En complément, et en écho à ce texte, on pourra lire « Le naufrage de la gauche » de Jacques Ellul, écrit en 1975, dont voici quelques extraits :
« La gauche est devenue aussi mensongère et hypocrite que la bourgeoisie parce qu’elle continue à proclamer sa vertu, la défense des pauvres. Elle continue à s’affirmer comme le représentant des classes misérables. Mais elle ment. Elle défend et soutient exclusivement ce qui peut la servir, ceux qui sont utilisables soit pour sa propagande, soit pour l’action directe. Elle utilise les pauvres exactement comme le capitalisme. Elle les exploite. Elle les fait marcher sans leur dévoiler ses vrais objectifs. Elle leur ment jour après jour. »
« On n’avait pas en 1936 ou en 1945 le droit de dire que le communisme stalinien était une dictature sanguinaire et que les camps de concentration y étaient équivalents à ceux du nazisme. On n’a pas le droit aujourd’hui de dire que la Chine est une dictature de fer et que les camps de concentration y sont florissants. Chutt… cela servirait les ennemis de la révolution. La gauche est engagée jusqu’au cou dans le mensonge. Elle ne représente en rien les pauvres. Elle ne les défend en rien. Elle a substitué pour eux, à l’illusion religieuse du paradis céleste à venir, l’illusion politique du paradis terrestre à venir. La gauche est l’exact équivalent de l’Église bourgeoise du XIXe siècle, à l’égard des pauvres. Elle en présente les mêmes caractères et mérite le même mépris. Parmi les pauvres, exactement comme pour les bourgeois chrétiens du XIXe siècle, il y a les bons pauvres, ceux qui marchent dans la combine, ceux qui sont les bons moutons de la révolution, ceux dont la situation peut être exploitée comme facteur de propagande. Et puis les mauvais pauvres, ceux qui refusent, dans un régime communiste, de se trouver bien ceux qui se révoltent à tort et à travers simplement parce qu’ils sont malheureux et sans tenir compte des plans de la révolution mondiale, ceux qui représentent des valeurs et une culture traditionnelles. Tous ceux-là il faut simplement les réprimer, les refouler. »
« Il est vrai que la gauche ne prétend plus le moins du monde être révolutionnaire. Elle a enterré la révolution, et s’apprête paisiblement à occuper le pouvoir pour continuer. Mais il faut aller plus loin. Non seulement elle n’est plus révolutionnaire, mais elle occupe maintenant un rôle tout à fait précis : sa fonction dans la société moderne est de bloquer la révolution. La gauche, des radicaux jusqu’au PC, PSU compris, a reçu délégation tacite du corps social entier pour que la révolution ne puisse pas avoir lieu. Les meilleurs gardiens de l’establishment ce sont les partis de gauche et les syndicats. Pensez donc, si ces partis arrivent au pouvoir ce ne peut être que grâce au jeu des institutions mêmes ! Comment ne les garderait-on pas avec le plus grand soin ? Bien entendu, je ne dis pas qu’il y a une connivence explicite, et une formulation claire de ce rôle. Les bourgeois font toujours semblant d’avoir très peur du PC. Mais combien il est rassurant, ce brave PC ! Il ne fait plus peur à personne, et la bourgeoisie sait très bien que l’on pourra dorénavant s’entendre avec lui. Il faut seulement avoir l’air d’avoir peur pour que l’idée de son opposition et de sa révolution soit « crédible », c’est-à-dire pour que les forces de révolte qui existent dans la société puissent être fixées, catalysées, bloquées sur le PC et de ce fait ne s’exercent pas en tant que forces de révolte, ailleurs, sur un autre point et de façon incontrôlable. La gauche est le grand paratonnerre anti-révolutionnaire. »
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