Écrits durant un voyage en Tunisie chez nos camarades quelques semaines après le soulèvement de décembre-janvier 2011, ces témoignages, interviews, analyses et réflexions menés sur le terrain n’ont rien perdu de leur actualité.
Ils montrent un pays miné par une extrême droite musulmane qui règne au milieu de partis ravagés par l’opportunisme et l’inconséquence ; un peuple et des jeunes en lutte, mais sans autre perspective que le modèle occidental dans ce qui l’a de pire comme de meilleur ; des gens lucides et courageux aux prises avec une dégradation croissante de leur condition.
Tout cela était décelable, à condition de se démarquer des mythes en vogue : les révolutions Facebook, la démocratisation d’un régime enfin aligné sur les normes occidentales, les exaltations gauchistes de la révolte pour elle-même ou encore ceux qui n’y voyaient que la barbe des islamistes. Depuis, ces illusions ne sont pas tombées, mais simplement reportées ailleurs.
Car ce que ces soulèvements ont aussi mis en lumière, c’est le vide occidental. Vacuité des interprétations face à l’histoire en train de se faire, d’abord, mais aussi vide politique laissé par des populations repliées dans l’apathie et le conformisme pour ne pas avoir à affronter les inquiétantes réalités de l’époque. Vide de la civilisation occidentale, enfin, autrefois porteuse des idéaux d’émancipation individuelle et sociale, mais qui, face à la régression archaïque, nationaliste ou religieuse, n’a aujourd’hui rien d’autre à proposer que le règne d’une oligarchie mondialisée, le pillage planétaire et le nihilisme consumériste.
Le soulèvement tunisien a inauguré une ère de basculements géopolitiques et de crises sans précédents. Mais il a également ouvert la voie aux peuples qui, dans ce maelström, refusent que leur destin soit dicté par quelques-uns. Plus que jamais, ceux qui désirent vivre dans des sociétés libres et égalitaires luttent pour faire advenir un monde viable et décent. Cette perspective nous la nommons, nous, démocratie directe.
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