes issus, que le phénomène d’émigration/immigration dont nous ne sommes pas moins issus, sans pour autant nous aveugler face aux tares de la sociétés française où nous vivons. Il ne s’agit pas de minimiser, snober ou idôlatrer les réussites sociales et politiques dont nous jouissons et auxquelles nous tenons, et pas plus de nier, exacerber, enjoliver ou déprécier la part de notre héritage arabe : il s’agit, encore une fois, de tenir ensemble un regard critique sans complaisance sur nos existences.
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