La multiculturalie doit s’affirmer

Communiqués internes n° 016 & 017 du Comité Central du gauchisme culturel
mercredi 13 juin 2018
par  LieuxCommuns

Textes extraits du bulletin de Guy Fargette « Le Crépuscule du XXe siècle » n°31-32, octobre 2016.

La satisfaction des partisans du multiculturalisme est compréhensible devant les succès immenses, si longuement préparés, que leur idéal ne cesse de rencontrer un peu partout dans le monde occidental. Il convient donc de rendre explicite ce qu’un Comité Central conséquent ne manquerait pas de formuler par des communiqués internes à vocation de formation, afin d’éclairer définitivement la logique qui sous-tend cette activité idéologico-pratique. Il s’agit en somme de laisser s’exprimer le “surmoi collectif” de ses partisans les plus déterminés. Leur mot d’ordre peut se résumer à ce cri du cœur des populistes russes de la fin du XIXe siècle, qui fut la boussole du marxisme-léninisme dans toutes ses manifestations : “détruire l’Occident pourri !”.

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La multiculturalie doit s’affirmer

(communiqué interne n° 016 du Comité Central du gauchisme culturel)

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La traque de Finkielkraut, modèle d’avenir

Dans la soirée du 16 avril 2016, lors de la 17e soirée de “Nuit Debout” place de la République, Alain Finkielkraut a été la cible de cris tels que “facho”, terme dont le sens est devenu d’une élasticité tout aussi remarquable que “raciste”. Il a été expulsé du lieu sous les insultes et quelques crachats, démontrant le véritable tropisme des dormeurs debout qui traînaient là depuis plus de deux semaines. Pour eux, la pluralité est intolérable, même dans un auditoire silencieux. L’opération est venue d’une escouade de bébés-stalino-gauchistes (il existe encore quelques “Jeunesses communistes” !) qui se sont fendus d’une revendication publique bien fière, employant la novlangue du sabir qui se nomme “gazouillis” (“twitter”), pour revendiquer leur action sans complexe. Cet incident montre à quel point “Nuit rouge” rassemble tous les détachements de la gauche fondamentale, chacun y contribuant à sa manière et engageant la responsabilité de tous les autres.

La pieuvre médiatique ajouta sa pierre à ce petit édifice où les termes de “fasciste” et de “réac” sont parfaitement interchangeables dans le brouillard gaucho-culturel de base. Le nom de Finkielkraut est même devenu un terme codé désignant le “Juif” générique : un militant journaliste de Canal+ se permit ainsi le 22 avril au soir d’ironiser sur l’affaire, en direct de la place de la République, en jouant lourdement sur la coloration de la voyelle finale de son patronyme, pour le transformer en immondice au détour de presque chacune de ses phrases, rejoignant l’abjection salafiste-antisémite d’ascendance directement nationale-socialiste, façon Stürmer.

De stalino-gauchisme en radicalité creuse, de maniaque de l’émeute en jardinier sous dalle, de lubie végétarienne en rêverie sur la lutte des races remplaçant la lutte des classes (les prétendus “Indigènes de la République” se sont invités avec leur belle arrogance coutumière), il faut toujours commencer comme des moutons bêlants, prêts à se déchaîner à la première occasion tels des loups enragés et chasser au sang. Ils sont de bonne lignée, ces militants de “Nuit rouge”, alias “Nuit Debout”, bien qu’en la matière ils soient loin d’être concurrentiels vis-à-vis des militants du néo-islam. Pour “leur faire peur” (aux supposés maîtres du monde), il faudrait prendre des leçons de ce côté-là. Ce mot d’ordre initial du rassemblement de “Nuit rouge”, patronné par un subversif fonctionnaire, Lordon, et un petit entrepreneur médiatique nommé Ruffin, n’est qu’un pâle début car l’insolence n’est pas de le dire, mais de le faire.

Ce 16 avril 2016 restera donc, comme le 31 décembre 2015 de Cologne, un moment fondateur de développements nouveaux. De même que la chasse aux femmes occidentales est devenue publique depuis la soirée “festive” du nouvel an, de même c’est une chasse au Juif qui s’est ouverte sur cette place de la République, à deux pas du petit mémorial aux 130 victimes du 13 novembre 2015, toutes tombées dans ce quartier.

En profanant méthodiquement cette place, “Nuit Debout” a piétiné ce qui restait de l’institution républicaine, qui n’est plus démocratique depuis longtemps, mais oligarchique. Mais comme les militants du néo-islam le font savoir sur tous les tons, c’est encore beaucoup trop proche d’un régime démocratique, dont le souvenir se maintient obstinément dans tant d’esprits. Les conjurés de “Nuit Debout” comme les activistes contre la “Loi Travail” ont eu pour objectif principal la destruction de toute ombre d’unité face aux prédateurs sanglants du néo-islam, conformément à la logique du défaitisme marxiste-léniniste.

L’attachement au passé, aux habitudes, aux moeurs, etc., contribuent puissamment à la viscosité de la réalité, qui est notre ennemie principale. Quiconque se permet de rappeler la consistance et les raisons de cette viscosité la renforce et doit être traité comme ceux qui annonçaient la présence de la peste : ils en sont les criminels disséminateurs. Il faut détruire tout germe de société d’individus autonomes, qui pourrait nourrir une lucidité collective et rendre scandaleusement sensible le vrai et le faux, le possible et l’impossible. Si le monde ne correspond pas à notre idéal, il convient de modifier sans retour l’image de la réalité. La prédisposition à la proscription publique est un levier indispensable à cette rééducation industrielle de la perception. Aucune dissidence n’est tolérable sur ce point, et surtout aucune ironie, ce pensée-crime par excellence dont les porteurs devraient connaître le sort de Socrate.

Philippe Muray, observateur insupportable de nos failles, avait osé dénoncer “le pouvoir croissant de [notre] Vertu dont le propre est désormais de châtier, non bien sûr le Mal inéliminable, mais l’ironie insupportable et singulière” (“Autopsie du Roman (Philip Roth)”, 1985). Que ceux qui ne sont pas prêts à nous suivre dans notre mission s’alignent donc sur ce type d’esprit délétère, avec toutes les conséquences inévitables !

Paris, le 25 avril 2016


Liquider les poisons dirigés contre la multiculturalie

(communiqué interne n° 017 du Comité Central du gauchisme culturel)

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’Le Quai de Wigan’, calomnie transcendantale du dénommé Orwell

Le rassemblement intitulé “Nuit Debout” a décidé de figer le temps à partir du 31 mars afin d’engager le comput temporel dans une prolongation interminable de ce mois, tant que le monde n’aurait pas été changé, le tout à l’abri de la protestation des journées d’action syndicales contre la “Loi Travail”. Cela contraste avec la thématique de “l’an 01”, surgie en France après mai 1968, qui rendait compte de l’aspiration à une refondation historique. L’enlisement dans un mois de mars qui ne finirait pas trahit une crainte certaine devant la pente de l’époque, où toutes les références du gauchisme culturel menacent sans cesse de s’enliser dans de pathétiques naufrages, aussi incompréhensibles qu’injustes.

Ce sursaut contre la viscosité de l’histoire attendrit aussi bien les professionnels de la pieuvre médiatique, que les nostalgiques des élans stalino-gauchistes d’autrefois, qui surent si bien parvenir après 1968, même si des marxistes-léninistes comme ceux de l’UJC-ml avaient été sur le moment particulièrement déficients et même hostiles au mouvement, au point d’interdire à leurs militants de seulement participer aux manifestations de mai 68. “Nuit Debout” a en tout cas attiré toute une gamme d’activistes dont la liste constituerait un inventaire digne d’un poète surréaliste. Il est à noter que Libération du 4 avril avait critiqué un certain nombre de tendances [1] sur un ton qui surprend pour ce grand organe du multiculturalisme : il les critiquait en effet à partir de principes originels de gauche, pris au sens littéral, en oubliant qu’il faut toujours opérer certains accomodements avec le ciel de l’histoire. Il est miraculeux que cet étrange moment de distance critique soit passé sans susciter aucune polémique, ce qui a permis de faire comme s’il n’avait pas existé !

Un lecteur naïf qui tomberait sur un des rares exemplaires encore disponibles du “Quai de Wigan” de G. Orwell (1937) [2] ne manquerait pas d’être saisi par les quatre derniers chapitres de cet ouvrage dans lesquels se trouvent soulignés, de manière poignante et déprimante, 80 ans à l’avance, presque tous les travers hantant “Nuit Debout”. Orwell y pointe l’écart fondateur et jamais dépassé entre l’aspiration à la justice sociale, systématisée sous le mot de “socialisme”, et l’activité effective des militants se disant socialistes [3]. Il y décrit leur capacité à déconsidérer leur cause, et leur manie éternellement juvénile de cultiver l’écart entre l’objectif proclamé et les résultats. Ce tableau si dangereusement prémonitoire met en lumière l’archéologie embarrassante de ces rassemblements prétendant à la spontanéité mais discrètement préparés. Au soleil impitoyable de l’histoire, ils serait aisé de les ramener à des loufoqueries impuissantes que fuient d’instinct les couches populaires ! C’est pour cela qu’il est d’autant plus vital de prévenir de telles réflexions ! En ce sens, la pieuvre médiatico-politique s’est fort bien comportée : sous couvert d’une description distanciée, elle a assuré pendant des semaines la “couverture” publicitaire de “Nuit Debout”, tout en passant discrètement sur le fiasco généralisé de ce type de pique-nique macadam dans les banlieues à l’écart des centres métropolitains. On n’y manifestait aucun goût pour le ludique saccage urbain dont la place de la République fut le théâtre durant cette période, avec acharnement.

Ce happening collectif de “commissions” et de gesticulations collectives sommaires, réduites à un langage de quelques signes qui évite toute complication, a été l’occasion pour un nouveau type de militants de s’affirmer, même s’ils étaient déjà apparus à l’ombre de l’État culturel dans les dernières années. L’essentiel est que le droit sinon de parole du moins d’influence soit proportionné au niveau d’étude formel validé par des diplômes, les velléités artistes ayant cependant valeur d’auto-affirmation légitimante. N’oublions pas que la couche des “intermittents du spectacle”, la strate la plus pauvre du bas-clergé culturel, est au fond la vraie base sociale de ce “type de mouvement” habité par l’ambition de constituer la double avant-garde rêvée, artistique et politique, comme l’ont manifesté certaines composantes si désireuses d’affronter une police contrainte à la retenue et de vandaliser les rues environnantes. Mais les parrains de ces nuits, Lordon, “économiste” stalino-gauchiste qui voit la main du “capital” un peu partout, et Ruffin, le pilote du documentaire en forme de canular “Merci patron !” et de la feuille d’agitation “Fakir” (le ton ricaneur est obligatoire), ont fini par s’impatienter : il aurait fallu que ce qui ressemblait à un “mouvement” capitalisât enfin et passât à un autre stade !

Si les fonctions dans l’État culturel permettent de légitimer une nouvelle hiérarchie du militantisme, et de préparer une nouvelle accumulation primitive de savoir-faire dans l’art du leurre, le principal acquit tactique de “Nuit Debout” et des manifestations contre la “Loi Travail” reste l’escamotage provisoire, à la surface du discours public, de la tension et de l’inquiétude induites par les attentats islamistes. Certaines déclarations de F. Lordon confirment que cette dimension de diversion était le principal objectif de l’opération, conçue comme une profanation de l’institution républicaine par celle de son lieu éponyme. C’est d’ailleurs en ce sens que ces participants ont le mieux mérité de la multiculturalie.

Paris, le 28 avril 2016

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[1Voir les 7 premières pages de ce journal, sous le titre “Ces visages contestés de l’antiracisme”, où les thématiques de l’“islamophobie” et de la “muslimsphere” étaient mises à mal.

[2“Le Quai de Wigan”, G. Orwell, éd. Liana Levi

[3Orwell espérait encore sauver le terme, avant de capituler devant l’adversité avec son “1984”, écrit en 1948.


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