Les habits neufs d’Alain Badiou (1/2)

Séverine Denieul
dimanche 13 novembre 2011
par  LieuxCommuns

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Article tiré de l’excellente revue L’autre côté - n°1 - La French Theory et ses avatars, septembre 2009.

Il a été traduit ici en italien «Gli abiti nuovi di Alain Badiou»

« Kant a créé le langage de la modernité philosophique. Et de même que nous avons commencé par dire que Derrida n’était qu’une parenthèse, géniale, mais une parenthèse, entre Heidegger et Badiou ; de même que nous avons osé affirmer que Heidegger n’était qu’une parenthèse, cruciale, mais une parenthèse, entre Badiou et Hegel ; nous pouvons maintenant aller jusqu’à la témérité d’affirmer que Hegel n’est qu’une parenthèse, grandiose, mais une parenthèse, entre Kant et Badiou. » (1)

«  L’un des traits les plus caractéristiques de notre culture est l’omniprésence du baratin. Chacun d’entre nous en est conscient - et y a sa part de responsabilité. Mais nous avons tendance à considérer cette situation comme naturelle. La plupart des gens ont confiance dans leur aptitude à repérer le baratin et à éviter d’en être dupes. Aussi ce phénomène soulève-t-il fort peu d’inquiétudes et n’a-t-il guère suscité d’études approfondies. » (2)

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est presque impossible, par les temps qui courent, de ne pas tomber sur le dernier ouvrage en date d’Alain Badiou. Auteur prolixe s’il en est, il se voit affublé d’un nombre incalculable de titres ou de qualificatifs qui semblent avoir fini, à la longue, par convaincre le grand public de l’importance de son oeuvre : « maître à penser », « penseur radical », voire « chirurgien du concept » (Rémy Bac), nul ne renonce à accorder au philosophe un statut d’exception. Sa volonté déclarée de « refonder la philosophie » l’amène à couvrir tous les champs du savoir : la politique, l’esthétique, les mathématiques, voire la littérature via le roman, la poésie ou l’écriture de pièces de théâtre. Auteur d’ouvrages sur Beckett, mais aussi sur Platon, Wittgenstein ou saint Paul, Badiou incarne, dans les médias, le penseur « génial » capable de mettre en parallèle des notions compliquées avec des oeuvres très différentes entre elles. Héritier de la philosophie « continentale » la plus absconse (Heidegger, Lacan, Althusser), Badiou a en effet cette tournure d’esprit particulière, si caractéristique de notre époque, qui consiste à croiser des notions et des domaines éloignés les uns des autres pour en faire une synthèse « personnelle » qui, loin de clarifier les problèmes, les rend encore plus obscurs. C’est le cas du rapprochement qu’il fait entre marxisme, psychanalyse et mathématique, par exemple.

Tout ceci ne représente encore qu’une part de ses activités, car il se considère également comme un penseur appartenant à « l’ultra-gauche » (terme qu’il ne renie pas), dans l’exacte lignée stalinienne et maoïste des maîtres à penser politiques des années 60. Il a même fondé, en 1985, avec Sylvain Lazarus et Natacha Michel, un groupuscule politique « postléniniste et postmaoïste » appelé « l’Organisation Politique ». (3)

Mais quels rapports Badiou entretient-il avec la French Theory et le postmodernisme ? Badiou reproduit et prolonge la démarche intellectuelle propre aux « maîtres » français, et cela de plusieurs manières :

  • en en reprenant d’abord les thèmes et les motifs philosophiques, même s’il s’est toujours déclaré hostile aux idées tournant autour de la « mort de la philosophie » (Derrida, LDerridayotard)
  • en se positionnant comme « intellectuel engagé » à la manière de Foucault
  • en utilisant le même style philosophique qui favorise la fausse profondeur au détriment de la clarté.

Badiou a aussi adopté, récemment, une tactique consistant à se définir comme le dernier représentant vivant du courant philosophique issu de Vincennes. Cette affirmation reste cependant à nuancer puisque, comme nous le verrons, il s’en distingue sur plusieurs points : en particulier, sa conception de la politique et de la démocratie parlementaire semble être une nouvelle stratégie mise en place pour récupérer le passé révolutionnaire de sa génération dans le but ultime de se positionner comme le penseur le plus « radical » du XXe siècle.

Nous nous intéresserons donc moins à la philosophie ontologique ou mathématique de Badiou - si inconsistante qu’elle ne mérite même pas d’être examinée (4) - qu’à son positionnement politique. Cependant, il est très difficile de séparer ces deux domaines, puisque, pour Badiou, la philosophie en elle-même est politique (le philosophe, par le fait même de son statut, est engagé).

Mais revenons d’abord brièvement sur son parcours avant d’étudier son positionnement au sein de l’édition, des médias, de l’institution, ainsi que de la politique et de la philosophie française contemporaines.

I. Bref résumé du parcours d’Alain Badiou à l’usage de ceux qui auraient la chance de ne pas le connaître encore

Comme nous le rappelle la notice de Wikipédia, sans doute écrite par l’un de ses disciples puisqu’elle est à la fois élogieuse et - par moments - incompréhensible, on sait qu’Alain Badiou, né en 1937, est un « ancien élève de l’École normale supérieure, cacique de l’agrégation de philosophie en 1960. Il enseigne d’abord en lycée (tout en collaborant ponctuellement avec l’ENS), puis à la faculté de Lettres de Reims (collège littéraire universitaire), où il fut au centre (sic) des « événements », en s’engageant au Parti socialiste unifié (PSU), dirigé alors par Michel Rocard, mais en se situant avec d’autres militants intellectuels comme Emmanuel Terray au sein de courants se réclamant du Marxisme-léninisme. Il intègre ensuite l’équipe du Centre universitaire expérimental de Vincennes dès sa création (année 1968-1969). Il contribue au développement de cette Université (désormais Paris VIII, déplacée de Vincennes à Saint Denis) durant une trentaine d’années. Il devient professeur à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm en 1999, puis professeur émérite dans cette institution. Il a également été directeur de programme au Collège international de philosophie. » Plus connu en France comme philosophe obscur dont les préoccupations ont toujours suivi les modes puisqu’elles touchent aussi bien la psychanalyse lacanienne que la philosophie heideggerienne ou encore les théories d’Althusser (dont il a été l’élève et le disciple), Badiou n’éprouve cependant aucune honte à se présenter comme un romancier et un dramaturge de tout premier plan ayant un engagement politique fort. Rappelons en effet qu’il a été l’un des dirigeants du parti maoïste français en qualité de militant à l’UCFML, au même titre d’ailleurs que son « ami » et disciple François Wahl qu’il édite aujourd’hui chez Fayard. Ses idées politiques actuelles se situent dans la droite ligne de son maoïsme comme le rapporte un observateur avisé de l’époque : « Ce Badiou est en réalité un maoïste (il était encore récemment le leader du « groupe pour la reconstruction du parti communiste marxiste-léniniste de France ») échappé du zoo intellectuel de Vincennes. [...] Et quand, dans son auto-présentation de la Théorie du sujet, il montre le bout de l’oreille, c’est donc pour nous apprendre que Staline, le « cinquième grand maoïste », est « à l’index » car les quatre premiers, y compris Mao, sont d’un « usage si permanent que leur numérotation serait incongrue » ! » (5)

Aujourd’hui, il tente plus que jamais d’occuper le terrain politique et philosophique car il a acquis une renommée universitaire et médiatique qui était encore inespérée pour lui il y a quelques années. Comment a-t-il accédé à ce statut privilégié ?

II. Le culte de l’Être suprême

1. Le secteur médiatique

Intéressons-nous d’abord à sa position la plus visible : celle qu’il occupe dans les médias. C’est surtout à partir de la publication de son livre De quoi Sarkozy est-il le nom ? (6) (2007) que Badiou s’est fait connaître du grand public en tant que « chef de file » de l’anti-sarkozysme primaire et qu’il s’est du même coup attiré les faveurs des médias. Qu’on en juge : en 2008, Badiou a été successivement l’invité spécial de Libération (27 janvier 2009), de France Culture pour une série d’émissions consacrées à sa vie et à son oeuvre, de Philosophie Magazine, où il bénéficie d’un accueil toujours favorable, ainsi que d’autres organes de la presse dominante, sans oublier ce qu’il déclare être son pire ennemi, à savoir la télévision (7). Cette omniprésence est pourtant en nette contradiction avec ses déclarations sur ce qu’il appelle, en bon disciple d’Althusser, les « appareils idéologiques d’État » dont les médias font partie. Il le dit de manière très explicite dans le chapitre I de De quoi Sarkozy est-il le nom ? : « [Les médias], évidemment la télévision, mais plus sournoisement la presse écrite, sont des puissances de déraison et d’ignorance tout à fait spectaculaires. Leur fonction est justement de propager les affects dominants » (8). Il ne paraît pas gêné outre mesure de se trouver en porte à faux avec les idées qu’il défend publiquement quand il s’agit de répondre aux interviews ou d’écrire des articles pour des magazines appartenant, pour reprendre ses propres termes, à « l’idéologie officielle ».

2. Le secteur éditorial

Le secteur éditorial n’est, lui non plus, pas en reste : en 2008-2009, quatre ouvrages publiés, et à chaque fois par des maisons d’édition différentes. Nous pouvons ainsi retracer, pour le lecteur, ce parcours du combattant : Petit Panthéon portatif, Second Manifeste de la philosophie, L’Anti-philosophie de Wittgenstein, Circonstances 5 : L’Hypothèse communiste, en laissant volontairement de côté les articles, interviews et autres textes en tous genres qui, immanquablement, viennent s’ajouter à cette production déjà surabondante. Badiou donne ainsi l’impression de couvrir tous les champs du savoir. De plus, il entretient des liens privilégiés avec différents éditeurs, la plupart engagés « à gauche de la gauche » comme La Fabrique, Lignes, ou Nous, mais il est aussi directeur de la collection « Ouvertures » chez Fayard avec Barbara Cassin (continuation de la collection « L’ordre philosophique » au Seuil) où il s’édite lui-même. Cette collection chez Fayard sert également à publier, outre ses propres livres, ceux de ses disciples. Le lecteur pourra juger de la diversité des titres en voyant la liste des ouvrages publiés : Le Concept de modèle, Alain Badiou (2007), Avec le plus petit et inapparent des corps, Barbara Cassin. (2007), Le Perçu, François Wahl (2007), La Parallaxe, Slavoj Ziziek (2008), Second Manifeste pour la philosophie, Alain Badiou (2009) et L’Esprit du nihilisme : une ontologie de l’Histoire, Mehdi Belhaj Kacem (2009), d’où est tiré l’éloge qui figure en exergue du présent article.

3. Le secteur institutionnel et universitaire

Badiou entretient aussi de nombreux liens avec des institutions prestigieuses à l’intérieur desquelles il a toute liberté de parole puisqu’il donne des cours à l’ENS (École normale supérieure, rue d’Ulm) en tant que professeur-invité. Cette année, ses étudiants ont pu suivre des séminaires sur Platon dont le titre se voulant humoristique, « Pour aujourd’hui : Platon ! », ne doit pas pour autant nous tromper sur les objectifs réels de sa pédagogie. Celle-ci consiste moins à examiner de façon minutieuse et méthodique des textes platoniciens qu’à présenter ses thèses personnelles. Cette auto-promotion est visible sur les différents sites internet consacrés à la transmission de ses cours et elle est entièrement assumée dans De quoi Sarkozy est-il le nom ? puisque de nombreux chapitres de cet ouvrage ne sont que la retranscription pure et simple, pour le vulgaire, des longs monologues de ses séminaires. Voici, par exemple, le genre de considérations pseudo-philosophiques que professe Badiou à ses élèves sous couvert d’un « cours » sur Platon :

La situation planétaire de la pensée atteste aujourd’hui que toutes les formes du relativisme, notamment le prétendu « dialogue des cultures », sont liées à l’emprise du capitalisme mondialisé, des inégalités monstrueuses qu’il engendre, et des formes politiques aussi hypocrites que violentes qui lui sont associées sous le nom vague de « démocratie ». [...] Il est donc rigoureusement impossible de penser une césure quelconque dans les représentations dominantes sans s’en prendre à leur noyau, qui est ce que j’ai appelé le « matérialisme démocratique », et dont tout le ressort est qu’il n’y a rien d’absolu ni de vrai, mais seulement l’égalité des convictions personnelles et la finitude animale des identités. Pourquoi notre guide, au regard de cette situation, est-il, depuis l’année dernière, Platon ? C’est que Platon a donné l’envoi à la conviction que nous gouverner dans le monde suppose que quelque accès à l’absolu nous soit ouvert, non parce qu’un Dieu vérace nous surplombe (Descartes), ni parce que nous sommes nous-mêmes les agents du devenir-sujet de cet Absolu (Hegel comme Heidegger), mais parce que le sensible qui nous tisse participe, au-delà de la corporéité individuelle et de la rhétorique collective, de la construction des vérités éternelles. (9)

Badiou fait donc de ses cours des outils de propagande que des jeunes gens naïfs considèrent pourtant comme les élucubrations brillantes d’un génie universel.

4. Le secteur politique

Alain Badiou ne se prend pas non plus pour un militant ordinaire sur le plan politique : vous ne le savez peut-être pas encore, mais l’Organisation Politique qu’il a fondée constitue l’action politique la plus significative du XXe siècle ! Se définissant lui-même comme un « animateur contemporain de l’hypothèse communiste » (10), il n’hésite pas, en effet, à placer la création de « l’OP » sur le même plan que ce qu’il appelle les « autres séquences de l’Hypothèse Communiste » : « Parmi les séquences politiques, longues ou brèves, identifiées comme travaillant, dès le milieu des années soixante-dix, à réinstaller l’hypothèse communiste (même si le mot était souvent honni), c’est-à-dire transformer, à contre-courant de la domination du capitalo-parlementarisme, le rapport entre la politique et l’État, on peut citer : les deux premières années de la révolution portugaise [...] la première phase de l’insurrection contre le Shah d’Iran ; la création en France de l’Organisation politique ; le mouvement Zapatiste au Mexique. » (11) Badiou, ce grand modeste, a ainsi l’impression de « réenchanter » le monde politique du seul fait qu’il l’a décidé et en jouant uniquement sur l’emploi des mots, comme tout french-théoricien qui se respecte. Répéter sur tous les tons que la création de « l’OP » relève du scandale permanent contre l’État est non seulement grotesque, mais indécent. La « radicalité » de Badiou n’est qu’un jeu de dupe pour révolutionnaires en chambre, à l’image des pochoirs que l’on trouve depuis quelques temps sur les trottoirs de la rue d’ Ulm et qui, sous l’effigie de Karl Marx, proclament : « ça arrive » ! L’OP ne fait évidemment peur à personne, et surtout pas au pouvoir en place. Cela n’empêche pas Badiou de poursuivre ses entreprises de récupération en tout genre (comme avec le mouvement récent des sans-papiers), se disputant au passage, avec quelques autres penseurs de l’acabit d’un Zizek, le minuscule pré-carré de la « radicalité » politique laissé vide par la gauche. Ses ambitions sont en effet proprement abyssales : « En politique, l’extension (prévue par Marx) du marché mondial modifie le transcendantal (le monde, la scène active) de l’action émancipatrice, et c’est peut-être aujourd’hui seulement que sont rassemblées les conditions d’une Internationale communiste qui ne soit pas étatique ou bureaucratique. Déjà, en tout cas, des expériences politiques continues, portant le bilan de l’histoire politique du siècle passé, et enracinées dans le réel ouvrier et populaire, montrent deux choses : d’abord, il est possible de déployer une politique qui se tient à distance de l’État [...] ensuite, cette politique propose des formes d’organisation très éloignées du modèle du parti qui a dominé tout le XXe siècle. » (12) Au cas où on l’aurait mal compris, il ajoute en note : « Sur l’expérience politique la plus importante en France dans cette direction, on se rapportera aux publications de l’Organisation politique et du Rassemblement des Collectifs des Ouvriers Sans Papiers des Foyers. » (13)

Badiou se débrouille toujours pour présenter l’une de ses inventions verbales personnelles comme la « nouvelle théorie politique » du moment, ignorant à la fois la réalité historique, voire la contredisant : en quoi la Révolution culturelle et la création de l’OP peuvent-elles être mises sur le même plan ? C’est ainsi qu’il passe volontairement sous silence les événements politiques qui ne « cadrent » pas avec sa théorie, soit, par exemple, toutes les formes de démocratie directe (comme les conseils ouvriers) expérimentées au xr siècle en opposition au pouvoir bureaucratique (dont le modèle est la révolte des marins de Cronstadt corre le pouvoir bolchévique en 1921) et qui ont été décrites par Anton Pannekoek, Karl Korsch et Paul Mattick dans l’ouvrage collectif La Contre-révolution bureaucratique (14).

Badiou a ainsi eu l’habileté de se constituer, au sein de l’institution, et dans ses marges, un réseau solide de disciples qui, tout en assurant sa succession, relaient impertubablement ses théories et ses prises de position. Il pense d’ailleurs toujours à remercier, au passage, ses fidèles chiens de garde sur un ton des plus assurés : « mon ami Frédéric Worms », « mon ami Michel Surya », « mon ami Éric Hazan », « mon ami Benoît Casas » (15), etc. Par une analyse plus approfondie et argumentée de ses propos, nous allons voir que, sous couvert d’une critique radicale de la société, Badiou a su se créer un petit empire à son image sur lequel il règne sans partage.

III. La collusion entre philosophie et politique

1. Critique de la philosophie politique et éloge de la philosophie comme engagement

Dans Abrégé de métapolitique, Badiou se défend d’appartenir en aucune façon à la « philosophie politique » de manière à promouvoir à la fois une nouvelle théorie censée s’y opposer (la « métapolitique » (16)) et sa propre conception de la philosophie comme « action », se rapprochant à plusieurs égards de l’engagement sartrien ou foucaldien (17). Le premier chapitre de son Abrégé est d’ailleurs consacré à ce qu’il appelle les « philosophes résistants », sur le modèle de Cavaillès, et pose un principe d’équivalence entre la philosophie et le risque : « Ne pas résister, c’est ne pas penser. Ne pas penser, c’est ne pas risquer de risquer. » Formule typiquement badioulienne, proche de la tautologie, et qui, en affectant de dévoiler une pensée brillante, n’énonce que des banalités affligeantes. Ce détour par Cavaillès a, en réalité, une visée beaucoup plus pragmatique : elle sert à émettre l’idée fort contestable qu’être un philosophe, c’est forcément être un résistant. Badiou étant lui-même philosophe, la suite du syllogisme va de soi...

Le propos de Badiou va donc consister à démontrer que la philosophie se confond avec l’engagement politique, plaçant ainsi cette discipline au-dessus de tout soupçon. Cela permet évidemment de sous-entendre que la philosophie serait une instance dite « critique » et toute-puissante, capable de remettre en cause, en elle-même, le pouvoir établi (18). Cette survalorisation de la philosophie nous semble bien faire partie d’une forme d’imposture dénoncée par Bouveresse dans Le Philosophe chez les autophages : « la pensée philosophique n’est pas « critique » par définition et une fois pour toutes : elle continue, elle aussi, à engendrer les formes les plus caractéristiques et les plus tenaces de la mythologie de l’erreur qu’elle devrait avoir en même temps pour fonction de dénoncer et de combattre. » (19) En effet, affirmer, comme le fait Badiou, l’idée selon laquelle tout, dans la philosophie, serait politique pose de nombreux problèmes :

  • c’est d’abord une solution proprement démagogique. Comme le dit encore Bouveresse : « Puisque les questions politiques sont, par définition, des questions qui concernent tout le monde, dire que tout, dans la philosophie, est politique, [est] évidemment une manière très commode de décréter a priori, sans avoir à le démontrer autrement que sur quelques exemples très privilégiés, que toutes les questions philosophiques intéressent, directement ou indirectement, tout un chacun. » (20)
  • cela revient aussi à inféoder la philosophie à une idéologie : « En fait, ce qui nous est imparti comme tâche, disons même comme devoir philosophique, c’est d’aider à ce que se dégage un nouveau mode d’existence de l’hypothèse. » (21) En quoi la définition que donne Badiou du philosophe est-elle si éloignée de ce que l’on appelait jadis les « compagnons de route » du parti communiste ? En quoi est-elle différente du militant ?
  • Badiou va même plus loin en liant intrinsèquement la philosophie et la doctrine communiste ; il affirme en effet que « sans l’horizon du communisme, sans cette Idée, rien dans le devenir historique et politique n’est de nature à intéresser le philosophe. Que chacun s’occupe de ses affaires, et n’en parlons plus. » (22) C’est une restriction considérable apportée ici par Badiou qui, sous couvert d’un pari sur l’avenir (« l’hypothèse communiste »), procède à un « verrouillage » en bonne et due forme de toutes les alternatives politiques possibles, et ce, en se servant de la figure du philosophe comme caution de son système. C’est une manière de dire : sans la possibilité du communisme, le philosophe se détournera de l’histoire et de la politique et la philosophie (discipline critique par excellence, c’est dire !) n’aura plus lieu d’être.

On le voit, Badiou n’hésite pas à faire de la philosophie un simple outil de propagande.

2 - La philosophie au service de toutes les causes

À entendre Badiou, la philosophie, discipline « critique » par excellence, ferait partie de tous les combats, serait au service de toutes les causes- —urtout quand il s’agit des marottes personnelles de « l’Être suprême ». Ce terme est en réalité une sorte de concept « fourre-tout » qui recouvre des choses extrêmement diverses : quand on s’attaque à « l’hypothèse communiste », c’est à la philosophie qu’on s’en prend, quand certains journalistes américains gratifient Badiou et Zizek du qualificatif de « recHess » (que Badiou traduit par « dépourvus de toute prudence »), c’est encore une fois la philosophie qu’on bafoue. C’était déjà l’axe de défense choisi par Kristeva dans « l’affaire Sokal-Bricmont », et Badiou en reprend le principe dans son Second Manifeste : « Par définition, la philosophie, quand elle apparaît vraiment, est reckless ou n’est rien. Puissance de déstabilisation des opinions dominantes, elle convoque la jeunesse sur quelques points où se décide la création continue d’une vérité neuve. C’est bien pourquoi son Manifeste traite aujourd’hui du mouvement, typiquement platonicien, qui conduit des formes de l’apparaître à l’éternité des vérités. » (23) Tour à tour brandie contre la doxa, la morale ou la démocratie, la philosophie est l’étendard dont se sert Badiou pour tout justifier : son positionnement politique, son statut, ainsi que les points aveugles de sa théorie. Confondue avec « l’Idée communiste » quand il s’agit de critiquer la démocratie sur un ton grandiloquent et sentencieux (« Le philosophe oppose au démocrate l’exception des vérités comme changement d’échelle de la pensée » ou encore « si la norme démocratique des opinions est la liberté dans l’arène de sa limitation, la norme pensante et philosophante des vérités est l’égalité dans l’arène de l’illimitation » (24)), la philosophie est aussi une arme contre la morale quand il s’agit, pour jouer au rebelle à peu de frais, de s’insurger contre les « nouveaux philosophes » et « l’idéologie des droits de l’homme » : « Disons qu’il n’est possible d’exister comme « philosophe » que pour autant qu’on adopte sans la moindre critique, au nom du dogme « démocratique », de la rengaine des droits de l’homme et de diverses coutumes de notre société concernant les femmes, les punitions ou la défense de la nature, la thèse typiquement yankee de la supériorité morale de l’occident. » (25) Il faut dire que c’est l’une des spécialités de Badiou (il n’est, hélas, pas le seul à le faire) que de dénoncer « le dogme » ou « l’idéologie » de telle ou telle chose jusqu’à vider ces mots de leur sens propre pour leur en réattribuer un, typiquement badioulien. Nous ne sommes guère éloignés de la « novlangue » inventée par Orwell puisque le but réel de ces manoeuvres lexicales est de détourner le lecteur des « idéologies » et des « dogmes » réels, qu’on pense par exemple à ceux liés au seul mouvement communiste et que Kostas Papaïoannou a rassemblés sous le nom d’ « idéologie froide ».

Si on les examine lucidement, ces prises de position de Badiou sont en réalité tout à fait paradoxales, car, comme le dit Bouveresse, elles reviennent à critiquer ce sur quoi elles prospèrent : « Dans une société où les règles de la démocratie sont en principe respectées, le type d’organisation sociale qui est visé par la contestation philosophique est, en même temps, celui qui la rend possible (et qui est, en outre, le seul à la considérer comme plus ou moins « normale »). Mais la fonction critique que le philosophe entend exercer par profession ne peut accéder à la normalité reconnue sans perdre une bonne partie de l’avantage moral que confère la dissidence réelle. À cet égard, la manière dont certains intellectuels éminents, que le profane ne peut considérer autrement que comme des privilégiés du système, s’évertuent parfois à nier toute espèce de complicité ou de compromission avec « l’ordre » ou le « pouvoir » en général, est tout simplement une insulte à l’intelligence et à la morale communes. Ce genre de rhétorique apologétique ne persuadera jamais que des gens qui ont à la fois des avantages du même type et des raisons d’entretenir le même genre de mauvaise conscience que ceux qui l’utilisent. » (26)

3. La stratégie de Vincennes

Badiou a côtoyé les philosophes dits de Vincennes (Foucault, Deleuze, Lyotard, Rancière) en tant que jeune confrère et, même s’il n’était pas toujours d’accord avec eux (comme il le regrettera d’ailleurs à propos de Deleuze (27)), il ne cesse de leur rendre hommage. Petit Panthéon portatif est, à cet égard, particulièrement représentatif du culte que Badiou essaie d’alimenter à leur propos : ce livre est une compilation d’articles écrits à la mort des « maîtres » de la French Theory.

On y trouve donc les « oraisons funèbres » de Lyotard, Deleuze, Foucault et Derrida à la sauce Badiou, c’est-à-dire en rappelant insidieusement le lien personnel ou intellectuel qui le rattache à ses figures. Ainsi, au départ simple « second couteau » de la French Theory, Badiou en est devenu la figure représentative, puisque seul survivant de cette période (28). Il ne se prive d’ailleurs pas de le répéter, tout en se posant en véritable « gardien du temple » de ce courant philosophique (certes disparate) ainsi que de certaines des valeurs qui peuvent lui être associées. La présence de ce registre judiciaire est constant dans de nombreux autres ouvrages où il se fait le fervent défenseur de la cause de la philosophie française des années 60, comme ici, dans l’introduction au Second Manifeste pour la philosophie : « Il faut accorder sans hésitation à mon ami Frédéric Worms qu’il y a eu en France, entre les années soixante et les années quatre-vingt - des derniers grands travaux de Sartre aux oeuvres capitales d’Althusser, Deleuze, Derrida, Foucault, Lacan, Lacoue-Labarthe ou Lyotard, pour ne citer que les morts un fort « moment » philosophique. La preuve de ce point « par l’exemple négatif », comme disent les chinois, est l’acharnement mis par la coalition de quelques vedettes médiatiques et de sorbonnards en goguette à nier qu’il se soit passé, dans ces années lointaines, quoi que ce soit de grand ou même d’acceptable. » (29) Badiou se crée ici des ennemis à sa mesure, faciles à canaliser et à anéantir, car qui vise-t-il en réalité ? Principalement Luc Ferry et Alain Renaut pour leur médiocre livre sur « la pensée 68 » (déjà maintes et maintes fois passé au crible et de façon plus pertinente que ne le fait ici Badiou, notamment par Cornelius Castoriadis (30)), tout en égratignant, au passage, les « nouveaux philosophes » - cible facile - qui se sont ralliés à cette interprétation. Cette coalition prend d’ailleurs des proportions plus importantes à la fin du Second Manifeste puisque, élargie à d’autres courants, elle finit par désigner rien de moins que la « réaction intellectuelle », c’est-à-dire « quelque chose comme un pauvre dogmatisme via la philosophie analytique, le cognitivisme et l’idéologie de la démocratie et des droits de l’homme. A savoir une sorte de scientisme [...] doublé, commé’ toujours, d’un moralisme niais à teinture religieuse (en substance : il faut être gentil et démocrate plutôt que méchant et totalitaire). » (31) Tous les ennemis personnels de Badiou sont ici convoqués en vertu de plusieurs principes bien connus des amateurs de sophistique (32) :

  • le fait de répéter des préjugés et des lieux communs déjà entendus dans les médias (le scientisme pour la philosophie analytique, le moralisme en lien avec « les droits de l’homme ») permet de leur donner une assise et une légitimité supplémentaires sans avoir à se justifier.
  • l’invention d’un ennemi imaginaire à plusieurs têtes, la susdite « réaction intellectuelle », permet de positionner les philosophes de Vincennes comme de véritables « révolutionnaires » dont la mémoire serait attaquée ou salie. Badiou se donne ainsi le beau rôle de les défendre contre toutes ces attaques indécentes et venues de plusieurs côtés : « philosophie analytique, cognitivisme, idéologie des droits de l’homme ».
  • l’utilisation de termes très généraux appliqués à des choses très différentes (cognitivisme, idéologie des droits de l’homme) facilite l’amalgame. Cela permet de ne pas avoir à donner de véritables arguments contre ces courants philosophiques, de ne pas citer les textes et encore moins les philosophes incriminés ; toutes choses contraignantes qui sont bien en-dessous du génie métaphysique de Badiou !
  • Enfin, dernier ressort bien connu de la rhétorique badioulienne : l’argument d’autorité. En effet, pour montrer que ses ennemis personnels sont, après tout, les mêmes que ceux des philosophes de Vincennes, Badiou avait pris ses précautions en amont de l’attaque en plaçant ses propos sous la haute autorité de Jacques Derrida : « Lors d’une de mes dernières rencontres avec Derrida - nous nous étions réconciliés -, il m’avait dit : « En tout cas, aujourd’hui, nous avons les mêmes enne- mis. » » Observez ici le mélange entre la dimension affective, biographique (« nous nous étions réconciliés ») et la posture théorique (« nous avons les mêmes ennemis ») qui sert à légitimer Badiou (à « l’adouber » en quelque sorte) en le posant comme le seul véritable successeur de la French Theory. Il reprend cette stratégie à la fois défensive et offensive dans Petit Panthéon portatif, toujours à propos de Derrida, et toujours pour pourfendre ce démon venu d’outre-Atlantique, à savoir la philosophie analytique jadis conspuée par Deleuze (33) : « Il y avait, juste en dessous de l’étonnante fluidité volatile de son écriture, une authentique simplicité de Derrida [...]. C’est une des nombreuses raisons pour lesquelles la violence des attaques contre lui (après sa mort), et en particulier dans la presse américaine, attaques qui s’en prenaient au « penseur abstrus », à « l’écrivain incompréhensible », ne relevaient que de la plus banale injure anti-intellectuelle. » Plus loin, il ajoute : « Disons-les « texanes », ces injures, et n’en parlons plus. » (34) On se croirait revenu aux temps pas si éloignés de la querelle Sokal-Bricmont ! L’argument d’anti-intellectualisme ne tient tout simplement pas, comme l’ont déjà montré à plusieurs reprises Bouveresse et Bricmont (entre autres), mais il continue tout de même à nourrir le débat en le réduisant à un manichéisme simpliste : la philosophie analytique = hégémonie capitaliste américaine. Ici, Badiou va même plus loin dans l’amalgame et la falsification puisque, tout en associant les américains à des texans incultes (les rednecks), il prend le lecteur français par les sentiments et alimente l’antiaméricanisme primaire, tout en prenant soin de ne pas répondre de manière précise aux attaques des journalistes.

La valorisation du « moment » philosophique des années soixante sert donc, au final, de tremplin à la théorie de Badiou ainsi qu’à celle de ses disciples. Au fur et à mesure que Deleuze, Foucault et Lyotard sont récupérés par Badiou, ils sont inexorablement voués à un « devenir-Badiou ». Il suffit de lire l’ouvrage de vulgarisation de Badiou sur Deleuze, intitulé Deleuze : la clameur de l’Être, pour se rendre compte de ce phénomène (35). Badiou applique à Deleuze son propre vocabulaire, ses théories philosophiques et lui adjoint ses figures tutélaires : Heidegger, Badiou (on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même) - et Dieu sait qu’il n’est pas la peine de rajouter davantage d’obscurité et de confusion à l’oeuvre de Deleuze ! Tout est donc vu à travers le filtre de la pensée « Badiou » dans le but d’élever cette manière de faire de la philosophie au rang de méthode « suprême » « J’ai publié mon premier Manifeste pour la philosophie en 1989. Ce n’était pas la joie, je vous prie de le croire ! L’enterrement des « années rouges » qui suivirent Mai 68 par d’interminables années Mitterrand, la morgue des nouveaux philosophes [...]. Maintenir dans ces conditions l’optimisme de la pensée, expérimenter, en liaison étroite avec les prolétaires venus d’Afrique, de nouvelles formules politiques, réinventer la catégorie de vérité, s’engager dans les sentiers de l’Absolu selon une dialectique entièrement refaite de la nécessité des structures et de la contingence des événements, ne rien céder... Quelle affaire ! C’est de ce labeur que témoignait, de façon succinte et allègre à la fois, ce premier Manifeste pour la philosophie. Il était, ce petit livre, comme des mémoires de la pensée écrits dans un souterrain (36). » Face à un tel travail de titan, nous n’avons plus qu’à nous incliner et à souhaiter une longue vie au « grand timonier » de la philosophie, Alain Badiou !

(.../...)

Seconde partie disponible ici


Notes

1 - Mehdi Belhaj Kacem, L’Esprit du nihilisme : une ontologie de l’Histoire, Fayard, Paris, 2009.

2 - Harry G. Frankfurt, De l’art de dire des conneries, 10/18, Paris, 2006.

3 - Site internet : http://membres.lycos.fr/orgapoli.

4 - Une critique de la métaphysique chez Badiou a été ébauchée par Frédéric Nef dans Qu’est-ce que la métaphysique ? mais elle ne s’en prend qu’à des points de détail de sa théorie.

5 - Jean-François Martos, Correspondance avec Guy Debord, Le Fin Mot de l’histoire, Paris, 1998.

6 - « Ses plus de 17 000 exemplaires vendus - inespéré pour un auteur dont les ouvrages plus austères ne dépassent pas les 3 000 - un retirage en urgence par la petite maison d’édition, un nombre de recensions encore jamais atteint... : « On savait que ce livre allait se vendre mais pas à ce point », confie Sébastien Raimondi, responsable d’édition [des éditions Lignes]. C’est par le bouche-à-oreille au sein d’un lectorat très critique à l’encontre de Nicolas Sarkozy que le livre fut conseillé » (Le Monde, 12 janvier 2008). Le mensuel Livres Hebdo du mois de mai 2009 recensait même 34 000 exemplaires vendus. Parmi les nombreux commentaires disproportionnés qui n’ont pas manqué de revenir sur ce succès éditorial, les analyses de l’hebdomadaire Marianne détiennent la palme : « Qualifié par Arnaud Viviant de « très grand livre », le chroniqueur de France Inter le compare à La Société du spectacle de Guy Debord paru en 1967, à savoir un examen impitoyable des tendances et des contradictions les plus fondamentales de la société d’alors et annonciateur des événements qui suivirent. »

7 - Badiou est intervenu récemment (jeudi 9 avril 2009) dans l’émission « culturelle » diffusée par France 3 et qui s’appelle « Ce soir ou jamais ». Vous pouvez retrouver la retranscription écrite de cette interview sur quelques sites internet.

8 - Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ? (Circonstances, 4), Lignes, Paris, 2007.

9 - Introduction au séminaire sur Platon retranscrit par Daniel Fischer et consultable en ligne sur le site suivant : http://www.entretemps.asso. fr/Badiou/08-09.htm. C’est nous qui soulignons.

10 - Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ?, op. cit., p. 52.

11 - Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ?, op. cit., note 18 p. 147. C’est nous qui soulignons.

12 - Alain Badiou, Second Manifeste pour la philosophie, Fayard, Paris, 2009, p. 137.

13 - Ibid., note 17 p. 154.

14 - La Contre-révolution bureaucratique, 10/18, Paris, 1973.

15 - On trouve la plupart de ces remerciements dans les notes situées à la fin de Second Manifeste pour la philosophie.

16 - « La métapolitique s’oppose à la philosophie politique qui prétend que, les politiques n’étant pas des pensées, c’est au philosophe qu’il revient de penser « le » politique. » Alain Badiou, Abrégé de métapolitique, Seuil, Paris, 1998.

17 - Badiou cherche en effet à s’imposer comme le successeur de philosophes dits engagés et à en récupérer clairement l’héritage, au prix de contorsions assez considérables. On a pu le voir par exemple avec sa série d’essais intitulée Circonstances qui n’est pas évidemment sans rappeler les Situations de Jean-Paul Sartre.

18 - Voir la note d’intention rédigée par Badiou pour sa pièce, Ahmed philosophe : « [Ahmed apprend la philosophie aux enfants car] armer les enfants de toutes les ressources de la langue et de la pensée, le faire dans la puissance du rire, c’est jouer un bon tour supplémentaire aux puissants et aux installés ». Ahmed philosophe, Actes Sud, Arles, 1995.

19 - Jacques Bouveresse, Le Philosophe chez les autophages, Minuit, Paris, 1984, p. 24.

20 - Ibid., p. 34.

21 - Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ?, op. cit., p. 152-153. C’est nous qui soulignons.

22 - Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ?, op. cit., p. 152-153. C’est nous qui soulignons.

23 - Alain Badiou, Second Manifeste pour la philosophie, op. cit., p. 84-85.

24 - Alain Badiou, Second Manifeste pour la philosophie, op. cit., p. 33. Où l’on voit aussi que le style hégelien revu par Marx n’est pas toujours plagié avec l’élégance et le discernement souhaités...

25 - Ibid., p. 82.

26 - Jacques Bouveresse, op. cit., p. 35.

27 - Longtemps en désaccord, Badiou et Deleuze s’étaient rapprochés à la fin de la vie de ce dernier. Dans son Deleuze : la clameur de l’Être, Badiou se flatte même d’avoir entamé une correspondance avec lui.

28 - Qui sont les vivants ?

29 - Alain Badiou, Second Manifeste pour la philosophie, op. cit., p. 7.

30 - « Il est étrange de voir appeler aujourd’hui « pensée 68 » un ensemble d’auteurs qui ont vu leur vogue s’accroître après l’échec de Mai 68 et des autres mouvements de la période, et qui n’ont joué aucun rôle dans la plus vague préparation « sociologique » du mouvement, à la fois parce que leurs idées étaient totalement inconnues des participants et parce qu’elles étaient diamétralement opposées à leurs aspirations implicites et explicites [...]. Le contresens de Ferry et Renaut est total : la « pensée 68 » est la pensée anti-68, la pensée qui a construit son succès de masse sur les ruines du mouvement de 68 et en fonction de son échec. » Cornelius Castoriadis cité par Kristin Ross, Mai 68 et ses vies ultérieures, Complexe, Paris, 2005, p. 202.

31 - Alain Badiou, Second Manifeste pour la philosophie, op. cit., p. 132.

32 - ibid., p. 133.

33 - À cet égard, les antidotes les plus redoutables aux ouvrages de Badiou seraient sans doute L’Art d’avoir toujours raison de Schopenhauer et De l’art de dire des conneries de H. G. Frankfurt.

33 - La séquence intitulée « W comme Wittgenstein » de L’Abécédaire de Gilles Deleuze (1996) est on ne peut plus explicite à ce sujet : « Non, je ne veux pas parler de ça. Pour moi, c’est une catastrophe philosophique, c’est le type mème d’une école, c’est une réduction de toute la philosophie, une régression massive de la philosophie. C’est très triste [...]. Ils ont foutu un système de terreur (rires), où sous prétexte de faire quelque chose de nouveau, c’est la pauvreté instaurée en grandeur. Il n’y a pas de mot pour décrire ce danger-là. C’est un danger qui revient, ce n’est pas la première fois [...]. C’est grave, surtout qu’ils sont méchants, les wittgensteiniens. Et puis ils cassent tout. S’ils l’emportent, alors là il y aura un assassinat de la philosophie. C’est des assassins de la philosophie. Il faut une grande vigilance... (rires) »

34 - Alain Badiou, Petit Panthéon portatif, La Fabrique, Paris, 2002, p. 118-119.

35 - « Dans ce Deleuze de janvier 1997 [...] - ouvrage à propos duquel certains médisants ont pu parler de « détournement de cadavres » - A. Badiou « clamait », à propos de son « Être » public à lui, dans une description comparée de leurs parcours respectifs, qu’il méritait bien une reconnaissance de même ordre que celle accordée par le public à G. Deleuze : « Qu’il ne soit pas absurde de nous comparer deviendra peu à peu une conviction publique. En 1992, François Wahl organisera à partir du doublet Badiou/Deleuze la préface qu’il a bien voulu écrire à mon recueil Conditions » (p. 11, souligné par nous). [...] D’ailleurs Badiou ajoutait que Deleuze et lui constituaient « une sorte de tandem paradoxal » (ibid. p. 12). Il en donnait pour « juste preuve » comme aurait dit le président Mao, le fait que Deleuze avait écrit une note sur lui : « À l’époque, il achevait une collaboration écrite avec Félix Guattari, le Qu’est-ce que la philosophie ? (1991), qui devait connaître un immense et légitime succès. Il y a dans ce livre la note sur moi dont Deleuze, après mon article sur Le Pli, annonçait la venue » (ibid., p. 13). Après consultation du livre de Deleuze et Guattari en question, précisons qu’il s’y trouve de fait une assez longue « note sur lui » (p. 143 et 144), une présentation succinte de ce qu’écrivait Badiou dans L’Être et l’Événement et dans Manifeste pour la philosophie. Seuls d’insupportables esprits frondeurs et autres abominables fouteurs de merde rétorqueront que ce n’est pas parce que Deleuze et Guattari se sont penchés une fois sur le mirobolant Badiou que celui-ci en sort grandi. Ils observeront que Pasteur s’est penché toute sa vie sur des moisissures et des bactéries sans que cela les ait fait grandir d’un micron. » Jean-François Raguet, De la pourriture, L’Insomniaque, Paris, 2000, p. 48-49. Ajoutons que Raguet fait encore trop d’honneur à Deleuze et Guattari en les comparant à un savant comme Pasteur.

36 - Alain Badiou, Second Manifeste pour la philosophie, op. cit., p. 10-11. Cette manie de se comparer systématiquement aux plus grands auteurs (ici, Dostoïevski) montre la modestie de Badiou et son allégeance sans faille à la vérité.


Commentaires

Les habits neufs d’Alain Badiou (1/2)
dimanche 22 mai 2016 à 13h02

Des nouvelles du cénacle badiousien : ils se sont fait chopper en flagrant délit de n’importe quoi en publiant un article bidon qui raconte n’importe quoi mais dans le style du Maïtre. Ce n’est pas premier canulard de ce genre (Cf. L’inaugural Sokal et Bricmont, mais aussi Maffesoli dernièrement...)

C’est ravageur et vraiment très drôle.

L’ontologie badiousienne parodiée par Benedetta Tripodi ou ce qu’il fallait démonter : http://zilsel.hypotheses.org/2598

Lolo

Les habits neufs d’Alain Badiou (1/2)
jeudi 29 mars 2012 à 12h56

Je parcours en diagonale cet article « journaliste » (c’est-à-dire valant moins le lendemain déjà que le jour même). Belle caricature encore. D’aucuns insignifiants n’existent qu’en salissant un grand nom. Oh ce passage où est résumée la pensée de Badiou sur le communisme comme seul horizon de pensée comme une propagande autoritaire etc.. Alors que toute pensée solide, rationnelle, en fait le constat. Tous les problèmes de notre temps (écologie, abrutissement des masses, coupure des élites etc etc) trouvent là leur solution. Enfin..

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