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vendredi 23 mars 2018
par  LieuxCommuns

Sur les fondements idéologiques et les destinées politiques du revenu d’existence (4/4)

Voir la partie précédente (.../...) 2- L’instauration d’une société oligarchique La mise en place éventuelle d’un ersatz de Rente Universelle dépend d’une multitude de facteurs, dont le rythme de ralentissement de la croissance mondiale, qui est inéluctable et corrélé à l’accès aux (…)

En réponse à...

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lundi 2 avril 2018 à 12h28 - par  LieuxCommuns

Bonjour,

Ce n’est pas simple de vous répondre parce que nous distinguons mal où se situeraient précisément vos désaccords avec les arguments avancés dans le texte en question.
Abordons les choses dans l’ordre.

1 — Vous ne comprenez pas pourquoi nous ne distinguons pas fondamentalement les versions « libérales » du revenu d’existence de leurs versions « émancipatrices ». C’est justement l’objet de toute une partie du texte, qui cite notamment l’anomie, sur lequel vous vous questionnez. Vouloir allouer un revenu inconditionnel à chacun part du principe que les activités libres de chacun auront une utilité commune, une complémentarité assurée et une continuité, sans aucune coordination explicite ni règlement des litiges, et que naturellement toutes les fonctions de production seront remplies, aussi complexe soient-elles... C’est pour nous la reconduction du mythe d’une « bonne » auto-organisation, spontanée, naturelle et efficace, commun aux courants libéraux (la « main invisible ») et gauchistes (l’autogestion miraculeuse) – c’est ce que nous appelons « anomie » (« sans règles »). Cette croyance très « rousseauiste » est tenace et se trouve à l’opposé de ce que nous entendons par démocratie directe : la délibération puis l’accord collectif sur une tâche et la manière de la réaliser. On nous cite l’exemple inusable de Wikipedia, nous parlons de l’extraction des terres rares, de la fabrication des circuits imprimés et du démantèlement des centrales nucléaires.

2 — Ensuite, dire qu’un équivalent non monétaire du revenu d’existence serait une constante dans l’histoire des sociétés humaine est un peu rapide. Ce que montre le matériel historique et ethnographique est plutôt des systèmes de dépendances familiaux, claniques, tribaux ou étatiques absolument pas assortis de libertés individuelles ou collectives, et coexistant tout de même avec la pauvreté, la mendicité, l’exploitation, l’aliénation, le bannissement... Pas sûr que les protections sociales contemporaines, particulièrement en France, de ce point de vue précis, aient tellement à pâlir...

3 — Vous évoquez par la suite le fait que le revenu d’existence n’a de sens que pris dans un ensemble d’autre dispositifs, comme les monnaies locales, la socialité, le circuit don-contre-don, les « communs », etc.
Mais de deux choses l’une : soit le revenu d’existence une fois mis en place aidera à ou permettra de les faire émerger, soit il ne prendra sens qu’une fois ces dispositifs déjà existant. Dans le premier cas, des arguments sont déjà largement avancés dans le texte et il faudrait y répondre. Nous ne voyons pas en quoi augmenter les versements déjà découplés de l’activité (RSA, APL, chômage, allocations diverses, etc) changerait quoi que ce soit aux grandes dynamiques sociales qui se déploient depuis l’après-guerre, au moins : désocialisation, oligarchisation, pillage écologique, hyper-technologisation, etc.
Dans le second cas la position que vous défendez est étrange : elle consiste à accompagner la banalisation d’une mesure identifiée comme« libérale » parce que, appliquée dans un contexte social et politique très particulier et très improbable, elle aurait des vertus émancipatrices...

Cette position est très répandue et amène plusieurs remarques :

  • D’abord le fameux « projet de société » dans lequel devrait prendre place le revenu inconditionnel est toujours abordé de manière très allusive. Il s’agit en général de quelques concepts plus ou moins évocateurs sans qu’une réelle réflexion politique n’y soit menée, qui aborde les questions les plus cruciales, qui sont aussi les plus difficiles. Par exemple pour le sujet qui nous occupe ici : comment concilier amenuisement des ressources naturelles et large redistribution des richesses ? La rhétorique des « communs » ne nous semble que recycler des bonnes intentions.
    Pour notre part, nous avons tenté de nous plier à l’exercice (ici), sans véritablement trouver d’interlocuteurs pour en discuter. Il nous semble qu’il s’agit souvent d’utopies à bon compte, qui se soucient bien peu des processus (aujourd’hui, délocalisés, hyper-techonologisés, énergivores, etc.) de production au profit de la consommation (d’où l’expression « communisme de consommateur ») et ne servent finalement qu’à défendre le fantasme d’une Rente Universelle.
  • Ensuite, les monnaies locales, pour ne prendre que cet exemple, posent en elles-mêmes énormément de problème qui ne semblent même pas discutés. Les quelques éléments d’analyse dont nous disposons (par exemple ici ou ) ne le sont pas, et débouchent sur des questions que bien peu osent regarder en face, du moins officiellement. Ici, par exemple, le lien avec le « libéralisme » est absolument évident. Il ne semble donc pas si clair que ça que le revenu d’existence prenne dans ce contexte un sens si radicalement différent.
  • Enfin, si le revenu inconditionnel ne peut avoir un sens que dans une société organisée sur la base de monnaies locales, avec une forte socialité et où le don et le contre-don fonctionnent à plein, alors c’est bien sur ces trois points qu’il faudrait travailler et faire valoir. Car parlons là de rien de moins que d’un radical changement de société, voire de civilisation. Faire valoir ce bouleversement uniquement dans la perspective de recevoir un jour une allocation mensuelle semble un peu bancal, sinon démagogique. On rejoint là le cas de B. Friot, cité dans le texte.

Pour finir cette réponse déjà trop longue : sans doute faudrait-il faire la part de nos accords et désaccords, les constats partagés et ceux qui seraient plus discutables et parvenir à discerner, au fond, la nature de nos divergences.

Cordialement

LC

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