Vieille habitude philosophique : je me sens obligé de m’arrêter d’abord sur les termes dans lesquels est posée la question.
Histoire : je ne comprends pas par là seulement l’histoire faite, mais aussi l’histoire se faisant et l’histoire à faire.
Cette histoire est, essentiellement, création – création et destruction. Création signifie tout autre chose que l’indétermination objective ou l’imprévisibilité subjective des événements et du cours de l’histoire. Il est dérisoire de dire que l’apparition de la tragédie était imprévisible, et stupide de voir dans La Passion selon Matthieu un effet de l’indétermination de l’histoire. L’histoire est le domaine où l’être humain crée des formes ontologiques – l’histoire et la société elles-mêmes étant les premières de ces formes. Création ne signifie pas nécessairement (ni même généralement) création « bonne » ou création de « valeurs positives ». Auschwitz et le Goulag sont des créations tout autant que le Parthénon ou les Principia Mathematica. Mais, parmi les créations de notre histoire, l’histoire gréco-occidentale, il y en a une que nous évaluons positivement et reprenons à notre compte : la mise en question, la critique, l’exigence du logon didonai, du rendre compte et raison qui est la présupposition à la fois de la philosophie et de la politique. C’est là une position humaine fondamentale – et, au départ, nullement universelle – impliquant qu’il n’y a pas d’instance extra-humaine responsable en dernier lieu de ce qui se passe dans l’histoire, qu’il n’est pas de vraie cause de l’histoire ou d’auteur [non humain] de l’histoire ; autrement dit, que l’histoire n’est pas faite par Dieu, ou par la phusis, ou par des « lois » quelconques. C’est parce qu’ils ne croyaient pas en de telles déterminations extra-historiques (hors la limite ultime de l’Ananke) que les Grecs ont pu créer la démocratie et la philosophie.
Nous reprenons, réaffirmons, voulons prolonger cette création. Nous sommes et voulons être dans une tradition de critique radicale, ce qui implique aussi : de responsabilité (nous ne pouvons pas rejeter la faute sur Dieu tout-puissant, etc.) et d’autolimitation (nous ne pouvons invoquer aucune norme extra-historique pour normer notre agir, qui cependant doit être normé). Il en résulte que nous nous situons à l’égard de ce qui est, de ce qui pourra ou devra être, et même de ce qui a été, comme des acteurs critiques. Nous pouvons contribuer à ce que ce qui est soit autrement. Nous ne pouvons pas changer ce qui a été, mais nous pouvons changer le regard sur ce qui a été – regard qui est ingrédient essentiel (même s’il l’est le plus souvent non consciemment) des attitudes présentes. En particulier nous n’accordons, en première approximation, aucun privilège philosophique à la réalité historique passée et présente. Passé et présent ne sont autre chose que masses de faits bruts (ou de matériaux empiriques) que pour autant qu’ils ont été ré-avalisés critiquement par nous. En deuxième approximation, puisque nous sommes en aval de ce passé et que donc il a pu entrer dans les présupposés de ce que nous pensons et de ce que nous sommes, ce passé acquiert une sorte d’importance transcendantale car sa connaissance et sa critique font partie de notre autoréflexion. Et cela aussi non seulement parce qu’il rend manifeste la relativité du présent par la connaissance d’autres époques, mais parce qu’il laisse entrevoir la relativité de l’histoire effective par la réflexion sur d’autres histoires qui ont été effectivement possibles sans avoir été réalisées.
Intellectuel : je n’ai jamais aimé (ni accepté pour mon compte) ce terme, pour des raisons à la fois esthétiques : l’arrogance misérable et défensive qu’il implique, et logiques : qui n’est pas intellectuel ? Sans entrer dans des questions de biopsychologie fondamentale, si l’on entend par le terme intellectuel celui qui travaille presque exclusivement avec sa tête et presque pas du tout avec ses mains, on laisse en dehors des gens que l’on voudrait visiblement inclure (sculpteurs et d’autres catégories d’artistes) et l’on inclut des gens que l’on ne visait certainement pas (les informaticiens, les banquiers, les cambistes, etc.).
On ne voit pas pourquoi un excellent égyptologue ou un mathématicien qui ne voudraient rien savoir en dehors de leur discipline nous intéresseraient particulièrement. À partir de cette remarque, on pourrait proposer de prendre en compte, aux fins de la présente discussion, ceux qui, quel que soit leur métier, essaient de dépasser leur sphère de spécialisation et s’intéressent activement à ce qui se passe dans la société. Mais cela est, et doit être, la définition même du citoyen démocratique, quelle que soit son occupation (et l’on remarquera qu’elle est l’opposé exact de la définition de la justice donnée par Platon : s’occuper de ses affaires et ne pas se mêler de tout, ce qui n’a rien pour surprendre puisque un des buts visés par Platon est de montrer qu’une société démocratique n’est pas juste).
Je n’essaierai pas ici de répondre à cette question. Mes remarques auront en vue ceux qui, par l’usage de la parole et la formulation explicite d’idées générales, ont pu ou peuvent essayer d’influer sur l’évolution de leur société et le cours de l’histoire. Leur liste est immense, les questions que leurs dires ou leurs actes soulèvent illimitées. Aussi, je me cantonnerai dans la brève discussion de trois points. Le premier concerne deux types différents de rapport entre le penseur et la communauté politique, tels que les exemplifie l’opposition radicale entre Socrate, le philosophe dans la cité, et Platon, le philosophe qui se veut au-dessus de la cité. Le deuxième est relatif à la tendance qui s’est emparée des philosophes, à partir d’une certaine phase historique, à rationaliser le réel, c’est-à-dire à le légitimer. On en a connu à l’époque qui vient de se clore des cas particulièrement navrants avec les compagnons de route du stalinisme, mais aussi, de façon « empiriquement » différente mais philosophiquement équivalente, avec Heidegger et le nazisme. Je conclurai sur un troisième point : la question que soulève le rapport de la critique et de la vision du philosophe-citoyen avec le fait que, dans un projet d’autonomie et de démocratie, c’est la grande majorité des hommes et des femmes vivant dans la société qui sont la source de la création, le dépositaire principal de l’imaginaire instituant et qui doivent devenir les sujets actifs de la politique explicite.
Le philosophe a été, en Grèce, pendant une longue période initiale, tout autant un citoyen. C’est pour cela aussi qu’il a été parfois appelé à « donner des lois », à sa cité ou à une autre. Solon en est l’exemple le plus célèbre. Mais encore en 443, lorsque les Athéniens ont établi en Italie une colonie panhellénique (Thurioi), c’est à Protagoras qu’ils ont demandé d’en établir les lois.
Le dernier de cette lignée – le dernier grand, en tout cas – est Socrate. Socrate est philosophe, mais il est aussi citoyen. Il discute avec tous ses concitoyens dans l’agora. Il a une famille et des enfants. Il prend part à trois expéditions militaires. Il assume la magistrature suprême, il est épistate des prytanes (président de la République pour un jour) au moment peut-être le plus tragique de l’histoire de la démocratie athénienne : le jour du procès des généraux vainqueurs de la bataille des Arginuses, lorsque, présidant l’assemblée du peuple, il brave la foule déchaînée et refuse d’entamer illégalement la procédure contre les généraux. De même refusera-t-il quelques années plus tard d’obéir aux ordres des Trente Tyrans et d’arrêter illégalement un citoyen. Son procès et sa condamnation sont une tragédie au sens propre du terme, où il serait inane de chercher les innocents et les coupables. Certes le démos de 399 n’est plus celui du VI et du Ve siècle, et certes la cité aurait pu continuer d’accepter Socrate comme elle l’avait accepté pendant des décennies. Mais il faut aussi comprendre que la pratique de Socrate transgresse la limite de ce qui, en toute rigueur, est tolérable dans une démocratie. La démocratie est le régime explicitement fondé sur la doxa, l’opinion, la confrontation des opinions, la formation d’une opinion commune. La réfutation des opinions d’autrui y est plus que permise et légitime, elle est la respiration même de la vie publique. Mais Socrate ne se borne pas à montrer que telle ou telle doxa est erronée (et ne propose pas une doxa sienne à la place). Il montre que toutes les doxai sont erronées, plus même, que ceux qui les défendent ne savent pas ce qu’ils disent. Or aucune vie en société, et aucun régime politique, la démocratie moins que tout autre, ne sont possibles sur l’hypothèse que tous les participants vivent dans un monde de mirages incohérents – ce que Socrate démontre constamment. Certes la cité aurait dû accepter même cela – elle l’a fait pendant longtemps, avec Socrate comme avec d’autres. Mais Socrate lui-même savait parfaitement que de sa pratique il devait tôt ou tard rendre des comptes ; il n’avait pas besoin qu’on lui prépare une apologie, dit-il, parce qu’il a passé sa vie à réfléchir à l’apologie qu’il présenterait si on l’accusait. Et Socrate non seulement accepte le jugement du tribunal formé par ses concitoyens ; son discours dans le Criton, que l’on prend si souvent pour une harangue moralisante et édifiante, est un magnifique développement de l’idée grecque fondamentale de la formation de l’individu par sa cité : polis andra didaskei, c’est la cité qui éduque l’homme, écrivait Simonide. Socrate sait qu’il a été engendré par Athènes et qu’il n’aurait pu l’être nulle part ailleurs.
Il est difficile de penser à un disciple qui ait davantage trahi l’esprit de son maître dans la pratique que Platon. Platon se retire de la cité, c’est à ses portes qu’il établit une école pour des disciples choisis. On ne connaît pas de campagne militaire à laquelle il ait participé. On ne lui connaît pas de famille. Il ne fournit à la cité qui l’a nourri et l’a fait être ce qu’il est rien de ce que tout citoyen lui doit : ni service militaire, ni enfants, ni acceptation des responsabilités publiques. Il calomnie Athènes au degré le plus extrême : grâce à son immense génie de metteur en scène, de rhéteur, de sophiste et de démagogue, il réussira à imposer, pour les siècles à venir, cette image : les hommes politiques d’Athènes – Thémistocle, Périclès – étaient des démagogues, ses penseurs des sophistes (au sens qu’il a imposé), ses poètes des corrupteurs de la cité, son peuple un vil troupeau livré aux passions et aux illusions. Il falsifie sciemment l’histoire, il est le premier inventeur des méthodes staliniennes dans ce domaine : si l’on ne connaissait l’histoire d’Athènes que par Platon (3e livre des Lois) on ignorerait la bataille de Salamine, victoire de Thémistocle et du méprisable démos des rameurs [1]. Il veut établir une cité soustraite au temps et à l’histoire, et gouvernée non pas par son peuple, mais par les « philosophes ». Mais il est aussi – et contrairement à toute l’expérience grecque précédente, où les philosophes avaient montré une phronésis, une sagesse dans l’agir, exemplaire – le premier à exhiber cette ineptie essentielle qui depuis lors caractérisera si souvent philosophes et intellectuels face à la réalité politique. Il se veut conseiller du prince, en fait du tyran – cela n’a pas cessé depuis –, et il échoue lamentablement parce que lui, le fin psychologue et l’admirable portraitiste, prend les vessies pour des lanternes et le tyran Denys de Syracuse pour un roi-philosophe en puissance, comme, vingt-trois siècles plus tard, Heidegger prendra Hitler et le nazisme pour les incarnations de l’esprit du peuple allemand et de la résistance historiale contre le règne de la technique. C’est Platon qui inaugure l’ère des philosophes qui s’extraient de la cité mais, en même temps, possesseurs de la vérité, veulent lui dicter des lois en pleine méconnaissance de la créativité instituante du peuple, et, qui, impuissants politiquement, ont pour suprême ambition de devenir conseillers du prince.
Ce n’est toutefois pas avec Platon, et pour cause, que commence cette autre déplorable partie de l’activité des intellectuels face à l’histoire : la rationalisation du réel, c’est-à-dire, en fait, la légitimation des pouvoirs existants. L’adoration du fait accompli est, de toute façon, inconnue et impossible comme attitude de l’esprit en Grèce. Il faut descendre jusqu’aux stoïciens pour commencer à en trouver les germes. Il est impossible de discuter ici et maintenant les origines de cette attitude qui, de toute évidence, renoue après un énorme détour avec les phases archaïques et traditionnelles de l’histoire humaine, pour lesquelles les institutions chaque fois existantes sont sacrées, et réussit cet exploit de mettre la philosophie, née comme partie intégrante de la mise en question de l’ordre établi, au service de la conservation de cet ordre. Mais il est tout aussi impossible de ne pas voir dans le christianisme, dès ses premiers jours, le créateur explicite des positions spirituelles, affectives, existentielles qui sous-tendront, pendant dix-huit siècles et plus, la sacralisation des pouvoirs existants. Le « rendez à César ce qui est à César » ne peut s’interpréter que conjointement avec « tout pouvoir vient de Dieu ». Le véritable royaume chrétien n’est pas de ce monde et, par ailleurs, l’histoire de ce monde, devenant l’histoire du Salut, est immédiatement sacralisée dans son existence et dans sa « direction », à savoir dans son « sens » essentiel. Exploitant à ses fins l’instrumentarium philosophique grec, le christianisme fournira pendant quinze siècles les conditions requises pour l’acceptation du « réel » tel qu’il est – jusqu’au « se changer plutôt que l’ordre du monde » de Descartes, et jusque, évidemment, à l’apothéose littérale de la réalité dans le système hégélien (« tout ce qui est réel est rationnel »). Malgré les apparences, c’est au même univers – univers essentiellement théologique, a-politique, a-critique – qu’appartiennent Nietzsche, proclamant l’« innocence du devenir », et Heidegger, présentant l’histoire comme Ereignis et Geschick, avènement de l’être et donation/destination de et par celui-ci. Il faut en finir avec l’obséquiosité ecclésiastique, académique et littéraire. Il faut enfin parler de syphilis dans cette famille dont visiblement la moitié des membres souffrent de paralysie générale. Il faut prendre par l’oreille le théologien, l’hégélien, le nietzschéen, l’heideggérien, les amener à Kolyma, à Auschwitz, dans un hôpital psychiatrique russe, dans les chambres de torture de la police argentine, et exiger qu’ils expliquent séance tenante et sans subterfuges le sens des expressions « tout pouvoir vient de Dieu », « tout ce qui est réel est rationnel », « innocence du devenir », ou « l’âme égale en présence des choses » [2].
Mais le mélange le plus extraordinaire se présente lorsque l’intellectuel réussit, tour de force suprême, à lier la critique de la réalité avec l’adoration de la force et du pouvoir. Ce tour de force devient élémentaire à partir du moment où apparaît quelque part un « pouvoir révolutionnaire ». Commence alors l’âge d’or des compagnons de route, qui ont pu se payer le luxe d’une opposition apparemment intransigeante contre une partie de la réalité, la réalité « de chez eux », combinée avec la glorification d’une autre partie de cette même réalité – là-bas, ailleurs, en Russie, en Chine, à Cuba, en Algérie, au Viêt-nam ou, à la rigueur, en Albanie. Rares sont, parmi les grands noms de l’intelligentsia occidentale, ceux qui n’ont pas fait à un moment quelconque, entre 1920 et 1970, ce« sacrifice de la conscience », tantôt – le moins souvent – dans la crédulité la plus infantile, tantôt – le plus souvent – dans la rouerie la plus dérisoire. Sartre, affirmant sur un ton menaçant : « vous ne pouvez pas discuter les actes de Staline, puisqu’il est seul à posséder les informations qui les motivent », restera sans doute le spécimen le plus instructif de cette autoridiculisation de l’intellectuel.
Face à cette débauche de perversité pieuse et de détournement de l’usage de la raison, il faut affirmer avec force cette évidence qui reste profondément enfouie : il n’y a aucun privilège de la réalité, ni philosophique ni normatif, le passé ne vaut pas plus que le présent et celui-ci n’est pas modèle mais matière. L’histoire passée du monde n’est nullement sanctifiée – et il se pourrait qu’elle soit plutôt damnée – du fait qu’elle a écarté d’autres histoires effectivement possibles. Celles-ci ont autant d’importance pour l’esprit, peut-être plus de valeur pour nos attitudes pratiques, que l’histoire « réelle ». Notre journal ne contient pas, comme le croyait Hegel, « notre prière réaliste du matin », mais plutôt notre farce surréaliste quotidienne. Plus que jamais, peut-être, aujourd’hui. Que quelque chose apparaisse en 1987 crée en premier lieu, et jusqu’à preuve du contraire, une forte présomption qu’il incarne la bêtise, la laideur, la malfaisance et la vulgarité.
Restaurer, restituer, ré-instituer une tâche authentique de l’intellectuel dans l’histoire, c’est certes, d’abord et avant tout, restaurer, restituer, ré-instituer sa fonction critique. C’est parce que l’histoire est toujours à la fois création et destruction, et que la création (comme la destruction) concerne le sublime autant que le monstrueux qu’élucidation et critique sont à la charge, plus que de tout autre, de celui qui par occupation et position peut se mettre à distance du quotidien et du réel : de l’intellectuel.
A distance aussi, tant que faire se peut, de lui-même : et cela ne prend pas seulement la forme de l’« objectivité », mais aussi celle de l’effort permanent de dépasser sa spécialité, de rester concerné par tout ce qui importe aux hommes.
Ces attitudes tendraient, certes, à séparer leur sujet de la grande masse de ses contemporains. Mais il y a séparation et séparation. Nous ne sortirons de la perversion qui a caractérisé le rôle des intellectuels depuis Platon, et de nouveau depuis soixante-dix ans, que si l’intellectuel redevient véritablement citoyen. Un citoyen n’est pas (pas forcément) « militant de parti », mais quelqu’un qui revendique activement sa participation à la vie publique et aux affaires communes au même titre que tous les autres.
Ici apparaît de toute évidence une antinomie, qui n’a pas de solution théorique, que seule la phronésis, la sagesse, peut permettre de surmonter. L’intellectuel doit se vouloir citoyen comme les autres, il se veut aussi porte-voix, en droit, de l’universalité et de l’objectivité. Il ne peut se tenir dans cet espace qu’en reconnaissant les limites de ce que sa supposée objectivité et universalité lui permettent ; il doit reconnaître, et pas du bout des lèvres, que ce qu’il essaie de faire entendre, c’est encore une doxa, une opinion, non pas une épistémé, une science. Il lui faut surtout reconnaître que l’histoire est le domaine où se déploie la créativité de tous, hommes et femmes, savants et analphabètes, d’une humanité dans laquelle lui-même n’est qu’un atome. Et cela encore ne doit pas devenir prétexte pour qu’il avalise sans critique les décisions de la majorité, pour qu’il s’incline devant la force parce qu’elle serait celle du nombre. Être démocrate, et pouvoir, si l’on en juge ainsi, dire au peuple : vous vous trompez, voilà encore ce qu’on doit exiger de lui. Socrate a pu le faire, lors du procès des Arginuses : le cas apparaît, après coup, évident, et Socrate pouvait s’appuyer sur une règle de droit formelle. Les choses sont souvent beaucoup plus obscures. Ici encore, seule la sagesse, la phronésis, et le goût peuvent permettre de séparer la reconnaissance de la créativité du peuple et l’aveugle adoration de la « force des faits ». Et que l’on ne s’étonne pas de trouver le terme de goût à la fin de ces remarques. Il suffisait de lire cinq lignes de Staline pour comprendre que la révolution ne pouvait pas être ça.
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