Éléments d’écologie politique : Résumés

mardi 25 octobre 2022
par  LieuxCommuns

Ces textes font partie du livre « Éléments d’écologie politique — Pour une refondation », Libre&Solidaire, novembre 2021.


Éléments d’écologie politique — Pour une refondation

Sommaire :

  • II – Nature humaine et humaines natures
  • III – Histoire et contre-histoire de l’idée de Nature
  • IV – Sources sociales-historiques de l’écologie politique
  • Éléments de conclusion
  • Annexe I : Résumé de l’essai — ci-dessous...
  • Annexe II : Résumé de l’argumentaire — Ci-dessous...

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Annexe I : Résumé de l’essai

Cet ensemble de textes voudrait participer à l’élaboration d’une écologie politique cherchant à s’émanciper des idéologies mystificatrices.

Il se donne trois objectifs : d’abord poser, ou plutôt rappeler, une série de notions fondatrices et indispensables à toute démarche se réclamant de l’écologie politique ; ensuite pointer les nombreux mythes, illusions et idéologies qui inhibent, obstruent, fourvoient toute tentative de penser les multiples relations que la civilisation humaine a pu et pourrait tisser dans et avec la biosphère ; enfin, alimenter les réflexions qui visent une profonde auto-transformation de nos sociétés aujourd’hui engagées dans des impasses à la fois intellectuelles et politiques, traversées de crises civilisationnelles convergentes.

Le propos est un cheminement nécessairement pluridisciplinaire où sont abordées successivement des réalités incontournables mais couramment oubliées. Les rapports millénaires entre les sociétés humaines et leurs environnements sont ainsi marqués par une profonde ambivalence. Celle-ci n’est pas accidentelle : elle découle des spécificités d’Homo sapiens qui rendent notre espèce inassignable à une place quelconque au sein d’une biosphère qu’elle a toujours remodelée. Symétriquement, l’extrême diversité des représentations humaines de la nature apparues au cours de l’histoire n’offre aucune « adéquation » entre les systèmes sociaux/symboliques et les systèmes écologiques. En Occident, le recours à la raison, issue de la modernité, pour critiquable qu’elle soit et parce qu’elle l’est, a également engendré la naissance de l’écologie politique. Les sources historiques de cette dernière, à la fois étendues, riches et hétéroclites sont aujourd’hui mutilées par les approches simplificatrices, qu’elles soient gestionnaires, révolutionnaires ou scientistes au profit d’un discours idéologique, l’écologisme, qui ne peut que participer au délabrement général auquel nous assistons. En conséquence, les perspectives politiques oscillent entre l’effondrement et le totalitarisme écologique, qui pourraient même converger pour recouvrer des formes impériales archaïques. Il semble possible d’y opposer une démocratie ressourcée et radicalisée mais qui ouvre alors grand des questions abyssales, souvent désertées. Leur examen, à l’opposé de tout ce qui se dit, pousse à appeler à une reprise et à la poursuite de la modernité, c’est-à-dire la reconnaissance pleine et entière de l’altérité de la nature face à laquelle l’humanité ne peut qu’exister dans et par sa propre liberté de créer, explicitement, ses modes d’exister individuels et collectifs.

Le rapport à la nature n’a jamais été et ne sera jamais ni harmonie, ni contrat, ni dialogue apaisé : il est mise en relation conflictuelle et complémentaire de deux créations radicales, l’auto-organisation de la nature et l’auto-institution des sociétés humaines – soit essentiellement crises, que seule une autonomie redéfinie permet d’appréhender lucidement.

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Annexe II : Résumé de l’argument

Les six textes qui composent cet ensemble peuvent être lus indépendamment, mais c’est évidemment dans leur enchaînement qu’ils prendront leurs pleines significations. Les trois premiers visent essentiellement à rappeler les éléments indispensables à une réflexion sur l’écologie politique, qui est développée dans les trois derniers.
Parallèlement, les textes I et II sont une exploration des spécificités de notre espèce dans son rapport avec la « nature », les deux suivants exposent la complexité d’une écologie humaine prenant conscience d’elle-même et les deux derniers forment un essai sur les impasses et les potentialités de l’écologie politique actuelle.

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L’introduction pose que l’humanité, prenant douloureusement conscience de la précarité de sa situation terrienne, est désormais condamnée à faire de la politique une écologie politique. Mais ce qui se donne comme tel est grevé de paradoxes de première grandeur qu’il est impossible d’éluder.

I – Survol ethno-historique (Histoire, ethnologie, écologie)

Cette première partie propose un bref panorama des relations que les multiples sociétés humaines ont pu entretenir avec leur milieu naturel.

L’approche historique du rapport entre « l’homme et la nature » montre que dès son apparition, Homo sapiens a tissé des relations avec son environnement qui ne suivent aucun schéma préconçu. Depuis les confins de la préhistoire, il est possible de repérer dans les différents moments de ce parcours agro-écologique – chasseurs-cueilleurs nomades, sédentarisation et domestication agricole, diversification des pratiques, structuration et gestion impériale puis développement industriel – deux grandes tendances contraires et entrelacées : une première à la dévastation à différentes échelles de l’environnement entraînant déforestations d’ampleur, extinctions massives voire changements climatiques ; la seconde à l’invention d’interpénétrations subtiles du culturel et du naturel plus ou moins durables et créatrices de nouveaux milieux, de nouvelles espèces, de nouveaux paysages. Ces deux figures d’une même « tête de Janus » écologique font évidemment écho aux relations de notre espèce avec elle-même, ponctuées de guerres, de massacres, d’exterminations et d’effondrements de civilisations tout autant que de coopérations, de créativité exemplaire et d’essors intellectuels et démographiques.
Ces simples rappels permettent de se débarrasser d’emblée d’un certain nombre de mythes qui peuple l’imaginaire écologiste, comme ceux du « bon sauvage », de « l’homme destructeur-né » ou d’une « place de l’homme dans la nature » qu’il aurait à trouver en vue d’une « solution écologique » qu’il conviendrait de formuler. De même, cela permet de relativiser les discours qui rabattent la question écologique sur celles du capitalisme, de la techno-science, de la modernité ou de l’Occident, ainsi que la notion d’Anthropocène, puisque la biosphère est, depuis des millénaires, multiplement influencée par l’activité humaine.

Cela pose, évidemment, la question de la « nature » de notre espèce.

II – Nature humaine et humaines natures (Biologie, psychanalyse, anthropologie)

La deuxième partie cherche à poser des jalons rétablissant certaines notions oubliées afin de cerner, à partir du phénomène de néoténie, les trois spécificités fondamentales de l’être humain.

La première est évidemment biologique  : il s’agit donc d’une continuité phylogénétique mais qui induit une rupture sans précédent dans le monde animal, débouchant sur l’inachèvement. Si Homo sapiens est le fruit de l’évolution et l’objet de multiples déterminations naturelles (génétiques, hormonales, environnementales, etc.), il est fondamentalement inadapté au milieu biophysique. Sa survie n’a été rendue possible que par l’émergence d’une indétermination foncière, psycho-culturelle, imbriquée à sa réalité écologique.
La deuxième spécificité humaine, souvent escamotée, est psychique. L’émergence de l’esprit humain passe par des processus ancrés dans la réalité matérielle mais qui la contrarie totalement : c’est l’apparition de la monade psychique qui marquera à jamais l’individu hanté par la recherche éperdue de sens, de totalité, de toute-puissance. Cette défonctionnalisation profonde des pulsions d’origine biologique est à l’origine de l’apparition de projections fantasmatiques sur le monde extérieur, humain ou non, s’incarnant dans les forces naturelles, autorités surnaturelles, pouvoirs politiques, dispositifs de maîtrise. Nos rapports à la « nature », et leurs transformations actuelles, sourdent de ces origines archaïques.
Enfin, c’est bien sûr la culture qui complète le tableau, constituant pour notre espèce une « seconde nature » profondément ancrée dans le corps et en interdépendance étroite avec un environnement naturel donné. La notion de type anthropologique relatif à une société particulière est à l’interface entre le phénomène de clôture d’une culture, qui conditionne toutes les représentations imaginaires et symboliques dont celles relatives à la « nature », et une indétermination proprement humaine, source de création au sens plein.
Ce triple regard interdit de poser d’emblée notre espèce comme étant appelée à occuper une quelconque niche écologique identifiable, et les rapports établis avec la biosphère ne peuvent que s’inscrire sous les signes de la crise, de l’altérité et de l’imaginaire.

Ce n’est que maintenant qu’il est possible de passer en revue les différentes représentations de la nature.

III – Histoire et contre-histoire de l’idée de Nature (Ethnologie, histoire, sociologie)

La troisième partie est consacrée à l’histoire des représentations de la nature à travers les civilisations et particulièrement l’Occident.

Pour la quasi-totalité des cultures humaines il n’existe aucune « nature » distincte ; qu’il s’agisse de l’animisme, du totémisme ou de l’analogisme, le système social et le système naturel sont intimement imbriqués.
Si l’origine d’une différenciation explicite est obscure, c’est au Moyen-Orient puis dans la Grèce antique que se formule clairement la dualité société / nature selon deux schèmes distincts ; Homme/Création divine et nomos/physis. Le premier induit une domination de type impérial, le second l’invention conjointe d’une société source d’elle-même, la démocratie, et d’une interrogation libre sur la nature, la science. L’Europe du haut Moyen Âge sera l’héritière de cette double dualité, la conjuguant avec le legs romain et la culture judéo-chrétienne, qui jouera un rôle important par l’injonction faite à l’Homme de dominer la nature. Pendant près d’un millénaire, l’Occident émerge en mettant à la raison la nature comme la société, nourrissant autant les aspirations à la compréhension des processus naturels et à l’émancipation individuelle et collective que la mécanisation et la volonté de maîtrise de tout l’existant. La crise actuelle révèle ces deux versants de la modernité, distincts mais indémêlables, que l’on retrouve décuplée au sein de l’écologie politique.
Parallèlement à cette histoire « classique », une autre court depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui, où s’entremêlent classes sociales et hérésies religieuses, poètes et scientifiques, traditions lointaines et attention au monde, pour lesquels la sensibilité à la nature relève pleinement de l’aventure humaine d’un point de vue esthétique, métaphysique, existentiel… ou tout simplement pragmatique.

C’est, évidemment, dans ce terreau exceptionnellement riche que pousse l’écologie politique, dont il faudrait examiner les sources.

IV – Sources sociales-historiques de l’écologie politique (Histoire, sociologie, politique)

Cette quatrième partie explore les différents courants historiques qui, certains souterrainement, ont abouti à l’émergence de l’écologie politique.

Trois principales sources historiques sont ici identifiées : la source religieuse-culturelle, qui comprend le sentiment religieux (distinct du catholicisme), le romantisme et l’émancipation féminine en Occident ; puis la source socio-politique, essentiellement à travers le mouvement ouvrier, ici décomposé en anti-industrialisme, naturisme et utopisme ; et enfin la source scientifico-médicale, qui englobe l’écologie scientifique, l’hygiénisme et l’économie des ressources. Cet ensemble de courants hétéroclites compose un paysage d’une grande complexité, exceptionnellement riche et porteur d’ambivalences politiques permanentes qui demeurent sans analyses : millénarisme, égoïsme, scientisme, environnementalisme, etc.
On retrouve, en termes plus sociologiques, ces trois domaines – scientifique (écologues), politique (écologistes) et culturel (écolos) – qui permettent de dégager des paradoxes : l’absence des travailleurs de la nature (pêcheurs, agriculteurs, etc.), des classes populaires et d’un conservatisme politique. Ces absences révèlent en réalité des verrous qui anesthésient une écologie politique à la fois tiraillée et monopolisée par la techno-science emballée, le gauchisme approximatif et l’environnementalisme culpabilisant, éloignant paradoxalement les populations de la politique comme de la nature et de la science. Tels seraient les enjeux d’un chantier qui refuserait l’idéologie de l’écologisme actuel : élaborer, à nouveaux frais, une écologie politique populaire.

Ce n’est pas la direction prise : reste à se demander quels types de société peuvent surgir sous l’impulsion de cet écologisme appelé à croître.

V – Politiques de la nature et totalitarisme (Histoire, politique)

La cinquième partie se penche sur les possibilités de l’instauration d’un régime capable d’affronter les questions écologiques.

L’examen préalable du succès de la thématique envahissante de l’effondrement systémique montre une double dimension : prise en compte d’éléments réels et discours mythologiques, deux faces d’une clôture sur elle-même d’une société incapable d’appréhender la réalité hors des mythes hérités.
La figure de l’écologisme autoritaire, ou écocratie, perspective de plus en plus envisagée, apparaît comme un débouché naturel des tendances actuelles des sociétés occidentales mais surtout de l’écologie politique existante aujourd’hui, qui mélange science et politique comme l’ont fait les totalitarismes. Mais son inefficacité – d’un point de vue écologique – semble évidente, car elle sera génératrice de sclérose de la connaissance scientifique, d’une impossible sobriété généralisée et d’une homogénéisation mondiale des sociétés, des techniques et des natures.
En revanche la forme impériale historique, ici redécouverte, semblerait capable de conjuguer effondrement et écologisme, et se trouve, de ce fait, la plus probable, d’autant qu’elle donne sens à un nombre imposant de faits jusqu’ici épars qui nous extraient de la modernité occidentale.
La seule alternative souhaitable serait celle, connue, d’une « démocratie écologique », mais dont les implications ne sont que rarement développées : il s’agirait non seulement de renouer avec les « trésors perdus » de la démocratie directe pour reprendre le projet d’autonomie individuelle et collective et rompre avec la course actuelle, mais aussi d’affronter des exigences écologiques encore inconnues. Celles-ci sont à la fois géopolitiques, techniques et symboliques mais englobent également le régime des savoirs qu’est la science contemporaine.

Tout cela soulève une foule de questions fondamentales qu’il s’agirait d’examiner.

VI – Vers une philosophie de la nature ? (Philosophie, politique)

Cette sixième et dernière partie est consacrée à la discussion philosophique et politique autour du couple nomos/physis.

La dualité nature/culture, elle-même élaboration humaine, est aujourd’hui contestée. Les parties précédentes ont montré qu’effectivement, les intrications étaient multiples et réciproques, mais également qu’une telle distinction permettait l’autonomie humaine d’un côté, et l’investigation rationnelle du monde de l’autre, indispensable à toute écologie politique conséquente, sans impliquer nécessairement de schème de domination.
En réalité, les civilisations gréco-occidentales elles-mêmes n’ont jamais cessé de vouloir en finir avec une telle tension porteuse d’incertitude et qui entrave toute clôture culturelle. Perpétuellement superposée à l’opposition monothéiste Homme/Création divine, le couple nomos/physis a été l’objet de recouvrements par une rationalité impérialiste et aujourd’hui par un primitivisme complémentaire. Peut-être que les dynamiques actuellement les plus mortifères – inflation technologique, société de consommation, etc. – ne sont que la tentative de recréation artificielle d’une physis qui n’aurait, au fond, jamais cessé d’être perçue comme rivale, repoussoir en même temps que modèle métaphysique implicite.
Une piste serait peut-être justement de tenter de reprendre et d’approfondir cette dualité complexe nomos/physis, notamment par la reprise de l’aventure moderne de la science opposée à la technoscience actuelle. Les travaux en ce sens, oubliés depuis un demi-siècle, permettraient de concevoir la société comme la nature comme des créations, et la première comme émergence de la seconde. La possibilité de l’autonomie, conçue comme création explicite, qui caractérise l’être humain en étant une hypertrophie sui generis, qu’il y aurait à assumer sans recours à une puissance extérieure, d’origine naturelle ou surnaturelle.

Éléments de conclusion

L’importance et la richesse de l’écologie politique contrastent avec le simplisme et le dogmatisme qui en émanent et la réduisent à une idéologie : l’écologisme. Comme le socialisme en son temps avait tué les forces populaires qui l’avaient nourri, le monde qu’elle élabore sonne la perte des aspirations écologiques véritables. Entre les fausses questions et les fausses réponses qui emplissent l’air du temps, il y a toutes ces interrogations soulevées, à la fois urgentes et indémêlables, qui devraient habiter l’écologie politique. Telle n’est pas la direction prise et face à l’impossibilité actuelle auto-transformation à la fois politique et anthropologique, les populations préfèrent encore s’en remettre à la nostalgie chimérique d’une société d’opulence sans sa face obscure plutôt que se réapproprier les enjeux énormes de notre situation présente et à venir.


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