Sur les « convergences de luttes »

jeudi 9 août 2012
par  LieuxCommuns

Remarques et suggestions concernant le débat du FRAP du 30 mai 2012, 20h30-23h30 au « Condensateur » à Montreuil.

Aux organisateurs du FRAP 2012,

Bonjour à vous,

Nous aimerions vous faire part de quelques remarques sur le déroulement de la réunion à laquelle vous nous aviez invités, fin mai.

Nous avons une part de responsabilité dans le déroulement de cette soirée, puisque nous étions partie prenante des réunions préparatoires à l’organisation du festival. Nous aurions dû vous faire ces remarques et suggestions dès février. Mais nous avons cru bon de rester en re­trait parce que nous voulions respecter votre démarche d’organisateur du FRAP, qu’il s’agissait de notre première participation à ce festival, que nous ne savions pas plus quelle serait l’ambiance au Condensateur, ni si nos pressentiments allaient se vérifier.

Ceci n’excuse pas notre passivité, mais l’explique quelque peu.

Tout cela pour dire que les remarques qui suivent sont un appel au travail qui nous concerne en premier lieu.

1. Un des critères de choix des intervenants était leur appartenance à des mouvances « alternatives », et reconnues comme telles. Mais le 15M et Syntagma ont été le théâtre d’un divorce entre groupes politiques constitués et « non-affiliés ». Ces mouvements ont été désap­prouvés par une partie des soi-disant « alternatifs », qui les ont qualifiés de « manifestations petites-bourgeoises ». De ce point de vue, l’opinion d’un « non-affilié » pouvait être plus inté­ressante que celle d’un « alternatif » estampillé. Pour nous donc, ce critère de choix n’était peut-être pas le plus pertinent. Certes, la chose n’est pas facile.

2. En demandant dès le début aux intervenants de témoigner pays par pays, nous avons eu une série de discours qui ont assez vite lassé l’assistance, d’après les retours que nous avons pu recueillir.

Aujourd’hui, avec internet, les témoignages ne manquent pas. On n’a même que cela, et souvent des comptes-rendus bien plus complets et lucides que ce qu’on a entendu à cette réunion.

Par contre, ce qui manque, c’est la réflexion, l’analyse, qui nous semble seules à mêmes, si elles sont collectives et suivies, d’ouvrir des perspectives aux impasses actuelles. Et cela nécessite des échanges contradictoires, des confrontations de points de vue, des argu­ments. Peut-être aurions-nous pu lancer dès le début une problématique précise dans lesquelles les témoignages auraient pu prendre du relief et ouvrir sur les enjeux que représentent ces mouvements. Les gens auraient alors pu intervenir directement dans le débat pour dire ce qu’ils pensent comme individus. C’est de leur capacité à réfléchir qu’ils auraient tiré leur légi­timité, pas de leur provenance exotique ou de leur « grades » militants.

3. La question qui a été abordées, très tard, (« comment coordonner les luttes au niveau international ? ») sous-entendait que tout le monde était « à peu près d’accord » sur l’objectif à atteindre.

Or – et c’était prévisible – les interventions des participants ont laissé paraître des aspi­rations très diverses. Les Notav défendaient une conception « Not In My BackYard » ; cer­tains Espagnols semblaient vouloir « l’anarchie » ; d’autres un retour à la société de consomma­tion d’avant 2008 ; nous, nous voulons une démocratie directe et une société frugale ; etc. La question était donc posée de façon à éviter une réponse douloureuse. Comment coor­donner les luttes ? La question n’est-elle pas plutôt : peut-on coordonner des luttes qui, au­-delà de leurs ressemblances formelles (« on a manifesté, on s’est fait taper dessus par les flics ») traduisent des aspirations différentes, voire contradictoires ?

4. Le dispositif ainsi mis en place a favorisé le phénomène « thérapies de groupe ». Chacun est arrivé avec son témoignage, s’est levé, a clamé son truc, satisfaisant un besoin narcissique, s’est rassis pour laisser place à un autre témoignage, et ainsi de suite. Personne n’a vraiment écouté les autres, et tout le monde est reparti de là, vaguement conforté dans ses certitudes, mais certainement pas mieux outillé pour comprendre les événements mondiaux.

5. Certes, les débats contradictoires tels que nous les prônons peuvent déraper dans la logomachie idéologique : d’où l’importance des liens avec les pratiques, les expériences, le terrain. La tâche d’organiser des échanges à la fois fertiles et accessibles n’est pas facile, et rien dans cette époque ne nous semble la rendre plus aisée. Mais c’est bien l’exigence minimal de votre Festival, et que nous partageons.

En espérant que ces quelques lignes puisse servir.

Bien à vous.

Collectif Lieux Communs, le 30 juin 2012


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