Petite histoire du tirage au sort en politique

D’Athènes à la Révolution française
dimanche 9 juin 2013
par  LieuxCommuns

Yves Sintomer, « Petite histoire du tirage au sort en politique . D’Athènes à la Révolution française », La Vie des idées, 9 avril 2012. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Petite-...

Du partage des butins guerriers aux expériences de démocratie délibérative contemporaines en passant par la sélection des dirigeants politiques, le tirage au sort peut-il être considéré comme un gage de démocratie ? Bien qu’elle introduise une logique d’égalité radicale entre citoyens, propose une méthode impartiale de résolution des conflits et garantit le pouvoir de tous sur tout un chacun, cette pratique ne résume pas à elle seule la démocratie.

En France, il est courant de « tirer les rois » à l’épiphanie [1]. Les origines de cette coutume remontent au moins aux Saturnales, la principale fête romaine. De nature carnavalesque, elle avait lieu après le solstice d’hiver, dans les 12 jours intercalaires entre le cycle solaire et le cycle lunaire. Banquets et orgies se multipliaient alors. Les normes sociales ordinaires étaient suspendues. Il était notamment permis de s’adonner aux jeux de hasard comme les dés, une pratique normalement interdite. Les esclaves mangeaient à la table de leurs maîtres, voire se faisaient servir par eux. Les hommes libres tiraient au sort un roi des Saturnales (Saturnalicius princeps), qui pouvait donner des ordres burlesques à ses sujets [2]. Certaines versions des Saturnales présentaient cependant une dimension tragique. Des sources grecques postérieures, retrouvées par l’historien Franz Cumont [3] et commentées notamment par le célèbre anthropologue James G. Frazer, nous rapportent que les soldats romains cantonnés sur le Danube pour protéger l’Empire des barbares avaient coutume de célébrer la fête de la façon suivante : trente jours avant les Saturnales, ils tiraient au sort un beau jeune homme. Pourvu de vêtements royaux, celui-ci figurait Saturne, se promenait en public et pouvait assouvir ses passions, même celles considérées comme les plus viles. Son règne était de courte durée : « une fois [...] la fête de Saturne arrivée, il se coupait la gorge sur l’autel du dieu qu’il représentait. En l’année 303 de notre ère, le sort tomba sur le soldat chrétien Dasius, qui refusa de jouer le rôle du dieu païen et de souiller ses derniers jours dans la débauche. Les menaces et les arguments de son chef [...] ne parvinrent pas à ébranler sa constance : il fut donc décapité, comme [un] martyrologe chrétien le rapporte avec une précision minutieuse, à Durostorum, par le soldat Jean, le vendredi 20 novembre, vingt-quatrième jour de la lune, à la quatrième heure. [4] »

Anthropologues et historiens ont longuement débattu sur ce récit, qui relève sans doute plus du mythe que de la réalité historique [5]. Ils se sont penchés sur l’inversion carnavalesque des rapports sociaux et sur le sacrifice du pseudo-roi, mais n’ont guère prêté attention à la façon dont celui-ci était désigné et à la courte durée de son règne. Après l’élection à intervalles réguliers des gouvernants, le couplage du tirage au sort et de la rotation rapide des mandats a pourtant constitué l’un des modes de sélection des dirigeants les plus répandus dans l’histoire démocratique et républicaine occidentale. Sous un jour parodique, les Saturnales romaines ou les rois de nos galettes en conservent la trace.

À l’heure où le tirage au sort semble revenir après des siècles d’éclipse dans des centaines, voire des milliers d’expériences politiques [6], il est intéressant de s’interroger sur la façon dont cette procédure a été utilisée dans le passé. Quels ont été les recours politiques au tirage au sort dans l’histoire ? Comment cette modalité de sélection des dirigeants a-t-elle été combinée avec d’autres ? Quelles ont été les expériences les plus marquantes ? Au delà des monographies, assez nombreuses, les premières histoires synthétiques du tirage au sort ont été rédigées par des politistes, stimulés notamment par un ouvrage séminal de Bernard Manin [7], plus que par des historiens. Nous voudrions ici rendre compte à grands traits de cette histoire.

Des origines anciennes

Si les passages faisant mention du tirage au sort sont fort rares dans le Nouveau Testament, elles sont en revanche assez nombreuses dans l’Ancien Testament, témoignant d’un usage assez fréquent de cette procédure dans les tribus juives. Il en était de même dans tout le Moyen-Orient chez les peuples germains et dans la haute antiquité grecque. La mantique, c’est-à-dire les pratiques divinatoires, et le partage des biens, notamment des héritages et des lots de terre gagnés dans les conquêtes, semblent avoir impliqué de façon très précoce le recours au sort. Le terme grec de kléros désigne d’ailleurs le « sort », mais aussi le « lot » ou l’« apanage », en particulier dans le cadre des règlements successoraux, tout comme l’isqu assyrien [8]. Cette étymologie se retrouve dans le terme assez tardif de « loterie » ou dans l’anglais selection by lot (sélection aléatoire). Dans certains cas, la pratique du tirage au sort s’étendit de la mantique et du partage des biens au choix des dirigeants politiques.

On tirait au sort au sort de deux manières. Par la première, on inscrivait sur des tablettes appelées en latin sortes des noms, des signes ou des mots, avant de « tirer les sorts » à l’aveugle – l’étymologie du mot vient de là (il en va de même en hébreu avec le terme pour). On utilisait souvent des fèves ou des objets de ce type à la place des tablettes. On pouvait également avoir recours aux dés ou aux osselets. Là encore, l’étymologie est parlante : la « chance » vient du latin cadentia, qui signifiait originellement la façon dont tombaient les dés ; le « hasard » vient de l’arabe az-zahr, qui était un jeu de dés, tout comme l’alea latin – d’où vient le dicton « les dés sont jetés », alea iacta est, rendu célèbre par César franchissant le Rubicon. Jusqu’à l’invention de techniques spécifiques, ce fut davantage par les sortes que par les dés que l’on eut recours à la méthode aléatoire en politique.

La Grèce classique et hellénistique : résolution impartiale des conflits et démocratie

C’est à l’âge classique, et tout particulièrement à Athènes, que le tirage au sort des charges publiques devint systématique et que son usage politique s’émancipa de ses significations religieuses ou surnaturelles [9]. La procédure devint routinière et les Grecs inventèrent un instrument utilisé, à ma connaissance, uniquement pour décider des choses de la cité, le klèrôtèrion, littéralement la « machine à tirer au sort ». Il s’agissait d’une stèle de marbre de la hauteur d’un homme, avec cinq colonnes munies de rainures permettant de poser les tablettes sur lesquelles étaient inscrits les noms entre lesquels il fallait procéder à une sélection aléatoire. On se servait de boules noires et blanches introduites dans un tube parallèle pour décider des noms qui allaient être retenus et de ceux qui se voyaient écartés.

Les pratiques politiques athéniennes ont été largement étudiées et de nombreuses analyses sont disponibles en français. Contentons-nous donc d’en rappeler les principaux traits. Au Ve et au IVe siècles avant Jésus-Christ, le système politique athénien reposait sur trois piliers : l’assemblée des citoyens (l’ecclésia), qui se réunissait régulièrement et possédait le pouvoir suprême ; l’élection des magistratures les plus importantes par cette même assemblée ; et le tirage au sort. Celui-ci intervenait dans plusieurs domaines. Les magistratures qui n’étaient pas pourvues via l’élection (neuf sur dix environ) faisaient l’objet d’une sélection aléatoire parmi les citoyens volontaires. Les membres du Conseil des 500, la Boulé, dont les tâches relevaient à la fois du législatif et de l’exécutif, étaient sélectionnés de la même manière, tout comme les tribunaux (l’héliée), jurys populaires constitués de citoyens non professionnels. Enfin, le tirage au sort était fréquemment utilisé pour des questions plus secondaires, comme le choix du président de séance, la répartition des rôles au sein des organes collégiaux, l’établissement de la rotation des responsabilités à l’intérieur des conseils ou des magistratures [10].

Le tirage au sort des magistrats ne disparut pas avec l’occupation d’Athènes par les Macédoniens, en 323 av. J.-C. Ce ne fut qu’en 103-102 qu’il fut définitivement aboli, sous la pression des Romains. Athènes avait favorisé sa diffusion dans les constitutions des cités qu’elle dominait, et elle était du reste loin d’être la seule à l’utiliser. La procédure demeura largement pratiquée dans le monde hellénistique. Elle perdit cependant une partie de sa substance et la politique, entendue comme un débat public sur les choses de la cité, tendit plus largement à perdre de son importance. Au cours de cette période, on eut recours au tirage au sort davantage pour trancher des questions secondaires que pour désigner les magistrats. Certaines charges liturgiques continuèrent cependant à être pourvues ainsi, après constitution d’une liste de personnes qualifiées ; c’est d’ailleurs probablement à partir du mot kléros que le mot « clergé » a progressivement été forgé [11].

Dans le monde classique, en particulier chez Platon et Aristote, le tirage au sort était considéré comme caractéristique de la démocratie alors que l’élection était, elle, vue comme une procédure aristocratique. Cette interprétation a donné lieu à un vif débat, dont on peut tirer quelques conclusions. Il n’y eut pas de recoupement absolu tirage au sort/démocratie. L’analyse d’Aristote était d’ailleurs nuancée, envisageant maints cas de figure et considérant que les élections pouvaient être plus ou moins démocratiques. De plus, le tirage au sort fut utilisé dans des contextes non démocratiques : les oligarques qui renversèrent la démocratie en 411 y eurent par exemple recours lorsqu’ils durent désigner en leur sein ceux qui allaient exercer des fonctions exécutives. De façon globale, le sort favorisait l’impartialité dans la prise de décision (les jurés étaient par exemple tirés au sort chaque matin, et ne pouvaient donc être influencés à l’avance) et diminuait la concurrence pour le pouvoir. Dans les contextes non démocratiques, cependant, ce fut surtout pour les procédures d’importance secondaire, comme la présidence de séance ou l’ordre de rotation des charges, que le tirage au sort fut utilisé.

Le développement du recours à la sélection aléatoire des magistratures suivit, lui, étroitement celui de la démocratie. De façon significative, lors des deux coups d’État oligarchiques des 400 (en 411) et des 30 (en 404), le tirage au sort des magistrats fut supprimé. Inversement, toutes les cités dans lesquelles le tirage au sort connut une très forte expansion étaient démocratiques [12]. Le recours massif au tirage au sort pour désigner les magistratures radicalisait l’idéal d’égalité entre citoyens et allait de pair avec des changements sociaux, juridiques et militaires d’ampleur. L’égalité politico-juridique qu’il instituait compensait en partie les différences socio-économiques qui persistaient. Couplé à une rotation rapide des charges (la rotation intervenait en général d’un mois à un an), à l’interdiction du cumul des mandats (on ne pouvait occuper simultanément plusieurs charges, de même que l’on ne pouvait être membre de la Boulé plus de deux fois dans sa vie) et à la collégialité de toutes les magistratures, le tirage au sort permettait de limiter au maximum l’autonomisation du pouvoir politique et sa monopolisation par une fraction des citoyens. Le pouvoir (archè) n’était plus concentré « en un personnage unique au sommet de l’organisation sociale. » Suivant un cycle réglé, il passait de l’un à l’autre, « de telle sorte que commander et obéir, au lieu de s’opposer comme deux absolus, [devenaient] les deux termes inséparables d’un même rapport réversible [13]. »

Comme l’écrit Moses I. Finley, ce constat représente un détour salutaire pour nous, Modernes, qui avons trop rapidement tendance à en rester à l’équation « démocratie = élections » [14]. L’âge d’or de la cité athénienne – et de la Grèce – correspondit à l’épanouissement maximal du tirage au sort en politique. Celui-ci reposait sur une épistémologie politique bien résumée par Thucydide reconstruisant les propos du « démocrate » Cléon : « Allons-nous oublier [...] qu’en général les cités sont mieux gouvernées par les gens ordinaires que par les hommes d’esprit plus subtil ? Ces derniers veulent toujours paraître plus intelligents que les lois [...] Les gens ordinaires

au contraire [...] ne prétendent pas avoir plus de discernement que les lois. Moins habiles à critiquer l’argumentation d’un orateur éloquent, ils se laissent guider, quand ils jugent des affaires, par le sens commun et non par l’esprit de compétition. C’est ainsi que leur politique a généralement des effets heureux [15]. »

Rome : une procédure de consensus sanctionnée par la religion

Quoique dans une moindre mesure, la République romaine s’appuya également sur des procédures de tirage au sort, un des multiples modes de scrutin et d’élection qu’elle développa. Celles-ci n’y pesèrent jamais autant qu’à Athènes, sans doute parce que Rome ne fut jamais une démocratie, au moins en comparaison avec la Grèce. Ces procédures prirent quatre formes principales.

Le recours au tirage au sort intervenait dans la détermination de l’ordre dans lequel votaient les Comices centuriates, la plus importante des assemblées romaines. Les « centuries » de la classe supérieure votaient les premières, puis venaient celles des trois classes intermédiaires, puis les centuries de la classe inférieure. Le sort décidait de la succession des votes à l’intérieur de la classe supérieure, en particulier de la centurie qui votait la première (centuria praerogativa). Les votes étaient dépouillés et le résultat proclamé centurie après centurie. Or, si chaque centurie comptait pour une voix, les classes supérieures comptaient un plus grand nombre de centuries, alors que les centuries populaires comptaient beaucoup plus de membres. De plus, seule la position majoritaire à l’intérieur d’une centurie était prise en compte. Dans ce système censitaire, la centuria praerogativa donnait le « la ». Dès qu’une majorité était atteinte, le vote s’arrêtait. Il était donc rare que les centuries des classes inférieures soient appelées à s’exprimer ; ce n’était le cas que lorsque des désaccords graves divisaient les classes supérieures. Le recours au tirage au sort favorisait la formation d’un consensus à l’intérieur des couches sociales dominantes, lui donnant une onction religieuse car il s’effectuait sous les auspices divins [16]. Pour avoir une signification démocratique, il aurait au moins fallu qu’il intervînt entre les centuries de toutes les classes censitaires. Il semble que Caius Gracchus l’ait proposé lors de son tribunat [17], mais aucune loi en ce sens ne fut adoptée.

Le sort intervenait également pour déterminer l’ordre de vote aux comices tributes. Le tirage était effectué entre toutes les « tribus » d’appartenance et portait en conséquence une logique égalitaire. Celle-ci était cependant relativisée par le poids proportionnellement plus faible des classes populaires dans les tribus, et était purement symbolique, car les comices tributes avaient un poids décisionnel restreint [18]. Le tirage au sort intervenait aussi dans la désignation ponctuelle de certaines charges secondaires, administratives ou liturgiques, et pour désigner les jurys populaires. Enfin, il était utilisé au sein des magistratures collégiales comme le consulat pour y répartir les compétences dans l’espace et le temps, ou pour y instaurer une certaine division du travail, et servait régulièrement à déterminer l’ordre de marche des légions et à prendre une série de décisions militaires [19].

Si l’élection était de loin la procédure politique la plus importante en République romaine, le tirage au sort n’en était pas moins une procédure assez fréquente. Il revêtait une signification religieuse non négligeable, car il était pour les acteurs apparenté aux techniques de divination qui étaient fort répandues à l’époque. Tout comme l’élection, il s’effaça dans l’Empire au profit de la nomination par en haut, au fur et à mesure que la politique romaine devenait un théâtre d’ombres et que s’affirmait le monopole des empereurs sur le pouvoir. Durant une période transitoire, il fut même employé par l’empereur contre le Sénat : au lieu de le réunir en séance plénière, on tirait au sort un groupe de sénateurs pour les délibérations, et ce groupe restreint avaient moins de poids que l’assemblée plénière pour s’opposer à l’Empereur. Mais cela était encore trop, et celui-ci finit par désigner directement ces sénateurs.

La renaissance du tirage au sort dans les communes italiennes

Avec la chute de l’Empire romain, le tirage au sort en politique sembla tout aussi oublié que les élections et le vote majoritaire. L’un des rares témoignages de recours à la sélection aléatoire pour désigner le titulaire d’une charge publique concerne le choix de l’évêque d’Orléans au Ve siècle. Le tirage au sort semble d’ailleurs avoir été pratiqué de façon sporadique au sein de l’Église, comme en témoigne le synode de Barcelone en 599 [20].

Hors des cercles royaux, la première instance politique qui réapparut durant le haut Moyen-âge fut l’assemblée générale des citoyens (cives), appelée notamment universitas ou parlamento. Son origine semble plus chrétienne que romaine, car la communauté des fidèles prit très tôt l’habitude de se réunir sur le parvis des églises. Durant longtemps, l’assemblée ratifia d’ailleurs aussi bien les titulaires des charges politiques que des charges ecclésiastiques, les deux domaines n’étant pas clairement séparés. Les décisions se prenaient à l’unanimité apparente, par acclamations : le plus souvent, il s’agissait de donner le consentement populaire à un choix déterminé à l’avance par les élites. C’est cependant avec la montée en puissance du parlamento que l’institution communale prit naissance [21].

L’historien catholique Léo Moulin a soutenu que les techniques électorales et délibératives modernes trouvaient leurs des origines dans les pratiques religieuses du Moyen-âge, l’expérimentation n’étant venue que plus tard dans les Communes [22]. Cette thèse mérite d’être nuancée. La véritable renaissance des techniques électorales et des modes de scrutin au sein de l’Église et des ordres monastiques date au mieux du XIIe siècle, et ne s’affirma pleinement qu’à partir du XIIIe. Or, c’est dès le XIIe siècle, en particulier dans nombre de communes d’Italie du Nord et du Centre, que se rodèrent les procédures modernes de décision, en particulier le scrutin majoritaire, le vote secret et le vote à plusieurs tours [23]. C’est dans la foulée de cette expérimentation politique que réapparut le tirage au sort (élection dite ad sortem ou ad brevia), à une échelle qui n’avait pas été atteinte depuis Athènes. L’expérience communale, qui se prolongea sous une autre forme jusqu’au début du XVIe siècle à Florence et jusqu’à l’époque de la Révolution française à Venise, représenta un moment capital de l’histoire politique occidentale, très sous-estimé en France. Les modes de scrutin y firent l’objet d’une réflexion particulière. Ainsi, en 1292, à Florence, pas moins de 24 systèmes électoraux différents furent soumis à la discussion pour l’élection du priorat.

Si les premiers recours au tirage au sort en politique datent de la fin du XIIe siècle, c’est au XIIIe que la procédure se généralisa, au moment même où l’Église était amenée à l’interdire définitivement en son sein (en 1223). Ce fut l’âge d’or des Communes. Les villes italiennes, situées dans la région la plus riche du monde occidental, étaient alors parmi les plus peuplées d’Europe. L’emprise de l’aristocratie de type féodal se desserrait peu à peu, tandis que s’affirmait une « bourgeoisie » artisanale et commerciale structurée en corporations. Dans un premier temps, les Communes virent l’essentiel du pouvoir concentré dans les mains de quelques dirigeants : consuls dans un premier temps, podestat et conseils restreints dans un second. Le rôle effectif de l’assemblée des citoyens se restreignit à peu de choses. Cependant, les luttes pour le pouvoir entre familles et groupes sociaux étaient si virulentes qu’à partir du XIIe siècle, les Communes cherchèrent des méthodes pour calmer les passions suscitées par les élections. Le « vote de compromis » visait à confier la nomination des magistrats à des électeurs considérés comme sages et censés se prononcer au nom du bien commun plutôt qu’à défendre des intérêts particuliers. Il s’agissait donc d’affirmer, en théorie du moins, l’unité de la cité menacée par les luttes de faction. Cette unité imaginée de la communauté avait sans doute des origines religieuses [24], mais des conceptions purement politiques prirent rapidement le dessus. Les communes multipliaient les procédures pour arriver à identifier les « bons » électeurs : nombre de tours de scrutin, vote à la majorité qualifiée, scrutin secret, etc. C’est dans cette dynamique que le tirage au sort s’imposa comme un moment particulièrement précieux. À partir de 1268 et jusqu’à 1797, Venise porta cette logique à sa perfection. En témoigne l’exemple de Lorenzo Tiepolo. Le 23 juillet 1268, il est désigné Doge de la sérénissime République. Comme la loi le prévoit lorsque le siège de doge est vacant, le Grand Conseil (qui compte environ 500 membres à cette époque) se réunit solennellement. Le Conseiller le plus jeune sort de la salle de réunion et en revient avec le premier enfant dont l’âge est compris entre huit et dix ans, qu’il rencontre dans la rue. Au centre de la salle est placé un grand sac qui contient autant de billes de bois (les balote) qu’il y a de conseillers. Sur trente d’entre elles figure le mot « électeur ». Les conseillers défilent en silence devant l’urne et le « balotin », c’est-à-dire le jeune garçon choisi, tire les billes et en donne une tour à tour à chacun d’eux. Les 30 conseillers qui reçoivent une bille électorale restent dans la salle, qu’évacuent immédiatement les autres membres. Les conseillers présents ne peuvent faire partie de la même famille ou avoir des relations consanguines les uns avec les autres, si c’est le cas, ils doivent renoncer à leur rôle et sont, par le même mécanisme, remplacés par d’autres conseillers. Dans un second temps, les 30 conseillers restants sont réduits à 9, par le même système. Au troisième tour, les 9 sélectionnés élisent 40 personnes parmi les membres du Grand Conseil, par un vote à la majorité qualifiée. Au quatrième tour, les 40 élus sont réduits à 12 par tirage au sort ; au cinquième, ces derniers élisent 25 personnes parmi les conseillers ; au sixième, ces 25 sont réduits à 9 par tirage au sort ; au sixième, ces derniers élisent 45 conseillers, qui sont au septième tour réduits à 11, toujours par tirage au sort ; ceux-ci élisent (toujours à la majorité qualifiée) les 41 conseillers qui, grâce à un neuvième tour, élisent en conclave le doge, avec une majorité qualifiée de 25 voix [25].

À partir de la fin du XIIIe siècle, un autre usage du tirage au sort se développa parallèlement. Il consistait à sélectionner aléatoirement non plus les électeurs, mais les magistrats eux-mêmes. Cependant, contrairement à Athènes, le tirage au sort n’était pas effectué parmi les citoyens volontaires, mais parmi des citoyens préalablement sélectionnés sur une liste. Florence incarna le mieux et le plus longtemps cette logique. À partir de 1328, date à laquelle la procédure se fixa, la plupart des charges de gouvernement et des fonctions administratives (jusqu’à la Signoria, sorte d’équivalent de notre exécutif), tout comme les positions dans les deux conseils législatifs et une bonne partie des fonctions judiciaires, furent en effet réparties par la méthode aléatoire (la tratta, dans le langage de l’époque). Les noms des candidats étaient déposés à l’avance dans des bourses (borse), puis tirés progressivement au sort, au fur et à mesure de la rotation des mandats. Le processus de désignation se déroulait en quatre étapes. (1) Dans un premier temps, des comités sélectionnaient les personnes considérées comme aptes, en fonction de critères à la fois personnels et politiques, dans chacun des quartiers de la cité. (2) Les citoyens ainsi retenus (nominati) étaient ensuite examinés par des commissions électorales composées par des personnalités nommées (les arroti). Les noms de ceux qui rassemblaient une majorité qualifiée des deux tiers dans ce scrutin (squittino) étaient alors inscrits sur des bouts de papier que l’on déposait dans des bourses en cuir (on les appelait les imborsati). Pour toutes les charges soumises à quotas, les noms étaient placés dans des bourses différentes selon l’appartenance aux corporations supérieures ou inférieures. (3) C’est seulement à la troisième étape qu’intervenait le tirage au sort, des magistrats, réalisé par des personnes nommées à cet effet (les accopiatori). (4) Enfin, la quatrième étape consistait à éliminer les noms de ceux qui ne respectaient pas les critères en vigueur (procédure des divieti). Il fallait par exemple être à jour de ses impôts, ne pas avoir subi certains types de condamnation pénale, ne pas avoir exercé une charge semblable dans un passé récent et ne pas cumuler des mandats importants, ne pas avoir de parents en charge dans un poste similaire, etc. [26]

Selon les périodes, la liste des imborsati fut plus ou moins longue, une partie importante des conflits entre partisans d’un governo stretto et ceux d’un governo largo tournant précisément autour de cette ouverture. L’élection qui était couplée au tirage au sort n’avait cependant pas la signification qu’elle revêt pour les Modernes. Nous entendons par « élection » un processus par lequel la base désigne par vote ses représentants. Pour les Florentins, à l’inverse, les élections étaient une procédure de cooptation par laquelle l’élite qui monopolisait largement le pouvoir de fait choisissait ceux qu’elle jugeait dignes de participer à la gestion des affaires publiques. Cette logique ne fut modifiée qu’avec la création du Grand Conseil à la fin du XVe siècle : l’ensemble des membres de celui-ci (plutôt que des commissions électorales restreintes) furent amenés à participer au vote et que tous les membres du Grand conseil furent automatiquement éligibles. Bien que la tendance « populaire » parvînt à s’imposer à plusieurs reprises au cours de l’histoire de la commune, Florence ne fut jamais une démocratie au sens athénien. Associée à la rotation rapide des offices, la sélection aléatoire des offices en fit cependant une République où une portion non négligeable de la population pouvait, comme à Athènes, tour à tour gouverner et être gouvernée [27].

Les jurys

Souvent inspirées de ces exemples, d’autres expériences politiques s’appuyèrent largement sur le tirage au sort du XIVe au XVIIIe siècles, en particulier dans la Couronne d’Aragon où l’insaculación, littéralement la « mise en sac », fut presque aussi massivement utilisée que dans les Communes italiennes [28].

Il serait cependant trop long d’en dresser ici une liste exhaustive. Il suffit de mentionner un dernier domaine où fleurit le tirage au sort, celui des jurys populaires, connus en France sous la forme des jurys d’assises. On peut esquisser une généalogie des allers et retours de l’usage du tirage au sort entre la sphère politique et la sphère juridique. À la fin de la République florentine en 1530, Venise sembla reprendre le flambeau du républicanisme inventé sur les rives de l’Arno. Le grand théoricien anglais James Harrington (1611-1677) discuta en détail la constitution vénitienne et les idées républicaines de la ville adriatique, qu’il avait pu étudier personnellement [29]. Son influence sur les révolutionnaires anglais et américains fut importante, et de nombreux projets de constitution pour les colonies américaines, proposés par exemple par William Penn (1644-1718) et Thomas Paine (1737-1809), incluaient un recours au tirage au sort inspiré des modes vénitien ou florentin. Ces propositions échouèrent dans la sphère politique mais se concrétisèrent dans les jurys populaires qui avaient été importés d’Angleterre. La Caroline du Sud et la Pennsylvanie adoptèrent ainsi la sélection aléatoire pour déterminer une partie des membres de leurs jurys au début des années 1680. Le tirage au sort fut ensuite réimporté en Angleterre, où la sélection des jurés conformément à cette technique fut institutionnalisée en 1730. De nombreux États nord-américains suivirent ces exemples durant le reste du XVIIIe siècle [30].

La Révolution française, s’inspirant des exemples anglais et américain, généralisa les jurys d’assises et la sélection des jurés par tirage au sort à partir d’une liste de citoyens cooptés, une procédure qui suivait finalement de près les usages florentins quelques siècles plus tôt. La variante française des jurys se répandit sur tout le continent. Au début des années 1970, aux États-Unis puis dans de nombreux pays dont la France, le tirage au sort des jurés fut effectué directement parmi tous les citoyens et non plus à partir d’une liste choisie par les autorités. Peu après, les politistes allemand et américain Peter Dienel et Ned Crossby, s’inspirant des jurys d’assises, proposèrent des jurys de citoyens tirés au sort pour discuter des affaires publiques...

Significations du tirage au sort en politique

Tirage au sort, démocratie et autogouvernement républicain. Toute une lignée de théoriciens ont suivi la thèse d’Aristote, qui peut sembler contre-intuitive à notre mentalité contemporaine : « Il est considéré comme démocratique que les magistratures soient attribuées par le sort et comme oligarchique qu’elles soient électives [31] ». Cette interprétation fut reprise durant la première Renaissance par Leonardo Bruni, chancelier de la République florentine, par Guicciardini du temps de Machiavel, par Harrington un peu plus d’un siècle plus tard, par Montesquieu et par Rousseau avant la Révolution française. De nos jours, elle est largement défendue par des philosophes comme Jacques Rancière ou Bernard Manin [32]. Cependant, si le tirage au sort en politique introduit bien une logique d’égalité radicale entre les personnes entre lesquelles il est pratiqué, il n’est démocratique que pour autant que le groupe en question inclut tous les citoyens ou du moins la grande majorité d’entre eux. Pour être plus précis, il faudrait donc dire qu’à l’intérieur d’un cercle donné, le tirage au sort couplé à la rotation rapide des charges est une procédure favorisant l’autogouvernement de tous par tous, chacun étant à tour de rôle gouvernant et gouverné. Chacun a ainsi les mêmes chances d’accéder à des fonctions délibératives et à des charges décisionnelles. Cet aspect est central à Athènes ; il est aussi présent, dans une moindre mesure, dans la République florentine.

Le tirage au sort comme signe d’élection divine. Grâce à lui, selon une perspective religieuse, les humains peuvent suivre, pour gérer leurs affaires communes, l’expression d’une volonté ou la marque d’un destin qu’ils ne sont pas en mesure de connaître autrement. Ainsi, le premier livre de Samuel raconte comment le prophète rencontra Saül, un homme jeune, beau et fort, qui errait à la recherche de ses ânes, et comment il lui annonça que Yahvé l’avait choisi pour devenir roi d’Israël. Samuel convoqua le peuple, le morigéna pour avoir oublié Dieu et lui demanda de se présenter devant Lui par tribus et par clans. La Bible continue ainsi : « Samuel fit approcher toutes les tribus d’Israël et la tribu de Benjamin fut désignée par le sort. Il fit approcher la tribu de Benjamin par clans, et le clan de Matri fut désigné. Puis Saül, [fils de Qish,] fut désigné. On le chercha mais on ne le trouva pas. On consulta encore Yahvé [...] et Yahvé dit : ’Le voici caché parmi les bagages.’ On courut l’y prendre et il se présenta au milieu du peuple : de l’épaule et au-dessus, il dépassait tout le peuple. Samuel dit à tout le peuple : ’Avez-vous vu celui qu’a choisi Yahvé ? Il n’a pas son pareil dans tout le peuple.’ Tout le peuple s’écria : ’Vive le Roi !’ [33] »

Une méthode de résolution impartiale des conflits. Thomas d’Aquin établit le premier une distinction rigoureuse entre usages politiques et usages religieux du sort, dans un petit traité appelé Les sorts (1270-1271) et dans la section sur la divination de sa Somme théologique (1269-1272) [34]. Tout en prenant acte de sa diffusion croissante en politique dans les Communes italiennes, Thomas d’Aquin s’était fixé pour objectif de donner un fondement théologique à la condamnation des pratiques divinatoires, mais aussi à l’interdiction du tirage au sort à l’intérieur de l’Église, promulguée par le Pape quelques décennies plus tôt. Il distingue pour ce faire trois types de recours au sort. Le premier, qu’il appelle le « sort distributif », est, selon lui, le plus légitime. Il intervient dans les affaires mondaines, lorsque l’on ne sait comment procéder autrement pour partager des biens ou répartir des fonctions. Mais depuis que l’Église s’est constituée en institution, il est interdit de recourir à ce type d’expédient dans les affaires ecclésiastiques ; ce serait faire injure à l’Esprit saint et à la sagesse dont il a doté ses clercs, en particulier ses évêques. Un recours à la hiérarchie y est donc toujours possible. Le second type de sort, que Thomas d’Aquin appelle le « sort consultatif », est lui aussi autorisé : laisser la décision au pur hasard lorsque l’on ne sait quel parti prendre, après avoir épuisé ses capacités de raisonnement. Le troisième type de sort, appelé « sort divinatoire », consiste quant à lui à solliciter indûment le jugement de Dieu en recourant à des techniques de divination. Il est prohibé, car il ne peut qu’entraîner un pacte avec les démons ou, du moins conduire à laisser les démons s’immiscer dans les affaires humaines.

Thomas d’Aquin distingue ainsi le tirage au sort divinatoire du tirage au sort comme méthode de résolution des conflits. La sélection aléatoire peut diminuer les passions déchaînées par l’accès à des charges considérées comme prestigieuses ou importantes ou, à l’inverse, assigner impartialement des punitions ou des fonctions qu’un nombre insuffisant de volontaires accepteraient de remplir parce qu’elles sont considérées comme des charges. Le tirage au sort a ainsi longtemps servi à recruter les soldats ; les Romains y avaient ainsi recours pour sélection les soldats qui devaient être décimés lorsqu’ils voulaient punir une armée après une défaite militaire particulièrement honteuse. Déjà, selon un proverbe populaire attribué à Salomon, rapporté par la Bible : « Le sort met fin aux querelles et décide entre les puissants. [35] »

Cette fonction de résolution pacifique des conflits s’est souvent appuyée sur l’intervention d’un enfant, chargé d’effectuer le tirage au sort .D’origine religieuse, ce trait de la procédure de sélection aléatoire est très répandu dans l’histoire. Il est si diffusé que l’on pourrait presque l’assimiler à un « pathos formel », pour reprendre le concept de l’historien de l’art Aby Warburg. Dans le Latium et en Etrurie, il est attesté dans des pratiques divinatoires dès le VIème siècle avant J.C. et Cicéron le mentionne à la fin de l’ère républicaine [36]. On le retrouve lors de l’élection de l’évêque d’Orléans au Ve siècle et il est évoqué par des auteurs chrétiens entre le IVe et le VIIIe siècles [37]. Il réapparaît ensuite dans nombre de communes italiennes, cette fois dans des usages politiques, Venise n’étant que l’exemple le plus célèbre. On remplaçait parfois l’enfant par un homme d’Église. Sous l’influence probable de Venise, la pratique trouve une diffusion extraordinaire. Elle ressurgit notamment en Aragon et en Castille du XIVe au XVIIIe, ou encore à Great Yarmouth en Angleterre pour la sélection aléatoire d’une commission électorale en vigueur de 1491 à 1835 [38]. L’enfant intervient aussi à partir de 1640 pour tirer au sort les magistrats dans la Landesgemeinde (assemblée générale des citoyens) évangélique de Glaris, en Suisse [39]. On le retrouve aussi en 1731, en Caroline du Sud, lorsque cet État américain décide d’avoir recours à la sélection aléatoire pour désigner les jurés populaires. En France, au moins dès la fin du XVIe siècle, l’enfant intervient sous forme parodique lors du tirage du roi de la galette [40].

Le pouvoir sur tous de tout un chacun. Dans les jurys populaires, une quatrième logique intervient également. Hegel est celui qui l’a le mieux théorisée [41]. Le moment du jugement pénal qui revient aux jurés, « la connaissance du cas dans sa singularité immédiate », constitue, selon lui, « une connaissance qui est à la portée de tout homme cultivé », notamment « dans la mesure où la preuve ne porte pas sur des objets abstraits saisis par la raison ou l’entendement, mais uniquement sur des particularités, des circonstances et des objets qui relèvent de l’intuition sensible et de la certitude subjective ». Elle est donc accessible aux profanes. Reposant moins sur des preuves logiques rigoureuses que sur « la conviction subjective et la conscience », la qualification de l’acte et le constat du fait ne relèvent pas de l’universalité. La participation aux jurys permet aux membres de la société civile de connaître le droit, de le pratiquer et de s’en réclamer, d’être jugés par des pairs au lieu d’être placés « sous la tutelle de l’ordre des juges et réduits à une sorte de servage vis-à-vis d’eux ». Mais il est exclu que les profanes prennent des décisions sur le plan « objectif », celui de la loi, que les républicains français nommaient l’intérêt général. Le tirage au sort permet alors de garantir que le pouvoir sur tous est assumé par tout un chacun, c’est-à-dire par des individus interchangeables ayant recours au « bon sens » – dans certaines variantes des jurys populaires, seules les personnes réputées « cultivées » sont censées pouvoir faire usage de leur bon sens de façon adéquate.

Hormis son utilisation dans les jurys populaires, le tirage au sort disparut bel et bien dans les démocraties modernes. Il fallut attendre les expériences de démocratie délibérative de la fin du XXe siècle pour le voir apparaître à nouveau, s’appuyant cette fois sur la technique de l’échantillon représentatif (inconnue jusqu’à la fin du XIXe siècle) et porteur d’une logique bien différente de celles que nous venons de décrire [42]. Dans l’histoire républicaine et démocratique occidentale, tirage au sort et élections ont pu apparaître comme deux pôles en tension, le tirage au sort incarnant une logique plus démocratique et l’élection une logique plus aristocratique. Ils se sont pourtant développés sur un même terrain, celui de l’affirmation de la politique, entendue au sens de luttes pour le pouvoir d’État, mais aussi de l’institutionnalisation d’un débat public sur les choses de la cité. Le processus de rationalisation politique qui marqua la Grèce joua à la fois sur le développement des procédures d’élection ou de prise de décision à la majorité et sur l’utilisation de la sélection aléatoire des charges publiques [43]. Il en alla de même, à des degrés divers, de la République romaine, des Communes italiennes ou des villes de la Couronne d’Aragon. Le siècle qui s’est ouvert retiendra-t-il cette leçon ?

Notes

[1] Version remaniée d’une conférence donnée dans le cadre du séminaire de Pierre Rosanvallon, « L’élection et le vote : état des recherches en science politique et en histoire », Collège de France, le 15 février 2012.

[2] Nilsson, « Saturnalia », in G. Wissowa (dir.), Paulys Real-Enzyklopädie der klassischen Altertumswissenschaft, Stuttgart, 1923.

[3] Franz Cumont, « Les Actes de saint Dasius », Analecta Bollandiana, 16, 1897, p. 5-16.

[4] James G. Frazer, Le rameau d’or (Esprit des blés et des bois. Le bouc émissaire), Laffont, Paris, 1983, p. 605-606.

[5] Pour une discussion contemporaine, cf. Renate Pillinger, Das Martyrium des Heiligen Dassius, Wien, 1988 ; Francesca Prescendi, « Du sacrifice du roi des Saturnales à l’exécution de Jésus », in Agnès A. Nagy, Francesca Prescendi (dir.), Sacrifices humains : discours et réalités, Brepols, 2013 (à paraître).

[6] Yves Sintomer, Le pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative, La Découverte, Paris, 2007.

[7] Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, Paris, 1996.

[8] Paul Demont, « Tirage au sort et démocratie en Grèce ancienne ».

[9] Victor Ehrenberg, « Losung », in Paulys Real-Enzyklopädie der klassischen Altertumswissenschaft, Stuttgart, 1923 ; Mogens H. Hansen, La Démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, Les Belles Lettres, Paris, 1995. Et sur la Vie des idées : Paul Demont, [« Tirage au sort et démocratie »-article1109].

[10] Mogens H. Hansen, La Démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, Les Belles Lettres, Paris, 1995.

[11] Hubertus Buchstein, Demokratie und Lotterie. Das Los als politisches Entscheidungsinstrument von der Antike bis zu EU, Campus, Francfort/Main, 2009.

[12] Victor Ehrenberg, « Losung », art. cit.

[13] Jean-Pierre Vernant, Les origines de la pensée grecque, PUF, Paris, 1983, p. 99.

[14] Moses I. Finley, Démocratie antique et démocratie moderne, Payot, Paris, 1976.

[15] Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, III, 37, in Œuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1964.

[16] Christian Meier, « Praerogativa Centuria », in Paulys Real-Enzyklopädie der klassischen Altertumswissenschaft, Supplementband VIII, München, p. 569-598 ; Egon Flaig, Ritualisierte Gesten. Zeichen, Gesten und Herrschaft im alten Rom, Göttingen, 2004, p. 173.

[17] Salluste (attribué à), « Lettres à César », première lettre, VIII, in Historiens Romains. Tite-Live, Salluste, Gallimard, Paris, 1968, p. 833.

[18] Hubertus Buchstein, Demokratie und Lotterie, op. cit., p. 129.

[19] Victor Ehrenberg, « Losung », art. cit.

[20] Werner Maleczek, « Abstimmungsarten », in Reinhard Schneider, Harald Zimmermann (dir.), Wahlen und Wählen im Mittelalter, Sigmaringen, 1990, p. 130.

[21] Roberto Celli, Pour l’histoire des origines du pouvoir populaire. L’expérience des villes-Etats italiens (XIème-XIIème siècles), Louvain-la-Neuve, Publications de l’Institut d’études médiévales, 2ème Série, 3, 1980.

[22] Léo Moulin, « Les origines religieuses des techniques électorales et délibératives modernes », Politix, 43, 1988, p. 117-162.

[23] E. Ruffini, « Sistemi di deliberazione collettiva nel medioevo italiano », in La ragione dei più. Ricerche sulla storia del principio magoritario, Il Mulino, Bologna, 1977.

[24] Hagen Keller, « ’Kommune’ : Städtische Selbstregierung und mittelalterliche ’Volksherrschaft’ im Spiegel italienischer Wahlverfahren des 12.-14. Jahrhunderts » in Gerd Althoff et alli (dir.), Person und Gemeinschaft im Mittelalter. Karl Schmid zum 65. Geburtstag, Sigmaringen, 1988, p. 573-616.

[25] Dandolo, Chronicon, Muratori, RISS, XII, X, 8, c. 376.

[26] John N. Najemy, Corporatism and Consensus in Florentine Electoral Politics, 1280-1400, The University of North Carolina Press, Chapel Hill, 1982, p. 169 sq.

[27] Yves Sintomer, « Tirage au sort et politique : de l’autogouvernement républicain à la démocratie délibérative », Raisons politiques, 42, mai 2011, p.159-185.

[28] Yves Sintomer, Petite histoire de l’expérimentation démocratique. Tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours, La Découverte, Paris, 2011, p. 79-90.

[29] James Harrington, Océana, Belin, Paris, 2000.

[30] Oliver Dowlen, The Political Potential of Sortition, A Study of the Random Selection of Citizens for Public Office, Imprint Academic, Exeter, 2008, p. 172-178.

[31] Aristote, Les Politiques, IV, 9, 1294-b, Flammarion, Paris, 1990. Cf. aussi Platon, République, VIII, 557a.

[32] Jacques Rancière, La haine de la démocratie, La Fabrique, Paris, 2005, p. 54 ; Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, op. cit., p. 88 de l’édition de poche.

[33] La bible, édition La bible de Jérusalem, « Samuel », I, 11, 20-24.

[34] Thomas d’Aquin, L’astrologie. Les opérations cachées de la nature. Les sorts, Les belles Lettres, Paris, 2008 ; Somme théologique, Secunda Secundae, question 95 : « De la divination », http://bibliotheque.editionsducerf.fr.

[35] La bible, op. cit. « Les proverbes », 18, 18.

[36] Victor Ehrenberg, « Losung », art. cit., p. 1455 ; Jacqueline Champeaux, Fortuna. Recherche sur le culte de la fortune à Rome et dans le monde romain des origines à la mort de Cicéron, I, Ecole française de Rome, 1982 ; Cicéron, De la divination, II, 41.

[37] Pierre Courcelle, « L’enfant et les ’sorts bibliques’ », Vigiliaea Christianae, 1953, 7.

[38] C.J. Palmer, The History of Great Yarmouth, L.A. Mead & Russel-Smith, Yarmouth/Londres, 1856, cité in Oliver Dowlen, The Political Potential of Sortition, op. cit., p. 139.

[39] Eugène Rambert, études historiques et nationales, Librairie F. Rouge, Lausanne, 1889, p. 226.

[40] Etienne Pasquier, Recherches de la France (1622), livre IV, chap. IX.

[41] Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Principes de la philosophie du droit [1821], Vrin, Paris, 1986, § 227.

[42] Yves Sintomer, Petite histoire de l’expérimentation démocratique, op. cit.

[43] Roger Caillois, Les Jeux et les Hommes, Gallimard, Paris, 1967.

Aller plus loin

  • Jeffrey Abramson, We The Jury. The Jury System and the Ideal of Democracy, Harvard University Press, Cambridge, 1997.
  • Hubertus Buchstein, Demokratie und Lotterie. Das Los als politisches Entscheidungsinstrument von der Antike bis zu EU, Campus, Francfort/Main, 2009.
  • F. Cordano, C. Grottanelli (dir.), Sorteggio pubblico e cleromanzia dall’antichità all’età moderna, ET Edizioni, 2001.
  • Oliver Dowlen, The Political Potential of Sortition. A Study of the Random Selection of Citizens for Public Office, Imprint Academic, Exeter, 2008.
  • Moses I. Finley, Démocratie antique et démocratie moderne, Payot, Paris, 1976.
  • Mogens H. Hansen, La Démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, Les Belles Lettres, Paris, 1995.
  • Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, Paris, 1996.
  • John Najemy A History of Florence 1200-1575, Blackwell, Londres, 2008.
  • Yves Sintomer, Petite histoire de l’expérimentation démocratique. Tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours, La Découverte, Paris, 2011.

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