Il n’est pas facile de vous répondre, François, parce que vous dites beaucoup de choses, sur beaucoup de sujets, ce qui semble inévitable pour des commentaires insérés à la suite d’une déclaration politique...
Le mysticisme « ouvriériste » était bien plus du côté du situationnisme que du côté de « Socialisme ou Barbarie », et tandis que les premiers versent aujourd’hui dans le catastrophisme froid et le nihilisme chic (lire l’introduction à la note de lecture du livre Riesel et Semprun, Castoriadis a redessiné totalement la perspective d’une émancipation sociale. Celle-ci ne vous plaît sans doute pas, mais vous ne pouvez pas écrire sans mentir qu’il a « enterré le prolétariat révolutionnaire » sans phrase. Quant à ses prévisions erronées, qui semblent vous en préoccuper bien plus que ses erreurs réelles (principalement marxistes), non seulement vous taisez celles qui ses sont réalisées (Mai 68, FN,...), mais c’est bien vous qui faites d’un « théoricien » un « prophète » : La critique sociale n’est pas une science dont le critère de véracité serait sa capacité de prédiction, à moins de reconduire le mythe positiviste des « lois de l’histoire », et l’interprétation des tendances de la réalité ne revient pas à inscrire celle-ci dans des lois d’airain (lire « les postulats de l’imaginaire révolutionnaire ».
Il est par exemple certain pour nous que les troubles que vivent aujourd’hui beaucoup de pays comportent de multiples dimensions : à la fois émancipatrices, mais surtout conservatrices des sociétés telles qu’elles sont, devant l’impossibilité de leur reproduction, à la fois d’un point de vue économique, mais aussi énergétique, écologique ou alimentaire. Ceci n’implique pas que nous devions « prévoir » l’évolution des choses, et cela n’invalide de facto nos analyses (lire notre tract sur le sujet, et les autres...)
C’est un peu le même malentendu concernant l’avant-gardisme. Il semble que vous ne fassiez pas la différence entre dire « la réalité est scientifiquement telle et voilà ce qu’il faut faire, ce que nous devons faire pour être dans le sens de l’Histoire » et dire « nous vivons ainsi ce qui se passe et nous aimerions que cela évolue dans tel sens plutôt que dans tel autre » (l’interview de Castoriadis est assez explicite . Ici encore, l’interprétation n’est pas normative et l’expression d’une volonté particulière ne peut être réduite à une pulsion dominatrice ou un acte dérisoire. Il est évident que la pratique du pouvoir, ne serait-ce que celui d’une prise de parole, est à la fois inévitable et éminemment problématique : ce n’est pas une raison pour l’éluder ou tenter une démission généralisée (comme cela se faisait il n’y a pas si longtemps dans des milieux « alternatifs »).
Enfin, votre lecture du principe d’auto-institution est complètement erronée, alors que le commentaire précédent de Clément est particulièrement clair. Que les déterminations humaines soient énormes et écrasantes, c’est un fait, et vous formulez vous-même les possibilités qu’il existe de s’en émanciper sans pour autant s’en arracher complètement : le sujet, qu’il soit individuel ou collectif se borne lui-même de multiple façon. L’expérience religieuse ou psychanalytique le montre abondamment (certes si on considère que le Capital est d’origine extra-terrestre, les choses se présentent différemment). L’émancipation n’est possible, et même envisageable, que si est reconnue cette auto-institution : il n’y a pas de Dieu et le passé est passé, l’économie a été rendue souveraine par une histoire particulière, rien d’extérieur ne détermine essentiellement. C’est bien cette explicitation de l’auto-institution qui rend l’auto-nomie actuelle et les contre-exemples que vous citez marquent une incompréhension profonde : Le cas des maffias a été facilement réfuté, mais depuis quand les membres de l’oligarchie échappent-ils, ou même cherchentn-ils à échapper à leurs déterminations sociologiques, psychologiques, familiales, etc... aussi bien individuellement qu’en tant que membre d’un milieu très particulier ? Quant aux cas des « voyous » que vous citez, c’est encore plus clair pour qui les côtoie, et le texte de J.C. Michéa « La Caillera et son intégration » est limpide. Votre position semble pouvoir se résumer à l’argument de Dostoïevski « Si Dieu n’existe pas tout est permis », comme si l’autonomie ne pouvait conduire qu’au pire, et non pas développer des comportement et des attitudes adultes... On est pas loin du « noble mensonge ».
C’est dire d’une autre manière que les tendances à « l’accumulation, la domination et la puissance » ne sont en rien des monopoles des « puissants » et ils n’ont rien d’« inhumain » - bien au contraire. Et leur déchainement aujourd’hui au quatre coin de la planète provoque cet effondrement de comportements millénaires qui jusqu’ici réglaient les vies en sociétés.
Vos propos concernent beaucoup Castoriadis, que vous connaissez finalement assez peu mais cela n’empêche pas un acharnement péremptoire. Cela rappelle ce travers pénible des attaques gauchistes très peu fondées, résultants de lectures très superficielles, et qui prennent prétexte pour régler des comptes plus ou moins personnels. Ca ne facilite pas le débat.
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