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vendredi 29 juin 2012
par  LieuxCommuns

Élections françaises 2012 : L’oligarchie à visage humain

Ce texte fait partie de la brochure n°20, « Démocratie directe : Principes, enjeux, perspectives - Première partie : Contre l’oligarchie, ses fondements politiques, sociaux et idéologiques ». Elle est en vente pour 3€ dans nos librairies. Son achat permet notre auto-financement et constitue un (…)

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jeudi 9 août 2012 à 15h12 - par  Riton les manivelles

Daniel, j’ai l’impression qu’il y a un malentendu dans cette discussion sur la « société de consommation ». Quand je dis, quand nous disons, qu’il y a adhésion des gens à la société de consommation, ce n’est pas un jugement de valeur dévalorisant sur nos contemporains que nous portons, c’est un constat que nous faisons, constat dans lequel, bien évidemment, nous nous incluons, « les gens », c’est moi, c’est toi, c’est eux, c’est nous , nous n’avons pas la prétention de nous prétendre meilleurs que notre époque, nous sommes, nous aussi, les produits de celle-ci. Nous ne disons pas plus (moi en tout cas…) que les gens sont aliénés parce qu’ils consomment compulsivement de la bouffe, des fringues, des spectacles, des produits culturels, des vacances, des voyages, etc. Au nom de quoi pourrions-nous nous permettre de dire cela ? Un point de vue supérieur ? Une supériorité morale ? Une compréhension du monde plus lucide que la moyenne ? Une intelligence omnisciente ? Une théorie sociale, politique, une religion à imposer ? Socialisme ou Barbarie ? Arrêtons de parler d’aliénation à tout propos, c’est une facilité qu’utilisent les milieux « radicaux » ou « révolutionnaires » depuis d’innombrables décennies pour expliquer pourquoi les gens ne se révoltent pas, pourquoi ils ne font pas la révolution, alors que tout devrait les inciter à cela dans le monde tel qu’il est… C’est une façon aussi de dire « nous » nous sommes supérieurs, nous réfléchissons à ces choses, nous ne sommes donc plus aliénés (c’est bien sûr toujours les autres qui sont aliénés, jamais ceux qui emploient le concept d’aliénation…). Et c’est surtout dénier toute liberté et toute responsabilité à ceux qui sont « dominés », les traiter comme des mineurs dénués de conscience (il y a évidemment des « dominants » qui en profitent et des « dominés » qui en bavent dans notre monde, mais il y a aussi des salauds, des profiteurs, des parasites, des ennemis de la liberté, de l’égalité, de la justice parmi ceux-ci… Chacun nait avec la capacité d’avoir un jugement moral, est doté d’un libre arbitre, a la possibilité de faire des choix en arrivant à l’âge adulte…) Il y a adhésion des gens - adhésion profonde ! – à notre société (moderne, occidentale) parce qu’elle apporte (qu’elle apportait ?), grâce aux découvertes de la science et aux révolutions de la technique, le confort, le bien-être, mais aussi la sécurité et des libertés individuelle grâce à des siècles de luttes sociales, à la grande majorité des populations des pays « riches », et même à ceux qui y sont « pauvres » (du pain, des jeux… et l’habeas corpus). Ceux qui en sont exclus, ici et là-bas, ne demandent qu’une chose, c’est de pouvoir y être inclus. Encore une fois ce n’est pas un jugement de valeur, cela n’a rien de trivial. Il est tout à fait naturel et normal, bien d’accord avec toi là-dessus, de vouloir ou d’avoir un toit confortable, l’eau courante, l’eau chaude, le tout-à-l’égout, du chauffage quand il fait froid et la climatisation quand il fait trop chaud (ça il va falloir s’y habituer…). Tout autant de manger à sa faim, et pas seulement des céréales…, d’avoir une voiture pour aller au travail ou pour partir en vacances/week-ends, de vouloir voyager partout sur la planète à moindre coût, de consommer des spectacles et des produits culturels, etc.… Il faut se souvenir de ce qu’étaient les conditions de vie misérables des paysans jusqu’à la Troisième République dans certaines régions de la France et aujourd’hui encore dans les sociétés traditionnelles (lire « La Fin des Terroirs » d’Eugen Weber entre autres), et celles révoltantes des ouvriers, et du peuple en général, après la Révolution Industrielle en Europe et aux Etats-Unis (relire Villermé, Engels , Dickens, Hugo , Zola, Flora Tristan, Emma Goldman, Jack London , Orwell , Carlo Levi, E.P. Thompson, etc., etc…) pour comprendre cet attachement à ce confort et ce bien-être (on précisait « bourgeois » à une époque). Ne pas oublier non plus les impressions sur la mentalité populaire qu’ont entrainées les destructions de la Seconde Guerre mondiale et la crise du logement d’une dizaine d’années qui a suivi. Les ouvriers, les franges les plus conscientes en tout cas, toujours minoritaires hélas, se sont battus pour le socialisme bien sûr, pour un monde de justice et d’égalité, mais aussi, et avant tout pour la grande majorité, pour des conditions de vie meilleures. Ils ont fini par obtenir une amélioration de leur sort en Occident, mais ça a fini aussi par entraîner l’évanescence de leur conscience de classe à la longue, c’est le propre de la recherche du confort et du bien-être individuel de séparer et d’atomiser les gens… Le problème, c’est que ce mode de vie, si séduisant et si persuasif, multiplié par quelques milliards d’individus provoque , on s’en est aperçu depuis une quarantaine d’années, des conséquences désastreuses, et sur les mentalités et sur la planète, je ne vais pas te faire le topo détaillé là-dessus, tu le connais aussi bien que moi (il faut de l’énergie, et beaucoup, pour faire tourner ce système et pour répondre aux attentes des populations atomisées et consommatrices, d’où accumulation monstrueuse de CO2 dans l’atmosphère, d’où dérèglements climatiques, sécheresses désastreuses, inondations et tempêtes meurtrières, d’où manque d’eau, famine et misères, guerres, etc…). Que l’oligarchie, les industriels, les aménageurs, les décideurs, les capitalistes soient les plus gros pollueurs, gaspilleurs, destructeurs, pas de doute là-dessus, mais nous ne pouvons pas affirmer tranquillement que nous-mêmes, les « exploités », les « dominés » soyons totalement innocents des ravages provoqués sur notre environnement. Il y a une « complicité » de notre part, si on veut ce mode de vie, la voiture individuelle, les voyages, les conforts, on a et on aura aussi ces destructions… Il faudrait évidemment recréer des liens sociaux, pour lutter contre ce monde catastrophique, ces rapports capitalistes qui effectivement dissolvent partout les communautés, les sociétés, les cultures, uniformisent la planète. Mais je suis dubitatif (par expérience !) sur le fait que les gens seraient « frustrés » par le manque ou l’absence de ceux-ci (à moins que l’on considère qu’il y ait une « essence » de l’homme, animal social, ou que l’on détient un étalon de la bonne vie, c’est donc un jugement de valeur, et là-dessus chacun a son opinion...). La plupart des gens ont encore des « liens sociaux », la famille, les amis, les collègues, les amours éphémères, et ils s’en contentent grandement en général. La vie en en société, en communauté, ils cherchent , dans leur grande majorité en Occident en tout cas, à y échapper parce que les rapports à la longue avec ceux que l’on n’a pas choisis sont vécus comme contraignants, emmerdants, frustrants, etc. (le fameux rêve de l’ile déserte – où on se fait chier comme un rat mort en général – ou de la vie entre-soi avec quelques copains avec qui l’on partage des affinités dans un squat ou une communauté rurale dont on a pu constater l’échec des années 70) . La conquête de l’intimité, de la possibilité d’échapper aux sociétés de reproduction, à l’emprise de la collectivité sur la façon de mener sa vie, est une des grandes victoires des luttes des individus en Occident (cf.les analyses de Louis Dumont sur l’individualisme), et les gens tiennent à ces libertés individuelles comme à la prunelle de leurs yeux (qui se traduit par « Je fais ce que je veux ! Personne n’a le droit de me dicter ma conduite. »). C’est aussi cet « individualisme » (ce conformisme généralisé), qui explique l’atomisation de nos sociétés, et évidemment le paradoxe, c’est que les gens souffrent de solitude qui est le produit de cet individualisme auquel on tient tant… Voilà aussi pourquoi les militants, les « révolutionnaires », ceux qui veulent changer la vie dans un sens « socialiste » (et pas seulement Lieux Communs) ont tant de mal à faire passer leurs idées dans l’opinion publique, à se faire entendre autour d’eux (nous sommes vus comme des dinosaures rescapés du passé…). Voici des extraits de deux interventions, parmi beaucoup d’autres, d’un camarade d’origine grecque dont j’ai oublié le nom (mais je l’ai sur le bout de la langue) qui indiquent qu’il avait bien conscience de ces problèmes sur lesquels je suis encore plus pessimiste que lui (Il y voit un processus de fabrication, j’y vois une adhésion en toute connaissance de cause (« La catastrophe ? Et alors ? ») :

« … Il n’y a pas de besoins naturels. Toute société crée un ensemble de besoins pour ses membres et leur apprend que la vie ne vaut la peine d’être vécue, et même ne peut être matériellement vécue que si ces besoins-là sont « satisfaits » tant bien que mal. Quelle est la spécificité du capitalisme à cet égard ? En premier lieu, c’est que le capitalisme n’a pu surgir, se maintenir, se développer, se stabiliser (malgré et avec les intenses luttes ouvrières qui ont déchiré son histoire) qu’en mettant au centre de tout les besoins « économiques ». Un musulman, ou un hindou, mettra de côté de l’argent toute sa vie durant, pour faire le pèlerinage de La Mecque ou de tel temple ; c’est là pour lui un « besoin ». Cela n’en est pas un pour un individu fabriqué par la culture capitaliste : ce pèlerinage, c’est une superstition ou une lubie. Mais pour ce même individu, ce n’est pas superstition ou lubie, mais « besoin » absolu, que d’avoir une voiture ou de changer de voiture tous les trois ans, ou d’avoir une télévision-couleur dès que cette télévision existe. En deuxième lieu, donc, le capitalisme réussit à créer une humanité pour laquelle, plus ou moins et tant bien que mal, ces « besoins » sont à peu près tout ce qui compte dans la vie. Et, en troisième lieu - et c’est un des points qui nous séparent radicalement d’une vue comme celle que Marx pouvait avoir de la société capitaliste -, ces besoins qu’il crée, le capitalisme, tant bien que mal et la plupart du temps, il les satisfait. Comme on dirait en anglais : He promises the goods, and he delivers the goods. La camelote, elle est là, les magasins en regorgent - et vous n’avez qu’à travailler pour pouvoir en acheter. Vous n’avez qu’à être sages et à travailler, vous gagnerez plus, vous grimperez, vous en achèterez plus, et voilà. Et l’expérience historique est là pour montrer qu’à quelques exceptions près, ça marche : ça marche, ça produit, ça travaille, ça achète, ça consomme et ça remarche. A cette étape de la discussion, la question n’est pas de savoir si nous « critiquons » cet ensemble de besoins d’un point de vue personnel, de goût, humain, philosophique, biologique, médical ou ce que vous voudrez. La question porte sur les faits, sur lesquels il ne faut pas nourrir d’illusions. Brièvement parlant, cette société marche parce que les gens tiennent à avoir une voiture et qu’ils peuvent, en général, l’avoir, et qu’ils peuvent acheter de l’essence pour cette voiture. C’est pourquoi il faut comprendre qu’une des choses qui pourraient mettre par terre le système social en Occident ce n’est pas la « paupérisation », absolue ou relative, mais, par exemple, le fait que les gouvernements ne puissent plus fournir aux automobilistes de l’essence. Il faut bien réaliser ce que cela signifie. Lorsque nous parlons du problème de l’énergie, du nucléaire, etc., c’est en fait tout le fonctionnement politique et social qui est impliqué, et tout le mode de vie contemporain. Il en est ainsi à la fois « objectivement » et du point de vue des gens, et à cet égard nos critiques de l’abrutissement consommationniste comptent peu. On peut facilement illustrer la situation, moyennant les futurs - et déjà présents et passés - discours électoraux du citoyen Marchais, expliquant : primo, si vous n’avez plus d’essence pour rouler, c’est la faute des trusts, des multinationales et du gouvernement qui fait leur jeu ; et, secundo, si le Parti communiste vient au pouvoir, il vous donnera de l’essence parce qu’il ne se soumettra plus aux multinationales mais aussi parce que notre grande alliée, amie du peuple français et grand producteur de pétrole, l’Union soviétique, nous en fournira (peu importe si les choses commencent à aller très mal là-bas également, à cet égard aussi). On voit là un scénario possible ; comme aussi il existe un scénario possible du côté apparemment opposé - je dis bien apparemment -, c’est-à-dire du côté d’une démagogie néofasciste, qui pourrait se développer à partir de la crise de l’énergie et de ses retombées de toutes sortes. La crise de l’énergie n’a de sens comme crise, et n’est crise, que par rapport au modèle présent de société. C’est cette société-ci qui a besoin, chaque année, de 10 % de pétrole ou d’énergie de plus pour pouvoir continuer à tourner. Cela veut dire que la crise de l’énergie est, en un sens, crise de cette société. Ainsi, elle contient en germe - c’est là une question à laquelle c’est beaucoup plus à vous qu’à moi de répondre - la mise en cause par les gens de l’ensemble du système ; mais peut-être contient-elle aussi en germe la possibilité que les gens suivent au plan politique les courants les plus aberrants, les plus monstrueux. Car, telle qu’elle est, cette société ne pourrait probablement pas continuer si on ne lui assurait pas ce ronron de la consommation croissante. Elle pourrait se remettre en cause, en disant : ce que l’on est en train de faire est complètement fou, la façon selon laquelle on vit est absurde. Mais elle pourrait aussi s’agripper au mode de vie actuel, en se disant : tel parti a la solution, ou : il n’y a qu’à mettre à la porte les juifs, les Arabes, ou je ne sais pas qui, pour résoudre nos problèmes. Telle est la question qui se pose, et que je vous pose, actuellement : où en est la crise du mode de vie capitaliste pour les gens ? Et que pourrait être une activité politique lucide qui accélère la prise de conscience de l’absurdité du système et aide les gens à dégager les critiques du système qui, certainement, se forment déjà à droite et à gauche ?... » ( http://www.magmaweb.fr/spip/spip.ph... )

« … De toute façon il y a un irréductible désir. Si vous prenez les sociétés archaïques ou les sociétés traditionnelles, il n’y a pas un irréductible désir, un désir tel qu’il est transformé par la socialisation. Ces sociétés sont des sociétés de répétition. On dit par exemple : « Tu prendras une femme dans tel clan ou dans telle famille. Tu auras une femme dans ta vie. Si tu en as deux, ou deux hommes, ce sera en cachette, ce sera une transgression. Tu auras un statut social, ce sera ça et pas autre chose. » Or, aujourd’hui, il y a une libération dans tous les sens du terme par rapport aux contraintes de la socialisation des individus. On est entré dans une époque d’illimitation dans tous les domaines, et c’est en cela que nous avons le désir d’infini. Cette libération est en un sens une grande conquête. Il n’est pas question de revenir aux sociétés de répétition. Mais il faut aussi - et c’est un très grand thème - apprendre à s’autolimiter, individuellement et collectivement. La société capitaliste est une société qui court à l’abîme, à tous points de vue, car elle ne sait pas s’autolimiter. Et une société vraiment libre, une société autonome, doit savoir s’autolimiter, savoir qu’il y a des choses qu’on ne peut pas faire ou qu’il ne faut même pas essayer de faire ou qu’il ne faut pas désirer. Nous vivons sur cette planète que nous sommes en train de détruire, et quand je prononce cette phrase je songe aux merveilles, je pense à la mer Egée, je pense aux montagnes enneigées, je pense à la vue du Pacifique depuis un coin d’Australie, je pense à Bali, aux Indes, à la campagne française qu’on est en train de désertifier. Autant de merveilles en voie de démolition. Je pense que nous devrions être les jardiniers de cette planète. Il faudrait la cultiver. La cultiver comme elle est et pour elle-même. Et trouver notre vie, notre place relativement à cela. Voilà une énorme tâche. Et cela pourrait absorber une grande partie des loisirs des gens, libérés d’un travail stupide, productif, répétitif, etc. Or cela est très loin non seulement du système actuel mais de l’imagination dominante actuelle. L’imaginaire de notre époque, c’est celui de l’expansion illimitée, c’est l’accumulation de la camelote - une télé dans chaque chambre, un micro-ordinateur dans chaque chambre -, c’est cela qu’il faut détruire. Le système s’appuie sur cet imaginaire- là. La liberté, c’est très difficile. Parce qu’il est très facile de se laisser aller. L’homme est un animal paresseux. Il y a une phrase merveilleuse de Thucydide : « Il faut choisir : se reposer ou être libre. » Et Périclès dit aux Athéniens : « Si vous voulez être libres, il faut travailler. » Vous ne pouvez pas vous reposer. Vous ne pouvez pas vous asseoir devant la télé. Vous n’êtes pas libres quand vous êtes devant la télé. Vous croyez être libres en zappant comme un imbécile, vous n’êtes pas libres, c’est une fausse liberté. La liberté, c’est l’activité. Et la liberté, c’est une activité qui en même temps s’autolimite, c’est- à-dire sait qu’elle peut tout faire mais qu’elle ne doit pas tout faire. C’est cela le grand problème de la démocratie et de l’individualisme. » ( http://www.magmaweb.fr/spip/spip.ph... )

Cordialement. Henri

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