Islamismes islamogauchisme, islamophobie : Avant-propos

mardi 1er août 2017
par  LieuxCommuns

Ce texte fait partie de la brochure n°21bis « Islamismes, islamogauchisme, islamophobie »
Seconde partie : Islam, extrême-droite, totalitarisme, de la guerre à la domination

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Sommaire :

  • Avant-propos — ci-dessous...

À Laurent L., rattrapé par l’anéantissement,
qui nous répétait qu’« il n’y a pas de destin barbare ».

Qu’est-ce que l’islamisme ? Comment le qualifier ? Comment le comprendre ? Que nous dit-il du monde qui vient ? Qu’est-il en train de se passer, sur la planète comme au coin de la rue ? La réponse à ces questions, la manière d’y répondre – et, plus subtilement, de ne pas y répondre – va déterminer, détermine déjà, la suite des événements, les rapports de force, c’est-à-dire la marche d’une Histoire dont rien ne garantit, il faut malheureusement le rappeler, le happy end.

Les textes qui suivent tentent de dégager quelques éléments qui permettraient de caractériser ce sinistre néo-islam qui nous est maintenant familier, et dont notre brochure précédente décrivait quelques aspects de l’offensive. Ils ne sont que des jalons d’une recherche collective continuée.

Une extrême droite musulmane

Le tract « Ce que nous appelons extrême droite » est une tentative succincte de lister un certain nombre de critères permettant de donner un contenu substantiel à un terme qui n’est plus qu’un anathème dénué de sens politique : rejet de la démocra­tie, oppression des femmes, obsession des boucs émissaires, nostalgie d’un passé mythifié et volonté d’expansion territoriale. Ces traits forment système et nous semblent délimiter précisément les contours de courants largement disparus en Occident depuis 1945, mais qui permettent aisément aujourd’hui de fonder l’ex­pression d’extrême droite musulmane, dont la reprise et l’utilisation se justifient jour après jour [1].

On retrouve ainsi dans l’histoire de l’islam depuis sa fondation trois ou quatre moments distincts où cette mouvance endogène se reforme et imprègne durable­ment l’empire arabo-musulman. C’est l’objet du deuxième texte, « Brève histoire de l’islamisme », qui montre, à chaque fois, une étonnante crispation idéologique de la civilisation islamique dès que le dogme prophétique se fissure de l’intérieur par des réformateurs questionnant la cloture de la révélation, ou se trouve menacé par l’émer­gence d’une puissance extérieure tendant à remettre en cause l’unité, la puissance et la domination impériales.

L’énigme islamo-gauchiste

Certes, l’existence d’une extrême-droite religieuse ne semble pas la caractéris­tique propre de l’islam : on observe facilement d’autres manifestations de ce conservatisme fanatique et conquérant sous d’autres cieux, y compris européens, où elles ont été efficacement combattues et réduites. Mais, fort curieusement, ces mêmes forces émancipatrices semblent éprouver depuis des décennies une gêne ostensible à qualifier ainsi l’islamisme, à le reconnaître comme tel et à travailler à son éradication. C’est de cette incohérence frappante que part le texte « Les racines de l’islamo-gauchisme ». Pour comprendre le sens des absurdités répétitives profé­rées par une grande partie de la gauche islamophile, voire islamistophile [2], pour dédouaner les musulmans de leurs responsabilités, il faut remonter au soutien in­conditionnel au régime stalinien tel que l’avait disséqué à l’époque Cl. Lefort : les similitudes argumentatives dévoilent un glissement rhétorique progressif dès l’après-guerre qui opère une série de permutations de rôle selon des schémas in­amovibles et subliminaux, où l’Occident a remplacé le Capitalisme comme incar­nation du Mal Absolu, et l’« Immigré », « le Musulman » – maintenant fusionnés dans la figure du « Migrant » – s’est substitué au Prolétariat comme victime salva­trice de la civilisation humaine. Mais le parallèle s’achève sur un paradoxe qui reste en suspens : une bonne partie de la gauche et de ses extrémités soutiennent aujourd’hui une extrême-droite caricaturale, semblant reprendre le tropisme qui avait mené au pacte Molotov-Ribbentrop de 1939, scellant les convergences de vues des nazis et de leurs inspirateurs bolcheviques pour en finir avec les régimes libéraux.

La résonance totalitaire

Le paradoxe est levé par le quatrième texte, recension du livre de S. Laurent sur l’État Islamique : si la gauche et son extrémité font montre d’une telle complai­sance, c’est que l’islamisme renferme bel et bien une dynamique proprement tota­litaire qui active chez les idéologues relativistes du gauchisme culturel la même fascination qu’à la grande époque du marxisme-léninisme. Car à bien y regarder, jamais la gauche historique n’a réservé son soutien dès qu’un régime se parait des habits toujours neufs de la révolte populaire contre l’oppression pour massacrer en silence les populations qu’il avait sous son joug ; qu’il s’agisse des Staline, des Mao, des Fidel Castro ou des Hô Chi Minh sans même parler des seconds rôles tels que les Amin Dada, Khadafi, Nasser ou, plus tard, Khomeiny. La gauche de l’après-guerre, prétendument héritière des mouvements ouvriers, féministes, anti­cléricaux et autogestionnaires porte en elle le totalitarisme [3] qu’elle dénonce dans cet Occident dont elle est issue, où elle prospère, et sur lequel elle ne cesse invrai­semblablement de projeter sa face sombre et son projet expiatoire. L’examen du mouvement islamique pourrait éclairer et expliquer, à rebours, un tel tropisme.

Qualifier l’islamisme d’extrême-droite s’avère donc nécessaire, mais certaine­ment pas suffisant, non seulement pour expliquer le soutien qu’il rencontre auprès des gauches du monde entier, mais également d’un point de vue analytique : si l’islamisme est bien un hyper-conservatisme hystérique, il renferme en son centre un millénarisme authentiquement religieux et absolument cardinal qui le distingue clairement des extrêmes-droites classiques en annonçant la réalisation planétaire d’une prophétie providentielle, le règne planétaire d’Allah. Ce trait apocalyptique, pour qui la fin du monde est à la fois un projet et une menace, est indiscutable­ment celui des totalitarismes historiques, dont les affinités mutuelles ont radica­lement marginalisé les clivages politiques académiques : il ne s’agit pas de dire que « les extrêmes se rejoignent » ou que « le progrès doit aussi conserver », il faut comprendre qu’il y a, depuis l’entre-deux-guerres, les projets totalitaires et les autres.

Mais si le fait de qualifier l’islamisme de totalitarisme est devenu courant, cela pose plus de problèmes que cela n’en résout, du moins pour ceux qui s’attachent encore à comprendre le monde : jamais encore le totalitarisme ne se réclamait au­tant d’une tradition et ne rejetait, en bloc, la modernité, tout au contraire, et encore moins au prétexte d’une application littérale d’une religion millénaire. Penser l’is­lamisme contemporain, c’est interroger une création sociale-historique singulière, essayer de penser un nouveau recommencement. Le faire en partant de la catégo­rie de totalitarisme oblige à questionner à nouveaux frais celle-ci dans son rapport avec son passé et l’avenir, son projet et ses réalisations, la rationalité et le délire, l’Occident et le non-occidental, le capitalisme, l’État – et la religiosité.

C’est l’objectif quelque peu démesuré, mais à nos yeux impérieux, que s’est fixé le texte « Islamisme, totalitarisme, impérialisme », cinquième et dernier de cette seconde brochure.

Lieux Communs
Juillet 2016


[1Cf. par ex. « Après Cologne : ’Nous voyons en Europe les signes précurseurs de la montée de l’extrême droite intégriste’ » par la sociologue algérienne Marieme Helie Lucas, Télérama.fr, 08.02.16.

[2Cf. la préface de P.-A. Taguieff à Küntzel M. 2002 ; Jihad et haine des Juifs. Le lien troublant entre islamisme et nazisme à la racine du terrorisme international, Éd. Du Toucan 2015.

[3Le silence d’un J.-C. Michéa sur la question interroge (retournements dialectiques subreptices mis à part).


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