Sur les racines de la disparition de la pensée critique (1/2)

mercredi 6 juin 2012
par  LieuxCommuns

Disparition PenséeCritique
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Le projet d’autonomie, c’est-à-dire le projet pour une autotransformation radicale et démocratique de nos sociétés, ne peut se résumer à un changement de la structure politique et économique des régimes oligarchiques en place. Il nécessite en effet une mutation anthropologique, un changement radical en d’autres mots, qui toucherait toutes les sphères de la vie sociale, tant au niveau collectif qu’individuel. C’est précisément pour cette raison que toute tentative de revendiquer une telle perspective politique doit essayer d’élaborer une nouvelle forme de praxis, au sein de laquelle l’engagement proprement politique, au sens étroit du terme, se concilierait avec une tentative d’élucidation théorique. Dans le cadre de cette approche, il faut reconnaître un fait fondamental : depuis la fin des années 1970, il n’existe plus de tradition majeure de pensée politique critique.

Il y a bien évidemment des penseurs ou des auteurs qui, à titre individuel, continuent de critiquer les insti­tutions en place et proposant, parfois, leurs propres projets politiques censés les dépasser. Mais ils restent minoritaires et ne font partie d’aucun courant théorique et idéologique véritablement important en termes de retentissement social. Aucun renouveau n’aura lieu tant que cette situation ne sera pas élucidée.

Disparition de la pensée politique critique

La plupart des philosophes politiques considèrent les régimes sociaux des pays occidentaux comme al­lant de soi et se bornent à chercher des arguments pour les fonder et les légitimer théoriquement. Un consensus général s’est développé autour de l’idée que les régimes sociaux des pays occidentaux constituent la forme définitive de l’évolution politique de l’humanité. La seule chose, donc, que pourrait et devrait dé­sormais faire la philosophie politique, c’est essayer de trouver des moyens pour améliorer les mauvais côtés de ces régimes. Toute pensée qui voudrait dépasser les limites des institutions en place est aussitôt qualifiée d’antidémocratique [1], d’utopique, voire de totalitaire. Même les critiques des aspects des sociétés contempo­raines qui émergent ici et là, restent, le plus souvent, partielles, focalisées sur telle ou telle dimension parti­culière de l’institution sociale, même lorsque les questions posées exigent un traitement plus global (comme dans le cas de la question écologique, par exemple).

En France, depuis la seconde moitié des années 1970 une grande transformation a eu lieu : la domination idéologique de la Gauche (marxisme, gauchismes, structuralisme, tiers-mondisme, etc.) s’est effondrée et une nouvelle pen­sée, d’orientation « antitotalitaire » a émergé. La parution de la première traduction française de l’Archipel du Goulag d’Alexandre Soljenitsyne (1974) symbolise souvent ce changement de mentalité. Une grande partie des anciens marxistes de tendance maoïste, trotskiste ou stalinienne rejettent la « révolution » et placent au cœur de leur démarche politique la défense des droits de l’homme et la critique du totalitarisme [2]. Dans le même temps, des intellectuels de tendance marxiste libertaire dont certains n’étaient, à cette époque, que des étu­diants doctorants (tels que Claude Lefort, Jean-François Lyotard, Marcel Gauchet, Gilles Lipovetsky, Jean-Pierre Le Goff, Pierre-André Taguieff) rejettent le marxisme et commencent à penser la société soit à partir du couple totalitarisme/démocratie soit a partir de la catégorie du « postmodernisme » et de « la fin des grands récits ». L’échec de Mai 1968 comme tentative de transformation radicale de l’institution so­ciale a délégitimé l’idée de révolution, laissant le champ libre à l’apparition d’un discours focalisé sur la « protec­tion » des régimes libéraux en place face à divers dangers d’origine totalitaire [3]. Le regain d’intérêt pour des penseurs libéraux traditionnels (Constant, Tocqueville, voire Guizot) ou contemporains (R. Aron, F. Furet,), s’inscrit dans la même tendance intellectuelle [4].

Evanescence de l’utopie

Le trait le plus caractéristique de cette évolution est donc la diffusion d’un consensus sur le caractère des régimes politiques en place. Le seul point commun des auteurs auxquels s’en prend D. Lindenberg dans Le Rappel à l’ordre : Enquête sur les nouveaux réactionnaires [5], est sans doute leur souscription au fait que les régimes politiques contemporains sont des « démocraties » et que les critiquer de manière radicale est soit dangereux soit vain. Or, cette « sacralisation acritique de la démocratie telle qu’elle est », pour reprendre la formule de M. Abensour [6], ne va nullement de soi. Cette identification quasi unanime de la démocratie avec l’État de droit est un phénomène nouveau. Au cours des périodes antérieures, les défenseurs des régimes po­litiques représentatifs ne se sentaient pas obligés de les qualifier de « démocraties » pour en souligner les avantages.

Si nous accordons tant d’importance à ce phénomène, c’est que nous le considérons comme l’expression, sur le plan de la philosophie politique, de l’ambiance sociale contemporaine. Pour mieux comprendre l’en­jeu politique de notre époque, il faut d’abord essayer de comprendre la signification sociale du phénomène en question. A l’instar de M. Abensour, nous dirions que la question qui se pose est celle de l’utopie. L’uto­pie non seulement comme recherche de optimo Civitatis statu, du meilleur régime de la Cité, mais surtout comme demande d’un changement radical de la condition humaine en place. Même à l’époque où l’on cher­chait l’« horizon indépassable de notre temps », Jean-Paul Sartre avait proposé le marxisme, c’est-à-dire une théorie qui essaie de démontrer pourquoi le système capitaliste doit être dépassé. Aujourd’hui, c’est la « dé­mocratie » qui a pris la place du marxisme comme « horizon indépassable ». Comme l’exprime explicitement Marcel Gauchet, « La démocratie devient l’horizon indépassable de notre temps [...] Il n’y a que du même devant nous. Le sacre de l’individualisme que nous venons de connaître nous interdit de concevoir d’autres principes de l’existence personnelle ou collective que ceux que nous pratiquons [...] Cela nous ferme la pos­sibilité d’imaginer le surgissement d’une norme différente pour les régir » [7]. Pour la première fois depuis longtemps, l’imaginaire collectif semble incapable de dépasser la situation existante et d’animer un quel­conque projet de longue haleine. Il s’agit d’un véritable « manque d’audace et d’imagination poli­tique » [8], si on compare la situation actuelle à la tradition occidentale des Temps modernes.

Nous parlons de l’imaginaire occidental, pas seulement des forces politiques contestataires ou même ré­volutionnaires. Il ne s’agit pas ici d’une tendance qui ne caractérise que la « Gauche » (c’est-à-dire les forces politiques qui luttent, ou devraient lutter, pour un changement radical de la société). Il en va de même pour la « Droite » (au sens des forces politiques qui défendent les régimes libéraux en place). Même si la droite n’a jamais été favorable à une transformation radicale de la société, les gens qui y adhéraient croyaient au Progrès, aux capacités novatrices de la société, qui assuraient une amélioration constante et graduelle des conditions sociales. L’optimisme progressiste et le déterminisme historique qui en découle ne furent jamais une prérogative de la Gauche, mais plutôt du libéralisme politique et économique qui en impo­sa l’imaginaire [9] ainsi que des couples tels que progrès/réaction [10]. La Gauche a récupéré cette conception.

En tout cas, à un moment, l’élément utopiste était commun aux deux. Au XIXe siècle, par exemple, se « sont formulées des le début du siècle deux visions utopiques d’un monde à venir ; l’une et l’autre garan­tissent le bonheur de tous : la vision libérale, d’un côté, et, de l’autre, la vision fondée sur l’organisation de la société et qui sera dans le dernier tiers du siècle qualifié de “socialiste” [...] Ainsi, face à l’utopie libé­rale (le bonheur humain assuré par le libre jeu de l’offre et de la demande dans tous les domaines), se dé­ploient les utopies socialistes (le bonheur humain assuré par une organisation adéquate de la société) » [11]

La nouveauté radicale de notre époque est qu’il n’existe plus aucun projet commun qui dépasse l’horizon temporel le plus immédiat. Comme le remarquait Castoriadis : « “Un jour à la fois”, si je prends cette belle expression, est-ce que j’appelle l’absence de projet – à la fois chez l’individu et dans la société elle-même. Trente ans plus tôt, soixante ans plus tôt, les gens de gauche vous parlaient du grand soir de la révolution, et les gens de droite du progrès infini, etc. Et maintenant personne n’ose exprimer un projet grandiose ou même modérément raisonnable qui dépasse le budget ou les prochaines élections. Il y a donc un horizon temporel » [12]. La grande majorité des discours politiques peut être réduite à certains lieux com­muns (« modernisation », croissance économique, réduction des déficits, etc.), alors que la proposition de solutions radicales, c’est-à-dire de solutions qui dépasseraient les limites des institutions politiques et écono­miques en place, est disqualifiée comme utopiste, au sens péjoratif du terme.

Le délabrement du marxisme : néotocquevillianisme et « antiracisme »

Un aspect très significatif de ce phénomène tient en ceci que même une idéologie critique (ou, du moins, censément critique) comme le marxisme, a fini par s’intégrer au libéralisme régnant, fût-ce en en constituant la version « alternative » et postmoderne.

Comme on l’a déjà vu, les plus intelligents, cultivés ou - du moins - les moins privés de toute capacité de réflexion des marxistes se sont tournés vers différentes versions et variations de la doxa libérale fondamentale qui qualifie les sociétés occidentales contemporaines de « démocraties ». Cette évolution n’est nullement une coïncidence. Elle pourrait, par contre, être perçue comme une réaction face aux difficultés à élaborer un nouveau discours critique, à la fois débarrassé du poids de la tradition paléo-marxiste/anarchiste et capable de rendre compte des transformations en cours : montée et chute du totalitarisme, hausse du niveau de vie, libéralisation des mœurs, recul des mouvements contestataires, désintégration des cultures de classe, montée de l’individualisme et de la culture de consommation etc.

A l’inverse, ceux qui restèrent fidèles aux schémas ou aux idées de base de l’orthodoxie marxiste sont condamnés à surenchérir par des délires idéologiques qui semblent perdre graduellement tout contact avec la réalité. Il ne s’agit pas ici seulement des survivances fossilisées du passé, ayant échappé aux fameuses poubelles de l’histoire (telles qu’A. Badiou, par exemple [13]) ; il en est de même pour tout un courant de (non) pensée « critique » qui reproduit de la manière la plus grossière les lieux communs d’un anti-impérialisme paléo-léniniste agrémenté d’un ouvriérisme embaumé, lesquels se transforment, de nos jours, en un fétichisme de l’islamisme et des comportements politiquement lumpen qui s’expriment lors des diverses émeutes de l’underclass des grandes villes occidentales.

En ce qui concerne, donc, les anciens marxistes convertis au libéralisme politique et culturel, on pourrait les diviser en deux catégories : d’un côté il y en a ceux qui se sont tournés vers une analyse de la modernité en termes de « démocratie » et de totalitarisme (voir plus haut) et de l’autre ceux qui, passés par le structuralisme, se sont finalement ralliés aux différentes versions du poststructuralisme et du postmodernisme proprement dit. Après avoir - suivant l’exemple de leurs maîtres tels que Foucault et Lacan - tué « l’homme » et exterminé le « sujet », ils se sont mis à « déconstruire » les structures qu’ils avaient, entre temps, érigées en maîtres surpuissants de l’histoire humaine. On a ainsi assisté à un singulier mouvement giratoire : N’ayant laissé aucune marge à l’émergence de la subjectivité – puisqu’on percevait le social comme entièrement absorbé par les Structures censées le former -, la seule manière de les destituer lorsque la mode du structuralisme passât, tenait en une attaque visant toute sorte de cohérence ontologique. Autrement dit, le discours prônant l’hyper-cohérence du tout se mua insensiblement en vindicte où la moindre cohérence était, désormais, synonyme de clôture aliénante et de domination atavique : telle est l’incapacité à concevoir une cohérence « ouverte », qui conserverait sa consistance sans, en même temps, se transformer en système rationaliste clos et imperméable.

Au niveau proprement politique, cette démarche prit la forme d’une offensive contre tout ce qui s’apparentait à l’« occidental » et au « moderne », comme fruit des Lumières et des « grands récits » qui auraient déterminé le destin de la modernité. Par le biais d’une certaine lecture d’Adorno et de Heidegger, la modernité occidentale fut alors perçue comme structurellement aliénée et aliénante. La civilisation occidentale fut ainsi perçue comme exhaustivement dominée par les forces de la métaphysique « humaniste » et « logocentrique », comme la culture masculiniste et impérialiste propre aux fameux WASP. Si, par conséquent, l’Occident n’était que ça, et si, en d’autres termes, l’hétéronomie humaniste-phallogocentriste épuisait la création social-historique que fut l’Occident, la seule manière de s’en débarrasser devrait être cherchée dans la direction d’un rejet total de notre propre culture. Or, ce rejet n’a jamais été explicite : il a plutôt pris la forme d’une croissance implicite de notre sympathie pour tout ce qu’on pourrait percevoir comme non occidental. Cette haine voilée pour l’Occident n’étant pas consciente, elle fut, finalement, exprimée par une tentative de nier les particularités culturelles et anthropologiques propres à chaque tradition social-historique. Afin de lutter contre ce qui était ressenti comme un occidentalisme foncier, on s’est en fin de compte amenés à pénaliser l’étude comparative des diverses cultures et à traiter de « culturaliste » (donc de néoconservatrice et de réactionnaire) l’énonciation des préférences politiques et culturelles liées à notre analyse de telle ou telle autre tradition [14].

De ce point de vue, ce courant d’origine marxiste et poststructuraliste nous amène directement au relativisme culturel et au nihilisme politique. En proclamant comme illégitime et – pire encore - comme politiquement nuisible, voire périlleux, tout jugement de valeur, il veut empêcher de faire des choix politiques. Il veut empêcher de formuler le moindre projet politique, puisque, si toute position et tout discours valent autant que tous les autres, il est impossible de comprendre pourquoi faudrait-il préférer le type x d’institution politique à son homologue y, ou, plus concrètement, l’esclavage millénaire à la libre association d’obédience anarchiste. Etant donné, d’ailleurs, que la cohérence fût identifié à la clôture philosophique et à l’autoritarisme politique, tout projet global de société est a priori rejeté comme immanquablement « fasciste ».

Le plus dérangeant dans ce constat est que cette tendance intellectuelle, qui prend très souvent la forme d’un charlatanisme pur et dur, ne se distingue nullement des propos du courant « néo-tocquevillien » déjà évoqué. Ces deux approches ont comme trait principal la mise en exergue des inégalités de type « ontologique » : en d’autres termes les inégalités censées être ontologiquement fondées et, par conséquent, émanant du sexisme, du racisme, de la « métaphysique » et du fanatisme religieux. Cette priorité se fait au détriment de presque toute préoccupation à propos d’inégalités plus « mondaines » ou « séculières » : les inégalités qui sont le produit non pas des prétendus divers tabous de nos sociétés mais du caractère oligarchique de leur institution politique et économique. En ce qui concerne ce point, ces deux versant du discours libéral dominant convergent : là où les postmarxistes fustigent le « néo-colonialisme », le « patriarcat », le « fascisme » et les diverses « extrêmes-droites » (tout aussi bien que –sur le plan philosophique- l’ « humanisme », la « métaphysique occidentale » et l’ « essentialisme »), les auteurs néo-tocquevilliens s’efforcent de protéger nos « démocraties » du péril totalitaire, en réduisant de cette manière la notion de démocratie à l’abolition des anciens ordres héréditaires (Tocqueville), ou à la sortie des sociétés modernes du « holisme » pré-moderne (L. Dumont) et de ses résidus modernes (à savoir le totalitarisme et les diverses racismes). Dans tous les deux cas, on ne fait rien d’autre que de reproduire les lieux communs du libéralisme politico-culturel et l’idéologie de la dite « société ouverte » (au sens que conférait Popper à ce terme [15]), en réduisant la démocratie à la critique de l’essentialisme.

Ainsi, la question de l’égalité se réduit à sa dimension anthropologique et culturelle, de sorte qu’on arrive à confondre l’égalité avec l’ouverture d’esprit et le dépassement des tabous (qui, de nos jours, prennent de plus en plus la forme d’un éloge de la consommation et du souci de soi), en négligeant presque entièrement les formes plus « banales » d’inégalité, telles que l’exploitation économique, la « représentation » politique, etc. Il est évident qu’une telle perception de la démocratie réduit la politique soit à une sorte d’arme préventive contre toute menace totalitaire imaginable, soit à une sorte de critique culturelle ou « artiste » [16] des mœurs prétendument réactionnaires et « conservateurs » de notre époque. Etant donné les tendances ouvertement relativistes-nihilistes du courant postmarxiste, cette situation intellectuelle rend de plus en plus impossible la mise en question des sociétés en place, puisqu’elle nous empêche d’articuler le moindre projet positif qui viserait la société dans sa totalité.

(.../...)

La seconde partie disponible ici


[1On peut citer à ce propos le livre, connu et salubre, de Jacques Rancière La haine de la démocratie, (Paris, La Fabrique éditions, 2005). Signalons au passage qu’il est également illustratif autant des aveuglements du discours anti-totalitaire que de la difficulté, pour son auteur, à se dégager effectivement de ses postulats marxistes-léninistes. Cf. à ce propos Guy Fargette, « Quand un stalinoïde prétend traiter de la démocratie, Rancière », Le crépuscule du XXème siècle, n° 18-19-20, mai 2008 (disponible sur le site).

[2C’est le cas des « Nouveaux Philosophes » tels que Bernard-Henri Lévy ou André Glucksmann mais aussi de penseurs tels que Michel Foucault, qui s’est rapproché de leurs positions vers la fin des années 1970. Cf. sur ce sujet l’excellent texte de J.-M. Mandosio, « Longévité d’une imposture : Michel Foucault », D’or et de sable, Paris, Éd. de l’Encyclopédie des nuisances, 2008, pp. 171-236

[3Sur l’évolution idéologique en question on peut consulter le livre de J.-P. Le Goff, Mai 68, l’héritage impossible, Paris, La Dé­couverte, 2006 (partie IV) ; l’article de B. Delorme-Montini, « Regards extérieurs sur 1968. Polymorphie d’un objet d’histoire embryonnaire » (Le débat, n° 149, mars-avril 2008, pp. 66-82) ; ainsi que l’ouvrage de M. Christofferson, Les intellectuels contre la Gauche. L’idéologie antitotalitaire en France (1968-1981), trad. par A. Merlot, Paris, Agone, coll. « contre-feux », 2009.

[4Miguel Abensour parle, à juste titre, d’un « effet Furet » dont on devrait analyser la signification et les conséquences sur le paysage intellectuel français (M. Abensour, Lettre d’un « révoltiste » à Marcel Gauchet converti à la « politique normale » [2004], Paris, Sens&Tonka, 2008, p. 13-14). Pour notre part, nous nous bornerons à souligner l’importance qu’accordent des auteurs tels que Cl. Lefort ou M. Gauchet aux analyses de Tocqueville et Constant, qui leur fait rédiger des avant-propos à cer­tains de leurs ouvrages.

[5D. Lindenberg, Le Rappel à l’ordre : Enquête sur les nouveaux réactionnaires, Paris, Seuil, coll. « La République des idées », 2002. On notera que l’auteur se sert des revirements des « penseurs » contemporains qu’il dénonce à juste titre pour en éluder les éléments de réalité politiquement incorrect, donc insupportables à la doctrine dite « de Gauche », qu’il s’agisse de l’inter­prétation critique de Mai 68, du refus de l’islamophilie, du bilan du gauchisme ou encore du néo-managment. On est alors en droit de se demander, en fin de compte, qui rappel à l’ordre, et, surtout, à quel ordre ?...

[6M. Abensour, « Avant-propos », Pour une philosophie politique critique, Paris, Sens & Tonka, 2009, p. 27.

[7M. Gauchet, L’Avènement de la démocratie, t. I, La révolution moderne, Paris, Gallimard, 2007, p. 16, 18, cité par M. Aben­sour, Lettre d’un « révoltiste »…, op. cit., pp. 19-20.

[8M. Abensour, « Avant-propos », op. cit., p. 28.

[9Cf. l’analyse de la philosophie de l’histoire de Turgot par K. Löwith, Histoire et salut : Les Présupposés théologiques de la philosophie de l’histoire (1949), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de philosophie », 2002, chap. 4, pt. 3.

[10Selon F. Furet et D. Richet, le mot « réaction » en tant que notion politique « fait son apparition précisément après Thermidor, dans le Dictionnaire de l’Académie de 1798 » (La Révolution française, Paris, Hachette, coll. « Littératures », 1999, p. 258).

[1111 M. Beaud, L’histoire du capitalisme 1500-2010, Paris, Seuil, coll. « Points - Économie », 2010, p. 122, 126.

[12C. Castoriadis et Ch. Lasch, « Combattre le repli sur la sphère privée » (1986), sur notre site (http://www.magmaweb.­fr/spip/spip.php ?article230).

[13A propos duquel on lira le texte de Séverine Denieul, « Les habits neufs d’Alain Badiou », revue L’autre côté - n°1 – « La French Theory et ses avatars », septembre 2009 (disponible sur le site).

[14Cf. sur ce point notre polémique avec un type idéel de cette tendance intellectuelle et politique, le fameux chasseur de skins, Yves Coleman qui, dans son attendrissante maladresse, révèle au grand jour tous les présupposés littéralement intenable de ce courant : « La confusion occidentale », décembre 2011 (disponible sur notre site).

[15Cf. son ouvrage classique, La société ouverte et ses ennemis (1945), Paris, Seuil, 1979.

[16Au sens que donnent à ce terme L. Boltanski et E. Chiappelo dans leur ouvrage, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.


Commentaires

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Sur les racines de la disparition de la pensée critique (1/2)
samedi 16 juin 2012 à 17h00 - par  sammoura

salut Comme je l’ai bien remarqué dans d’autres occasions il faut plutôt penser au moyen de rompre avec cette apathie. Je pense que le travail intellectuel que vous effectuez et qui est essentiel reste isolé d’une vraie praxis démocratique et celle-ci s’adresse aux autres comme étant aussi capables de penser et de critiquer et proposer. Je pense qu’il est temps de s’ouvrir à tous les autres courants politiques et mouvements sociaux (tels que les écologistes, les associations, les médias, les mouvements revendicatifs, les artistes, ........). Le changement ne se décrète pas et d’ailleurs en vous ouvrant aux autres vous vous changez et rectifiez vos choix. En général les gens ont en ont marre des politiciens et des intellectuels académiciens ou des groupes isolés et je leur donne raison. Car combine d’intellectuels appellent à des idéaux libérateurs et pratiquent la dictature et rien qu’à voir le comportement de certains groupes anarchistes pour se convaincre de cette réalité. Soyez des intellectuels simples et modestes et partagez avec les autres des activités et des soucis de la vie quotidienne et ceux-ci touchent à la liberté, la santé, l’éducation, l’environnement, la culture.... ; Ce n’est pas une leçon que je vous impose mais c’est le bon sens. Amicalement

lundi 12 août 2013 à 12h13

Très bon texte argumentatif qui met en perspective la situation que nous vivons tous à différents niveaux. Peut-être y manque-t-il juste un éléments d’importance, à la base de tout, comme vous le signalez d’ailleurs dans d’autres textes de votre site : c’est la disparition du conflit social et politique, justement, qui a irrigué toute la pensée critique pendant des siècles.

Il est dommage que cette dimension n’apparaisse pas dans ce texte, qui reste excellent, mais se limite à la sphère disons intellectuelle, et ne relie pas cet assèchement de la pensée avec la pacification de la société depuis l’après-guerre. Et comme vous développez largement ce point dans d’autres textes, par exemple votre brochure sur la mouvement contre la réforme des retraite de 2010, ça manque ici.

Salut.

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