La multiculturalie sans état d’âme

Communiqué internes n° 008 & 009 du Comité Central du gauchisme culturel
jeudi 19 octobre 2017
par  LieuxCommuns

Textes extraits du bulletin de Guy Fargette « Le Crépuscule du XXe siècle » n°31-32, octobre 2016.

La satisfaction des partisans du multiculturalisme est compréhensible devant les succès immenses, si longuement préparés, que leur idéal ne cesse de rencontrer un peu partout dans le monde occidental. Il convient donc de rendre explicite ce qu’un Comité Central conséquent ne manquerait pas de formuler par des communiqués internes à vocation de formation, afin d’éclairer définitivement la logique qui sous-tend cette activité idéologico-pratique. Il s’agit en somme de laisser s’exprimer le “surmoi collectif” de ses partisans les plus déterminés. Leur mot d’ordre peut se résumer à ce cri du cœur des populistes russes de la fin du XIXe siècle, qui fut la boussole du marxisme-léninisme dans toutes ses manifestations : “détruire l’Occident pourri !”.

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La multiculturalie sans état d’âme

(communiqué interne n° 008 du Comité Central du gauchisme culturel)

Rouillan et l’indispensable goût du carnage

De même que l’ignorance, c’est la force, on peut affirmer que la bêtise c’est l’intelligence. C’est en tout cas ce qu’a involontairement rappelé celui que l’on qualifie si volontiers de “benêt assassin”, J.M. Rouillan, lorsqu’il a rendu hommage au “courage” des djihadistes du 13 novembre 2015 : “ils se sont battus courageusement dans les rues de Paris en sachant qu’il y avait près de 3 000 flics autour d’eux”. Il a eu beau tenter de se démarquer des expressions qu’il avait employées (en deux circonstances, sur “radio Grenouille” et lors d’un entretien avec un journal local militant, Le Ravi), et son avocat plaider “la maladresse”, il demeure que Rouillan se refuse à condamner les attentats, par esprit de rejet de l’État français. Saluons sa reprise de la légende du million de morts en Algérie, qui est un des derniers points de repère du stalino-gauchisme reconverti en “anti-impérialisme”. Voir du “courage” dans le mitraillage de terrasses et l’exécution d’une foule désarmée dans un lieu clos fait partie du répertoire typique de la gauche fondamentale.

Il ne fait aucun doute que ces propos rendent compte d’une dimension essentielle de son engagement, même si Rouillan affecte de revendiquer la référence “libertaire”, plus présentable, alors que les textes de sa cellule Action Directe mimaient, par leur ton et leur logorrhée, le style des communiqués propres à la RAF ou aux Brigades rouges. Rouillan et sa bande ont été constamment reconnus comme étant de la grande “famille” de la gauche. Cela seul explique que ces militants détenus aient été si aimablement libérés par le pouvoir mitterrandiste en 1981 et qu’ils aient ainsi pu exécuter deux personnages qui déplaisaient souverainement à l’État iranien de l’époque : l’ingénieur général de l’armement René Audran en 1985, qui avait signé d’importants contrats d’armement avec l’Irak, en conflit avec l’Iran dans la première guerre du Golfe de 1980 à 1988, et le PDG de Renault Georges Besse en 1986 (en fait ancien responsable du projet nucléaire Eurodif, dans lequel le Shah avait investi un milliard de francs, gelés à la suite de la révolution des mollahs). Et c’est grâce à cette appartenance à la “famille” que Rouillan peut aujourd’hui encore grenouiller dans le marais de la-gauche-radicale. N’est-ce pas indice d’une réinsertion politique exemplaire ?

Comment s’étonner des déclarations, un peu antérieures, d’un Xavier Mathieu, ancien syndicaliste de Continental, qui fut très lié à un représentant d’une secte trotskiste de fer, convaincue que sa “méthode d’organisation” toute militaire rouvrirait la voie de la révolution ouvrière attendue par le dix-neuvième siècle ? Cet ancien syndicaliste, aujourd’hui reconverti dans diverses occupations du bas-clergé culturel (il est recyclé en acteur pour des rôles de... syndicaliste), a déclaré à l’automne 2015 apprécier ce même Rouillan, lors d’un festival de cinéma “engagé” à Toulouse. Son approbation de la posture générale de ce terroriste à peine retraité, a affecté le ton d’une colère “sacrée” : “Je suis un peu plus passé du côté de Rouillan. Je pense qu’il n’y aura pas de révolution sans carnage” (signalé tardivement dans l’émission 28 Minutes de la chaîne Arte, le 11 mars 2016).

Ce Xavier Mathieu, qui a la réputation d’éructer plus vite que son ombre, est évidemment marqué par la frustration devant ce qui a été fait aux salariés de Continental. Mais il pourrait se voir reprocher que carnage signifie massacre d’innocents. Le bas clergé culturel est aussi peu cultivé que celui du Moyen-Age, ce qui est d’ailleurs la condition de son volontarisme. X. Mathieu personnifie le très beau cas d’une insatisfaction dans un conflit social face à des meneurs de jeu oligarchiques, qui devient volonté de détruire à tout prix, aveuglément. L’incapacité à identifier l’adversaire et ses méthodes conduit à s’inventer des solutions sommaires, de plus en plus primitives.

Il demeure que l’inconsistance de tels survivants du stalino-gauchisme est saisissante en regard du néo-islam, dont la férocité sans phrase les laisse littéralement sans emploi. Cela vient de loin. Comment oublier les expressions indigentes de leurs ancêtres dans l’affaire Goldman, il y a déjà plus de quarante ans, lorsque ce militant en recherche d’une guérilla en Amérique latine, et qui ne se payait pas de mots, revint pour devenir pégreux ? Il fut, contre toute évidence, finalement “absous”, sous la pression de l’hystérie de ses “amis” politiques, demeurés très proches de leurs origines fondatrices mais se gardant bien de passer à l’acte. Cette grande victoire symbolique a pu gêner rétrospectivement un Krivine, qui s’est senti joué par ce Pierre Goldman, assassin très probable. Les partisans du stalino-gauchisme persistent dans leur comportement en admirant imperturbablement les plus frustres d’entre eux. La persistance de la figure d’un Che Guevara ne peut en ce sens que nous réjouir : ceux qui prétendent simplifier toutes les questions par le massacre incarnent la gauche absolue.

Ces “simplificateurs” étant désormais produits à échelle industrielle hors du marxisme-léninisme, le Comité Central du gauchisme culturel se doit de saluer l’arme du ressentiment islamique, presque toujours sans objet avouable et d’autant plus entêtée. Il se nourrit d’une aspiration à la brutalité sans phrases, encore plus imprévisible. Nous devons nous montrer à la hauteur de ce néo-islam, expression du prolétariat transhistorique et transcendantal, quitte à faire de lui notre mentor collectif...

Paris, le 24 mars 2016


Défendre la multiculturalie !

(communiqué interne n° 009 du Comité Central du gauchisme culturel)

L’intolérable pamphlet de Fumaroli :

L’État culturel’ (Essai sur une religion moderne) [1]

Il est un ouvrage de 1991, heureusement oublié, qui retraçait avec une inquiétante précision l’archéologie de l’État culturel français, cette nomenklatura prospère vivant d’un nouveau succédané de religion. Marc Fumaroli, qui enseignait alors au Collège de France, a commis un véritable Évangile du dénigrement qu’il importe de mettre à l’index sans ambiguïté. La monstrueuse ignominie de ce pamphlet se trouve condensée dans le passage suivant :

« La IVe république a effacé les traces du fascisme, mais elle a laissé, et la Ve n’y a pas remédié, l’empreinte du système soviétique s’imposer à des pans entiers de la société française.
Des générations de “cadres” français ont été formées par les écoles du Parti, la presse du Parti, les meetings du Parti, et par diverses métastases, passant par le maoïsme, le trotskisme, le tiers-mondisme, ont fait leur chemin dans les syndicats, les mutuelles, l’administration, l’enseignement, la presse “capitaliste”, les institutions “culturelles” du Pouvoir. La rage au coeur, mais la rage est une énergie, ils ont dû s’adapter à la victoire de l’économie libérale, et à la déroute de la “révolution”. Ils ont enfin trouvé dans le Pouvoir-Providence, qui s’est substitué à la République, le milieu favorable à la volonté de puissance qui leur est née à la fois de leur ancienne haine de la France “bourgeoise” et de leur rage nouvelle de la sentir persévérante. Par un paradoxe moral, classique et qui appartient à la clinique de la haine, les vidangeurs des “eaux glacées du calcul égoïste” s’y sont plongés avec une âpreté des “bourgeois conquérants”, mais il y ont noyé leur âme, leur rêve, leur enfance, leur naturel, dont les bourgeois n’étaient pas infirmes.
La “troisième voie” française, ni communisme ni capitalisme, a fini par engendrer un monstre qui conjugue deux amoralités, deux stérilités, celle du communisme et celle d’un capitalisme d’État de nouveaux convertis. A cette utopie française rassemblée autour du Pouvoir, la Culture a fourni une vitrine nationale et internationale. A l’ersatz de République, la Culture a servi d’ersatz de drapeau. Elle a conjugué dans son ordre la badauderie envers l’Est marxiste et le tiers monde marxisé et une autre de plus en plus éblouie envers les apparences du Nouveau Monde. Elle subventionna et mit en avant longtemps les spectacles qui servaient la “vision du monde” marxiste, et ceux qui émanaient de la “contre-culture” new-yorkaise
 ». (p. 55-56)

Cet auteur est allé jusqu’à percevoir à quel point les villes et tous les territoires allaient être voués par l’État culturel à devenir des décors de mises en scène festives, et même à pressentir que le pays de France serait condamné au crépuscule que connut une république comme Venise, réduite dans ses deux derniers siècles à un lieu de plaisir et de villégiature pour toute la noblesse d’Europe.
Il serait trop long d’égrener les passages, tous plus scandaleux les uns que les autres, dans lesquels Fumaroli prétend élucider le nihilisme sous-jacent de l’élan bureaucratico-culturel français, à ses yeux produit d’une convergence technocratique entre la droite et la gauche, et qui sous-tend l’ensemble des entreprises de cette industrie culturelle dont le tourisme sans limite est la condition d’existence.

Mais certaines phrases comme :

« La balance difficile entre égalité et liberté est la vertu libérale par excellence, parfois personnelle, mais normalement politique et sociale, elle peut tâtonner, elle ne perd jamais de vue le juste milieu entre l’excès d’égalité et l’excès de liberté qui est la santé du régime.(...) Sans l’amour ombrageux de la liberté, sans la limite qu’il impose à cette pathologie de l’égalité qu’est l’égalitarisme, la passion égalitaire devient une arme de factions, elle sert d’appât à une oligarchie démagogique et régnant par la culture de masse : la France en a fait la première l’expérience sous la Convention. La Terreur robespierriste a ouvert la voie aux totalitarismes modernes dont ni l’Angleterre ni l’Amérique n’offrent aucun exemple. Cette pathologie de la démocratie libérale est cependant l’une des angoisses de l’Amérique, et la prolifération en son sein de sectes ou de coteries intolérantes la ranime sans cesse... » (p. 33-34)

ou encore :

« Le théâtre a été le fer de lance originel de la Culture “à la française”. Ce n’est pas un hasard. Le monde est un théâtre, une nation est un théâtre, la caverne de Platon est un théâtre : dans le rapport de la scène à la salle, de l’acteur au spectateur, se joue l’essence du politique, et même du religieux, dans la vie des communautés humaines. Passer d’un théâtre à un autre, c’est passer d’un régime à un autre, d’un régime de l’esprit à un autre. La “brechtisation” de la vie politique et de la vie spirituelle de la nation, la déroute de la Comédie-Française, signalent la défaillance du théâtre classique de la nation et de sa langue. Tous les épisodes de la vie française, depuis le XVIIe siècle, Révolution comprise, se sont déroulés sur une scène à l’italienne, avec des acteurs formés à l’école oratoire. Le talent, l’intelligence, étaient de la partie autant que l’illusion et les passions. Ce théâtre était celui d’Aristote et de Quintillien. Celui de Brecht est une école de cynisme machiavélique et de calcul froid, dont le metteur en scène est le tyran. Le Magnanime d’Aristote est remplacé par le Prince de Machiavel, le naturel théâtral par une affectation rusée qui interdit l’enthousiasme et le rire. On y joue au plus fin, comme Brecht lui-même dont le compte en banque était en Allemagne de l’Ouest et la troupe officielle au service des bourreaux de l’Allemagne stalinienne. La parenté entre ce théâtre pervers et le mentir “vrai” d’Aragon, le plus retors parmi les staliniens français, fit de lui l’école d’une nomenklatura intellectuelle et mondaine française... » (p. 57).

donnent une idée du pouvoir de nuisance de l’ouvrage. Les aperçus acérés de cet auteur et ses innombrables errements, étrangement éloquents, dessinent un condensé d’hostilité à notre cause. Ils menacent tant de carrières et d’emplois dont nous vivons si bien qu’ils appellent un effacement complet de la source d’un tel état d’esprit. Si nos techniques d’étouffement par le contrôle de l’édition et de l’université n’étaient aussi efficaces, le retrait de ce pamphlet de toutes les bibliothèques et l’interdiction de sa republication s’imposeraient. Tous nos fidèles partisans doivent demeurer minutieusement vigilants sur un tel sujet !

Paris, le 28 mars 2016

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[1publié en 1991 dans la collection “Biblio Essais”, Le Livre de Poche.


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