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samedi 1er janvier 2005

Déclaration(s)

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dimanche 13 mars 2011 à 02h05 - par  François Lonchampt

Ce n’est pas le fait de considérer le prolétariat comme une classe révolutionnaire ou d’être influencé par la pensée de Marx qui constitue, dans mon esprit, un mysticisme. Personnellement, d’ailleurs, je ne pense pas que cette grille de lecture soit erronée. Le mysticisme prolétarien de SouB est de Castoriadis consistait dans l’idéalisation naïve de la communauté de production, de la « spontanéité créative des ouvriers », ou de « l’expérience prolétarienne » quotidienne dans l’usine, censée porter en elle-même les fondements d’un renversement de l’ordre des choses, les fondements du socialisme. SouB regorge de cette glose ouvriériste, où les comportements, les attitudes, les états d’âme des ouvriers sont observés religieusement et commentés avec une sorte de considération respectueuse (il y a de l’inneffable dans le quotidien des ouvriers), et cette glose vient illustrer une thèse qui n’était peut-être pas absurde, mais dont l’histoire des décennies suivantes à démontré l’inanité (l’ouvrier contraint pas sa situation d’engager la lutte pour le contrôle effectif de la production). C’est bien à tort d’ailleurs, que Castoriadis et son groupe avaient substitué à la question de l’exploitation, celle de la domination et du commandement, réduisant la révolution, peu ou prou à une question de gestion productive). Castoriadis passe sans transition apparente de cette mystique ouvriériste naïve à un enterrement de première classe pour le prolétariat révolutionnaire, qui relève de la même incompréhension. Ne pouvant soutenir sa vision naïve, il jette le bébé ouvrier avec les eaux du baptème.

En ce qui concerne généralement les erreurs de Castoriadis, il me semble un peu léger d’invoquer platement que « l’histoire est imprévisible », et que de toute façon, Casto n’a jamais voulu être « un prophète » (et qu’en conséquence, on n’est pas fondé à lui chercher des noises sur des propos, ses idées, opinions, toutes relatives et gratuites ?). Mais une erreur est une erreur, les constructions théoriques ne peuvent être considérés comme des « récits » à faire varier suivant les circonstances, et l’erreur ne peut être fructueuse à terme que si on la reconnaît comme telle, sans se cacher derrière ce genre de platitudes post-modernistes. Sinon, puisque de toute façon le monde change (qui le conteste), que « l’histoire est imprévisible », que ce qui était vrai hier ne l’est pas forcément aujourd’hui, que ce qui est vrai aujourd’hui pourra se révéler faux dès demain, et qu’en fin de compte, peut-être, il n’y a pas de vérité et il n’y a pas d’erreur, et qu’il est sans doute totalitaire de prétendre à une quelconque vérité... alors tout le monde peut dire n’importe quoi, sans plus de conséquence, et sans rendre aucun compte à qui que ce soit ! (1) Mais si le monde change, peut-on renoncer à interpréter et à anticiper ces changements sans renoncer à toute ambition intellectuelle ? Évidemment pas. En matière de révolution, comme en d’autres, mais peut-être plus qu’en d’autres, c’est même précisément cette capacité d’interprétation et de prédiction qui fait la valeur du théoricien. Ne pas être un prophète est généralement le parapluie invoqué par tous ceux qui acceptent bien les bénéfices symboliques de la position du théoricien, mais qui ne veulent surtout pas assumer les responsabilités qui vont avec (exemple typique, Debord). On est vraiment tout à fait dans l’esprit de cette époque. L’erreur du théoricien n’est peut-être pas un crime, mais sur ce genre d’erreurs ou de vérités, certains jouent leur vie.

D’autre part : c’est par erreur que j’ai écrit « Je tiens en outre l’idée de l’auto-transformation de la société comme tout-à fait irréaliste », ce qui ne voudrait pas dire grand-chose d’intéressant ni d’original. C’est évidement « auto-institution de la société » que j’aurais du écrire, concept castoriadiste celui-là. La phrase qui suivait le précisait sans équivoque « je pense qu’une société capable de se considérer comme étant sa propre création souffrirait d’une grave forme de schizophrénie. » Je crois que les hommes sont généralement joués par des forces qui les dépassent, et c’est effectivement ce qu’on a pu qualifier (sans doute imparfaitement) de « lois historiques ». On ne s’affranchit pas de ces déterminations, sauf à s’illusionner gravement (illusions qui peuvent coûter cher), il faut les comprendre, en acquérir l’intelligence pour éventuellement agir sur celles-ci dans une certaine mesure. Je ne prétends pas épuiser ce sujet important en disant ça.

En ce qui concerne les groupes maffieux, je pense qu’il s’agit bien à l’origine de groupements qui se sont donné leurs propres lois, divergentes de la loi commune. Le fait qu’ils se soumettent à partir d’un certain point à des chefs omnipotents (mais qui ne sont pas eux-mêmes affranchis des lois auto-instituées du milieu) ne me semble pas remettre en cause cette affirmation. (2). Mais si l’exemple du groupe maffieux ne vous convient pas, prenez n’importe quel petite bande de quartier qui terrorise ses voisins, avec ou sans chef. Vous avez là typiquement un exemple se rapprochant de cet idéal, du groupe qui n’obéit qu’à ses propres lois (comme les pirates d’une autre époque, par exemple).

Merci d’avoir pris la peine de répondre à mon commentaire.


1. Les divers Parti « communistes », qui n’étaient pourtant pas post-modernes, ont ainsi abusé de ce genre d’explications « dialectiques » pour justifier les changements de lignes erratiques imposés par Moscou.

2. Il est aussi possible de se soumettre à des chefs volontairement. Pour ma part, je n’y verrai pas d’inconvénient à aliéner une partie de mon autonomie au profit d’un dirigeant, du moment que j’ai choisi librement cette aliénation, et je pense que chacun devrait être libre, autant que possible, de se choisir le chef, ou le maître à penser qui lui convient.

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