Les Contre-réactionnaires. Le Progressisme entre illusion et imposture (Introduction)

Pierre-André Taguieff
lundi 15 mai 2017
par  LieuxCommuns

Introduction du livre de Pierre-André Taguieff, Les Contre-réactionnaires. Le Progressisme entre illusion et imposture Denoël, 2007.

Source : www.edenlivres.fr/o/31/p/10545/excerpt


Par le mot « progressisme », je désigne de façon générale tout ce qui se dit et se fait au nom du Progrès sans qu’en résultent des progrès observables. Mais le progressisme ne se réduit pas à une invocation rituelle du Progrès qui ne s’accompagne d’aucune amélioration de la condition humaine. Il constitue un moyen de combattre des adversaires politiques, il sert d’arme symbolique permettant de disqualifier les contradicteurs ou les interlocuteurs récalcitrants. L’invocation magique du mot « progrès » possède plus d’efficacité symbolique que n’importe quel argument rationnel. C’est un mot-massue, avec lequel il est facile d’assommer l’intrus, l’objecteur, le contradicteur, rejeté dans les ténèbres de la « réaction ». C’est ainsi qu’au nom des Lumières on substitue le terrorisme intellectuel au légitime désir de convaincre par l’usage d’arguments. L’espace public est empoisonné par le soupçon et les mises en accusation, destinées à souiller leurs cibles. Depuis l’apparition de dictatures communistes qui se couvrent de références au Progrès et à la « libération de l’humanité », le progressisme a en outre pour fonction de légitimer, de masquer ou de transfigurer des régimes despotiques ou totalitaires, ainsi que de nouvelles formes de tyrannie liées au règne de la technique. Ensemble séduisant d’idées fausses, fragiles et douteuses qu’agrémentent quelques idées vraies, le progressisme fonctionne comme une idéologie, en se rendant utile, voire indispensable pour certaines entreprises politiques, dont certaines se sont révélées criminelles. J’appelle contre-réactionnaires ceux qui recourent au progressisme pour mettre en accusation leurs rivaux, leurs adversaires ou leurs ennemis, en vue de les disqualifier totalement, en commençant par les exclure de l’espace des débats légitimes. Ils se sont originellement affirmés, à l’époque de la Révolution française, à travers des polémiques toujours recommencées contre « la réaction », incarnée ensuite par l’ensemble des individus se montrant rétifs au parti du « progrès » ou du « mouvement » censé représenter la modernité et, plus largement, par tous les antimodernes.

On pourrait dire de la démocratie en général ce que Thibaudet disait en 1932 de la République, à savoir qu’elle est ordinairement pensée comme « un mouvement, le mouvement, une sorte de création continuée », de telle sorte que « le seul arrêt de ce mouvement » est perçu comme réaction : « La cessation de l’action est réaction, - la réaction. » Il s’ensuit qu’« un conservateur est encore réactionnaire quand il conserve la République telle qu’elle est » (2). Si la démocratie est processus de démocratisation, ou mouvement progressif de réalisation de l’idée démocratique, c’est-à-dire d’égalisation et d’amélioration des conditions, un « réactionnaire » se définit par son refus de suivre le mouvement, par ses protestations à l’égard de ce dernier, voire simplement par ses réticences vis-à-vis dudit mouvement. L’une des intuitions les plus fécondes de Thibaudet fut de postuler que ce mouvement est « sinistrogyre » : il va globalement vers la gauche, la gauche étant comme attirée par l’extrême gauche, et la droite déportée vers la gauche. Un progressiste est un individu qui juge que le « sinistrisme » (3) du système politique est une excellente chose, soit parce qu’il serait naturel (pour ceux qui croient que la nature a créé les hommes égaux en aptitudes), soit parce qu’il s’éloignerait de la nature (pour ceux qui pensent que celle-ci est injuste, puisqu’elle est source d’inégalités entre les hommes). Le « dextrisme » est par là discrédité, et le « sinistrisme » respectabilisé. Encore faut-il tenir compte d’une clause restrictive, et l’expliciter : on ne saurait être de gauche, on ne peut que le rester en étant de plus en plus à gauche. On ne peut rester « progressiste » qu’en se montrant de plus en plus « progressiste ». Tout arrêt sur la voie de la gauchisation indéfinie est aussitôt stigmatisé comme indice de position « réactionnaire ». En témoigne le passage à droite du libéralisme, originellement situé à gauche. Il en va de même en France avec le radicalisme, passé de la gauche au centre-droit. Est donc « réactionnaire » celui qui ne suit pas le mouvement « sinistrogyre », ou, d’une façon plus inquiétante, celui qui se rebelle contre ce dernier. Celui qui « résiste » au mouvement baptisé « progrès ». Est au contraire « progressiste » celui qui va dans le « bon sens », censé se confondre avec le sens de l’Histoire. Et, dans la longue période d’enthousiasme aveugle ouverte par la Révolution bolchevique, ce sens fut donné par le communisme, érigé en méthode de salut. L’intellectuel progressiste s’est ainsi défini essentiellement par son engagement en faveur de la révolution prolétarienne : tout ce qui, à ses yeux, allait dans le sens de la réalisation de l’utopie communiste lui paraissait nécessaire, même la violence extrême. C’est toujours au nom du Progrès qu’est justifiée la terreur dans le monde moderne. Le grand récit du Progrès permet d’intégrer le négatif dans l’histoire universelle, de le « dialectiser » et ainsi de le voir dans sa nécessité (4). L’intolérable est par là même transfiguré. Le cas de Sartre, tel qu’il fut analysé par Raymond Aron, illustre l’itinéraire typique de l’intellectuel progressiste :

« Jean-Paul Sartre, en tant que philosophe, ne doit pratiquement rien au marxisme. Il en a recueilli, non sans hésitation, le prophétisme. Il sacrifie en permanence au sinistrisme, autrement dit, il témoigne d’une indulgence extrême aux crimes commis au nom des “bonnes idées”, il manifesta plus d’une fois un manichéisme primitif ; la gauche trahit éventuellement les justes causes mais, hors de la gauche, pas de salut. (5) »

Le « progressiste », donc, comme un seul homme, s’opposerait au « réactionnaire ». C’est là bien sûr une simplification impliquée par le caractère polémique de l’étiquetage « réactionnaire ». Pour faire preuve de réalisme historique, il faut penser la « réaction » au pluriel. On peut être « réactionnaire » par l’effet d’un sens de la légitimité qui ne se reconnaît pas dans les évolutions observables, au nom de fidélités à des traditions historiques qui lui paraissent être trahies par l’extension indéfinie des normes démocratiques, parce qu’il juge que le processus d’égalisation est une injustice faite aux individus les plus « doués » (et il est vrai que l’égalitarisme commence avec la négation de toute différence interindividuelle entre les aptitudes intellectuelles), ou encore en ce qu’il oppose les valeurs d’ordre et d’autorité à la réalité sociopolitique qu’il perçoit comme entraînée vers l’anarchie. Il faudrait donc faire des distinctions fines entre les positions dites réactionnaires, montrer qu’elles sont multiples et susceptibles elles-mêmes d’interprétations diverses, en commençant par différencier avec soin les positions respectivement conservatrices, traditionalistes, libérales méritocratiques et autoritaires. C’est cette multiplicité que, par principe, les contre-réactionnaires méconnaissent, négligent ou nient. Dans la perspective progressiste, tout ce qui n’est pas progressiste est « réactionnaire ». Comme si le terme « réactionnaire » ne pouvait avoir qu’un seul sens, et un « mauvais » sens (6). La question a été magistralement clarifiée par le philosophe Leszek Kolakowski :

« Pour croire que l’adjectif “réactionnaire” est non seulement descriptif (indiquant une idée de retour à des formes anciennes et dépassées) mais qu’il contient un jugement de valeur péjoratif, il faut admettre non seulement qu’il y a un progrès, mais en outre qu’il n’y a que le progrès : puisque ceci implique que penser à un retour, c’est penser à quelque chose de pire. Donc, pour employer le mot “réactionnaire”, avec ce sous-entendu automatiquement ajouté, il faut admettre toute une théorie globale du progrès inévitable et incessant, une théorie dont la certitude – c’est le moins qu’on puisse dire – n’est pas tout à fait inébranlable. (7) »

C’est au cours du XIXe siècle que l’idée de progrès a donné naissance à l’idéologie progressiste – tel est le premier sens du terme « progressisme » : celui d’un grand récit donnant à l’Histoire un sens et un sens unique. Mais c’est seulement au XXe siècle que le progressisme est passé de l’illusion consolante ou exaltante à l’imposture idéocratique dans le champ d’influence du stalinisme, puis à la manipulation et à l’escroquerie politicienne dans les démocraties gouvernées par l’opinion – tel est le deuxième sens du mot « progressisme » : celui d’un instrument d’auto-légitimation et de délégitimation de l’adversaire, sur la base du principe « Qui n’est pas progressiste est réactionnaire, voire fasciste ». Le critère unique de jugement est à la portée de tous : on n’a plus qu’à se prononcer sur ce qui « recule » ou « progresse » en toutes choses et à quelque égard que ce soit. Tout ce qui arrive va soit dans le bon sens, soit dans le mauvais. Le premier venu est en mesure de juger souverainement de tout, en notant simplement que « ça avance » ou que « ça régresse » - on dit aussi « recule » ou « prend du retard » (lorsque, par exemple, « ça stagne »). « Marche en avant » ou « marche en arrière » : la pensée qui ne voit qu’en rose ou en noir peut se réjouir, elle en a fini avec les ambivalences et les ambiguïtés qui l’empêchaient de trancher en ronronnant. Les doutes s’envolent avec les hésitations, les évaluations incertaines, les conjectures en lesquelles, comme on sait, on risque de se perdre. Providentiel simplisme du binarisme moralisateur. Dispensateur de confort intellectuel et moral, le discours « progressiste » constitue en même temps un puissant mode d’intimidation, qui revient à lancer à tout contradicteur : « Taisez-vous ! Vous représentez le passé, vos idées sont dépassées, vous incarnez la Réaction ! »

Vers le milieu du XVIIIe siècle, un nouveau propre de l’homme est identifié par des penseurs des Lumières aussi différents que Rousseau et Turgot : la perfectibilité, faculté ambivalente par laquelle l’homme est susceptible de progresser ou de régresser, de s’améliorer ou de se pervertir. La perfectibilité est vite réduite à la faculté qu’aurait le genre humain de se perfectionner à l’infini, sur une voie unique. Condorcet prétend dresser un « tableau historique des progrès de l’esprit humain » à travers des stades se succédant suivant un ordre nécessaire. Benjamin Constant lui-même, en 1797, donne dans l’optimisme historique absolu, postulant une parfaite congruence entre le progrès comme processus « naturel » et les raisons d’espérer des humains :

« Ainsi nous voyons les passions se battre en retraite, furieuses, sanguinaires, féroces, victorieuses souvent contre les individus, mais toujours vaincues par les vérités. Elles reculent, en frémissant, devant chaque nouvelle barrière que leur pose ce système progressif et régulier, dont le complètement graduel est la volonté suprême de la nature, l’effet inévitable de la force des choses, et l’espoir consolant de tous les amis de la liberté. (8) »

Chez Saint-Simon et Comte, ainsi que dans les grandes philosophies de l’histoire, la vision grandiose d’une marche infaillible de l’humanité vers sa perfection finale, selon des âges successifs, s’offre comme une évidence exaltante. Au milieu du XIXe siècle s’installe la conception évolutionniste du progrès. L’idée d’une transformation du moins bien vers le mieux est érigée en une loi de la nature et de l’Histoire. Saisi par l’arrogance scientiste, le progressisme rompt avec l’esprit des Lumières. Le grand récit d’amélioration universelle semble avoir acquis ses lettres de noblesse scientifique : les membres de l’espèce humaine peuvent s’imaginer désormais embarqués sur le même navire en direction d’un monde meilleur, voire du meilleur des mondes. Mais toutes les « races humaines » ne progressent pas avec la même vitesse et certaines, les « primitives » ou les « sauvages », sont jugées inaptes au « progrès de la civilisation ». Telle est la face sombre de l’héritage des Lumières. Parallèlement aux doctrines racialistes légitimant la colonisation au nom de la supériorité de la « race blanche » qui, censée être plus « avancée » que les autres, aurait des « droits supérieurs », le « darwinisme social » fait l’éloge du principe de la lutte de tous contre tous, dans la concurrence économique ou dans la guerre, comme moteur du progrès (9). À la fin du XIXe siècle, le progressisme doctrinal se présente comme une utopie futuriste et scientiste tournée vers les « lendemains qui chantent » (le bonheur pour tous dans la société juste), un mythe politique moderne empreint de messianisme (en tant que récit d’émancipation) et une religion séculière (une doctrine de salut collectif). Rendre l’humanité meilleure, tel est le grand projet qui peut être réalisé par la Révolution - permanente de préférence -, par l’éducation et la rééducation, ou encore, puisque l’homme est aussi un animal, par l’action eugénique visant à rationaliser la reproduction humaine (10). Ce projet grandiose, ce programme de grands travaux de l’homme sur lui-même présuppose la volonté de rompre avec le passé, voire de l’abolir sans reste (« Du passé faisons table rase »), qui nourrit la grande illusion consistant à imaginer l’homme meilleur ou amélioré comme un homme auto-construit (11), sur la base d’un effacement total des sources de sens que sont les héritages culturels. Rendre parallèlement l’humanité heureuse, tel est l’objectif dont la réalisation progressive est pensée comme effet nécessaire du « développement » et de la « croissance », de la prospérité ou de l’abondance. Le culte productiviste accompagne chez les Modernes l’attente de l’accomplissement des fins dernières.

Après la Première Guerre mondiale, des doutes apparaissent sur les promesses du progrès. Le désenchantement mine le système des croyances progressistes. Mais les désillusions sont vite refoulées par l’enthousiasme déclenché par la Révolution bolchevique. Le communisme, après avoir réussi à monopoliser les passions progressistes, en arrive à incarner le nouveau progressisme, celui du XXe siècle. Un réenchantement de l’Histoire s’opère. Au milieu des années trente, à l’occasion de la lutte contre le nazisme, un nouveau rejeton du progressisme prend figure : l’antifascisme. Ce progressisme de combat instrumentalisé par les maîtres de la propagande communiste va se transformer, après la disparition du régime nazi et de ses alliés, en idéologie politique de substitution. Un héritage mémoriel demeure qui, un demi-siècle plus tard, permet toujours des identifications aussi abusives que gratifiantes : la posture du Résistant héroïque. Dernière version du « nous » idéal des progressistes. L’histoire de l’antifascisme sans fascisme commence. Il s’agit d’une figure modeste du progressisme, dans laquelle le mythe prométhéen est remplacé par la chasse au Mal politique, incarné par les « puissants » et les « dominants », les « bourgeois » ou les « capitalistes », tous « réactionnaires ». Ces visages supposés de « la réaction » sont dénoncés, par les milieux se disant progressistes, comme « fascistes » ou « d’extrême droite ». On ne prétend plus « créer l’Homme nouveau » ni « changer la vie », on se donne pour ambition de barrer la route à « la Barbarie », dont le nouveau nom est l’Amérique, avec son « impérialisme », son « racisme institutionnel » et son « libéralisme sauvage ». Les progressistes deviennent des compagnons de route des dictatures du Tiers monde, pour peu qu’elles dénoncent « l’impérialisme américain ». Et la diabolisation progressiste des États-Unis s’étend à Israël, alimentant l’antisionisme radical dont l’autre vecteur mondial est l’islamisme. Le pire obscurantisme est ainsi rejoint par le progressisme le plus dévoyé.

La double hantise de la « menace fasciste » et des « dérives racistes » devient le moteur du progressisme dans la période post-nazie, et fonctionne comme moyen de chantage permanent. Postulant l’assimilation polémique de la nation au nationalisme, de l’appel au peuple au populisme, elle se traduit autant par un antinationalisme sans nuances que par un antipopulisme sommaire et obsessionnel, qui reviennent à criminaliser le sentiment patriotique, l’attachement national et la souveraineté populaire. Simultanément, ainsi que le reconnaît un sociologue portant fort optimiste, « la croyance moderne selon laquelle l’abondance est la condition nécessaire et suffisante du bonheur de l’humanité a cessé d’aller de soi » (12). Quelle que soit la force de notre foi dans l’efficacité techno-marchande, nous devons nous faire à l’idée que le bonheur n’est pas au bout de la volonté humaine, qu’il ne saurait être l’effet nécessaire d’une maîtrise. Toujours fugitif et instable, jamais assuré, le bonheur à portée de volonté humaine ne peut être qu’un « frêle bonheur » (13). Et le sentiment s’accroît que le développement technologique lui-même échappe à la volonté et la maîtrise humaines, et que, loin d’être une condition nécessaire de l’émancipation des hommes, il pourrait produire de nouvelles formes d’assujettissement (14). Après la réduction et l’appauvrissement du stock des promesses et des espoirs de justice, d’émancipation et de bonheur, il ne reste plus au néo-progressiste qu’une arrogance propre à ceux qui se croient « du bon côté », une « vigilance » paranoïaque à usage politicien et une haine prête à se fixer sur tout groupe désigné comme « fasciste » ou « raciste » par les médias, ce contre-pouvoir qui a pris le pouvoir dans l’univers « communicationnaire » qui est le nôtre. L’internationalisme révolutionnaire tend à se convertir en un cosmopolitisme sentimental, dont le contenu se réduit à un éloge immodéré des « échanges » et des « mélanges », du « dialogue » fusionnel et des « hybridations » salvatrices, auquel s’ajoute une vision angélique de « l’autre » face auquel il faudrait pratiquer « l’ouverture » les yeux fermés, sous peine d’être soupçonné de « racisme » ou de « xénophobie ». Les dérives d’un certain nombre d’organisations dites « antiracistes » ou de « défense des droits de l’homme » se sont pleinement dévoilées lors de la « Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée », qui s’est tenue du 31 août au 8 septembre 2001 à Durban (Afrique du Sud) (15). Cette conférence « antiraciste » organisée par l’ONU a été l’occasion d’un déferlement de haine indistinctement antijuive et « antisioniste » (16), au point d’illustrer d’une façon saisissante la célèbre remarque, faite en 1967, du pasteur Martin Luther King : « Lorsque les gens s’en prennent au sionisme, ils pensent aux Juifs. » L’instrumentalisation politique de l’antiracisme lui a fait perdre non seulement son sens moral, mais aussi toute efficacité pratique : plutôt que de lutter contre les discriminations réelles, un certain antiracisme sert à régler des comptes, à disqualifier des adversaires et à préparer des carrières politiques ou médiatiques (17). La « vigilance révolutionnaire » recommandée dans la tradition léniniste (dénoncer les « ennemis du peuple » ou de « la Révolution » (18)) se transforme en délation sélective pour raisons personnelles. À l’exercice de la raison publique, au libre débat public qui seul nourrit le sens civique dans une démocratie vivante (19) se substituent des campagnes de diffamation, des opérations concertées de délation, des chasses aux sorcières, des lynchages médiatiques. Parallèlement, habillé d’une rhétorique sloganique de la « résistance au pire », le programme progressiste se réduit, d’une façon minimaliste, à prêcher le changement pour le changement : « faire avancer les choses », « bouger » et « faire bouger », comme disent politiques, gens de médias et publicitaires.

À travers bien des avatars, le progressisme, né dans l’enthousiasme pour les Lumières, a fini par devenir une nouvelle orthodoxie et, à travers son instrumentalisation par le totalitarisme communiste, une doctrine de haine doublée d’un permis de haïr avec bonne conscience, bref, une machine à fabriquer des ennemis absolus. Le progressisme, c’est la foi dans le progrès sans l’esprit critique ni le sens de la tolérance, avec la conviction dogmatique de posséder la vérité et d’être installé dans le Bien. Les plus terribles simplificateurs sont ceux qui croient savoir comment l’humanité doit agir parce qu’ils imaginent savoir où elle va. Ils en déduisent qu’ils sont autorisés à rééduquer ou à mettre à l’écart, voire à faire mourir ou à laisser mourir tous ceux qui ne suivent pas le bon mouvement ou ne s’inscrivent dans le sens de l’Histoire. Et cette légitimation de la haine est d’autant plus puissante qu’elle sollicite des passions qui ne trouvent pas à se satisfaire dans les démocraties libérales/pluralistes apaisées. Avec son pluralisme et ses règles de droit, la démocratie libérale est dépourvue des charmes redoutables des totalitarismes, qui promettent à la fois la satisfaction totale des besoins (de ceux qui sont reconnus comme vraiment « humains ») et la destruction définitive des racines du mal, par des mesures radicales de « purification ». Séduction redoutable des systèmes totalitaires : ils répondent aux attentes de ceux qui veulent le paradis sur la terre comme à ceux qui rêvent d’une humanité parfaite, absolument libre ou absolument juste. Or, l’utopie futuriste qu’est le progressisme est portée par le désir de « refaire l’Eden avec les moyens de la chute », pour le dire comme Cioran (20). Le rêve d’instaurer l’âge d’or dans l’avenir ne va pas sans une secrète aspiration à restaurer l’Eden : « Nostalgie renversée, faussée et viciée, tendue vers le futur, obnubilée par le “progrès”, réplique temporelle, métamorphose grimaçante du paradis originel. (21) » En quoi le rêve progressiste s’avère quelque peu « réactionnaire », au moins en un sens théologico-métaphysique. Les fervents de l’avenir ne sont pas étrangers à la nostalgie. Après tout, le mythe du « communisme primitif » n’a jamais cessé de hanter l’utopie de la « société sans classes » garantissant le bonheur de tous ou celle d’une humanité totalement « émancipée ». C’est pourquoi l’imaginaire totalitaire, si attrayant, n’a vraisemblablement pas fini de conduire l’humanité à la catastrophe. Si donc les régimes totalitaires restent « au centre de notre expérience du XXe siècle », c’est parce qu’ils « ont tenté d’incarner un gigantesque effort humain pour créer une société meilleure » (22), et qu’ils ont fini par illustrer la vérité toujours dure à entendre qu’offre cet aphorisme de Hölderlin : « L’État dont l’homme a voulu faire son Ciel s’est toujours changé en Enfer. (23) » Mais l’histoire universelle montre que l’humanité n’a jamais tiré des leçons durables de ses pires échecs, ni même de ses cuisantes déceptions. On peut ainsi comprendre pourquoi « nos rêves d’avenir sont désormais inséparables de nos frayeurs » (24). La conviction que l’humanité serait définitivement immunisée contre la tentation totalitaire n’est qu’une illusion de plus.

La transmission de l’héritage totalitaire, par diverses voies, a permis que s’établisse, après la disparition des États totalitaires, le règne d’un conformisme ombrageux, inquisitorial, allant de pair avec une pratique euphorique de la délation. Une redoutable machine à condamner, souiller et exclure s’est mise en place. Elle s’est solidement installée dans les sociétés démocratiques, où elle fonctionne à des fins particulières sous couvert d’engagement politique, moral ou social, et se pare des vertus supposées du militantisme. Le vieil antifascisme au service du totalitarisme communiste, ce progressisme de combat s’est métamorphosé en un néo-antifascisme d’esprit totalitaire, privilégiant un « antiracisme » à définition vague s’érigeant en tribunal des opinions, instrumentalisé notamment par les leaders communautaristes au nom de mémoires identitaires à la fois rivales et mimétiques. Qui n’applaudit pas à la célébration de telle ou telle minorité transfigurée en victime, se construisant par ses revendications infinies, est dénoncé comme portant atteinte à la « dignité » du groupe considéré, et traité en conséquence comme un ennemi de l’Humanité. Simple transformation à l’intérieur d’une tradition manichéenne, qui pousse à traiter tout contradicteur comme un ennemi absolu : les amis de l’Humanité, s’imaginant incarner l’Humanité même, ne peuvent qu’exclure du cercle de l’humain ceux qu’ils désignent comme leurs ennemis. En temps de paix, les dénonciateurs se contentent de la mort sociale des mal-pensants. Le robespierrisme aménagé consiste à faire appel à la guillotine symbolique de la condamnation médiatique. La bêtise qui écrase tout sur son passage s’allie ainsi à la vertu, celle des vertuistes. Le constat lucide formulé naguère par Karl Popper est toujours d’une inquiétante actualité : « La stupidité vertueuse fait incontestablement plus de victimes que la seule hostilité. (25) »

Le malaise aujourd’hui éprouvé par tant d’esprits libres vient peut-être de ce qu’ils perçoivent mieux que d’autres les signes d’une dictature d’opinion. Ils savent qu’ils vivent sous le règne d’un totalitarisme tiède et voilé, où des intellectuels jouent le rôle de commissaires politiques, de propagandistes et d’agitateurs. Le maccarthysme nous a montré comment un esprit paranoïaque pouvait se transfigurer en vigilance militante ravageuse : tous ceux qui n’étaient pas explicitement du « bon côté » étaient soupçonnés d’être du côté de l’ennemi. Combats idéologiques structurés par la rivalité mimétique : après l’affrontement mythique des anticommunistes et des antifascistes durant la seconde moitié des années trente, l’anticommunisme maccarthyste a fait pendant à l’antiaméricanisme soviétique au cours de la Guerre froide. La paranoïa vigilancielle est aujourd’hui monopolisée par les milieux qui se déclarent « progressistes » : face aux rebelles et aux rétifs, voire aux tièdes, le porte-Lumières déclaré se fait volontiers chasseur de sorcières. Quand l’ennemi ne peut plus prendre la figure du communisme ou du nazisme, il est facile de le réinventer, sur la base de quelques caractérisations négatives, en puisant dans un stock d’épithètes (première série : « archaïque », « rétrograde », « passéiste », « réactionnaire » ; deuxième série : « de droite », « d’extrême droite », « populiste », « xénophobe », « raciste », « fasciste » ; troisième série : « ultralibéral », « impérialiste », « proaméricain », « sioniste »). Si les réactionnaires n’avaient pas existé, les progressistes les auraient inventés. Lors qu’ils n’existent plus, ils les inventent.

Dans son texte introductif à un important dossier consacré aux « fascismes » - et non pas au « fascisme » -, publié par Esprit en décembre 1947, Emmanuel Mounier ne cachait pas son irritation devant les instrumentalisations politiques de la « menace fasciste » : « Nous avons hésité à écrire : fascismes. Où est, aujourd’hui, dans nos pays, le truquage socialiste sur le réveil nationaliste, où les sections d’assaut, les masses militarisées, les chants d’avenir ? ». Et il ajoutait, témoignant de son profond malaise : « Nous avons la nausée des mots qui ne servent plus, dans l’absence totale de pensée, qu’à disqualifier l’adversaire. » Un demi-siècle plus tard, nous pourrions reprendre à notre compte, sans en changer un seul mot, cette affirmation du fondateur de la revue Esprit.

On ne s’étonnera pas d’avoir vu surgir, dans les dernières années du XXe siècle, une série de réactivations de l’imaginaire antifasciste, dont le champ d’application est élargi, les modes de dénonciation radicalisés et adaptés rhétoriquement à la conjoncture. L’antirépublicanisme constitue l’un des plus récents avatars de l’antifascisme communiste-stalinien. Cette diabolisation orchestrée du modèle républicain, particulièrement en France où il a fait tradition, est inséparable de la célébration du modèle multicommunautariste, dont on peut observer différentes figures. À la faveur de la diffusion d’une version enchantée du multiculturalisme, célébré comme l’avenir radieux des démocraties pluralistes, leur avenir post-républicain, les entrepreneurs de communautés fermées ont inventé une nouvelle forme de progressisme à tendance totalitaire, fondé sur les impératifs de reconnaissance et de repentance. La plupart des thèmes d’accusation du vieil antifascisme de facture communiste-stalinienne sont réemployés contre la République, dont l’histoire est réduite à celle du racisme et du nationalisme xénophobe, du colonialisme et du néocolonialisme, sans oublier les exterminations de masse. On peut brièvement caractériser les conséquences pratiques d’une éventuelle application de ces impératifs : toutes convergent vers la mise sous tutelle identitaire/communautaire des individus, voire vers leur absorption par la communauté dévorante. La conséquence, c’est l’abolition des libertés individuelles, par d’autres voies que celles, servant de repoussoirs et d’écrans, suivies naguère par l’État totalitaire dans les régimes respectivement mussolinien et hitlérien.

C’est bien sûr dans la suppression des libertés individuelles que se dévoilent les tendances totalitaires à l’œuvre dans la vision dite communautariste, mieux nommée multicommunautariste (27). Dans la politique multicommunautariste, deux séries d’actions peuvent être distinguées. D’une part, réaliser le communautarisme politique au sens le plus fort du terme, c’est-à-dire appeler à reconnaître la valeur intrinsèque de toute identité collective sur le seul fondement de son auto-affirmation, et présenter corrélativement comme une « avancée » hautement souhaitable le passage du modèle de la nation républicaine à la société multi-communautaire. D’autre part, au nom du devoir de mémoire, reconnaître les torts causés dans le passé à diverses catégories de victimes - certaines réelles, d’autres imaginaires - et, en conséquence, juger légitime le principe des réparations, dont la principale traduction politique est l’application systématique de mesures de discrimination positive (« affirmative action ») en faveur des groupes jugés victimisés, ne serait-ce qu’en raison de leur douteux statut d’héritiers des maux subis par leurs ancêtres. L’enfermement communautaire est l’une des formes nouvelles prises par le projet totalitaire à travers une corruption des idéaux pluralistes.

La modernité progressiste a ses dissidents, ses insoumis, ses révoltés. Elle les repère et les identifie, les stigmatise et les dénonce en les diabolisant. Ces mauvais sujets, ces nouveaux damnés peuplent l’enfer que s’est créé le paradis progressiste : les « oubliettes de l’Histoire ». Il faut se donner le courage d’arpenter ce domaine, où se déploie une intolérance d’autant plus sournoise qu’elle se couvre d’appels pressants à « la tolérance », à « l’ouverture » ou à la « lutte contre l’intolérance », et où règne un esprit d’inquisition permanente, alimenté par des stéréotypes, des soupçons et des rumeurs. Pour en comprendre les fonctionnements, il convient de remonter aux origines de cette perversion de l’esprit public, d’esquisser une généalogie du progressisme saisi dans ses formes principales. On sera alors mieux à même de s’interroger sur son avenir. C’est-à-dire sur la face sombre de notre avenir. Tel est l’objet du présent ouvrage. Il porte sur les usages totalitaires du progressisme ou sur la logique totalitaire du progressisme, saisie dans ses différents aspects – des chasses aux sorcières modernisées et de l’éradication des héritages au culte aveugle de la croissance et à la quête du « toujours plus », légitimant une exploitation forcenée des ressources naturelles. Il ne met pas globalement en accusation le progrès comme intrinsèquement totalitaire, destructeur ou « meurtrier ». Manière de souligner d’entrée de jeu que la corruption idéologique de l’idée de progrès, appelée ici « progressisme », ne disqualifie pas l’exigence de progrès, qui reste à penser - à repenser - une fois accomplie la nécessaire tâche d’une critique radicale des illusions progressistes et des systèmes idéologiques dans lesquels elles sont instrumentalisées (28). À divers égards, l’exigence de progrès bien comprise conduit à ébranler les grosses certitudes du progressisme. Elle ouvre l’une des voies qui pourrait mener à une pensée postprogressiste.

Il ne suffit pas de répéter pieusement que les progressistes n’ont jamais cessé d’être des antifascistes qui n’étaient pas antitotalitaires. Il faut ajouter que l’antifascisme a été déshonoré par le communisme stalinien qui lui a imposé sa marque, donné son pli. Ce n’est là cependant qu’avoir fait une partie du chemin. Il nous reste à être antitotalitaire, non pas au nom du Progrès de l’Humanité, abstraction aveuglante et dévorante, mais avec la ferme résolution de défendre nos libertés, celles des citoyens vivant dans des nations libres. Car les citoyens libres ont un ennemi principal. Notons au passage que ceux qui prétendent n’avoir pas d’ennemis sont soit des saints, soit des hypocrites. Les premiers sont extrêmement rares, pour autant qu’ils existent, tandis que les seconds ont le nombre pour eux, et s’entendent fort bien. Mais l’ennemi totalitaire n’a pas le visage d’un ennemi de l’Humanité, il a celui de l’ennemi plus ou moins avoué des libertés, au nom d’une idée du Bien ou du Vrai qu’il prétend posséder. L’ennemi, c’est l’intolérance absolue, la seule qui soit vraiment intolérable.


1)Ouvrage à paraître chez Denoël le 14 mars 2007.

2)Albert Thibaudet, Les Idées politiques de la France, Paris, Librairie Stock, 1932, p. 36.

3)Du latin sinister : « qui est à gauche » (on disait aussi « à senestre »). À quoi s’ajoute le sous-entendu, porté par l’adjectif « sinistre » : « qui fait craindre un malheur, une catastrophe ». « Sinistrisme » s’oppose à « dextrisme », du latin dexter : « qui est à droite ».

4)Proudhon, s’inspirant de la dialectique hégélienne, soutenait que « la négation en philosophie, en politique, en théologie, en histoire, est la condition préalable de l’affirmation » et que « tout progrès commence par une abolition » (cité par Marc Angenot, Rhétorique de l’anti-socialisme. Essai d’histoire discursive 1830-1917, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2004, p. 238).

5)Raymond Aron, Plaidoyer pour l’Europe décadente [1977], Paris, Le Livre de Poche, coll. « Pluriel », 1978, p. 133. Dans le même sens, voir Jean-François Revel, « Philosophie et politique chez Sartre » (Le Figaro littéraire, 1964), in J.-F. Revel, Contrecensures, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1966, pp. 220-225.

6)Pour une problématisation de la catégorie « réactionnaire », voir Marc Angenot, op. cit., en partic. pp. 1-17.

7)Leszek Kolakowski, Le Village introuvable, tr. fr. Jacques Dewitte, Bruxelles, Éditions Complexe, 1986, p. 11.

8)Benjamin Constant, « Des réactions politiques » (1797), in B. Constant, De la force du gouvernement actuel de la France et de la nécessité de s’y rallier. Des réactions politiques. Des effets de la Terreur, préface et notes de Philippe Raynaud, paris, Flammarion, coll. « Champs », 1988, p. 152.

9)Voir John S. Haller, Jr., Outcasts from Evolution : Scientific Attitudes of Racial Inferiority, 1859-1900 [1971], New Edition, Carbondale and Edwardsville, Southern Illinois University Press, 1995, en partic. pp. 95-120 (chap. IV : « Race and the Concept of Progress in Nineteenth-Century Ethnology »), 124-128 ; George L. Mosse, Toward the Final solution : A History of European Racism [1978], Madison, WI, The University of Wisconsin Press, 1985, pp. XI-XII, 1-16, 71-93, ; Mike Hawkins, Social Darwinism in European and American Thought, 1860-1945 : Nature as Model and Nature as Threat, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 1997, pp. 47 sq., 125 sq., 139 sq.

10)Voir mon livre Le Sens du progrès. Une approche historique et philosophique, Paris, Flammarion, 2004 (3e éd. corrigée, coll. « Champs », 2006), pp. 225-258.

11)Voir Olivier Rey, Une folle solitude. Le fantasme de l’homme auto-construit, Paris, Le Seuil, 2006.

12)Gilles Lipovetsky, Le Bonheur paradoxal. Essai sur la société d’hyperconsommation, Paris, Gallimard, 2006, p. 13.

13)Voir Tzvetan Todorov, Le Jardin imparfait. La pensée humaniste en France, Paris, Grasset, 1998, Paris, Grasset, 1998, pp. 294-296 ; Gilles Lipovetsky, op. cit., p. 321.

14)Voir Jacques Ellul, Le Système technicien, Paris, Calmann-Lévy, 1977.

15)Quant à la Commission des droits de l’homme, organe de l’ONU, on sait qu’elle a donné durant des années la piètre image d’une politisation extrême, mettant en spectacle les rivalités des États. Elle comptait notamment parmi ses 53 pays membres le Soudan, le Zimbabwe et la Lybie, dont la représentante a été élue à la présidence de la Commission le 20 janvier 2003. Devenue un lieu de marchandages politiques aboutissant à la paralysie des dossiers et à l’enlisement des résolutions, la Commission a été dissoute et remplacée par le Conseil des droits de l’homme, lancé par l’ONU le 19 juin 2006. On est en droit cependant de s’inquiéter du futur fonctionnement de ce Conseil : parmi les 47 pays membres élus par l’Assemblée générale de l’ONU figurent notamment la Chine, Cuba et l’Arabie Saoudite, pays dont l’exemplarité en matière de défense des droits de l’homme est pour le moins contestable.

16)Rappelons seulement ce slogan, crié et diffusé par tracts : « One Jew, one bullet » (« (Un Juif, une balle »), ou ce cri du cœur de manifestants « antiracistes » et « antisionistes » : « Kill Jews ! ». Sur la conférence de Durban, voir mon livre Prêcheurs de haine. Traversée de la judéophobie planétaire, Paris, Mille et une nuits, 2004, pp. 336-340.

17)Sur les instrumentalisations de l’antiracisme, notamment en France, voir mes livres Les Fins de l’antiracisme, Paris, Michalon, 1995, passim, et La République enlisée. Pluralisme, communautarisme et citoyenneté, Paris, Éditions des Syrtes, 2005, pp. 237-267.

18)« Lénine nous a appris autrefois que tout membre du parti devait être un agent de la Tchéka, c’est-à-dire ouvrir l’œil et rapporter. » (Déclaration de S. Goussev au XIVe congrès du PC, cité par Michel Heller, Aleksandr Nekrich, L’Utopie au pouvoir, Paris, Calmann-Lévy, 1982, p. 150).

19)Voir Benjamin R. Barber, Démocratie forte [1984], tr. fr. Jean-Luc Piningre, Paris, Desclée de Brouwer, 1997, pp. 185 sq., 275 sq. ; John Rawls, Libéralisme politique, tr. fr. Catherine Audard, Paris, PUF, 1995, puis coll. « Quadrige », 2001, leçon VI, § 8.5, pp. 303-306 ; Id., Paix et démocratie. Le droit des peuples et la raison publique [1999], tr. fr. Bertrand Guillarme, Paris, La Découverte, 2006, pp. 159-211.

20)Sur ce thème, voir Cioran, Histoire et utopie, Paris, Gallimard, 1960, en partic. pp. 103-147.

21)Cioran, ibid., p. 113.

22)Juan J. Linz, « Épilogues », in Guy Hermet (dir.), Totalitarismes, Paris, Economica, 1984, p. 246.

23)Hölderlin, Hypérion ou l’Ermite de Grèce, précédé du Fragment Thalia, tr. fr. et présentation de Philippe Jaccottet, Paris, Gallimard, 1973, p. 84.

24)Cioran, Histoire et utopie, op. cit., p. 124.

25)Karl R. Popper, Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique, tr. fr. Michelle-Irène et Marc B. de Launay, Paris, Payot, 1985 [1ère éd. angl., 1963], p. 536.

26)Emmanuel Mounier, « La pause des fascismes est terminée », Esprit, 16e année, n° 140, décembre 1947, p. 797.

27)Pour une justification conceptuelle de ce vocabulaire descriptif, voir mon livre La République enlisée, op. cit., pp. 71 sq., 116 sq., 273 sq.

28)Voir mon livre Le Sens du progrès, pp. 259-333, et infra, chap. 4.


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