Une Gauche pour Alain Soral

vendredi 7 avril 2017
par  LieuxCommuns

Correspondance avec un sympathisant.
[Les modifications sont signalées entre crochets et sont le fait des auteurs.]


Envoyé : Le 3 avril 2016
De : Lieux Communs
À : Frederic Balmont
Objet : Re : Extrême-droite

Bonjour Frédéric,

J’ai terminé votre « Alain Soral » [Frederic Balmont, Alain Soral ou le retour de la bêtise immonde, 2015, L’Esprit Frappeur] il y a quelques semaines déjà. J’ai quelques disponibilités pour vous adresser le petit commentaire demandé.

D’abord je salue l’initiative, tant il est vrai que les thèmes soulevés par Soral gagnent en audience et méritent des réponses, des répliques, des ripostes. Et ensuite l’ambition salutaire du livre, qui cherche à traiter l’ensemble de l’ « œuvre », et ses fondements, et sans se cantonner aux saillies les plus rédhibitoires. Et enfin je reconnaît le travail fourni, l’immersion dans cet univers si particulier et peu ragoûtant, le souci de la référence bibliographique et audio-visuelle.
J’y ai trouvé, pour ma part, une connaissance un peu plus précise qui me manquait sur le personnage et ses productions, dont je n’avais qu’une vue très approximative et floue.

Ceci étant dit, la teneur générale de l’ouvrage m’a profondément gêné.
L’impression qu’il m’a laissé est que l’auteur s’est lancé dans un ouvrage polémique pour « contrer » le « soralisme » rampant dans les milieux « alternatifs » ou « gauchisants », mais a été amené, peu à peu, à devoir mobiliser des arguments de fond, sans forcément s’en donner les moyens ni en mesurer les conséquences quant à ses propres opinions. Sous cet angle, Soral n’est pas pris au sérieux : c’est particulièrement visible lors des réfutations psychanalytiques.
Cela donne, de mon point de vue et pour m’en tenir à un point central, une « défense et illustration » des dogmes gauchistes, de la vulgate radicalisée de la gauche, notamment relativiste, celle-là même que Soral semble entailler sérieusement et qui serait l’occasion d’une remise à plat des idéologies dans lesquelles nous baignons.
Nous nous retrouvons ainsi en très mauvaise compagnie : les Lordon, les Badiou (et son invention la plus débile ; le « pétainisme transcendantal » !), les Besancenot, les Boutelja (et ses « souchiens » !), etc.
Un exemple : pour qualifier de « fasciste » l’approche soralienne, trois catégories d’A. Bihr sont mobilisées, dont celle d’« identité ». On y apprend incidemment qu’il y a certes une « base identitaire » à l’extrême-gauche mais que celle-ci «  travaille à ne pas la fétichiser » ! (p. 130) (le critère serait donc le fétichisme, non l’identité). Il suffit pourtant de regarder, même sommairement, le XXe siècle pour se convaincre que le travail a quelque peu échoué, et que s’il y a bien un fétichisme de l’idée, une permanence des schéma éculés, une prison mentale, une incapacité à penser la réalité, bref un totalitarisme achevé, c’est à gauche, et plus encore à l’extrême-gauche ... Notre tract « Ce que nous appelons extrême-droite », nous semble, de ce point de vue, offrir une grille de lecture plus fertile.
Bien plus problématique : dans ce tir de barrage généralisé pour la défense du gauchisme se trouve mobilisé C. Castoriadis, dont sont exclus tous les écrits, pourtant nombreux et inévitables, qui pourraient amener une remise en question des dogmes qu’il a passé sa vie à combattre. Sur le fond, par exemple, la question du « déterminisme », centrale dans l’argumentaire soralien, est « réglé » par une note (p. 18), et filée tout au long de l’ouvrage selon une opposition binaire créativité / déterminisme, évacuant toute l’intelligence de l’approche Castoriadienne – un doute semble apparaître pp. 81-82, vite balayé (« En tous cas... »). Ainsi l’idée de « type anthropologique » (et dans une moindre mesure celle de « spécificité occidentale ») si fondamentale, semble appartenir au lexique de l’ennemi... Exit également toute sa critique des catégories marxistes et gauchistes, son démantèlement des relativismes, sa réfutation radicale du post-modernisme, de l’inconsistance de la doxa psychanalytique contemporaine, etc. etc.
Idem pour notre site, élogieusement cité p. 179, mais dont chacun de nos textes appelle à une remise à plat, ou même à une destruction pure et simple, des illusions gauchistes qui rendent les discours « réactionnaires » si attrayants pour qui veut rendre compte du réel contemporain.
Tout cela n’est pas de l’ergotage : le propos du livre en devient confus et finalement fort fragile puisque n’importe quel lecteur moyen de C. Castoriadis (voir par exemple des extraits que nous avons récemment publiés et titrés « L’autogestion de la mystification »), de notre site (voir par exemple « La confusion occidentale »), ou même de la simple réalité trouvera facilement matière à réfutation des point cardinaux de l’argumentaire. Nous sommes bien là dans l’impasse historique de la gauche, enfermée dans ses dogmes, et qui se refuse à considérer la réalité, transformant le moindre observateur attentif en porteur de lumière : et nous nous retrouvons avec ces géants de la pensée que sont Finkielkraut, Zemmour, etc. Et Soral. Ce n’est pas comme ça que nous nous en sortirons.

Dernière chose : l’absence totale, et pour moi inexpliquée, de la « question de l’islam » dans le livre. J’ignore la place qu’en fait Soral dans son propos, mais toute son approche me fait fortement penser à une version « occidentale » (et caricaturale) du discours islamiste ou plus simplement musulman, et on sait le succès qu’il remporte auprès de ce public et de ses démagogues (F. Berghoul...). Sachant également l’immense difficulté pour le gauchisme à se positionner face à cette extrême-droite religieuse exogène, cette absence est peut-être à relier à tout ce qui précède.
Voilà pour un commentaire succin et qui s’en tient aux grandes lignes. Il nous semblerait donc difficile de faire une recension de votre livre sur le site, sauf à en faire une expression de l’extrême difficulté dans laquelle se trouve les héritiers du gauchisme à affronter les enjeux de l’époque qui s’ouvre et à contre-carrer les discours régressifs à travers une remise en cause radicale de ses propres errements.
Il est toujours difficile de recevoir une critique pour un travail qui a demandé un tel investissement, et qui traite de questions aussi sensibles et actuelles. Mais la lecture récente de notre brochure « Malaises dans l’identité » a dû vous faire entrevoir l’essentiel de nos divergences. Mais ce sont elles qu’il faudrait préciser.

Amicalement

Quentin


Envoyé : lundi 4 avril 2016
De : « Frederic Balmont »
À : Lieux Communs
Objet : Re:Re : Extrême-droite

Bonjour Quentin,

Tout d’abord je vous remercie pour cette critique. Rares sont les retours sérieux, même acerbes ils sont toujours appréciés. De ce fait, je n’ai rien à vous dire quant à la publication d’un démontage en règle de mon bouquin sur votre site. J’y suis a priori favorable si vous estimez que cela peut être utile à clarifier le débat ou à faire progresser les idées que vous pensez indispensables au projet d’autonomie, que c’est mérité, etc.
Je ferai certainement l’unanimité contre moi par ce livre. En cela j’ose croire qu’il n’est pas si mauvais, et qu’il comporte une réelle dimension problématique (et pas simplement un tir de barrage gauchiste). A ce propos [j’ai envoyé mon texte à Yves Coleman], et [j’imagine qu’il ne sera pas tendre, en partie peut-être] pour des raisons symétriques aux vôtres. [Par ailleurs], j’ai déjà été chahuté pour avoir cité Castoriadis et Lieux Communs : pour la personne en question [(que vous ne connaissez pas)] on serait ici à la limite du délire militariste anti-communiste, du racisme, de l’islamophobie etc.
Mes « copains » [amateurs de Foucault] (pour vous, je pense que c’est encore une très mauvaise fréquentation, des gauchistes post-modernes) me reprocheront sans doute de n’être pas assez foucaldien.

Je vous prie d’excuser la longueur du courrier ci-après. Je vais venir sur Paris une semaine en mai, j’aimerais beaucoup rencontrer les gens de Lieux Communs.

***

Je dois avoir cette capacité toute gauchiste à l’auto aveuglement, car je ne me reconnais pas entièrement dans les reproches que vous me faites, et j’ai peur de ne pas bien saisir nos points de divergence.
Quels sont donc les points cardinaux de mon argumentation qu’un lecteur simplement moyen de Castoriadis, voire de la réalité nue, pourrait aisément pulvériser ? A mon sens, ces points cardinaux sont justement nos points communs. Sauf à penser que les points réellement cardinaux sont les points plus implicites, auxquels vous parvenez par déduction : le relativisme, le gauchisme, l’islamo-gauchisme. Déductions faites par des raisonnements fautifs me semble-t-il.

  • Sur la question de l’extrême-droite, je reste convaincu de la pertinence de l’analyse de Bihr. Ensuite, la caractérisation de fascisme (sans entrer dans l’exposé des hésitations que j’ai eues à utiliser le terme fascisme), si je compare mon argumentaire avec votre texte sur « Ce que nous appelons extrême-droite », je ne vois pas de réelles divergences. Il me semble même que tous vous points sont présents à un moment ou à un autre dans mon argument. Il est possible cependant que j’en fasse dériver certains du triptyque de Bihr. Possible aussi que l’hypothèse esquissée dans le chapitre sur le fascisme comme processus vous ait heurté.
    Il est à noter que vous attaquez sur la question de l’identité. J’ai perçu dans votre critique, très liée à la question de l’occident et de l’islam, un penchant à m’identifier sans nuance à la vulgate radicalisée gauchiste (voici une expression pour moi tout à la fois pleine de compliments et de dédain !). Tout intérêt, même maîtrisé, pris aux gender studies, à Foucault, au « constructivisme », vous semble-t-il conduire nécessairement à une défense du capitalisme insignifiant et destructeur, au n’importe quoi épistémologique, au trouble grave dans le genre, à la destruction de la famille comme fondement d’une psyché équilibrée, elle-même fondement de la démocratie, au relativisme conduisant à l’islamo-gauchisme, et finalement à la destruction du projet d’autonomie ? Ce serait aller très vite et de manière assez inconséquente [...]. Vous me faites l’impression d’avoir peur de mettre le doigt dans un engrenage, et partant, vous me faites l’impression, pour le coup, de travailler à une forme de clôture. Pourtant en relisant la brochure sur le malaise dans l’identité, j’y vois de nombreux points d’accord et des formulations très proches dans mon livre (par exemple identité comme héritage à assumer et critiquer, identité comme projet, donc identité comme nécessaire à la consistance). Je pensais d’ailleurs que certaines de mes formulations et thèses proches des vôtres, allaient me valoir des accusations de rigorisme, de racisme, de droitisation (par exemple lorsque je traite de la délinquance, des nuisances réelles ; lorsque je précise que la montée de l’insignifiance touche aussi fortement les gauchistes, gays, féministes, etc.) ; accusations qui arrivent déjà en fait. Chevènementisme m’a-t-on dit !
    Les trois catégories de Bihr doivent être présentes ensembles pour caractériser l’extrême-droite. Mais vous avez raison il peut être intéressant de les disjoindre et de voir ce que ça donne. Vous dites que le problème est le fétichisme et non l’identité. En fait il s’agit bien du fétichisme de l’identité. Il n’est pas question d’autres formes de fétichisme ici. Mais je vous le concède, l’extrême-gauche a souvent échoué à travailler à ne pas fétichiser ses identités et/ou ses idées. Et le reproche de sectarisme appliqué aux groupes gauchiste aujourd’hui doit être en partie justifié, bien que dans le discours ils se gardent d’en faire explicitement un programme contrairement à l’extrême-droite. L’idée pour moi était aussi de m’adresser aux « gauchistes » qui seraient tentés par le fétichisme de l’identité, sans les braquer, pour qu’ils s’interrogent sur leur propre fétichisme, en vue de (et là je vais faire un crime de lèse-castoriadisme) « faire être ce qui n’est pas ».
    Pour être à la CNT [...], je ne constate pas de code vestimentaire particulier, et figurez-vous, certains mangent même de la viande.
    Pour ce qui concerne le fétichisme de l’idée et les prisons mentales ou théoriques, ça ne concerne évidemment pas que l’extrême-droite, donc ça n’est pas un critère discriminant. Ceci dit j’imagine que l’on vous fait aussi parfois ces reproches (sectarisme et clôture théorique). En tout cas, sur ce point précis, j’estime que vous ergotez. A tout le moins, le constat que l’extrême-gauche est/a été souvent imbécile et totalitaire n’est pas une objection sérieuse à l’utilisation du triptyque de Bihr, à plus forte raison lorsqu’on voit notre similitude d’analyse de l’extrême-droite.
  • Sur les idées gauchiste, vous ne devez pas faire référence non plus au dernier chapitre puisque les grands thèmes (égalité des revenus, division du travail, primat du politique, démocratie directe, institutions sans représentants, type anthropologique) sont aussi défendus à longueur d’articles sur votre site. A mon avis ce qui vous contrarie c’est que vous croyez voir dans mon texte une vulgarisation et diffusion de ce que vous détestez à savoir du Foucault, des gender studies, de l’anti-occidentalisme pro-musulman avec habillage pseudo-marxiste.
    Plus généralement, en relisant mon livre je pense sincèrement avoir été, comme dit Castoriadis dans « La musique abolit le monde », sur la crête, entre le réalisme et le constructivisme radical.
    Je relie ça avec votre reproche qui me touche le plus, celui d’avoir perdu l’intelligence de l’approche castoriadisienne en opposant de manière binaire création/détermination. J’ai mis une note, effectivement, car je ne pense pas que travailler ce point passionnant et à mon sens le plus important de la philosophie de Castoriadis pouvait se faire dans un ouvrage pareil. Je regrette d’ailleurs que Castoriadis n’ait pas plus encore travaillé ce point, c’était en projet si je ne m’abuse dans l’Élément Imaginaire dont on n’a qu’un ou deux chapitres. Cette double ontologie est la merveille de son œuvre et point attaqué comme étant le retour possible à l’obscurantisme (voir le débat entre Khalfa et Bensaid sur Marx, dans lequel un autre sociologue intervenait pour montrer les risques liés à une approche comportant une dimension non déterministe assumée).
    En ce qui me concerne, je pense que vous avez fait une erreur de lecture en indiquant une telle opposition binaire. Il se trouve qu’étant donné les objectifs, je devais souligner l’aspect poietique pour « ouvrir » par rapport au déterminisme brutal de Soral. Nul n’était alors besoin d’entrer dans une analyse fine du tissage, puisque l’objet n’était pas là. Ceci dit, le fond comme la forme du texte laissent voir sans ambiguïté que je n’oppose pas les deux aspects de manière binaire.
    S’il y a un litige concernant ma réflexion quant à la possibilité du projet d’autonomie ailleurs que dans un occident à la famille traditionnelle stricte, je suis impatient de vous entendre faire la démonstration théorique inverse (je ne l’ai pas trouvé chez Castoriadis, encore moins chez Soral ou Zemmour).

Là, je pense toutefois que nous avons des points de désaccord de fond. Sur la psychanalyse par exemple [(dont j’ai une expérience et livresque et pratique)]. Je pense qu’elle pose de gros problèmes, à la fois pour les raisons que Foucault invoque (et que des psychanalystes trouvent indispensables – J.Birman par exemple), et aussi parce que je doute qu’elle soit la manière la plus prometteuse de penser la complexité humaine, surtout quand elle se pose en théorie complète et exclusive. Là on pourrait aisément appliquer le reproche de fétichisme. Et si Castoriadis aurait pu et dû être la première et la plus profonde étape d’une refonte totale de l’institution et de la théorie, par son concept de psyché, l’application de son ontologie, et des novations thérapeutiques ; il n’en est rien. Le quatrième groupe n’est pas une force réelle. La psychanalyse à mon avis n’en a que pour une génération ou deux. Comme ces espèces en voie de disparition, et dont le nombre d’individus restant n’est plus suffisant pour une perpétuation. C’est à la fois dommage, et en même temps c’est bien fait. La psychanalyse façon Castoriadis était une chance, la psychanalyse « main stream » n’a pas grand intérêt. Cela doit transparaître dans le livre, bien que ça n’était pas l’objectif.
L’expérience sur les Inuits, j’imagine vous a semblé très gender studies. De quoi m’accuser de gauchisme imbécile. Pourtant, je pense que ce genre d’objections et le trouble généré dans le genre, la famille, la sexualité, etc. devrait stimuler les castoriadisiens plutôt que de les effrayer en pensant que cela rend les Soral et Zemmour attractifs [...] (ou que ça rend certains aspects conservateurs attractifs à yeux même des castoriadisiens, comme une manifestation d’une vérité et d’une naturalité minimale !). A plus forte raison lorsque ces troubles ne conduisent pas au relativisme, mais sont une invitation à affiner son épistémologie, son appréhension du réel [...] ; et surtout a assumer ses valeurs et choix politiques sans avoir besoin de se les garantir par une science dure (mon texte avait cette ambition).
A la lecture de votre critique, je conclus que les types anthropologiques tels que rendant possible l’autonomie sont pour vous a relier avec ce que j’appelle l’anthropologie de Soral. C’est pour cela sans doute que vous dites que je vous laisse du côté des Soral et Zemmour. Là on aura aussi un point de divergence. Pour moi, tout en restant castoriadisien, même moyen, tirer des conclusions aussi tranchées et définitives que vous le faites n’est pas une nécessité théorique. Lors de notre altercation à trois avec Y.Coleman, il m’a semblé que vous alliez trop vite sur la question de la religion. J’avais fait preuve de plus de discernement que vous à mon avis. J’imagine que cela sera vrai aussi pour les autres points qui vous ont fâchés dans le livre. Et pourtant, Dieu sait que je ne suis pas aussi relativiste ou postmoderne que vous le dites, Dieu sait que je me défie des religions.

Autre erreur de lecture, que je place « type anthropologique » dans les catégories de l’ennemi. Au contraire, je l’utilise à mon service. Sur la spécificité de l’occident en revanche, je trouve ce concept plutôt foireux. Si je veux bien reconnaître qu’il y a une spécificité historique de l’occident (la rupture grecque), je pense que cet héritage est en droit pour tous, que les cultures autres peuvent et s’en sont imprégnées (avec plus ou moins de succès, mais en le comparant à l’occident/origine, il est permis de rire de nous-mêmes). Je crois que c’est l’occident qui est aujourd’hui le plus grand fossoyeur de cet héritage, et que son histoire ne lui donne aucune pré éminence dans la défense du projet d’autonomie. Je viens de lire un livre de Chomsky (Dominer le monde ou sauver la planète), je me dis que s’il faut être intransigeant sur la critique de la religion, il ne servait à rien de prendre l’Islam comme clé d’entrée spécifique dans mon bouquin (et peut-être en général). Mieux vaut flatter les tendances et les aspects d’histoire « communistes », critiques, etc. de ces cultures. Le plus grand frein est l’occident aussi en ce qu’il nourrit l’islamisme, prétend en user à sa guise, et commet les pires exactions et terrorismes dès que se manifeste ce projet d’autonomie.
D’ailleurs, je vous trouve un peu hystérique sur ce ce point. Il est précisé dans mon livre que la critique de Soral pourra être avantageusement exportée, chez les islamistes même modérés, et autres religieux.

Pour résumer, je crois que vous avez fantasmé beaucoup de mon gauchisme, relativisme, post-modernisme, manque de sérieux, laxisme pour les totalitarismes et mauvais goût vestimentaire fétichisé ; que l’aspect ironique ou problématique sur les fondements anthropologiques de l’occident (au moins tels que Soral les donne) vous a heurté et semblé au mieux irresponsable, au pire relativiste ; que ma prétendue complaisance à l’égard des musulmans a fait de moi un ennemi de la démocratie.
Pour le dire vulgairement, j’ai reçu votre critique comme « ce con fait des gender studies et de l’islamo-gauchisme en se revendiquant de Castoriadis » !
Ceci dit, vous avez raison sur un point, je n’ai plus l’expérience de la ville et des quartiers depuis 20 ans. Venir dans une grande ville et voir ses banlieues me déplaît au plus haut point. Peut-être n’ai-je pas idée de ce qu’il s’y passe et de ses enjeux spécifiques et concrets. [...]
Pour finir, je ne vois pas en quoi Lordon est une mauvaise fréquentation. Pourriez-vous m’éclairer ? Je l’admire fortement, même si je ne puis qu’être contrarié par son ontologie unitaire déterministe.

Amicalement,

Frédéric


Envoyé : dimanche 17 avril 2016
De : Lieux Communs
À : Frederic Balmont
Objet : Re : Extrême-droite

Bonjour Frédéric,

D’abord merci de ne pas avoir (trop) pris ces critiques comme des attaques. Avec l’investissement que représente l’écriture d’un livre, il est toujours délicat d’avoir une distance suffisante.

Mais il est difficile de poursuivre nos échanges, tant les malentendus et les erreurs de lecture mutuels semblent s’accumuler à une vitesse singulière.
Peut-être se nourrissent-ils à une même racine, la conception du travail intellectuel et politique requis aujourd’hui, et la compréhension de celui de C. Castoriadis. Il ne nous paraît pas si simple de faire cohabiter ses idées avec celles de Foucault, du post-modernisme, d’un Badiou, d’un Lordon (piètre paléo-marxiste, au passage, n’importequoi-iste le reste du temps) de l’ « antifascisme », du gauchisme contemporain ou d’une Boutelja, à moins de viser une sorte de « front commun », qui semble être finalement l’ambition du livre, une espèce d’union sacrée face au soralisme national.
Sans doute sont-ce là les divergences entre nous qui nourrissent toutes les autres.

Sans doute en discuterons-nous lors de votre passage, si nous arrivons à trouver un moment commun.

A bientôt

Q.


Commentaires

Soutenir par un don