Assimilation. La fin du modèle français (Conclusion)

Michèle Tribalat
vendredi 6 janvier 2017
par  LieuxCommuns

Conclusion du livre « Assimilation. La fin du modèle français de Michèle Tribalat » (Ed. du Toucan, 2013), pp.299-322

Source : http://www.pdfarchive.info/pdf/T/Tr...

« Le raisonnement inflexible qui, rencontrant une contradiction dans la réalité, ordonne de passer outre, doit en fin de compte mener à des erreurs coûteuses. » [1]

La France n’est pas sortie de l’histoire migratoire, contrairement à une idée répandue qui voudrait qu’elle fasse exception dans une Europe aux flux intenses. Vieux pays d’immigration, elle a connu plusieurs cycles migratoires, dont le dernier démarre au milieu des années 1990. Depuis, l’immigration étrangère y a certes été moins forte que chez certains de ses voisins, mais elle rivalise en intensité avec celle que la France a connue pendant les Trente Glorieuses. L’immigration étrangère n’est donc pas seulement notre passé. Elle est aussi notre présent et probablement notre avenir. En effet, nous aurons vraisemblablement à composer avec une immigration étrangère qui dépendra plus de l’évolution propre aux pays de départ potentiels que de la politique migratoire de la France, largement impuissante.

Si ces pays se développent durablement, leurs ressortissants, après une phase d’émigration encore intense qui accompagne souvent le décollage économique, pourraient décider de rester chez eux. Mais les effets de ce dernier risquent de prendre un certain temps et la pression démographique pourrait se maintenir pendant un bon moment dans nombre de pays, notamment ceux de l’Afrique subsaharienne. Le peuplement européen aura le temps de changer au point de devenir méconnaissable, avant qu’un assèchement des flux migratoires n’intervienne. C’est plus ou moins ce qu’envisage l’UE dans ses scenarii démographiques. Elle ne considère aucune alternative à l’immigration pour remédier au vieillissement et au dépeuplement de l’UE. La solution par l’immigration est pourtant, on l’a vu, largement un remède imaginaire. Subordonner son destin démographique au désir des autres peuples de venir s’installer chez soi, c’est une manière de céder la place qui, de toute façon, n’aura qu’un temps. En effet, dans ses projections, l’UE n’envisage qu’une remontée très lente de la fécondité d’ici 2150, date à laquelle elle n’atteindrait même pas le niveau nécessaire pour assurer le remplacement des générations [2] . Il est raisonnable de penser que, d’ici là, les autres pays, qui vont voir eux aussi leur population vieillir, n’auront plus forcément beaucoup de forces vives à envoyer en Europe pour que celle-ci continue d’exister. En se programmant un tel destin, c’est sa propre disparition que l’Europe met en équation.
Quant à la politique migratoire de la France, elle est désormais une compétence partagée avec l’Union européenne, laquelle pèse et continuera de peser en faveur de l’immigration en provenance des pays tiers. Sauf à supposer une dégradation de la cohésion européenne telle qu’elle conduise à sa décomposition ou à son éclatement, on ne voit pas les instances européennes abandonner les prérogatives qu’elles ont conquises sur la souveraineté des États. La logique bureaucratique va plutôt dans le sens d’un renforcement du pouvoir de l’administration européenne.
On ne voit pas non plus l’UE s’orienter vers un fonctionnement plus démocratique. Depuis le « fiasco » du référendum sur la Constitution européenne en 2005, on évite soigneusement de demander leur avis aux peuples européens pour autoriser les abandons de souveraineté auxquels les États consentent. Comme l’écrit Shmuel Trigano, l’UE ressemble plus à un empire sans frontière géographique définitive qu’à une véritable démocratie : « un entassement chaotique de vingt-sept nations [...] sans compter une multitude de communautés de migrants d’autres continents. Enfermés, chacun dans leur univers linguistique indépassable [...], ces peuples ne coexistent que par la médiation d’une structure bureaucratique [...]. Une gouvernance aux frontières floues et pas de gouvernement responsable devant un parlement européen ». L’Europe ne dispose cependant pas de figure charismatique, de « personnage sacro-saint, incarnant une autorité de type religieux, inculquant naturellement la sujétion. » Néanmoins, les droits de l’homme peuvent offrir un substitut à cette autorité de type religieux [3] . L’Europe affiche des ambitions morales. Elle prêche le respect, la tolérance, la paix, le progrès. Au lieu d’en faire un principe vivant, l’Europe a transformé la démocratie en utopie visant à convertir les candidats potentiels.
Si l’Union européenne devait se défaire, cela ne reviendrait probablement pas à détricoter, pas à pas, ce qui a été accompli pour retomber sur la configuration politique qui était celle qui a précédé la construction européenne. Il se pourrait que tout ceci intervienne dans un climat de rancœur, de désillusion et de fragmentation propice à tous les excès. On impute généralement les presque 70 années de paix entre les pays membres de l’UE à la construction européenne. Mais rien ne dit que, sans elle, les Européens se seraient à nouveau fait la guerre, sauf à essentialiser les Allemands comme d’incurables va-t-en-guerre, incapables de tirer les leçons de leur tragédie et la démocratie allemande comme l’habillage d’un troisième Reich toujours prêt à renaître de ses cendres, en somme « la continuation du troisième Reich par d’autres moyens » [4]. Au contraire, on peut s’inquiéter du lien si serré qui lie (à la gorge pour certains) désormais, avec la monnaie européenne et le pacte budgétaire européen, des pays si différents les uns des autres, et des conflits qu’il est susceptible d’engendrer. Si la convergence budgétaire nécessaire pour rassurer l’Allemagne – à nouveau dans une position dominatrice qui n’a rien pour rassurer les Européens [5] – et les créanciers nécessite un appauvrissement considérable des pays du Sud de l’Europe, le ressentiment des peuples européens à l’égard de ce qu’ils perçoivent comme la cause de leur malheur sera inévitable. C’est déjà plus ou moins le cas [6] .
Les circonstances politiques dans lesquelles la France est susceptible de retrouver la maîtrise de sa politique migratoire l’autorisant à réguler vers le bas les entrées d’étrangers en provenance des pays tiers sont donc bien incertaines. Il y faut une volonté politique qui a bien souvent manqué. La faible marge de manœuvre dont la France dispose, elle refuse généralement de s’en servir. On l’a constaté à plusieurs reprises, y compris du temps où Nicolas Sarkozy était aux affaires. En 2007, pour réduire l’immigration étrangère, le gouvernement a essayé de copier les Pays-Bas qui avaient introduit un test civique et linguistique obligatoire avant la migration pour les adultes rejoignant un membre de famille. Le débat parlementaire a dérivé vers un autre objectif – celui de faire réussir l’intégration – avec cours gratuits, si nécessaire, sans obligation de résultat. Une autre occasion a été offerte au gouvernement de peser sur la politique migratoire européenne que le gouvernement français n’a pas saisie. En 2011, la Commission a lancé une consultation sur des modifications éventuelles de la directive sur le regroupement familial. La France [7] a répondu qu’elle n’était pas favorable à une révision du cadre actuel. Les Pays-Bas ont, au contraire, longuement argumenté sur la nécessité de mieux prendre en compte l’intérêt général du pays. Ils interprètent, en conformité avec la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme [8] , le droit à vivre en famille comme n’établissant pas un droit automatique de vivre en famille dans un État membre de l’UE. Ils réclament plus d’exigence vis-à-vis des demandeurs de regroupement familial et souhaitent que la directive s’étende à la venue de conjoints auprès de nationaux. Ils plaident pour que la libre circulation des conjoints d’Européens ne s’applique qu’une fois que ceux-ci auront acquis la nationalité. Ils seraient, en attendant, régis par la directive sur le regroupement familial. Ils veulent aussi limiter la réitération des demandes de venue de conjoints. Bref, les Pays-Bas ont exposé leur point de vue, leurs souhaits et ont longuement argumenté leur réponse, avec une introduction de trois pages (sur 18 pages) [9] quand la France a formulé une réponse technique et lapidaire aux questions posées par la Commission avec une introduction de 8 lignes (sur 8 pages) [10] .
À supposer qu’une volonté politique existe, il ne suffirait pas non plus que la France se délie de ses engagements européens pour retrouver une maîtrise de sa politique migratoire. Il faudrait encore qu’elle se défasse de ceux qui la lient aux conventions internationales qu’elle a ratifiées et des interprétations jurisprudentielles qui en ont été tirées, mais aussi qu’elle revienne sur ce que les juridictions internes ont institué (le droit à une vie familiale normale en France institué par le Conseil d’État en 1978, par exemple). Il ne faut donc pas trop y compter. Il est pratiquement impossible de revenir en arrière en supprimant des droits, surtout lorsqu’ils mettent en jeu les droits de l’homme. Il y faudrait des doigts de fée pour ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
La conception des droits de l’homme qui prévalait après- guerre a été profondément transformée. Elle visait à garantir des droits aux individus et non, comme c’est trop fréquemment le cas aujourd’hui, à des individus en tant qu’ils appartiennent à des groupes, souvent au mépris de la coercition qui sévit à l’intérieur de ces groupes. La grande réceptivité du Conseil des droits de l’homme des Nations unies aux demandes de l’OCI visant à interdire le blasphème ou à régionaliser les droits de l’homme [11] n’est en aucun cas la marque d’une volonté de lutter contre les régimes totalitaires, volonté qui a pourtant contribué, après-guerre, à forger les droits de l’homme. On a même parfois l’impression que ce sont les démocraties qu’il s’agit de désarmer. La conversion des instances européennes à l’idée d’une politique migratoire qui soit autre chose que la gestion de droits toujours plus étendus accordés aux migrants des pays tiers est peu probable. Elle suppose un changement complet du logiciel européen. Il y a donc de grandes chances pour que l’immigration étrangère reste d’actualité en France et plus largement en Europe. Sauf si s’opère un basculement politique de quelques pays européens vers des positions beaucoup plus dures vis-à-vis de l’immigration étrangère. Les majorités au Parlement européen ou au Conseil ou dans les deux instances à la fois pourraient s’en trouver fortement chamboulées. On a vu le succès de Beppe Grillo en Italie. Le parti du peuple danois (DP), qui combine des positions anti-immigrés et anti- européennes est passé, dans les sondages, devant le parti social-démocrate actuellement au pouvoir [12]. La philosophie actuelle de la Commission ne résisterait pas longtemps à un tel renversement de majorité. L’appareil bureaucratique de l’Europe changerait de mains et on peut se demander si le projet européen y survivrait.
Les instances européennes voient dans l’immigration en provenance de pays tiers un facteur essentiel à la survie de l’UE et à la leur. Peu importe de quels peuples l’UE sera formée pourvu qu’elle perdure. On pourrait même dire que plus son peuplement se sera diversifié, moins les adhérences aux anciennes nations seront fortes et plus l’ingénierie sociale dont elle a le secret sera nécessaire pour faire advenir respect et tolérance. Valeurs qu’elle prône d’ores et déjà dans la politique d’intégration qu’elle a su imposer aux États européens alors même que l’intégration n’est pas encore une compétence européenne. La persistance des nations est plus une gêne qu’une facilité pour l’UE, car elles ont tendance à freiner ses velléités d’extension ou d’approfondissement. La définition de l’intégration européenne, qui revient à s’accommoder de la diversité croissante sans accorder de privilège aux héritiers des nations européennes, est parfaitement cohérente avec le projet post-national qui la sous-tend.
Il y a fort à parier que cet intérêt pour l’intégration des immigrés et de leurs descendants va prendre une place de plus en plus importante dans l’agenda européen. Puisqu’il a été décidé que l’immigration était le seul avenir démographique de l’UE, toute l’énergie bureaucratique va se reporter sur l’intégration, c’est-à-dire, rappelons-le, l’accommodement des peuples européens à une diversité aussi croissante qu’irréversible. Si l’instauration de la paix a été, prétend-on, le moteur qui a poussé les États Européens à s’unir, cette mission pacificatrice pourrait bien avoir à se poursuivre à destination des Européens eux-mêmes afin d’éviter toute rébellion contre ce qu’on leur annonce être inévitable. La violence pourrait être à nouveau de la partie en Europe.
Se retourner contre les immigrés ou leurs descendants n’est certainement ni juste ni utile. Ils ne sont pour rien dans la construction européenne et ne sont pas responsables des décisions que nous avons accepté de prendre. On ne peut leur reprocher d’avoir tenté leur chance. Chercher à améliorer son sort est profondément humain. Ce ne sont d’ailleurs pas leurs mobilisations qui ont créé la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Ils n’ont fait qu’utiliser les droits qui leur ont été accordés. Pourquoi s’en seraient-ils abstenus ? D’autres se sont mobilisés pour eux, comme on cherche à protéger des espèces en voie de disparition. Nous avons fait notre propre malheur nous-mêmes en nous défendant d’exiger les adaptations indispensables. Notre souci de prendre toute la responsabilité à notre charge pour ce qui va mal a épargné aux immigrants l’examen de conscience sur les raisons qui les ont poussés à venir en Europe et sur leurs propres ambiguïtés : « Pourquoi les pays dans lesquels ils ont grandi sont en si mauvaise posture ? Pourquoi l’indépendance des pouvoirs coloniaux a conduit, dans tant de situations, à plus de pauvreté et de répression et non l’inverse ? Et pourquoi ont-ils décidé de venir dans des pays qu’ils condamnent avec tant de passion et regardent, très souvent, avec un sentiment combinant la crainte et le dégoût ? N’y aurait-il pas, finalement, quelque chose d’accueillant dans les cultures libérales, quelque chose d’éminemment attrayant qu’aucune société au monde ne peut ignorer ? » [13]
En abandonnant toute exigence à l’égard des immigrés et de leurs descendants avec lesquels les Européens sont sommés de trouver en permanence des accommodements, nous avons suscité l’audace des musulmans dont le poids en Europe, et tout particulièrement en France, n’a cessé d’augmenter. Nous avons sous-estimé la spécificité de l’islam, en présumant qu’il ne rendrait pas les musulmans plus difficiles à assimiler que ne l’avaient été les migrants en provenance d’Europe. Nous n’avons pas non plus imaginé qu’ils pourraient se tourner de plus en plus vers la religion et préserver leur potentiel démographique en améliorant la transmission et en pratiquant une endogamie très stricte. L’endogamie religieuse étant plutôt la règle que l’exception, on ne peut faire reproche aux musulmans de se marier entre eux. Ils sont juste un peu plus endogames que les natifs au carré catholiques. La sécularisation inexorable des musulmans, une fois en Europe, était une illusion portée par des sociétés très sécularisées – tout particulièrement leurs élites – qui n’ont pas imaginé un autre destin que le leur aux populations venues s’installer en Europe.
Nous avons péché par excès d’optimisme en imaginant avoir résolu une fois pour toutes la question des prétentions religieuses sur la vie politique. La sécularisation des sociétés européennes nous paraît être un progrès universel vers lequel ne manqueront pas de graviter, un jour ou l’autre, les musulmans européens. N’ont-ils pas sous les yeux, tous les jours, les avantages que procurent de telles sociétés, notamment la protection dont ils font l’objet en vertu de la liberté de conscience ?
Les Européens n’ont pas toujours conscience de la fragilité de ce qu’ils appellent leurs valeurs. Pourtant, ce n’est pas parce qu’ils se sont battus pour elles qu’elles sont définitivement acquises. Ils n’ont plus l’humeur belliqueuse et ne voudraient pas avoir à recommencer, avec les musulmans, la bataille menée contre l’Église. Ils s’illusionnent et espèrent que les musulmans comprendront d’eux-mêmes sans qu’on les bouscule que leur avenir n’est pas dans toujours plus de religion. Entrés dans l’ère de la tolérance après avoir terrassé l’Église, les Européens ne sont pas prêts à un nouvel affrontement avec la religion. « Les Européens attendent de l’islam qu’il s’effondre de lui-même [...], les Européens se sont donnés le plus grand mal pour isoler l’islam des méthodes voltairiennes. On a confondu la volonté de ridiculiser l’islam avec la xénophobie et le racisme. On attend de ceux qui se posent des questions sur cet islam qu’ils se contentent de botter le train du cheval fourbu chrétien dans l’espoir que les musulmans en déduisent que les lois générales ainsi établies s’appliquent aussi à leur religion. » [14]
Le nouveau modèle d’intégration prêchant le respect et la tolérance n’est pas le cadre idéal pour mener une nouvelle bataille visant à acclimater l’islam. Il invite au contraire à s’instruire sur la culture de l’Autre afin d’induire un comportement compréhensif. Une fois instruits des coutumes des autres chez eux, les Européens ne pourraient, d’après la nouvelle doctrine, que développer de l’empathie à l’égard de l’Autre. Et tout finirait par s’arranger. Rappelons nous l’initiative italienne menée à Turin – Touriste chez soi – tellement vantée par l’UE. « Lorsqu’on aura goûté aux délicieux falafels et kebabs, on aura fait un premier pas vers les fascinants exotismes de la culture étrangère. » [15] Cela devrait lever les appréhensions relatives à la charia. « Derrière ce raisonnement fallacieux se trouve peut-être une sorte d’approche touristique des vrais problèmes sociaux et politiques. » [16]
Le défaut de cette approche touristique est qu’elle essentialise absolument tout. Le touriste, en effet, voyage pour découvrir des modes de vie, des cultures qu’il espère authentiques : « les chasseurs de tête devraient toujours errer dans les forêts, les cannibales dévorer leurs ennemis, les voleurs se faire couper les mains. » [17] C’est tout le contraire pour l’habitant qui ne souhaite pas voir ces mœurs étrangères envahir sa vie quotidienne. Il ne veut pas vivre en touriste chez lui. Et c’est mieux ainsi car il évite alors de tomber dans un culturalisme radical selon lequel tout homme est ligoté par sa propre culture et incapable d’évolution. Il n’y a aucune raison pour que l’on s’habitue à voir perpétrer des actes répugnants au seul motif que c’est la coutume dans une autre culture [18] . Et ce n’est pas parce que ces pratiques sont celles de minorités que ces dernières devraient être protégées contre la critique. D’autant que les rapports de force ne sont pas toujours très clairs dans un contexte de mondialisation et de communications hyper rapides. On l’a vu à diverses reprises avec la réaction de par le monde à des événements extrêmement localisés. Faut-il laisser grandir les groupes de pression aux pratiques totalitaires issus des minorités et attendre qu’ils deviennent majoritaires pour en faire la critique ? Un tel raisonnement apparaît ridicule dès qu’on le transpose à l’extrême droite, contre laquelle il faut toujours sévir dès la première heure. Et, comme l’écrivent Jens-Martin Eriksen et Frederik Stjernfelt, cela pourrait vite aboutir à cantonner la liberté d’expression à la seule critique du gouvernement qui, en démocratie, représente la majorité [19].
En fait, comme l’expliquent ces deux auteurs, le culturalisme sévit aussi bien à gauche qu’à droite. À gauche, on est xénophile et on exalte le respect des différences et de l’authenticité. On aime trop « l’immigré » pour vouloir qu’il change. À droite, on est plutôt xénophobe, en raison d’une même conception immuable des cultures qui amène à déclarer toute évolution impossible. Les deux camps se battent sur le même terrain. Ces perceptions culturalistes trouvent un écho dans les minorités elles-mêmes et les encouragent, en quelque sorte, à durcir leur identité. L’islamisme, c’est aussi l’idée qu’il faut revenir à un islam authentique, les salafistes poussant le scrupule jusqu’à chercher à modeler leurs comportements sur ceux des pieux ancêtres.
En valorisant les différences et les cultures venant d’ailleurs, la gauche a attisé le feu de la fierté nationale qu’elle cherche pourtant à éteindre en permanence. En mettant l’accent sur la diversité et en valorisant les appartenances ethniques des minorités, elle a contribué à faire surgir la question identitaire chez les natifs au carré. C’est vrai en France mais aussi ailleurs en Europe. Si les personnes d’origine étrangère ont une identité si précieuse qu’il faille se mobiliser pour la préserver, pourquoi n’en irait-il pas de même pour les natifs au carré ? En quoi les identités des uns seraient-elles plus illégitimes que celles des autres ?
L’assimilation, peut-être de manière contre-intuitive, n’est pas une conception culturaliste de l’intégration. Elle ne considère pas que l’autre soit incapable de modifier ses comportements. C’est même tout le contraire. Elle n’implique pas non plus une valorisation excessive de la culture nationale mais impose simplement son ascendant sur les cultures venues d’ailleurs afin que les « autochtones » n’aient pas l’impression de vivre en touristes dans leur propre pays et qu’ils éprouvent un sentiment de continuité avec leur propre histoire. La cohésion sociale ne nécessite pas seulement un dialogue entre les présents, mais aussi avec ceux qui les ont précédés.
Ce modèle d’intégration français est désormais frappé de péremption et désavoué par les classes dirigeantes, de gauche comme de droite, qui lui ont préféré le modèle multiculturaliste européen [20] . Cette mutation coïncide avec une réalité bien particulière, marquée à la fois par une résistance à l’assimilation du côté des musulmans et par le découragement de classes populaires natives au carré qui en sont venues à se séparer afin de préserver leur mode de vie. Ce n’est pas une particularité française. Les Britanniques qui ont expérimenté la cohabitation inter-ethnique à Londres en reviennent eux aussi. Ils quittent leurs quartiers londoniens. Une Londonienne a raconté dans le Telegraph pourquoi elle souhaitait quitter Acton, un quartier populaire où elle avait emménagé en 1996. Acton est de plus en plus marqué par une présence musulmane qui, sans être forcément hostile, revendique de plus en plus sa séparation des autres habitants. Elle le ressent dans la rue, avec l’impossibilité de croiser le regard des femmes trop lourdement voilées comme des hommes. Dans les magasins tenus par des musulmans aussi où elle est moins bien accueillie. Et, plus généralement dans les espaces publics. Par exemple, un commerçant a affiché une interdiction de boire de l’alcool, non seulement dans son magasin, mais aussi dans les rues avoisinantes. Même si elle n’apprécie pas beaucoup l’ébriété sur la voie publique, elle y voit une forme de prise de territoire. Ce qui lui manque le plus ce sont les conversations ordinaires qu’elle avait avec ses voisins. Mais ses voisins sont aujourd’hui soit des Européens de l’Est fraîchement arrivés et ne parlant pas anglais, soit des musulmans dont le regard est devenu insaisissable. Une des rares personnes qui lui parlent encore est la pharmacienne, une femme musulmane qui lui a conseillé dernièrement de couvrir son corps entièrement lorsqu’elle va à la piscine. C’est plus sain. Elle a donc décidé de partir : « Moi aussi, j’ai décidé de quitter mon quartier et de suivre les pas de tant de mes voisins. Je n’en ai pas vraiment envie. J’ai travaillé dur et longtemps pour venir m’installer à Londres, pour trouver un bon travail et acheter une maison et j’aimerais vraiment pouvoir rester. Mais je suis une étrangère dans ces rues et tous les “bons” quartiers, avec des rues sûres, de beaux logements et des cafés agréables sont hors de ma portée. Je vois Londres devenir une place destinée presque exclusivement aux immigrants pauvres et aux très riches. » [21]
Respect et tolérance, nous dit l’UE, tel doit être l’objectif d’une politique d’intégration. Exiger la tolérance, c’est déjà beaucoup. Mais exiger le respect, c’est peut-être trop demander. « La tolérance est un acte qui doit être accompli par ceux qui se sentiraient insultés ou offensés et qui consiste à supporter l’affront au lieu de supprimer ce qui offense. » [22] Ainsi, tout nous oblige, quoi qu’on en pense, à tolérer le port du voile dans des lieux publics où il n’est pas interdit sauf s’il couvre le visage et sauf à l’école et plus généralement dans la fonction publique. Ceux qui s’en prennent aux femmes qui portent le voile dans la rue font effectivement preuve d’intolérance. Il est difficile d’imaginer un principe légitimant l’interdiction du voile dans la rue. Le fait que le voile nous déplaise et qu’il ne corresponde pas à la tradition française n’est pas un argument juridiquement recevable. Par contre, si nous sommes obligés de le tolérer, on ne peut exiger de nous que nous l’estimions ou que nous en ayons un jugement positif. C’est trop demander. Il en va de même pour les musulmans excités à la moindre parole, au moindre écrit qui leur semble blessant. Ils doivent le supporter sans qu’on leur demande de trouver cela respectable. Exiger le respect, c’est recommander l’insincérité dans la plupart des échanges : « si on est forcé de respecter [...] il s’agira forcément d’un respect spécieux, d’une reconnaissance feinte, d’un intérêt simulé. » [23] Exiger le respect, c’est aussi miser sur la violence. Le respect, on ne le sait que trop dans les banlieues difficiles, est une notion ambiguë. Il peut être inspiré par la crainte [24] . C’est ce que découvre avec ivresse Maajid Nawaz lorsque son frère, invoquant la bombe soi-disant cachée dans son sac à dos, fait plier le petit groupe néonazi de Mickey qui les poursuit de son assiduité belliqueuse. Ils repartent « la queue entre les jambes » (cf. Épilogue en fin d’ouvrage). C’est aussi cela le respect, le respect « mafia » tel que le dénomment Jens- Martin Eriksen et Frederik Sthernfelt [25] . Salman Rushdie voyait comme l’un des plus grands dangers le fait que des hommes bien puissent céder à la peur en appelant cela du respect [26] . Alors que la tolérance est la condition nécessaire à la liberté d’expression, le respect peut en être l’exact opposé puisqu’il peut l’empêcher, la museler. La crainte, qui inspire le respect et qui se manifeste généralement par la langue de bois, peut s’étendre, au-delà de la peur des réactions violentes, à celle de se voir traîné devant les tribunaux pour avoir exprimé des idées non conformes.
En appelant à la fois à la tolérance et au respect, l’UE sème donc la confusion et donne à la politique d’intégration deux objectifs absolument contradictoires. Elle place les Européens dans une situation orwellienne. Cette confusion est parfaitement illustrée par l’initiative prise par certaines personnes au Danemark qui, en pleine crise des caricatures, alors même que des ambassades danoises partaient en fumée, n’ont rien trouvé de mieux que d’organiser, pour lutter contre la xénophobie, un festival gastronomique permettant de déguster des plats de la cuisine du Moyen-Orient [27] . On se croirait dans Mars attaque de Tim Burton. Autre exemple, suite aux émeutes qui ont éclaté à Clichy-sous-Bois en 2005 après que deux jeunes gens ont trouvé la mort dans un transformateur pour échapper à la police, une stèle en leur hommage a été élevée sur une coulée verte en enfilade avec les monuments de la première et de la seconde guerres mondiales [28] . Le 27 octobre, on commémore la mort des deux jeunes gens, événement dramatique mais fortuit, combinaison d’une initiative policière qui a mal tourné et d’une prise de risque démesurée... avant de commémorer, le 11 novembre, à deux pas, l’armistice de la première guerre mondiale ! Sans émeutes, il n’y aurait probablement pas eu de stèle. Que célèbre-t-on ? La mort en martyrs de ces jeunes gens avec toutes les ambiguïtés que cela peut évoquer ?
La contradiction de la politique européenne d’intégration (et donc de celle de la France puisqu’elle y a souscrit) transparaît clairement si l’on prend le temps de décrypter les écrits émanant des instances européennes. C’est le cas lorsqu’elles recommandent d’instituer des codes de conduite pour les journalistes, dont ces derniers accepteraient volontairement de se doter, afin qu’un discours positif sur la diversité « améliore la perception du public » et finisse par convaincre les Européens [29] . C’est aussi très visible dans les appels d’offre ou les questionnaires de l’UE, dont les titres ne sont guère marqués par l’incertitude quant aux résultats. On peut citer, entre autres, Accept Pluralism ou encore Arguments économiques en faveur de la diversité. Tout ceci a un fumet qui rappelle les pratiques des démocraties populaires, sauf que, dans ces dernières elles étaient reçues pour ce qu’elles étaient et produisaient un « jeu conscient, collectif, plutôt qu’une adaptation individuelle [...], destiné à protéger la pensée et les sentiments individuels » [30] La pratique assidue du Ketman [31] , dans toutes les subtilités décrites par Czelaw Milosz, est peut-être ce à quoi nous serons réduits, non pour éviter la visite de la police politique, mais pour avoir la paix, recueillir l’approbation, éviter l’infamie et, dans certains cas, ne pas se faire tuer.
Que peut donc faire la France maintenant que son modèle d’intégration fondé sur l’assimilation est désavoué et ne saurait, de toute façon, fonctionner faute de « combattants » ? La France a, malgré la doctrine européenne, déjà marqué sa différence sur la question du voile. D’après les données sur le port du voile en 2008, cette politique semble porter ses fruits et les voiles y sont moins fréquents que dans d’autres pays européens. Elle a mis, comme la Belgique, le holà au port de vêtements dissimulant le visage, dans la sphère publique. Même si la loi semble difficile à appliquer, elle a un effet dissuasif. Elle nous évitera au moins les braquages de banques par des hommes en burka qui se sont multipliés à Philadelphie aux Etats-Unis [32] .
Et puisque nous sommes entrés dans l’ère du multiculturalisme, autant opter pour une application la plus restreinte possible, c’est-à-dire tolérer ce qu’il n’est pas possible d’interdire sans violation des droits de l’homme, pris au sens premier du terme – c’est-à-dire les droits des individus et non des groupes. Pour le reste, il me semble que deux principes devraient nous guider pour refuser tout ce qui porte atteinte à la liberté individuelle : protection interne et protection externe [33] . Si l’on prend l’exemple de l’islam, les pressions exercées sur un musulman – ou sur une personne considérée comme musulmane par d’autres – pour qu’il se conforme à ce que son environnement ou les autorités religieuses promeuvent ne doivent pas être tolérées. Un lieu privilégié pour l’apprentissage de cette liberté est l’école où la tendance culturaliste doit cesser, notamment lorsqu’elle revient à anticiper des demandes non exprimées. C’est le cas des cantines dans lesquelles les enfants doivent pouvoir choisir leur repas parmi les options proposées, comme cela se pratique à Montfermeil, sans interférence des personnels. Les parents sont libres de donner des consignes à leurs enfants en matière alimentaire. Ce n’est pas à l’école d’y veiller, sauf prescription médicale. La tolérance, ce n’est pas respecter toutes les susceptibilités des uns et des autres. Les enfants doivent y être accoutumés dès leur plus jeune âge. Une application ferme et intelligente du principe de laïcité devrait y aider [34] . L’interdit d’apostasie et les menaces qui peuvent en découler sont donc radicalement contraires à ce principe de protection interne. Il ne peut être toléré, qu’il figure ou non dans tel ou tel texte sacré. La protection externe récuse toute entrave à la liberté des individus situés à l’extérieur d’un groupe pour qu’ils se conforment aux desiderata de ce groupe. Par exemple, le refus de dessiner Mahomet ne vaut que pour ceux qui y croient. Les musulmans qui croient à cet interdit peuvent donc s’imposer des restrictions à eux-mêmes pourvu qu’ils y consentent mais ne sauraient intimider leur environnement pour que les autres s’imposent les mêmes restrictions.
Ce que la France voudra imposer, elle devra désormais le faire par la loi, comme avec le voile, sans trop compter sur le corps social qui n’est plus vraiment de la partie. On l’a dit, les classes populaires ont retiré leurs billes et il ne faut pas trop miser sur elles pour exercer la pression sociale nécessaire aux ajustements qui seront encore souhaités. En tout cas, tant que les choses resteront aussi confuses. Tout devra désormais passer par la loi et c’est infiniment plus difficile de faire respecter une règle lorsque le corps social n’a pas réussi à l’imposer. D’habitude, la loi n’intervient pas pour prescrire ce qui devrait aller de soi. Quand plus rien ne va de soi, il lui revient de tracer les lignes rouges. C’est pourquoi, si l’on veut que des initiatives telles que la crèche Baby-Loup [35] survivent, il faudra une loi étendant au privé l’interdiction du port du voile aux femmes qui exercent une mission d’intérêt public, ce qui est manifestement le cas de l’accueil de la petite enfance.
Les problèmes doivent être posés et les options débattues de manière à donner aux Français une vue d’ensemble. Il leur faut trouver un nouveau compromis qui ne sera pas un retour à l’ancien modèle devenu impraticable. Ce nouveau compromis ne doit pas être élaboré par les élites, avec un énième rapport qui confisquerait le débat – surtout si c’est pour aboutir au rapport Tuot qui bannit jusqu’au terme d’intégration, exhorte la France à devenir plus inclusive et fait la leçon à peu près à tout le monde sur un ton grandiloquent et prétentieux [36] –, sans la participation des citoyens ordinaires, car ce sont eux qui sont confrontés aux cohabitations difficiles. C’est sans doute ce qu’avait intuitivement compris Nicolas Sarkozy lorsqu’il avait lancé son fameux débat sur l’identité nationale. Mais c’était prendre le problème à l’envers. Il ne faut pas tant discuter de ce que nous sommes dans le détail pour le défendre bec et ongles. Au contraire, il nous faut envisager comment préserver ce qui peut encore l’être et définir en conséquence les mesures politiques à prendre, en respectant et en défendant les valeurs qui sont les nôtres. La liberté de pensée et d’expression est l’une des plus menacées.


[1Milosz C. La pensée captive. Essai sur les logocraties populaires, Folio, 1988, p. 81.

[2Autour de 1,9 enfant par femme si ma mémoire est bonne. Je n’ai pu retrouver, sur le site d’Eurostat, les hypothèses de fécondité du scénario Convergence 2010-2060 allant au-delà de 2060.

[3Trigano S., La Nouvelle idéologie dominante. Le post-modernisme, Ed Hermann, 2012, p. 137 -138.

[4Dalrymple T., The New Vichy Syndrome, p. 88. Traduction de l’auteur .

[5Augstein J., « Stubborn and Egotistical, Europe Is Right to Doubt German Euro Leadership », Spiegel online, 25/3/2013.

[6Grjebine A ., « Une construction européenne kafkaïenne. Beppe Grillo sera-t-il l’avenir de l’union ? », Le Monde, 7/03/13.

[7Livrevertrelatif au droit au regroupement familial des ressortissants de pays tiers résidant dans l’Union européenne (directive 2003/86/CE), 15 novembre 2011, COM (2011) 735 final. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ...

[8La cour considère, en autre, qu’une vie familiale normale est également possible dans le pays d’origine. Arrêt du 28 mai 1985, Abdulaziz, Cabales c. Royaume Uni ; arrêt du 19 février 1996, Gülc . Suisse ; arrêt du 28 novembre 1996, Ahmut C. Pays-Bas ; arrêt du 21 décembre 1996, Sen c. Pays-Bas, cf. Candel a Soriano M., « La libre circulation des personnes et les droits de l’homme », www.iei/fileadmin/IEJE.

[11Marcovich M., « L’arène internationale, du dialogue à l’alliance des civilisations, totalitarisme de demain ? », Alliance des civilisations ?, Controverses, 9, novembre 2008.

[12Truc O., « Au Danemark, l’extrême droite s’enracine dans le paysage politique », Le Monde, 15/3/13.

[13Scheffer P., Immigrant Nations , op. cit., p. 296. Traduction de l’auteur .

[14Caldwell C., Une révolution sous nos yeux. Comment l’islam va transformer la France et l’Europe Ed. Du Toucan, 2011, p. 276.

[15Eriksen J.-M., Stjernfelt F., Les pièges de la culture. Les contradictions du multiculturalisme MétisPresses, 2012, p. 260.

[16Ibid., p. 260.

[17Ibid., p. 260.

[18« Des coutumes barbares comme la mutilation génitale ou la pendaison des homosexuels sont aussi des traditions pures, maintenues intactes dans le zoo culturel . Qui sommes-nous pour imposer nos normes culturelles et ainsi corrompre cette authenticité ? » Ibid., p. 261.

[19Ibid., p. 267 .

[20Rappelons que lors de l’adoption de ce modèle d’intégration européen lors du Conseil JAI du 1 9 novembre 2004, ni le ministre de l’Intérieur, ni celui de la Justice n’avaient jugé utile de faire le déplacement, la France se contentant de la présence de son représentant permanent, M. Pierre Sellal.

[21Kelly J., “I feel like a stanger where I live”, Telegraph, 29/01 /13. Traduction de l’auteur.

[22Eriksen J.-M., Stjernfelt F., op. cit., p. 317.

[23Ibid., p. 318.

[24Christopher Caldwell insiste lui aussi sur la porosité de la frontière entre crainte et respect : « Quand les gens se mettent à faire par peur ce qu’ils faisaient précédemment par conviction ou par générosité, ils ne remarquent souvent pas la transition », op. cit., p. 343.

[25Eriksen J.-M. et Sthernfelt F., p. 318.

[26Joseph Anton, op. cit., emplacement 5667-68, livre électronique.

[27Eriksen J.-M. et Sthernfelt F., p. 260.

[28Kepel G., avec la collaboration de Arslan L. et Zouheir S. Les banlieues de la République, Institut Montaigne, p. 196.

[29« les organisations de médias peuvent adopter de nouveaux instruments d’autoréglementation, tels que des codes de conduite ou d’éthique et des lignes directrices en faveur de la tolérance dans les politiques éditoriales », Manuel d’intégration 2010, p. 50. La Commission regrette le manque d’efficacité des réglementations en vigueur : « L’autoréglementation n’empêche pas en soi que les immigrés et les groupes d’immigrés fassent l’objet de reportages inéquitables et discriminatoires. Cela est en grande partie dû au fait que : les plaintes fondées sur la race, l’origine ethnique, la nationalité, la religion et les convictions ne peuvent souvent être déposées que par la ou les personnes citées dans un article/reportage et non par ceux qui s’en offensent. » [je souligne] Manuel d’intégration 2010, p. 46.

[30Milosz C., op. cit., p. 89-91 .

[31Notion que Czeslaw Milosz emprunte à Gobineau, dont il signale sans ambiguïté qu’il était un écrivain dangereux (j’allume ici tous les feux pour qu’on évite de faire de moi ou de Czeslaw Milosz des apôtres de Gobineau), dans son livre Religions et philosophies d’Asie centrale. Le Ketman c’est l’attitude qui consiste à taire ses convictions et, si le silence même est danger eux, à tromper l’adversaire en affichant l’opinion attendue. C’est l’art de la dissimulation. Le Ketman persan est connu aussi sous le nom de takya. C’est aussi ce que Timur Kuran a appelé la falsification des préférences, pour décrire l’ensemble des pratiques de dissimulation qui ne se limitent pas à celles qui étaient en usage de l’autre côté du rideau de fer . KURANT., Private Truth , Public Lies , The Social Consequences of Preference Falisfication, Harvard University Press, 1995.

[32Pipes D., Philadelphia’s Burqa Crisis, 21/2/13. http://www.danielpipes.org/12553/ph...

[33Il ne s’agit pas ici de la protection externe telle que la définit Will Kymlicka et visant à exempter de l’application de la loi générale les minorités lorsqu’elle est contraire à leurs croyances. Par contre la protection interne vise bien à éviter les « contraintes internes » dont il parle et qui s’exercent à l’intérieur d’un groupe à l’égard des membres de ce groupe. Kymlicka W., La citoyenneté multiculturelle, une théorie libérale du droit des minorités, La Découverte, 2001 , p. 217 - 218.

[34Bidar A ., Haut Conseil à l’intégration, Pour une pédagogie de la laïcité à l’école, La documentation française, 2012.

[35La crèche de Chanteloup les Vignes est ouverte 24h / 24 et 7 j/7 . Une employée refusant d’enlever son voile y avait été licenciée en 2008. Après une décision favorable à Baby -Loup du Conseil des prud-hommes de Mantes l a Jolie en 2010 et de l a Cour d’appel de Versailles en 2011 , la Cour de Cassation a cassé le jugement le 19 mars 2013. Elle a recueilli l’avis d’un expert de l’islam proche-oriental et, « en invoquant une “discrimination en raison des convictions religieuses” [elle valide] officiellement le voile comme prescription religieuse. » Conan E., Emery E., « Pour quoi Marianne soutient l’appel pour une nouvelle loi sur les signes religieux », Marianne, 22 mars 2013.

[36« Par quoi remplacer le concept d’intégration ? Par une politique de mise en capacité pour créer une société inclusive. » (p. 11) « Le résultat de l’intégration, on ne l’a pas assez dit, n’est donc pas la prospérité, la santé et l’emploi pour les étrangers : l’intégration garantit seulement que le défaut de prospérité, de santé ou d’emploi n’est pas dû à d’autres motifs qu’éprouvent et subissent ceux auxquels une origine étrangère n’est pas prêtée. » (p. 1 4), Tuot T., La grande nation pour une société inclusive, Rapport au Premier ministre sur la refondation des politiques d’intégration, 1 février 2013. http://www.gouvernement.fr/sites/de...


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