Dommage que ce texte évite largement une question très politique que le titre promettait et que pose, par exemple, C. Castoriadis explicitement par deux fois je crois.
Notamment dans « l’écologie est-elle réactionnaire » (Une société à la dérive) :
« La prospérité a été achetée depuis 1945 (et déjà avant, certes) au prix d’une destruction irréversible de l’environnement. La fameuse « économie » moderne est en réalité un fantastique gaspillage d’un capital accumulé par la biosphère au cours de trois milliards d’années, gaspillage qui s’accélère exponentiellement tous les jours. Si l’on veut étendre au reste de la planète (ses quatre cinquième, du point de vue de la population) le régime d’oligarchie libérale, il faudrait aussi lui fournir le niveau économique, sinon de la France, disons du Portugal. Vous voyez le cauchemard écologique que cela signifie, la destruction de ressources non renouvelables, la multiplication par cinq ou par dix des émissions annuelles de polluants, l’accélération du réchauffement d la planète ? En réalité, c’est vers un tel état que nous allons, et le totalitarisme qui nous pend au nez n’est pas celui qui surgirait d’une révolution, c’est celui d’un gouvernement (peut-être mondial) qui, après une catastrophe écologique, dirait : vous vous êtes assez amusés, la fête est finie, voilà vos deux litres d’essence et vos dix litres d’air pur pour le mois de décembre, et ceux qui protestent mettent en danger la survie de I’humanité et sont des ennemis publics. Il y a là une limite externe sur laquelle le déchaînement actuel de la technique et de l’économie va se cogner tôt ou tard. La sortie de la misère des pays pauvres ne pourrait se faire sans catastrophe que si l’humanité riche accepte une gestion en bon père de famille des ressources de la planète, un contrôle radical de la technologie et de la production, une vie frugale. Cela peut être fait, dans l’arbitraire et le l‘irrationalité, par un régime autoritaire ou totalitaire ; cela peut être fait aussi par une humanité organisée démocratiquement, à condition précisément qu’elle abandonne les valeurs économique et qu’elle investisse d’autres significations. »
C’est frappant : tous les écolos l’évoquent plus ou moins pudiquement (comme
dans ce texte), et, quand on les pousse dans leurs retranchements,
admettent que c’est l’horizon le plus probable, vu (a) la gravité réelle des
catastrophes en cours (b) la conscience exponentielle dans la population que
« ça ne peut pas continuer comme ça longtemps » et (c) l’omniprésence croissante
de mesures, discours, comportements qui se réclament de « l’écologie » dans le
cadre du système actuel.
Je commence à penser que tout discours écolo qui ne
met pas cette problématique au coeur de son raisonnement fait le jeu du
biologique (la survie) contre le politique i.e les générations futures contre
la démocratie.
Il ne s’agit pas seulement de se distinguer du nouvel ordre qui se met en
place, mais de le dénoncer, non pas comme une insuffisance - ce qui le
nourrit - mais comme une monstruosité de tous les points de vue.
Et de lutter contre, politiquement, ce qui se profile : un régime autoritaire fondé sur un état réellement catastrophique ayant pour appui tout ce qui ne s’oppose pas frontalement à lui.
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