Ce que les partis politiques ne peuvent pas faire

Cornelius Castoriadis
dimanche 15 janvier 2017
par  LieuxCommuns

Cornelius Castoriadis, « Ce que les partis politiques ne peuvent pas faire » in Une société à la dérive, Point, 2011 (Seuil, 2005)

Entretien avec Joël Roman (20 avril 1979) sur l’« expérimentation sociale » publié dans « Critique socialiste » (revue théorique du PSU), n° 35, juin 1979. Transcription relue et corrigée par Castoriadis en mai 1979.

Source : https://www.facebook.com/notes/jean...


Joël Roman : Selon vous, quelle réalité recouvre le terme d’« expérimentation sociale » ? Vous paraît-il apte à caractériser les nouveaux mouvements sociaux ?

Cornelius Castoriadis : Le terme me paraît ambigu et même peu innocent. Il semble présenter comme nouveau quelque chose qui ne l’est pas, mais dont l’importance a été constamment minimisée ou ignorée par les organisations officielles « de gauche ». Dans notre aire culturelle - et cela devient clair et massif au moins depuis la fin du XVIIIe siècle -, il y a eu toute une série de tentatives et d’activités des gens visant à modifier concrètement leurs conditions de vie, y compris, bien entendu, leurs conditions de travail. Cela a commencé dès le début du mouvement ouvrier : celui-ci n’a jamais été, et n’aurait jamais pu être, seulement un mouvement de pure contestation de l’ordre établi ; il a été, en même temps, un mouvement d’auto-organisation ou, pour reprendre un terme qui m’est cher, d’auto-institution - auto-institution positive, bien entendu. Cela s’est traduit par ce qu’il faut bien appeler des formes de création - et non pas d’« expérimentation » - sociale, comme la constitution des premiers syndicats, des mutuelles, des coopératives, etc. ; bref, par l’ensemble des activités d’auto-organisation de la classe ouvrière moyennant lesquelles elle s’est constituée comme classe au sens plein du terme. Car il ne suffit pas qu’il y ait des machines capitalistes pour qu’il y ait classe ouvrière : ces machines ne font exister qu’une catégorie d’hommes comme objets passifs d’exploitation, une « classe en soi ». La classe ouvrière devient classe « pour soi », se constitue comme classe historique dans la mesure où elle s’auto-organise, où elle fait et elle se fait. Ce mouvement d’autoconstitution de la classe ouvrière, qui remplit le XIXe siècle dans les pays « avancés » d’alors, est par la suite recouvert par la bureaucratisation des organisations ouvrières. Il ne s’est pas, pour autant, arrêté.
Puis est venu le mouvement des femmes. Dans ce cas aussi, n’est-il pas quelque peu drôle de parler d’« expérimentation sociale » ? Depuis à peu près un siècle, par une activité quotidienne, anonyme, en grande partie souterraine, les femmes ont modifié graduellement leur situation - et par là même la situation des hommes aussi bien —, ont détruit des tabous millénaires, ont bouleversé des attitudes et des mœurs d’une manière qui a des conséquences incalculables, et certainement encore imprévisibles. Et cela n’a pas été dû aux organisations « politiques », ni à des organisations spécifiques — le MLF, etc., est une apparition des dix ou quinze dernières années -, mais à un nombre immense de femmes qui ont changé d’attitude et imposé plus ou moins aux hommes aussi ce changement, qui ont donc créé positivement quelque chose, ont altéré l’institution établie des rapports entre les sexes. Quel sens y aurait-il à appeler cela « expérimentation » ?
Il en va de même, depuis vingt-cinq ans et plus, du mouvement des jeunes. Et, plus récemment, d’autres mouvements, qui ne peuvent plus être définis à partir d’une « catégorie » sociale (comme la classe ouvrière, les femmes ou les jeunes). Des gens dans une localité, ou réunis par des intérêts ou des préoccupations communs, se rassemblent et essayent de faire quelque chose par eux-mêmes. Pourquoi baptise-t-on cela « expérimentation sociale » ? Pour couvrir la nudité idéologique et politique de la « gauche » actuelle. Les gens qui agissent dans ces cas n’agissent pas pour « expérimenter » ; ils agissent pour faire quelque chose, pour créer quelque chose. L’appelle-t-on « expérimentation » parce que cela ne rentre pas dans le cadre programmatique et idéologique des organisations politiques officielles ? C’était aussi le cas des mouvements des femmes ou des jeunes, qui ont été sourdement combattus, méprisés, ignorés, par ces organisations — avant qu’elles ne tentent de les récupérer.
Pourquoi les gens entreprennent-ils ces activités ? Parce qu’ils ont compris que ni les institutions étatiques ni les partis ne répondent à leurs aspirations et à leurs besoins, qu’ils sont incapables d’y répondre (autrement, les gens essaieraient de les utiliser pour ces activités). Par exemple, si des mouvements écologiques ont été constitués, ce n’est pas seulement parce que les partis existants ne se préoccupaient pas du problème ; mais aussi parce que les gens réalisent que les partis, si tant est qu’ils parlent d’écologie, ne le font que pour des raisons démagogiques, et que, avec ces partis, il n’en sera jamais autrement.
En même temps, les gens commencent à comprendre, plus ou moins clairement, qu’il est absurde de subordonner toute activité à la « Révolution » ou à la « prise du pouvoir », après lesquelles toutes les questions seraient prétendument résolues : mystification énorme, qui garantit précisément que rien ne serait résolu après la « Révolution ». Les mouvements d’auto-organisation, d’autogestion partielle, d’une part sont des expressions du conflit qui déchire la société présente, de la lutte des gens contre l’ordre établi, et aussi, d’autre part, ils préparent autre chose : même sous forme embryonnaire, ils traduisent et incarnent la volonté des gens de prendre leur sort entre leurs mains et sous leur propre contrôle.

Ne peut-on pourtant pas penser avec certains que ces mouvements servent à la relève d’institutions défaillantes ou encore à un nouveau compromis de classe avec la grande bourgeoisie, plutôt qu’ils ne débouchent sur une transformation politique de la société ?

Dire qu’aussi longtemps que le régime subsiste il récupère tout, c’est une tautologie. Mais est-ce parce que le système récupère ou intègre la liberté de la presse, par exemple, que nous allons nous battre contre la liberté de la presse, ou même nous en désintéresser ? Et pourquoi ne pas tenir alors ce raisonnement à propos des syndicats, où il serait infiniment plus justifié, puisque actuellement et depuis longtemps les syndicats sont des rouages du fonctionnement du système, et qu’il ne peut pas y avoir de pays capitaliste moderne, « libéral » ou même totalitaire, sans syndicats qui encadrent la classe ouvrière ? C’est un raisonnement court. On le voit dans l’histoire et l’évolution de la production capitaliste et de son organisation. Le système organise la production et l’exploitation d’une certaine manière ; les travailleurs inventent des moyens de parade et de lutte contre cette organisation ; tôt ou tard, le système les intègre ou les récupère ; le terrain de la bataille se déplace, les travailleurs inventent de nouveaux moyens, et ainsi de suite. L’histoire, c’est cela même.
Mais en outre, derrière l’argument que vous citiez, se trouve visiblement une conception de la « politique » qui la réduit à l’affrontement des partis pour s’emparer de la direction de l’État. Cela n’est pas seulement une conception restrictive, c’est une conception bureaucratique de la politique.

Les partis politiques sont donc plus un frein qu’un moyen de développer les mouvements de création sociale ?

Certainement. Cette conception de l’activité politique est nécessairement incorporée dans ce que sont les partis : des organisations bureaucratiques, qui prétendent (en fonction d’une idéologie plus ou moins bancale) avoir trouvé le point archimédien pour la transformation de la société ; à savoir, il faut s’emparer de l’appareil d’État, et tout le reste va suivre. C’est ce qui explique l’aveuglement des partis devant ce qui était en train de se passer avec les nouveaux mouvements, et le fait que ces organisations d’« avant-garde » sont apparues comme des arrière-gardes traînant lamentablement loin derrière les événements. Les géniaux leaders politiques et les illustres théoriciens ont découvert avec un décalage qui de cinq ans, qui de dix ans, qui de vingt ans l’autogestion — nous en parlions, nous, depuis 1947 -, la vie quotidienne - nous en parlions depuis 1955 -, les femmes et les jeunes - nous en parlions depuis 1960 -, etc. Je lisais il y a quelque jours dans Le Monde que M. Séguy a déclaré très sérieusement à je ne sais plus quelle réunion de la CGT que le problème des conditions de travail était nouveau et important, mais difficile, et qu’il fallait l’étudier plus à fond avant de s’engager là-dessus. Sans blague ! Ce « chef » ouvrier et sa Confédération découvrent, en 1979, le « nouveau » problème des conditions de travail - problème sur lequel les ouvriers se battent depuis qu’il y a des usines capitalistes, soit pratiquement depuis deux siècles.
Par rapport à ces mouvements, les partis « de gauche » adoptent deux attitudes, qui du reste ne s’excluent nullement l’une l’autre. La première - qui correspond à la réalité de ces partis - consiste à dire : il nous faut le gouvernement, les nationalisations, etc., et le reste suivra. La deuxième consiste en la transformation des nouvelles revendications en plumes décoratives, en simples cosmétiques, par une série de concessions démagogiques verbales. Les femmes revendiquent ? Eh bien, qu’à cela ne tienne, on décrète que 30 % des postes des instances dirigeantes seront occupés par des femmes - comme si cela résolvait quoi que ce soit. De même : les gens entreprennent des activités pour changer leurs conditions de vie ? Eh bien, on va baptiser cela « expérimentation sociale » et le déclarer « intéressant ». « Expérimentation » par rapport à quoi ? Par rapport aux vérités « assurées », inscrites dans les « programmes » des partis. Tels qu’ils existent, les partis « de gauche » sont des organisations qui, indépendamment des intentions et des idées des individus qui les composent, sont destinées à diriger, à gérer de l’extérieur et par en haut.

Selon vous, la solution ne passe alors pas du tout par les partis politiques actuels. Mais allez-vous jusqu’à remettre totalement en cause le principe de l’organisation politique en tant que tel ?

La solution ne passe certainement pas par les partis politiques tels qu’ils existent. Plus exactement, ces partis sont là pour une autre solution - la solution bureaucratique, qu’elle soit réformiste ou totalitaire. Mais bien sûr cela ne résout pas, sinon négativement, notre problème. Il n’y aura pas de transformation de la société sans activité politique explicite et élucidée. L’activité politique est nécessairement collective. Il nous faut donc une collectivité politique qui lutte et agisse pour la transformation de la société, pour l’instauration d’une société autonome. Cette organisation collective aura une série de tâches essentielles à accomplir : diffuser et faire connaître le véritable contenu des luttes et des mouvements qui se déroulent, discuter leur signification, leurs faiblesses éventuelles, les raisons de leur succès ou de leur échec, en dégager l’exemplarité. Son universalité ne lui viendra pas de la possession d’une « théorie vraie » définie une fois pour toutes - mais de ce qu’elle s’attachera à expliciter ce qu’il y a déjà, implicitement, comme universel immanent dans l’activité des gens, comme signification de cette activité dépassant les circonstances particulières dans lesquelles elle s’est incarnée.
Une telle collectivité ne saurait, évidemment, être organisée que d’une manière qui incarne et rende visibles les fins pour lesquelles elle agit : elle sera donc autogérée, autogouvernée. Et certes, cela n’est pas donné. Comment quelques milliers, disons, de personnes dispersées à travers la France pourraient constituer une collectivité politique non bureaucratique (et non bordélique), une collectivité effectivement autogérée, et autogouvernée (dans autogouvernement, il n’y a pas seulement auto- ; il y a aussi gouvernement, c’est ce que beaucoup oublient) - voilà à mes yeux un des problèmes les plus importants aujourd’hui. Infiniment plus important, en tout cas, que les discussions sur l’« Union de la gauche », etc.

Mais une telle organisation politique - qui correspond à peu près à ce que nous tentons de faire au PSU - n’est-elle pas vouée à la marginalisation par le simple jeu des institutions politiques actuelles ?

Ici encore, il faut se débarrasser des idées reçues ; notamment, de l’idée que la seule action politique est celle des partis, qui implique des conseillers municipaux, des députés, etc. Quel a été l’événement politique le plus important en France depuis vingt ans, sinon davantage ? C’est Mai 68. Or qui a fait Mai 68 ? Quel est le parti qui a fait Mai 68 ? Aucun. Pourtant, dix ans après, la France est plus marquée par Mai 68 que la France de 1881 ne l’était par la Commune.

Mais, en un sens, Mai 68 a échoué ; dans la mesure où cela n’a pas débouché sur une transformation politique effective, ça n’est resté qu’un immense mouvement social.

Certes, en un sens et en partie on peut dire que Mai 68 a été un « échec ». Moi-même j’ai fait circuler pendant les événements un texte (repris aussitôt après dans La Brèche que nous avons publié Morin, Lefort et moi, fin juin 68) où j’essayais de montrer qu’il fallait s’organiser, instaurer des formes durables d’action et d’existence collectives. Rien de tel n’a été fait, pour des raisons qu’il serait trop long de discuter maintenant. Mais cela ne réduit pas pour autant l’immense importance positive de Mai 68. Qui a révélé et rendu visible pour tous quelque chose de fondamental : le lieu véritable de la politique n’est pas celui que l’on croyait être. Le lieu de la politique est partout. Le lieu de la politique, c’est la société.

Mais n’y a-t-il pas contradiction entre la constatation que l’échec de Mai 68 vient d’une incapacité à instituer, et d’autre part la critique des formes institutionnelles existantes, que ce soit les institutions de l’Etat ou les partis politiques institués ?

Il n’y a contradiction que si l’on confond ces institutions existantes avec toute institution possible. L’échec - plus exactement, la limite - de Mai 68 a été l’incapacité d’instaurer de nouvelles institutions, des institutions autres : autres non pas, certes, seulement quant à leur nom, mais quant à leur essence. Dire que sans la destruction de l’appareil d’État et sans la dissolution des groupes dominants et des institutions consubstantielles à leur domination il ne peut pas y avoir d’entrée dans une nouvelle phase de la vie sociale ne veut pas dire qu’une société autonome est une société sans institutions. Une société sans institutions n’existe pas ; le règne du pur désir est tout aussi essentiellement, par exemple, le désir de meurtre d’autrui.
Que peut-on dire, d’ores et déjà, des institutions d’une nouvelle société, d’une société autonome ? En tout cas, ceci : qu’elles incarneront l’autonomie, à savoir l’autogestion, l’auto-organisation, l’autogouvemement collectifs dans tous les domaines de la vie publique. Cela signifie, aussi, que ces institutions ne seront pas posées une fois pour toutes, qu’elles ne seront pas soustraites à l’activité instituante de la société. C’est pourquoi, à mes yeux, le problème politique central - et même unique, à la limite - est celui de l’auto-institution explicite, consciente, de la société. Sa solution implique aussi bien des institutions nouvelles qu’un nouveau type de rapport entre la société et ses institutions.
C’est à ce point de vue qu’il faut se placer pour se situer à l’égard des mouvements dont nous parlons : est-ce qu’ils représentent des formes nouvelles, autonomes, d’organisation collective ? Est-ce qu’il s’y instaure un autre type de rapport entre les gens et leur organisation collective, faisant qu’ils la contrôlent effectivement ? C’est là le critère essentiel. Nous ne condamnons pas le Parti communiste, ou n’importe quelle autre organisation bureaucratique, parce qu’il est une institution ; mais parce qu’il est une institution bureaucratique, parce que cette institution, dans sa forme, sa structure, son organisation, son idéologie, est nécessairement hétéronome, aliénée et aliénante, asservissante pour ses membres et pour les autres.
Cela dit, il y a encore des distinctions à faire. Il est certain qu’aussi longtemps que la société globale reste ce qu’elle est, il est impossible que des organisations pleinement autonomes existent dans un secteur ou un endroit particuliers. Car aucune organisation ne peut être séparée et isolée de la société globale ; elle y baigne, en est influencée, en subit les conséquences. Mais cela ne signifie pas non plus qu’elle doive être nécessairement, tout le temps et à 100 %, récupérée par le régime. Ici encore, il faut dénoncer ce préjugé absolutiste pseudo-révolutionnaire, selon lequel ou bien il y aurait une coupure radicale et totale, ou bien on serait récupéré à 100 % par le système. Ce n’est pas vrai.

Reste un problème, précisément eu égard à ces mouvements d’autogestion partielle, de création sociale localisée : s’ils ne peuvent radicalement transformer la société sans détruire un certain nombre d’institutions centrales, comment leur permettre de converger pour le faire ? Quelle est la logique unifiante de ces mouvements ?

Pour voir s’il existe une telle logique unifiante, et ce qu’elle est, il faut voir comment se pose le vrai problème de la transformation de la société. Quelle est la racine du conflit social dans le régime actuel, au-delà des simples oppositions d’intérêts ? La contradiction fondamentale de la société capitaliste - qu’elle soit capitaliste bureaucratique fragmentée, comme à l’Ouest, ou capitaliste bureaucratique totale et totalitaire, comme à l’Est, dans les pays abusivement nommés socialistes - est immanente à l’organisation même de cette société, à la division entre dirigeants et exécutants. Cette division implique l’exclusion des gens de leur propre vie, individuelle et collective. Je parle de division entre dirigeants et exécutants, non pas de la vieille opposition de la philosophie politique entre dirigeants et dirigés. Il est possible d’être dirigé, il n’est pas possible d’être purement exécutant. Or le régime essaye de réduire les gens à de purs exécutants - il est obligé de le faire -, de les exclure de la direction de leurs propres activités ; et en même temps, il ne pourrait pas survivre s’il parvenait à réaliser pleinement cette fin, à imposer aux gens une totale passivité. (On le voit clairement sur l’exemple de l’organisation du travail dans l’entreprise contemporaine.)
Maintenant, tous les mouvements dont nous parlons visent, d’une manière ou d’une autre, à un degré ou un autre, à surmonter et à abolir cette division entre dirigeants et exécutants - entre direction et exécution. Dans la mesure où ils ne sont pas simplement des mouvements d’explosion et d’expression, mais aussi des mouvements de création, d’institution sociale, ils traduisent et incarnent l’aspiration des gens à l’autonomie. Par là, ils annoncent et préparent la seule transformation radicale de la société qui soit : l’avènement d’une société autonome, qui assume pour la première fois son autogouvemement, qui pose elle-même ses lois. La logique unifiante de ces mouvements, et leur liaison avec le projet de la transformation radicale de la société, se trouve en ceci, qu’ils incarnent déjà, fût-ce de façon partielle, fragmentaire, balbutiante, ces significations politiques centrales : autogestion, auto-organisation, auto-gouvernement, auto-institution.


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