Laissées plus de six mois sans réponse « officielle » – comme nous le notions –, les thèses de S. Smith en ont enfin reçue une par la voix de François Héran. Titulaire de la chaire « Migrations et sociétés » au Collège de France et directeur l’Institut convergences Migrations coordonné par le CNRS, il a publié ce 18 septembre « Comment se fabrique un oracle. La prophétie de la ruée africaine sur l’Europe » simultanément sur les sites de La Vie des idées et de son institut.
Le fond de son argumentation est fort curieuse.
Il commence par avaliser largement l’explosion démographique subsaharienne (doublement de la population d’ici 2050 pour atteindre 2,2 milliards) ainsi que le phénomène d’émigration provoqué par le développement (les aides au développement sont bien un prime au départ). Tout cela, précise F. Héran, est largement connu depuis plus de trente ans, et une bonne partie du texte reproche même à S. Smith de les ignorer… Stratégie classique de défense, qui consiste à passer subitement du déni à l’accusation de trivialité, le tout saupoudré du reproche d’amateurisme (laissez donc faire les spécialistes).
Où pêcherait donc la projection de ce S. Smith, en annonçant des migrations massives de l’Afrique vers l’Europe ? Le raisonnement de F. Héran est simple : (1) l’Afrique ne va pas se développer, nous dit notre spécialiste des migrations, et son taux de fécondité ne va pas baisser ; (2) les populations de ce type de pays n’émigrent pas (chiffres, tableaux et graphiques à l’appui, ad nauseum), donc ; (3) les subsahariens n’immigreront pas en Europe. Il s’ensuit que « si l’on ouvrait davantage les frontières, ce n’est pas la « misère du monde » qui s’inviterait chez nous mais la richesse émergente », comme tout le monde peut le constater, et l’immigration en provenance du Mexique, de la Turquie, de Maghreb et de l’Asie Centrale va donc continuer.
François Héran nous annonce donc une bonne nouvelle : l’Afrique subsaharienne va continuer de se sur-peupler et de se paupériser (on évoquera une autre fois les conséquences du changement climatique, les guerres probables, les famines prévisibles et les épidémies en cours) mais l’Europe n’a vraiment rien à craindre (sauf si elle aide l’Afrique à se développer).
On connaissait le cynisme des partisans des mouvements massifs de populations, il s’étale là dans toute sa splendeur. Les multinationales occidentales et asiatiques peuvent continuer à piller l’Afrique, les roitelets locaux à pousser leur classe moyenne au départ, les passeurs à faire leur boulot, le patronat à liquider les vestiges des résistances ouvrières, les oligarchies à fragmenter leurs populations et liquider les institutions de solidarité, et, par-dessus tout, les bien-pensants à bien-penser. C’est ça qui, en définitive, est important, non ?
LC
En réponse à...