Introduction
Le postulat de départ est que les gens rassemblés sont animés par la volonté de voir s’instaurer une société fonctionnant en démocratie directe. C’est-à-dire qu’il ne sera pas question ici d’aménagement du régime représentatif actuel par les consultations, participations, etc. mais bien de la perspective d’une transformation radicale de la société.
L’approche sera essentiellement politique, et d’abord parce que le terme de démocratie directe l’est, contrairement à l’héritage marxiste qui mettait l’accent sur l’économique, même si celui-ci devait être abordé en troisième partie de soirée, ce qui n’a pas été fait faute de temps. Quant à l’aspect culturel, fondamental, il sera abordé lors de prochaines soirées.
Imaginer une démocratie directe à grande échelle, l’ambition n’a rien d’abstrait : La précédente session avait mis l’accent sur l’histoire de ces moments, longs de plusieurs siècles (comme la Grèce antique) ou de quelques années, mois ou jours concernant les moment révolutionnaires comme la révolution française, la Commune de Paris, l’Espagne de 1936-1939, la Hongrie de 1956, etc. ou peut-être Mai 68. Nombre d’écrits historiques en témoignent, mais bien peu d’auteurs se sont attelés à la description même du fonctionnement d’une société auto-gouvernée. Depuis cinquante ans, les tentatives se comptent sur les doigts d’une main : On peut évoquer C. Castoriadis à la fin des années 50, puis, plus récemment Fotopoulos, qui le reprend, ou encore Bolo’bolo (Cf. Bibliographie).
La soirée est organisée en plusieurs parties, chacune d’entre elle étant introduite par un court exposé qui laisse place à un débat d’un heure, en parole libre.
1 – Première partie
Avant d’aborder le vif du sujet, nous partons justement de ce paradoxe : Pourquoi aussi peu d’écrit de ce type ? Pourquoi, alors que la perspective d’une autre société sourd depuis longtemps, rencontre-t-on aussi peu d’essais ? Quelles sont les objections qui surgissent à l’esprit, ou dans une discussion, dès que cet aspect des choses est abordé ? Et parallèlement, en quoi cette ambition est-elle légitime, utile, en quoi peut-elle nous aider ?
Plusieurs réponses ont été apportées :
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- La question est une vraie interrogation : il y a comme un interdit psychologique qui frappe toute tentative de penser une société meilleure.
- Mais même depuis le mouvement ouvrier du XIXe, il y a très peu de projet de société. Mais il est vrai que si l’on veut un autre type de société, il faut un projet de société.
- Parce que un tel projet doit être porté par tous :
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- Quelle légitimité une seule personne, ou un petit groupe peut-il avoir à décrire une société en démocratie directe, alors que l’essence même d’un tel régime repose sur la participation de tous ?
- Pour E. Chouard, il n’y a pas à rédiger de constitution pour les gens : il faut que ceux-ci le fassent.
- Il revient à des représentants tirés au sort de rédiger une constitution, non à un petit groupe.
- La démocratie doit s’inventer tous ensemble, définir plus précisément un projet ou un programme à quelque uns par avance n’est pas démocratique, ce serait exclure les gens : c’est une chose que l’on doit faire tous ensemble, au fur et à mesure. L’unique intention que nous devons avoir repose sur la définition des principes d’une condition de production collective.
- Il faudrait qu’il émerge au moins un projet de ce type, pour qu’il soit discuté. Et le mieux serait qu’il en existent des dizaines, pour qu’ils soient confrontés les uns aux autres.
- Parce que la notion de démocratie directe est impopulaire :
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- Il n’existe que très peu de personnes qui prennent réellement parti pour la démocratie directe : il ne faut pas s’étonner du peu de travail qui les entoure.
- Pour beaucoup de gens, si la démocratie, c’est le pouvoir du peuple, elle est impossible parce que le peuple est fondamentalement incompétent.
- La notion de démocratie rend dubitatif parce qu’on se demande si le peuple a vraiment la compétence pour diriger.
- Le peuple étant souvent appelé aux urnes, il a l’impression d’être en démocratie.
- Le pouvoir de tous, c’est la fin du confort : c’est une perspective qui fait peur.
- Il y a une infantilisation par l’éducation actuelle, qui déresponsabilise les gens.
- L’idée que le peuple doit être éduqué par les intellectuels.
- Parce qu’il y a une main-mise des intellectuels sur la question :
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- Il y a le poids du pouvoir des intellectuels : une telle entreprise comporte une dimension pratique qui est toujours dépréciée.
- Pour les intellectuels, la question de la description d’un tel régime est trop simple, cela n’a rien d’intéressant.
- Ronsavallon évoque V. Considérant, mais celui-ci s’est arrêté aux grands principes.
- Il y a une difficulté à articuler la démocratie et la méthodologie : il y a beaucoup d’expériences intéressantes, mais à petite échelle, comme la sociopsychanalyse de Gérard Mendel, et elles ne sont pas raccordée à de plus grandes entreprises, comme le changement social.
- Parce que la notion de démocratie directe est trop récente :
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- Le système de vote est historiquement trop récent : il est encore identifié à la démocratie.
- Le système représentatif n’est entré en crise que très récemment, ces dernières années : la réflexion sur son remplacement n’est donc pas encore aboutie.
- La démocratie directe ne peut émerger que par l’effondrement du système représentatif, c’est-à-dire la fin de l’État-nation, qui ne se profile que maintenant.
- Parce qu’il existe des contre-exemples présents ou passés :
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- Les gens sont confrontés à l’exemple de la Suisse : la démocratie directe, c’est les référendums populaires.
- Il faut mettre en parallèle l’idée de démocratie directe avec celle d’autogestion : et celle-ci a été mise en place par en-haut en Yougoslavie, avec les résultats que l’on sait. C’était en fait une dictature autogérée par Tito : ce souvenir dissuade les gens de s’y intéresser.
- Il y a actuellement un procès fait à l’utopisme, du fait de l’histoire passée : les changements de sociétés au XXe siècle ont échoué ou ont instauré des régimes encore pire (totalitarisme). Et chacun sent bien que les individus contemporains sont incapables de fonctionner en démocratie directe : ils ne peuvent donc qu’échouer aux aussi. Il faudrait des gens vertueux, ce qui n’est pas le cas.
2 – Seconde partie
Un modèle est proposé, afin de cadrer les débat autour d’un exemple à discuter.
Si on admet que la démocratie est le pouvoir du peuple, l’instance de souveraineté doit être le peuple assemblé. Ces assemblées générales, si on considère le rassemblement physique comme primordial, doivent être tenues, pour rester dans des dimensions déjà vues dans l’histoire et donner toute sa place à l’individu, à l’échelle de communes de 30.000 habitants maximum. Ces assemblées seraient les uniques organes souverains du pouvoir, qu’elles pourraient déléguer à des instances plus petites, ou au contraire à de plus grandes échelles (région,…).
A partir de là, deux directions de réflexions sont proposées :
- D’une part, quels sont les dispositifs internes permettant un réel exercice du pouvoir, c’est-à-dire quelles dispositions seraient à prendre pour faire de ces assemblées des groupes adultes de délibération et non des meutes ?
- D’autre part, quelles seraient les instances concernant les décisions à plus grande échelle, comme la région, le pays, ou le continent ? Et comment fonctionneraient-elles ?
Les interventions peuvent être regroupées par thèmes.
- La relocalisation
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- Il ne peut y avoir de démocratie directe partielle : que ce soit les référendums en Suisse, ou les votations populaires comme en Grèce récemment, ce n’est pas la démocratie véritable. La révolution des œillets a échoué parce qu’elle était trop localisée. La question est d’instaurer une démocratie directe au plus haut niveau.
- Faut-il être rattaché à un lieu géographique ? Personnellement, je n’ai pas d’attache territoriale particulière, et je n’ai me pas cette idée de localisme qui donne l’impression d’être enfermé, enchaîné.
- Le problème de la pollution de la Bretagne ne regarde pas que les Bretons : il doit y avoir une solidarité la plus large possible. Mais il faut bien être de quelque part : aujourd’hui, nous sommes débordés d’information du monde entier mais sur lequel nous n’avons aucune prise.
- Nous sommes aujourd’hui de partout et de nulle part.
- Le local doit pouvoir interpeller le local : il doit être possible que des communes élaborent ensemble des projets communs.
- Le cadre donné est trop restreint géographiquement : on se coupe complètement de la marche du monde actuel, qui est organisé mondialement, par exemple pour les production immatérielles.
- L’autonomie des communes n’implique pas du tout leur autarcie : il est évident qu’aucune commune, qu’elle soit urbaine ou rurale ne peut survivre, en serait-ce que matériellement, sans l’implication et l’association avec une multitude d’autres, à toutes les échelles.
- Cette idée d’auto-organisation des communes implique un réaménagement du territoire. Il y a aujourd’hui en France une diagonale du vide. Et il y a le risque de repli communautaire local. Il faut une relocalisation, mais en maintenant les intérêt globaux.
- Les organes de plus petite échelle
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- Des assemblées de plus de 5.000 personnes peuvent très bien voter. Mais qu’en est-il de la de l’élaboration des lois et de la délibération ? Il faudrait un échelon inférieur : par exemple des groupes de 10 personnes qui s’en chargent puis envoient un des leur à l’assemblée.
- La question des délégués / représentants
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- Il faut que les choses qui doivent être décidées au niveau national le soient : il doit y avoir une véritable assemblée nationale, constituée de gens tirés au sort et régulièrement renouvelés. Et de même au niveau régional ou départemental.
- Faut-il vraiment des représentants ou des délégués ? Il y aura une administration publique : pourquoi ne pas lui confier le soin de transformer les projets de citoyens en lois ? La véritable question est celle de l’échelle de décision.
- Il faut faire attention à ne pas réinstaller de technocratie avec une armée de fonctionnaire : c’est la tendance mortelle à la bureaucratisation. Ce seront ces gens-là qui décideront à la place des gens.
- En Grèce antique, les fonctionnaires étaient esclaves : l’équivalent de nos ministres l’étaient, ainsi que les policiers… La question de la bureaucratisation ne se pose donc pas.
- Il faudrait supprimer l’impôt en tant que tel et le remplacer par des contributions personnelles et choisies.
- C’est l’absence de délégués qui garantie une démocratie directe.
- Les délégués doivent avoir un pouvoir de transmission, mais pas de réflexion.
- On pourrait distinguer trois niveaux : celui de l’élaboration, qui doit effectivement de faire en petits groupes, celui de la délibération, qui peut se faire en assemblées de grandes dimensions, et le niveau de décision, qui peut se faire efficacement par internet. Ce qui est primordial, c’est la question : à quel niveau doit se prendre telle ou telle décision, comme la pollution d’une rivière ?
- Internet
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- Internet est un bon outil pour l’élaboration des lois et la délibération. Mais par contre, les risques de piratages sont trop importants pour le vote, qui doit rester physique.
- L’important, c’est que les gens discutent à chaque niveau d’organisation, et élaborent des projets. Le danger de piratage peut être évité par le vote électronique comme cela se fait déjà.
- Internet, c’est pour les riches. Les pays pauvres ne peuvent pas fonctionner en démocratie directe ?
- Le problème avec internet, c’est qu’il présuppose toute la société actuelle, de l’extraction des ressources naturelles jusqu’aux modes de fabrication, donc le travail actuel… Sans même parler de la consommation d’électricité, colossale et dont on ne parle jamais.
- Fonctionnement de l’assemblée
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- Il y a un certain nombre de choses importantes à mettre au point : contrôler l’exécution des lois, assurer leur examen, vérifier la révocation des délégués. Il y a la question en assemblée du nombre et du tour de parole : est-il si important que cela que tout le monde parle ? Non, si on est d’accord, il n’y a pas à répéter ce qui vient d’être dit. Il y a aurait aussi l’idée de tribus primitives de délégués sans pouvoir. Il y a la question de la majorité : y aura-t-il une majorité, une opposition ? Je ne crois pas tellement au consensus. Enfin, la question de la vertu est importante et doit être distinguée du savoir.
- C’est l’assemblée qui doit décider qui peut y siéger, qui n’est pas citoyen.
- C’est dommage de poser la question en terme de « trop » : trop de gens, trop d’intervention, trop de parole. Il y a l’écrit, qu’on peut utiliser.
- On peut poser des grands principes démocratiques, mais qu’est-ce qui nous garantira qu’ils ne seront pas changé au fil du temps ?
- Il est impossible de garantir l’immobilité d’une société et on ne peut que postuler le droit à l’erreur, qu’il s’agisse dans l’élaboration ou dans la destruction de ce qui a déjà été fait.
- L’information est également importante, sans laquelle il ne peut y avoir de délibération vraie. Aujourd’hui il y a internet, mais aucune rigueur. Il faudrait un organe qui organise l’information des citoyens.
- Questions culturelles
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- Le problème dans cette discussion, c’est de savoir à quel niveau du processus on se situe : au début ou à la fin ? S’il faut un changement de paradigme culturel, de quel moment parle-t-on ? Ce changement doit être fait de sorte que les exemples qui marchent puissent inspirer.
- Le problème de l’euthanasie devra être posé.
- Quelle transition ?
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- Il faut se demander comment amorcer cette transition. Par exemple le Sénat est aujourd’hui un des organes de la république le moins démocratique : il faudrait le réformer.
- Il faudrait d’abord se demander le processus de cette transition, avant de définir la fin.
- Les changements par en haut ne marchent jamais : il faut partir des expériences concrètes.
- Il faut expérimenter. L’exemple de « Occupy » aux USA est inspirant.
- Définir un modèle de société ne nous dit pas comment on y arrivera. Il faut subvertir le modèle républicain, pour maintenir le souci de l’intérêt général.
- Cette question de projet de société est difficile à penser. Il faudrait commencer par un bout, comme la question du commun, de ce qui est commun à tous.
- Cette question de la transition est une réponse à la première partie de la réunion : c’est aussi elle qui nous empêche de penser ce que l’on veut. Bien sûr on ne peut que s’inspirer de ce qui existe, mais on ne peut pas maintenir le postulat marxiste que toutes les expériences alternatives vont converger magiquement vers un mieux. Au contraire, il faut pouvoir critiquer tout ce qui se faire, mais à partir de quoi ? D’un projet de société. Et c’est bien celui-ci qui va déterminer la manière dont on veut y arriver : la transition ne sera pas la même si on pense qu’il faut d’abord une assemblée nationale ou des communes autonomes.
- La question est aussi celle du rapport à l’institution : comment désaliéner notre imaginaire ?
Tour de table final
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- Le projet de démocratie directe est réalisable, mais il faut viser le plus haut niveau possible, comme l’Europe. Les citoyens européens sont prêts pour ça.
- On assiste aujourd’hui à la fabrication de l’ignorance, alors que la question est celle de la vertu.
- La démocratie directe pourrait-elle imposer la participation de tous ? Et que fera-t-on de toutes les lois existantes ?
- Le système démocratique repose sur le tirage au sort. Il faudrait aussi se poser la question des droits civiques des prisonniers.
- Cette réunion m’a donné un regain de vitalité.
- Le débat a été bien guidé : le savoir n’a pas été utiliser pour dominer. Il aurait fallu durant cette réunion dresser un portrait d’une société démocratique.
- La démocratie directe, c’est la justice sociale et l’égalité politique. Mais c’est la volonté d’y arriver qui détermine tout : existe-t-elle aujourd’hui ? Les institutions actuelles sont vides de sens : il n’y a qu’une « révolution » qui nous permettrait de transformer cette société.
- J’ai entendu beaucoup d’idées ce soir : il faut un peu de temps pour prendre du recul.
- La question de la violence devra être traitée. Un tel projet dessine l’entrée dans une nouvelle époque.
- Discussion très intéressante, mais plus confuse que la première fois.
- Il y a beaucoup de problèmes concrets : le cadre de la discussion, les obstacles et les embûches. La participation devra être obligatoire, sinon, c’est ne minorité qui prend les commandes.
- La discussion a été riche, mais très abstraite.
- Le point de départ était l’implication directe des gens intéressés par la décision, alors que je pense qu’il faut un point de vue désintéressé. L’égalité doit être un paradigme, comme point d’arrivée.
- Beaucoup d’idées ont été dites ce soir. Les décisions et les élaborations sont à voir comme des processus : qui va déterminer l’ordre du jour d’une assemblée, par exemple ? Il faut des interactions directes entres les gens, et pas des écrans d’ordinateurs.
- Il y a beaucoup de pistes concrètes. Il faut une vision en essaim, qui respecte la liberté personnelle et les rapports individus – collectif.
- C’est la première fois que je discute en groupe, dans les détails, de l’aspect pratique et technique d’une société gérée démocratiquement. C’est une expérience importante, à laquelle il faudrait rajouter celle de la transition et de la stratégie.
- Il faut une révolution personnelle des individus pour tendre au bien commun. On pourrait s’inspirer de la morale kantienne.
- Deux personnes ont quitté le groupe en cours de séance et ça ne m’a pas choqué : l’ostracisme est un dispositif normal. Mais élaborer un projet de société, n’est-ce pas écrire le programme d’un parti politique ? (il faut spécifier que les deux personnes parties étaient contre le principe de démocratie directe et ne respectaient pas les principes de base de l’élaboration collective (pas d’interruption de la parole des autres par exemple), leurs interventions empêchaient donc la construction collective).
- Il ne faut pas se positionner sur d’autres question que la démocratie directe, comme le nucléaire ou autre chose qui est un sujet qui doit faire l’objet d’un ou de projets collectifs : ça crée un clivage chez les gens et cela est contre constructif. Le seul positionnement qui doit nous fédérer est le principe d’assemblées qui élaborent et d’assemblées qui décident.
- Il y a eu beaucoup d’idées concrètes : La question du local, de l’élaboration collective par l’écrit ou par internet, de la prise de décision.
- Ce qui rend difficile l’entreprise, c’est la viabilité de la démocratie directe. Il faut maintenir le principe de l’intérêt général, qui garantisse la justice. Et beaucoup de discussion pour se construire un avis personnel.
- Le débat a été bien lancé. La démocratie demande de séparer le savoir du pouvoir. Elle existe partout, mais toujours à toute petite échelle.
- Le principe de la vie doit nous guider : l’équilibre. La démocratie ne doit pas être imposée pour être soutenable.
- J’ai beaucoup aimé la soirée : questions nouvelles et réponses nouvelles.
- Nous étions à l’intersection de la philosophie et de la révolution, et ça a bien marché. On a gardé les pieds sur terre.
- Nous vivons une crise environnementale : la démocratie directe, même mondiale, ne suffira pas. Il faut la compléter avec une économie non monétaire basée sur les ressources.
Impression de l’animateur
Les questions posées lors de cette soirée m’intéressent depuis quelques années. Mais j’ai essayé, autant que faire se peut, de ne pas plaquer sur les échanges mes propres conceptions. Peut-être aurais-je dû intervenir plus souvent, pour apporter quelques éléments supplémentaires pour nourrir et orienter les discussions… Mais cela aurait sans doute nuit à la spontanéité des interventions.
J’ai trouvé le débat non pas confus, mais touffu, avec une énorme difficulté à traiter des points précis : sans doute est-ce consubstantiel au thème, qui est à la fois totalement nouveau pour nombre de personnes présentes, et aussi particulièrement large : chaque question implique des postulats qui doivent être discutés, et chaque réponse entraîne de nouvelles interrogations, dans tous les domaines ; Chaque institution politique présuppose des individus capables de les faire fonctionner suffisamment quant à l’usage, et le type d’individu voulu dépend de la société qui les éduque : c’est un cercle véritable, mais non vicieux, qui illustre très bien la difficulté de l’auto-institution.
Quant au contenu des débats proprement dit, j’ai retrouvé les caractéristiques des réunions du groupe :
- Un grand intérêt pour les questions portant sur la démocratie directe, et une vraie curiosité pour des procédures qui, hier, paraissaient impensables : tirage au sort, assemblées souveraines, etc. Mais, parallèlement, une absence impressionnante de culture politique, notamment sur toute l’histoire du XIXe et du XXe siècle, qui oblige à redécouvrir (ou pas…) des « banalités de base ».
- Une diversité de parcours et de regards qui rend les échanges riches et féconds, hors toutes les chapelles militantes et sectaires qui quadrillent habituellement l’espace politique. Mais sans fondements communs, les échanges semblent parfois bancals, superficiels, voire entraîner des malentendus en série.
- L’ouverture d’un nouvel espace de pensée et d’action qui sort des sentiers battus et des ornières idéologiques. Mais dans ce mouvement, les perspectives ne semblent pas toujours claires, et me donnent quelquefois l’impression que pour beaucoup de personne, la démocratie directe se résume soit une révolution des conscience à connotation plus ou moins religieuse, soit au maintien de la société actuelle, son mode de développement, son mode de vie et sa technologie, mais le tirage au sort des représentants en plus.
Bref, je pense que cette soirée n’a été qu’une introduction à cette question fondamentale de la société que nous voulons, et j’espère que d’autres soirées nous permettrons d’y revenir.
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