Malthus en Afrique : le génocide du Rwanda

Jared Diamond
mardi 13 novembre 2018
par  LieuxCommuns

Chapitre 10 du livre de Jared Diamond « Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disprition ou de leur survie », Gallmard 2006, pp. 513-534.


Lire des abstractions sur « l’explosion démogra­phique » est une chose ; rencontrer jour après jour des rangées d’enfants tout le long de la route, en Afrique de l’Est, réclamant aux touristes de passage un stylo pour écrire à l’école en est une autre. L’impact du nombre d’habitants sur le paysage est bien visible : dans les pâturages, l’herbe est clairse­mée et des troupeaux de vaches, de moutons et de chèvres paissent en nombre. Des ravines d’érosion toute récentes sont visibles, au fond desquelles s’écoulent des flots noirs de boue descendus des prairies dénudées.
Les taux de croissance démographique, en Afrique de l’Est, sont les plus élevés au monde : il est ainsi de 4,1 % l’an au Kenya, soit une population qui double tous les dix-sept ans. Cette explosion démogra­phique est récente. Plusieurs raisons l’expliquent : l’adoption de cultures issues du Nouveau Monde (en particulier le maïs, les pois, la patate douce et le manioc), qui ont permis d’augmenter la production agricole au-delà de ce qui était possible auparavant avec les seules cultures issues d’Afrique ; une meil­leure hygiène, la prévention médicale, la vaccination des mères et des enfants, les antibiotiques et une certaine maîtrise de la malaria et des autres malades endémiques africaines ; l’unification nationale et la fixation de frontières, qui ont ouvert au peuplement certaines zones qui n’étaient auparavant que des no man’s land disputés par des pouvoirs limitrophes plus restreints.
De tels problèmes démographiques sont souvent qualifiés de « malthusiens » – en référence aux ana­ lyses de l’économiste et démographe anglais Mal­thus qui soutint en 1798 que la croissance de la population humaine serait exponentielle, alors que la production alimentaire n’augmenterait que de façon arithmétique. Si une population de cent per­sonnes en 2000 continue à croître au rythme du doublement, elle sera en 2035 de deux cents habi­tants, de quatre cents en 2070, de huit cents en 2105 et ainsi de suite. Mais les progrès accomplis dans le domaine de la production alimentaire ajoutent au lieu de multiplier : telle avancée augmente la pro­duction de blé de 25 %, telle autre accroît la produc­tion de 20 %, etc. La population, elle, s’accroît comme des intérêts cumulés, où l’intérêt lui-même porte intérêt. C’est ce qui explique la croissance exponentielle. Au contraire, une augmentation de la production alimentaire n’augmente pas encore plus la production ; elle donne plutôt seulement lieu à une croissance arithmétique de la production ali­mentaire. En sorte qu’une population tendra à se développer jusqu’à consommer toute l’alimentation disponible et à ne jamais laisser de surplus, sauf si la croissance démographique est stoppée par la famine, la guerre, la maladie ou par la prise de déci­sions préventives (par exemple, la contraception ou le retard de l’âge du mariage). L’idée, toujours répandue de nos jours, selon laquelle nous pouvons favoriser le bonheur humain simplement en augmentant la production alimentaire sans tenir simul­tanément la bride à la croissance démographique est vouée à n’entraîner qu’échec et frustration – à en croire du moins Malthus.
Certains pays modernes ont réduit drastiquement leur croissance démographique grâce au contrôle des naissances volontaire (en Italie et au Japon, par exemple) ou sous tutelle gouvernementale (en Chine). Le Rwanda, cependant, illustre le scénario catastrophe de Malthus. Plus généralement, les par­tisans et détracteurs de Malthus conviennent que les problèmes démographiques et environnementaux créés par un usage non durable des ressources ne pourront finalement se résoudre que de deux manières : par des moyens librement consentis ou contraignants.

Depuis les récentes décennies, le Rwanda et le Burundi sont devenus synonymes dans notre esprit de deux choses : surpopulation nombreuse et géno­cide. Ce sont les deux pays d’Afrique qui ont la popu­lation la plus dense et ils figurent parmi les plus peuplés au monde : la densité moyenne de popula­tion au Rwanda est le triple du Nigeria, troisième pays d’Afrique pour la densité, et elle est dix fois plus importante que celle de la Tanzanie voisine. Le génocide du Rwanda fut le troisième génocide depuis 1950, après celui des années 1970 au Cam­bodge et l’accession du Bangladesh – alors Pakistan oriental – à l’indépendance. Comme la population totale du Rwanda est dix fois moins nombreuse que celle du Bangladesh, le génocide rwandais, mesurée comparativement à la population totale tuée, dé­ passe de loin le cas du Bangladesh. Le génocide au Burundi causa, pour sa part, quelques centaines de milliers de victimes. Cela suffit toutefois à placer le Burundi au septième rang dans le monde depuis 1950 par le nombre des victimes de génocide et au quatrième rang pour la proportion de la population tuée.
Nous associons le génocide au Rwanda et au Burundi à la violence ethnique. D’autres facteurs interviennent. La population de ces deux pays consiste en deux groupes principaux, les Hutus (à l’origine 85 % de la population) et les Tutsis (15 % environ). Traditionnellement, ils ont joué un rôle économique considérablement différent, les Hutus étant surtout des cultivateurs et les Tutsis des éle­veurs. D’aucuns soutiennent qu’ils se distinguent également physiquement : les Hutus seraient en moyenne plus petits, plus râblés, plus sombres de peau, ils auraient le nez plus épaté, les lèvres plus épaisses et le menton plus fort ; les Tutsis seraient plus grands, plus minces, ils auraient la peau plus claire, des lèvres plus fines et un menton plus étroit. Les Hutus sont en général supposés s’être établis les premiers au Rwanda et au Burundi, en provenance du Sud et de l’Ouest, alors que les Tutsis constituent un peuple du Nil censé être arrivé plus tard, du Nord et de l’Est. Lorsque des gouvernements coloniaux allemand (1897), puis belge (1916), se sont instau­rés, ils ont estimé commode de gouverner grâce à des intermédiaires tutsis, qu’ils jugeaient raciale­ ment supérieurs aux Hutus du fait de leur peau plus claire et de leur apparence « chamitique » supposée plus européenne. Dans les années 1930, les Belges ont exigé que chacun commence à porter une carte d’identité estampillée Hutu ou Tutsi, ce qui a nettement accru la distinction ethnique déjà existante.

En 1962, les deux pays accédèrent à l’indépendance. Les Hutus des deux pays entreprirent à cette époque de lutter contre la domination tutsi au profit d’une domination hutu. Les petits incidents violents dégénérèrent en spirales d’assassinats de Tutsis par des Hutus et de Hutus par des Tutsis. Au Burundi, les Tutsis parvinrent à préserver leur domination, après les rébellions hutus de 1965 et 1970-1972, sui­vies de l’assassinat par les Tutsis de quelques cen­taines de milliers de Hutus. (Tous les chiffres – décès, exilés, etc. – ne sont que des estimations.) Au Rwanda, toutefois, les Hutus prirent le dessus et tuèrent vingt mille (ou peut-être trente mille) Tutsis en 1963. Dans les vingt ans qui suivirent, un million de Rwandais environ, en particulier des Tutsis, trou­vèrent refuge dans les pays voisins, à partir desquels ils tentèrent fréquemment d’envahir le Rwanda, ce qui enclencha de nouveaux massacres de Tutsis par des Hutus. Jusqu’à ce qu’en 1963, le général hutu Juvénal Habyarimana, par un coup d’État, s’empare du pouvoir et établisse un semblant de paix civile.
Le Rwanda prospéra pendant quinze ans et reçut nombre d’aides extérieures de la part de donateurs étrangers, qui pouvaient ainsi exciper d’un pays pacifique aux indicateurs sanitaires, scolaires et économiques en hausse. Malheureusement, le déve­loppement économique du Rwanda fut stoppé par la sécheresse et l’accumulation des problèmes envi­ronnementaux (en particulier la déforestation, l’éro­sion des sols et la dégradation de leur fertilité), situation qu’aggrava en 1989 le brutal déclin des cours mondiaux de café et de thé, les principales exportations rwandaises. Puis vinrent les mesures d’austérité imposées par la Banque mondiale et à nouveau la sécheresse dans le Sud. En 1990, Habya­rimana prit prétexte d’une nouvelle tentative d’inva­sion tutsi dans le nord-est du Rwanda depuis l’Ouganda voisin pour regrouper ou tuer les dis­sidents hutus et les Tutsis et renforcer son emprise sur le pays. Les guerres civiles déplacèrent un million de Rwandais vers des camps de réfugiés, où les jeunes gens sans avenir gonflèrent les rangs des milices. En 1993, un accord de paix signé à Arusha (en Tanzanie) définissait le partage du pouvoir et la formation d’un gouvernement multi-ethnique.
Des Hutus finirent par craindre que leur pouvoir ne se dilue suite à l’accord d’Arusha. Ils entreprirent d’entraîner des milices, d’importer des armes et de se préparer à l’extermination des Tutsis. En 1993, des officiers extrémistes de l’armée tutsi assassinent le président hutu du Burundi, ce qui provoque en retour l’assassinat de Tutsis du Burundi par des Hutus, puis les assassinats en masse de Hutus du Burundi par des Tutsis.
Le paroxysme de la crise est atteint le soir du 6 avril 1994, lorsque deux missiles tirés depuis les abords de l’aéroport de Kigali -par qui, nul ne le sait encore à ce jour -abattent l’avion présidentiel qui a, à son bord, le président du Rwanda Habyari­mana et, embarqué à la dernière minute, le futur nouveau président du Burundi. En quelques heures, les extrémistes hutus commencent à mettre en appli­cation des plans préparés depuis longtemps dans Je moindre détail pour assassiner le Premier ministre hutu et des membres de l’opposition démocratique, tous jugés modérés à l’égard des Tutsis, ainsi que la population Tutsi estimée à un million environ.
Au commencement, le génocide fut perpétré par des militaires extrémistes hutus, munis d’armes à feu. Bientôt, ils ont commencé à organiser efficace­ ment les civils hutus, à distribuer des armes, à établir des barrages, à assassiner les Tutsis identifiés aux barrages, à appeler à la radio chaque Hutu à assassi­ner tous les « cancrelats » (nom donné aux Tutsis), à regrouper les Tutsis dans des lieux destinés à les protéger, en réalité pour les assassiner plus facilement, et à pourchasser enfin les Tutsis survivants. Lorsque )es protestations internationales commencèrent à s’élever, le gouvernement et la radio changèrent le ton de leur propagande : non plus l’exhortation à l’assassinat, mais l’appel à l’autodéfense des Rwan­dais contre leurs ennemis communs. Les fonction­naires hutus modérés qui tentaient d’empêcher les assassinats, étaient intimidés, contournés, remplacés ou assassinés. Les massacres les plus importants, des centaines ou des milliers de Tutsis sur chaque site, se déroulèrent dans les églises, écoles, bureaux administratifs ou autres lieux supposés sûrs, où les Tutsis s’étaient regroupés. Ce génocide a impliqué la parti­cipation à grande échelle des civils hutus – un tiers peut-être de la population hutu selon certaines esti­mations – armés de machettes et de clubs cloutés. Le génocide culmina dans l’horreur : victimes dé­ membrées, femmes mutilées, enfants jetés dans des Puits, viol généralisé.
L’Église catholique n’a pas réussi à protéger les Tutsis ; les Nations unies disposaient d’une petite force de maintien de la paix au Rwanda, mais finirent par lui ordonner de se retirer ; la France avait envoyé une force de maintien de la paix, qui s’est rangée du côté du gouvernement génocidaire hutu contre les rebelles ; et le gouvernement américain a refusé d’intervenir. Tous arguèrent d’un « chaos », d’une « situation confuse » et d’un « conflit tribal », voulant ignorer les preuves de la minutieuse orchestration des assassinats par le gouvernement rwandais.
En six semaines, on estime que huit cent mille Tut­ sis, soit les trois quarts environ des Tutsis qui res­taient au Rwanda et 11 % de la population rwandaise totale, ont été assassinés. Une armée rebelle menée par des Tutsis, dite Front patriotique rwandais (FPR), a lancé des opérations militaires contre le gouvernement le jour où a débuté le génocide. Sa prise du pouvoir à Kigali, la capitale, le 4 juillet 1994 mit fin au génocide. On s’accorde à estimer que le nombre de tués par le FPR varie de vingt-cinq à soixante mille. Le FPR a formé un nouveau gouver­nement. prôné la réconciliation nationale et l’unité, incité les Rwandais à se considérer comme rwandais plutôt que comme hutus ou tutsis. Cent trente-cinq mille Rwandais ont été emprisonnés parce qu’ils étaient soupçonnés d’être coupables de génocide, mais très peu de prisonniers ont été jugés ou condamnés. Après la victoire du FPR, deux millions de déplacés environ – surtout des Hutus – ont fui en exil dans les pays voisins (en particulier le Congo et la Tanzanie), alors que sept cent cinquante mille exilés – surtout des Tutsis – ont quitté les pays voi­sins pour regagner le Rwanda.

Les analyses courantes des génocides au Rwanda et au Burundi en font le fruit de haines ethniques préexistantes qu’auraient attisées des politiciens cyniques. Leave None to Tell the Story : Genocide in Rwanda, publié par l’organisation Human Rights Watch [1], donne un bon résumé de cette version, fon­dée sur de nombreuses preuves : « Ce génocide n’a pas été une bouffée incontrôlable de colère chez un peuple consumé par d’’ancestrales haines raciales’. [ ... ] Il a résulté du choix délibéré fait par une élite moderne d’attiser la haine et la peur afin de rester au pouvoir. Ce petit groupe de privilégiés a dressé la majorité contre la minorité afin de contrer l’opposi­tion politique montante au Rwanda. Confrontés aux succès du FPR sur le champ de bataille et à la table de négociations, ces détenteurs du pouvoir ont trans­ formé la stratégie de division ethnique en génocide. ns ont cru que la campagne d’extermination res­taurerait la solidarité des Hutus sous leur tutelle et les aiderait à gagner la guerre. »
Toutefois, d’autres considérations sont entrées en ligne de compte. Le Rwanda hébergeait un troisième groupe ethnique : les Twas ou pygmées correspon­daient à 1 % seulement de la population, tout en bas de l’échelle sociale et de la structure de pouvoir, qui ne constituait une menace pour personne. Bon nombre furent massacrés en 1994. L’explosion de 1994 mit aux prises plusieurs factions : les factions rivales composées à prédominance ou exclusive­ ment de Hutus, dont l’une demeure suspectée d’avoir déclenché le génocide en assassinant le président hutu ; quant jt l’armée d’invasion du FPR, composée d’exilés et commandée par des Tutsis, elle comprenait aussi des Hutus. Cette distinction entre Hutus et Tutsis n’a jamais rien eu de tranché. Les deux groupes parlaient la même langue, fréquen­taient les mêmes églises, les mêmes écoles et les mêmes bars, vivaient ensemble dans le même village où les mêmes chefs et travaillaient ensemble dans les mêmes bureaux. Hutus et Tutsis se mariaient ensemble et – avant que les Belges n’introduisent des cartes d’identité – ils changeaient parfois d’identité ethnique. Si les Hutus et les Tutsis ont une allure différente en moyenne, maints individus sont impossibles à ranger dans l’un ou l’autre groupe ’d’après leur apparence. Un quart environ de tous les Rwandais ont des Hutus et des Tutsis pour grands- parents. (En sorte qu’on peut se demander si les deux groupes ne se sont pas différenciés écono­miquement et socialement au Rwanda et au Burundi Partir d’un fond commun.) Ce mélange a donné lieu à des dizaines de milliers de tragédies per­sonnelles pendant les assassinats de 1994, des Hutus ayant tenté de protéger leurs conjoints, leurs parents, leurs amis, leurs collègues et leurs patrons tutsis ou essayé d’acheter avec de l’argent les assas­sins potentiels de ces proches. Les deux groupes étaient si entremêlés dans la société rwandaise qu’en 1994, des médecins ont fini par assassiner leurs patients, des enseignants leurs élèves et vice versa, et des voisins ou collègues de bureau se sont entretués. Certains individus hutus ont tué des Tutsis tout en en protégeant d’autres.
Si l’on ne s’en tient qu’à la haine ethnique entre Hutus et Tutsis attisée par les hommes politiques, les événements survenus au nord-ouest du Rwanda deviennent peu compréhensibles. Là en effet, dans une communauté où pratiquement tout le monde était hutu et où il n’y avait qu’un seul Tutsi, des assassinats en masse ont tout de même eu lieu – à savoir de Hutus par des Hutus. Même si la propor­tion de morts – estimée à quelque 5 % de la popula­tion – semble y avoir été plus faible que dans tout le Rwanda (11 %), il faut encore expliquer pourquoi une communauté hutu a assassiné ses membres en l’absence de mobile ethnique. Disons que justement ces mêmes mobiles sont insuffisants pour expliquer le génocide.

Le Rwanda (comme le Burundi) était déjà densé­ment peuplé au XIXe siècle avant l’arrivée des Euro­péens, par suite des avantages combinés que consti­tuaient des pluies modérées et une altitude trop élevée pour la malaria et la mouche tsé-tsé. La popu­lation rwandaise a donc augmenté, malgré des fluc­tuations, à un taux moyen de plus de 3 % l’an, pour les mêmes raisons que le firent la Tanzanie et le Kenya voisins (cultures venues du Nouveau Monde, santé publique, médecine et frontières politiques stables). En 1990, malgré les massacres et les départs massifs en exil, la densité de population moyenne était de sept cent soixante personnes au kilomètre carré, soit plus que celle du Royaume-Uni (six cent dix) et un peu moins que celle de la Hol­lande (neuf cent cinquante). Mais le Royaume-Uni et la Hollande disposent d’une agriculture extrême­ ment mécanisée, de sorte que seul un petit pourcen­tage d’agriculteurs assure la production globale. L’agriculture rwandaise, elle, est bien moins efficace et mécanisée, les cultivateurs dépendent de houes manuelles, de pioches et de machettes. En sorte que le nombre de cultivateurs est élevé pour une produc­tion d’autosuffisance et sans aucun surplus ou presque.
Lorsque après l’indépendance la population du Rwanda a augmenté, le pays a continué à pratiquer ses méthodes agricoles traditionnelles et n’est pas parvenu à se moderniser, à introduire des variétés de cultures plus productives, à développer ses expor­tations agricoles ou à instituer un planning familial efficace. Au lieu de cela, on s’est contenté de couper des forêts, de drainer des marais afin de gagner de nouvelles terres cultivables, de raccourcir les pério­des de jachère et de tenter de récolter deux ou trois fois l’an consécutivement sur les mêmes champs. Lorsque des Tutsis ont fui ou été assassinés dans les Innées 1960 et en 1973, leurs terres, devenues dispo­nibles, ont conforté le rêve que chaque cultivateur hutu pourrait enfin disposer d’une superficie suffi­sante pour entretenir les siens. En 1985, toutes les terres arables hors des parcs nationaux étaient culti­vées. Lorsque la population et la production agricole ont augmenté toutes deux, la production alimentaire par habitant, après s’être accrue de 1966 à 1981, a chuté au niveau du début des années 1960. C’est exactement le dilemme malthusien : plus de pro­duits alimentaires, donc plus de bouches à nourrir, donc aucun progrès alimentaire pour personne.
En 1984, le Rwanda ressemblait à un jardin et à une plantation de bananes. Des collines escarpées étaient cultivées jusqu’au sommet. L’absence des mesures les plus élémentaires pouvant minimiser l’érosion des sols – comme les terrasses, le labour selon les courbes du terrain plutôt que de haut en bas des collines, des jachères recouvertes de végéta­tion plutôt que des champs nus entre les cultures – faisaient que les rivières charriaient des montagnes de boue. Un Rwandais m’écrivait : « Les agriculteurs peuvent se lever le matin pour découvrir que tout leur champ – ou du moins sa couche arable et ses cultures – a été inondé dans la nuit ou que le champ de leur voisin ou des cailloux ont déferlé pour recouvrir son champ. » L’arrachage des forêts a asséché les cours d’eau et rendu les pluies plus irré­gulières. À la fin des années 1980, des famines ont recommencé. En 1989, il y a eu des pénuries ali­mentaires plus graves par suite d’une sécheresse, du fait de la combinaison de changements climatiques locaux ou globaux et des effets de la déforestation.
Catherine André et Jean-Philippe Platteau, deux économistes belges, ont étudié, en 1988 et 1993, les effets de tous ces changements environnementaux et démographiques sur une commune de Kanama. située au nord-est du Rwanda.
Kanama possède des sols volcaniques très fertiles, de sorte que sa densité de population est élevée même selon les normes du Rwanda, pourtant densé­ment peuplé : 1.740 personnes au mile2 en 1988 et 2.040 en 1993 (rappelons qu’un mile2 équivaut à 2,589 km2). C’est encore plus que le Bangladesh, la nation agricole la plus densément peuplée au monde. Ces densités de population élevées se traduisent par des fermes très petites : la taille moyenne était seulement de 0,89 acre en 1988 (soit 0,36 hectare, un acre vaut 0,40 hectare) pour tomber à 0, 72 (0,29) en 1993. Chaque ferme était divisée (en moyenne) en dix parcelles séparées, de sorte que les agriculteurs labouraient des parcelles absurdement petites d’en moyenne seulement 0,09 acre (364 m2) en 1988 et de 0,07 (283 m2) en 1993.
Toutes les terres de la commune étant occupées, les jeunes éprouvaient des difficultés à se marier, à quitter la maison, à acquérir une ferme et à fonder leur propre foyer. Chez les vingt-vingt-cinq ans, le pourcentage de jeunes femmes vivant chez leurs parents a augmenté entre 1988 et 1993 pour passer de 39 % à 6 7 %, et celui des jeunes hommes dans les mêmes conditions est passé de 71 à 100 % : pas un seul homme de moins de vingt-cinq ans ne vivait hors de chez ses parents en 1993. Le nombre moyen de personnes par ménage vivant à la ferme a aug­menté (entre 1988 et 1993) de 4,9 à 5,3, de sorte que la pénurie de terres était plus durement ressentie que ne le laisse supposer la réduction concomitante e la superficie des fermes. Quand on divise un domaine en réduction par un nombre en aug­mtation de personnes appartenant au ménage, on découvre que chaque personne ne tirait sa subsistance­ ce que d’un cinquième d’acre en 1988 et d’un septième (soit 578 mètres2) en 1993.
Il se révéla vite impossible pour la plupart des habitants de Kanama de se nourrir. Même en comparaison du régime à faibles calories considéré comme acceptable au Rwanda, le ménage moyen ne tirait que 77 % de ses besoins caloriques de sa ferme. Le reste de son alimentation devait être acheté grâce aux revenus d’activités complémen­taires – tels le débitage des charpentes, la fabrica­tion de briques, le filage de la laine et le commerce. Seuls deux tiers des ménages occupaient de tels emplois. Le pourcentage de la population consommant moins de mille six cents calories par jour (niveau en dessous de celui de la famine) était de 9 % en 1982, mais de 40 % en 1990.
Encore ces chiffres sont-ils des moyennes ; ils cachent des inégalités. Certaines fermes étaient plus vastes que d’autres, et cette inégalité s’est accrue de 1988 à 1993. Une « très grosse » ferme est supérieure à 2,5 acres (un hectare) et une ferme « très petite » est inférieure à 0,6 (24 ares). (Comparé au Montana du chapitre premier, on mesure l’absurdité tragique de ces chiffres : dans cet État des Amériques, une ferme de 40 acres, soit 16 hectares, est généralement considérée comme insuffisante pour faire vivre une famille.) Les pourcentages de très grosses et de très petites fermes ont augmenté entre 1988 et 1993 : ils sont passés respectivement de 5 à 8 % et de 36 à 45 %. Autrement dit, la société agraire de Kanama devenait de plus en plus polarisée entre riches possé­dants et pauvres démunis de tout. Les chefs de famille plus âgés tendaient à être plus riches et à posséder de plus grosses fermes : les cinquante-cin­quante-neuf ans avaient des fermes de 2,05 acres (0,8 hectare) et les jeunes de vingt-vingt-neuf ans des fermes de 0,37 acres (0,14 hectare). La taille du ménage étant plus importante pour les chefs de famille plus âgés, ils avaient besoin de plus de terres, mais ils avaient trois fois plus de terres par membre du ménage que les jeunes chefs de famille.
Paradoxalement, les possesseurs de grosses fermes disposaient, eux, de revenus extérieurs. Cette concentration des meilleures superficies et des meilleurs revenus extérieurs a accentué la division de la société de Kanama, les riches devenant plus riches et les pauvres plus pauvres. La loi au Rwanda interdit aux petits propriétaires de vendre tout ou partie de leurs terres. Les recherches menées sur les ventes de ter­rains ont révélé que les propriétaires des plus petites fermes ont vendu des terres pour faire face à des urgences – alimentation, santé, frais de justice, pots­ de-vin, baptême, mariage, enterrement, alcoolisme. Au contraire, les propriétaires de grosses fermes ont vendu pour augmenter l’efficacité de leur ferme, cédant une parcelle de terrain éloignée afin d’en acquérir une plus proche.
Presque aucune grosse ferme n’a vendu de la terre sans en acheter, mais 35 % des plus petites fermes en 1988 et 49 % en 1993 ont vendu sans rien acheter. (Si l’on détaille les ventes de terrains en fonction des revenus extérieurs, toutes les fermes à revenus exté­rieurs ont acheté de la terre et aucune n’en a vendu sans acheter ; mais 13 % seulement des fermes sans revenus extérieurs ont acheté de la terre et 65 % en ont vendu sans acheter.) En sorte que les fermes déjà petites, qui avaient absolument besoin de terres, sont devenues plus petites encore, en vendant en urgence des terrains à de grosses fermes qui finançaient leurs achats avec des revenus extérieurs.
Cette situation a donné lieu à beaucoup de conflits graves que les parties en présence ne pouvaient résoudre par elles-mêmes et pour lesquels elles se sont adressées aux médiateurs de village tradition­nels ou – moins souvent – qu’elles ont portés devant les tribunaux. Chaque année, les ménages ont rapporté avoir eu en moyenne plus d’un conflit grave exigeant d’être résolu par un tiers. André et Platteau ont étudié les causes de deux cent vingt-six conflits de ce type, telles qu’elles étaient décrites par les médiateurs ou par les chefs de famille. Selon ces deux types d’informateurs, des disputes portant sur des terrains étaient à la racine de la plupart des conflits graves : parce que le conflit portait directe­ment sur de la terre (43 % de tous les cas) ou bien parce qu’il s’agissait d’une dispute maritale, fami­liale ou personnelle dérivant souvent en fin de compte d’une dispute portant sur des terres. (Je don­nerai des exemples aux deux prochains paragraphes.) Sans oublier les vols perpétrés par des nécessiteux absolus pressés par la famine (7 % de tous les litiges et 10 % de tous les chefs de famille). Si l’on compare les taux de criminalité chez les vingt et un-vingt-cinq ans entre différentes parties du Rwanda, les différences régionales s’avèrent corré­lées statistiquement à la densité de population et au nombre de calories disponibles par habitant : une densité de population élevée et une famine signi­fiaient davantage de crimes.
Traditionnellement, les propriétaires plus riches étaient censés aider leurs parents plus pauvres. Ce système s’est écroulé lorsque même les propriétaires les plus riches se révélèrent trop pauvres pour venir en aide à leurs parents pauvres. Ce recul de la pro­tection a touché tout particulièrement les groupes vulnérables de la société : femmes séparées ou divor­cées, veuves, orphelins et enfants illégitimes. Quand les ex-maris cessaient de subvenir aux besoins de leurs épouses, les femmes se tournaient auparavant vers leur famille d’origine pour obtenir un soutien, mais, désormais, leurs propres frères se sont oppo­sés à ce qu’elles reviennent, pour éviter d’appauvrir toute la famille. Comme traditionnellement au Rwanda seuls les fils héritent, les femmes ne pou­vaient même plus espérer revenir dans leur famille d’origine avec seulement leurs filles qui, au regard droit coutumier, ne pouvaient rivaliser pour héri­ter avec les fils des oncles. La femme laissait ses fils à leur père, mais les parents pouvaient alors refuser de donner de la terre à ses fils, en particulier si le père venait à mourir ou cesser de les soutenir. De même, une veuve se trouvait sans soutien de la part ses beaux-frères ou de ses propres frères, qui tenaient les enfants de la veuve pour des rivaux de leurs propres enfants dans le partage de la terre. Les orphelins étaient traditionnellement pris en charge par les grands-parents paternels ; quand ceux-ci mouraient, les oncles des orphelins – les frères du père défunt – cherchaient désormais à déshériter ou à évincer les orphelins. Les enfants de mariages Polygamiques ou de mariages cassés dans lesquels l’homme se remariait ensuite et avait des enfants avec une nouvelle épouse se retrouvaient déshérités ou évincés par leurs demi-frères.
Les litiges portant sur des terres les plus doulou­reux et les plus socialement perturbateurs étaient ceux qui faisaient se dresser des pères contre leurs fils. Traditionnellement, quand un père mourait, sa terre passait tout entière à son fils aîné, lequel était censé s’en occuper pour toute la famille et offrir à ses plus jeunes frères assez de terre pour assurer leur subsistance. La terre devenue rare, les pères ont petit à petit adopté la coutume consistant à diviser leur terrain entre tous leurs fils, afin de réduire le risque de conflit intrafamilial après leur mort. Mais les plus jeunes refusèrent que les aînés, qui étaient les premiers à se marier, reçoivent une part supérieure. Ils exigeaient désormais des divisions strictement égales. Le dernier-né, qui était tradi­tionnellement censé s’occuper de ses parents quand ils seraient vieux, avait besoin ou exigeait une part supplémentaire afin de pouvoir exercer cette responsabilité coutumière. Tous déploraient que leur père garde trop de terres pour subvenir aux besoins de sa vieillesse et ils exigeaient désormais davantage de terrain pour eux. Les pères s’opposaient aux exi­gences des fils. Autant de conflits qui menèrent des familles devant des médiateurs ou les tribunaux et qui firent de proches parents des rivaux, voire des ennemis.

Telle fut la toile de fond sur laquelle les assassi­nats de 1994 furent perpétrés.
Après l’explosion de 1994, Catherine André a tenté de retracer le destin des habitants de Kanama. Elle a découvert que 5,4 % étaient déclarés morts par suite de la guerre. Ce nombre est sous-estimé, parce qu’elle n’a pu obtenir d’informations sur le sort de certains habitants. On ne sait donc pas si le taux de mortalité a, ou non, avoisiné la valeur moyenne de 11 % pour l’ensemble du Rwanda. Mais il n’en demeure pas moins que ce taux de mortalité dans une région où la population était presque exclusive­ment composée de Hutus a été la moitié de celui des régions où les Hutus ont massacré les Tutsis.
La seule Tutsi de Kanama, une veuve, a été assas­sinée. Était-ce pour des raisons ethniques ou autres (elle avait hérité de beaucoup de terres, été impli­quée dans beaucoup de litiges portant sur des ter­rains, elle était enfin la veuve d’un Hutu polygame (donc, considérée comme une rivale par les autres épouses et leur famille) et son mari décédé avait déjà été dépossédé de ses terres par ses demi-frères) ?
Deux autres catégories de victimes étaient consti­tuées de Hutus qui étaient de gros propriétaires. La majorité d’entre eux étaient des hommes de plus de cinquante ans, âge précoce pour les litiges père/fils portant sur la terre. La minorité était composée de jeunes qui avaient excité la jalousie par l’importance relative de leurs revenus extérieurs et leurs achats de terrains.
Il y avait aussi parmi les victimes les « fauteurs de troubles » connus pour avoir été impliqués dans toutes sortes de litiges portant sur des terres et autres conflits. Nombre de jeunes gens et d’enfants périrent, particulièrement ceux issus de milieux appauvris, que la désespérance a poussés à s’enrôler dans les milices et qui se sont ensuite entre-tués.
Enfin, le plus grand nombre de victimes ont été les gens particulièrement mal nourris ou parti­culièrement pauvres, disposant de peu ou pas de terres, et sans revenus extérieurs. Ils sont évidem­ment morts de famine, parce qu’ils étaient trop faibles ou n’avaient pas d’argent pour acheter de la nourriture ou payer les pots-de-vin exigés pour ache­ter leur survie aux barrages.
Ainsi, comme le notent André et Platteau, « les événements de 1994 ont fourni une occasion unique de régler des comptes ou de remanier les propriétés même parmi les villageois hutus. [ ... ] Il n’est pas rare, aujourd’hui encore, d’entendre des Rwandais soutenir qu’une guerre était nécessaire pour dimi­nuer une population en excès et pour la ramener au niveau des ressources en terre disponibles ».

Pour sa part, Gérard Prunier précise : « Les politi­ciens avaient bien sûr des raisons politiques de tuer. Mais si de simples paysans dans leur ingo [entou­rage familial] ont poursuivi le génocide avec un tel acharnement, c’est qu’une réduction de la popula­tion, pensaient-ils sans doute, ne pourrait que profi­ter aux survivants. » (Je cite le fort ouvrage Rwanda, le génocide, Paris, Dagorno, 1997, p. 13.)

Le lien que Prunier comme André et Platteau éta­blissent entre la pression démographique et le géno­cide rwandais n’a pas manqué d’être discuté, excipant alors d’un « déterminisme environnemental ».
Expliquer n’est pas excuser. Quand bien même on ne retiendrait qu’une seule explication pour le génocide, cela n’atténue en rien la responsabilité per­sonnelle des auteurs du génocide rwandais. II importe de comprendre les origines du génocide rwandais – non pour en exonérer les assassins, mais pour tirer des enseignements pour le Rwanda ou pour d’autres régions. Vouer sa vie ou ses recherches à la compréhension des origines du génocide des juifs par les nazis ou comprendre l’esprit des meur­triers en série et des violeurs n’implique ni ne signifie que l’on tente de minimiser la responsabilité de Hitler, des meurtriers· en série et des violeurs. C’est plutôt que savoir comment la chose est arrivée donne l’espoir d’aider à en prévenir le retour.
Dire que la pression démographique a été la seule et unique cause du génocide rwandais est propre­ment simpliste. D’autres facteurs ont bel et bien joué un rôle, quel que soit leur ordre d’importance : la domination historique des Tutsis sur les Hutus au Rwanda, les assassinats à grande échelle de Hutus par des Tutsis au Burundi et à petite échelle au Rwanda, les invasions tutsis du Rwanda, la crise économique au Rwanda et son exacerbation par la sécheresse et certains facteurs mondiaux (en parti­culier la chute du prix du café et les mesures d’austé­rité prônées par la Banque mondiale), le désespoir de centaines de milliers de jeunes Rwandais dépla­cés dans des camps de réfugiés et mûrs pour devenir des miliciens, enfin les conflits internes aux factions au pouvoir au Rwanda, sans oublier la pression démographique.
Mais on ne saurait commettre l’erreur de conclure, du rôle de la pression démographique dans la genèse du génocide rwandais, que toute pression démo­graphique conduit automatiquement au génocide. Il n’existe assurément pas de lien nécessaire entre la pression démographique malthusienne et le géno­cide. Des pays peuvent être surpeuplés sans qu’un génocide soit perpétré, comme le montrent le Ban­gladesh (qui a connu peu d’assassinats sur une grande échelle jusqu’à la terrible guerre d’indépen­dance de 1971) ou encore les Pays-Bas et la Belgique multi-ethnique, même si ces trois pays sont plus densément peuplés que le Rwanda. A l’inverse, un génocide peut survenir pour des causes dernières autres que la surpopulation, comme l’ont montré les tentatives de Hitler pour exterminer les juifs et les Tziganes pendant la Seconde Guerre mondiale ou le génocide des années 1970 au Cambodge, dont la densité de population était le sixième de celle du Rwanda.
La pression démographique a été l’un des facteurs importants à l’œuvre dans le génocide rwandais. Le scénario catastrophe de Malthus peut parfois se réaliser et le Rwanda en fut un modèle. De graves problèmes de surpopulation, d’impact sur l’envi­ronnement et de changement climatique ne peuvent persister indéfiniment : tôt ou tard, ils se résolvent d’eux-mêmes, à la manière du Rwanda ou d’une autre que nous n’imaginons pas, si nous ne parve­nons pas à les résoudre par nos propres actions. Des mobiles semblables pourraient œuvrer de nouveau à l’avenir, dans d’autres pays qui, comme le Rwanda, ne parviennent pas à résoudre leurs problèmes environnementaux. Ils pourraient jouer au Rwanda même, où la population augmente aujourd’hui encore de 3 % l’an, où les femmes donnent naissance à leur premier enfant à l’âge de quinze ans, où la famille moyenne compte entre cinq et huit enfants.
Le terme de « crise malthusienne » est impersonnel et abstrait. Il ne dit rien des détails horribles, sauvages, glaçants de ce que des millions de Rwandais ont perpétré. Laissons les derniers mots à un observateur et à un survivant. « Sans doute, précise Gérard Prunier, les villageois ont-ils aussi le vague espoir qu’une fois le calme revenu, après les mas­sacres, ils pourront obtenir des terres ayant appar­tenu aux victimes. Ce qui ne manque pas d’exercer un fort attrait dans un pays aussi pauvre en terres que le Rwanda » (p. 297).
Le survivant, c’est un dirigeant tutsi que Prunier a interrogé et qui n’a survécu que parce qu’il ne se trouvait pas chez lui lorsque les assassins sont arri­vés et ont tué sa femme et quatre de ses enfants : « Les parents d’enfants qui allaient à l’école pieds nus tuaient les parents qui pouvaient acheter des chaussures aux leurs » (p. 299).


[1Trad. fr. Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda (Paris, Karthala, 1999) (N.d.É).


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