Sur le mouvement social d’octobre 2010

Compte-rendu de la réunion publique du 10 novembre 2009
mercredi 16 février 2011
par  LieuxCommuns

Ce texte fait partie de la brochure n°16 « Octobre 2010 - La lutte à la croisée des chemins ».

Elle est en vente pour 2€ dans nos librairies. Son achat permet notre auto-financement et constitue un soutien aux librairies indépendantes (vous pouvez également nous aider à la diffusion).

Il est également possible de la télécharger dans la rubrique brochures.

La brochure est constituée des documents suivants :

  • Compte-rendu de la réunion publique du 10/11, ci-dessous...

La réunion était, entre autre, publiquement annoncée ici : http://paris.indymedia.org/spip.php... là : http://www.demosphere.eu/node/21220

Le thème de la réunion était la question de l’égalité des revenus et de notre position concernant le revenu garanti.

Une quinzaine de personnes étaient présente dans la salle du « Tabac de la Bourse » près de la place de la République. La réunion s’est déroulée de 19h30 à 23h30.

Remarques : lors des débats, les critiques ne proviennent pas nécessairement du « public », pas plus que les ré­ponses n’émanent obligatoirement du « groupe »...


Compte-rendu de la réunion publique du collectif Lieux Communs

tenue le mercredi 10 novembre 2010

1 – Exposé sur le principe de « l’égalité des revenus »

La problématique présentée par Castoriadis dans Autogestion et hiérarchie des salaires et des revenus (voir en ligne : http://www.magmaweb.fr/spip/spip.ph... ) a été reprise : il n’y a aucun critère objectif pour définir une échelle des revenus : A l’époque, Castoriadis passait en revue tous les critères qui semblaient « évidents » à la plupart des gens : la compétence, le talent, la difficulté de la tâche, la responsabilité. Depuis, un grand pas a été franchi : vers la fin des années1980, les hauts salaires ont explosé, et aujourd’hui, il est évident que ce qui les justifie réellement, c’est la reconnaissance par l’oligarchie, la capacité à surnager et à évincer ses concurrents dans les luttes de clans et de pouvoir. Les justifications de pure forme elles aussi ont sauté : un dirigeant d’entreprise n’a même plus besoin de faire valoir un bon bilan pour justifier d’un pa­rachute doré. La disparité grandissante des salaires a donc eu un double effet : d’un côté, l’appartenance à l’oligarchie apparaît pour ce qu’elle est : le seul critère véritable. De l’autre, cet étalement de cynisme fait presque regretter les autres critères, qui pourtant ne sont pas plus recevables

2 – Exposé pour introduire à une discussion autour du « Revenu d’existence »

Lors des distributions de tracts en manifestations, parmi les gens intéressés par notre mot d’ordre (et notamment des « objecteurs de croissance » - dont un(e) est parmi nous ce soir) beaucoup le rapprochaient du prin­cipe du revenu garanti : il nous a sem­blé pertinent d’engager une discussion autour de cette apparente conver­gence.

Les deux revendications reposent sur un même constat : l’interpénétration des activités humaines (a fortiori dans nos sociétés hyper-complexes) fait que la richesse produite ne peut être objectivement attribuée à tel ou tel secteur particulier. C. Castoriadis, au hasard, le formule très clairement dans « La ‘rationalité’ du capita­lisme » (Figures du pensable, p. 76-77) : « L’imputation d’un résultat économique à une firme est purement conventionnelle et arbitraire, elle suit des frontières tracées par la loi (propriété privée), la convention ou l’habi­tude. Tout aussi arbitraire est l’imputation du résultat productif à tel ou tel facteur de production, le ‘capital’ ou le ‘travail’. Capital (au sens des moyens de production produits) et travail contribuent au résultat productif sans que l’on puisse, sauf dans les cas les plus triviaux, et encore, séparer la contribution de chacun. La même chose vaut à l’intérieur d’une usine entre les différents départements et ateliers. Et la même chose vaut pour le ‘résul­tat du travail’ de chaque individu. Personne ne pourrait faire ce qu’il fait sans la synergie de la société où il est plongé et sans l’accumulation dans ses gestes et son esprit des effets de l’histoire précédente… ».C’est sur cette évidence que reposent aussi bien le principe d’un minimum garanti tout au long de la vie indépendam­ment de toute activité, que celui d’une rétribution égale pour tous quelle que soit le travail effectué. Mais le pa­rallèle s’arrête là.

Un coup d’oeil rapide et certainement un peu trop partial pousse à ranger le principe du revenu d’existence (ou garanti, ou citoyen, ou inconditionnel…) dans la catégorie des revendications enfermée dans l’univers men­tal de la société contemporaine et, par là, qui empêche sa transformation radicale. Son originalité est de dé­coupler le revenu d’avec le travail institué, le salariat. Mais celui-ci n’est nullement interrogé : il est dévalorisé au profit de ce qui serait son exact contraire, l’activité aujourd’hui non rémunérée. On voit qu’ici sont totale­ment confondus le travail tel qu’il existe actuellement, avec son lot de dépossession, d’aliénation, d’absurdité, avec ce qu’il pourrait être : c’est la conception chrétienne, capitaliste et marxiste du travail comme inévitable torture (tripalium) et malédiction na­turelle qui est effectivement reconduite. L’objectif n’est pas alors de révolutionner le salariat en son principe, son orga­nisation et ses finalités, mais de le fuir, ou du moins de le condenser au maximum : on retrouve là encore l’ob­session de la productivité, censée libérer l’homme du labeur harassant. Il est donc curieux que des écologistes s’en saisissent : difficile de voir, avec une telle image du tra­vail, comment lutter contre l’industrialisation de l’agriculture, par exemple, et son corollaire de machinisme, d’augmentation d’intrants, de traitements chimiques, etc. De ce point de vue-là, le revenu garanti, en occultant l’origine de l’augmentation de la productivité, qui lui est logiquement indispensable, dénote un imaginaire directement issu des trente glorieuses et aussi peu armé pour participer à l’organisation d’une société aux besoins limités que pour affronter la raréfaction en cours des ressources énergétiques non-renouvelables de la planète. Le revenu garanti semble formuler la question « écolo­gique » en des termes « individuels » : il pose la question de la production au niveau de l’individu, pas à celui de la société, et paraît entériner les mécanismes massifs de privatisation à l’oeuvre depuis au moins un demi-siècle. Est-ce si étonnant qu’avec de tels présuppo­sés, il rencontre un tel succès dans des milieux politiques que tout semble opposer ?

L’exposé est interrompu par une intervention : cet argumentaire basé sur la question de la productivité re­prend le discours malthusien de la rareté alors que nous vivons dans une société d’abondance : nous avons lar­gement de quoi, aujourd’hui, subvenir aux besoins de toutes les populations mondiales. Sans dé­fendre le revenu garanti, nos sociétés actuelles ont des moyens énormes qui le rendent réalisable. Et le parasi­tisme n’est en rien celui d’ « oisifs », mais bien celui des oligarques.

Il est répondu que le discours de la rareté est celui de l’idéologie dominante : créer de nouveaux besoins, produire de plus en plus et réserver le travail à certains et pas à d’autres. Ce que propose le revenu garanti s’y inscrit en plein et avalise cette approche, sans jamais poser la question de l’abondance ou de la rareté. De plus, il ne re­met pas en cause l’imaginaire capitaliste de l’illimité, de l’accumulation, de la consommation ou de la hiérarchie des revenus, puisque le salaire reste cumulable avec le revenu de base ! Le concept de rareté est de nos jours très présent moins dans l’imaginaire collectif ( ecologisme, dessein de pénurie de carburant .. ;) et dans la pratique spéculative des marchés financiers ( intérêt particulier au produit rare et en voie de disparition des traders des places boursières). Cette logique de pénurie et de rareté correspond à une démarche de « contraction » des moyens de production. La démarche aujourd’hui dans l’imaginaire est une logique de faire travailler de moins en moins de gens mais beaucoup plus en terme de temps et de productivité. Le surtravail ( que Marx a décrit mais que les marxistes ne veulent pas voir) engendre une tranche de la population qui travaille en lieu et place des autres, Un système de revenu garanti ne répond pas à ce point et risque de l’aggraver. Il admet la possibilité de l’abondance, qui risque d’augmenter le sur travail et qui va à l’encontre de l’idée même de la décroissance et de l’autodétermination des besoins.

Il est également souligné que le principe du revenu garanti tend à évacuer la dimension collective : ainsi ce serait à chacun « individuellement » de décider. Il y a, là encore, comme un refus de l’institution explicite impliquant délibération et décision commune quant à l’orientation de la société : c’est bien la privatisation des pro­blèmes sociaux. De ce point de vue-là, la revendication de l’égalité des revenus ne peut qu’impliquer un change­ment radical.

Une question est posée : concrètement, comment se passerait l’égalité des revenus ? Par exemple un paysan veut vendre ses produits sur le marché, pour faire des profits : l’en empêche-t-on ? Comment faire pour contrer les tendances à l’accumulation ?

Il est répondu que l’égalité des revenus ne peut avoir de sens que dans le cadre d’une autre société, ce qui présuppose que les gens veuillent cette égalité. On ne peut pas transposer des cas contemporains comme ce cas-là. Et il ne peut s’agir d’imposer ce genre de mesure : son sens est d’ailleurs culturel ou anthropologique et non économique. Il s’agit justement de sortir de l’économisme, de faire en sorte que l’argent ne soit plus le seul étalon de mesure.

A partir de là, d’autres problèmes se posent : Une critique est formulée : cette question fait bien apparaître le grand défaut de l’approche présenté aussi bien dans le tract sur l’égalité des revenus que dans l’exposé : le lien n’est pas fait entre l’égalité des revenus et toutes les transformations qu’elle implique. Le mot d’ordre est parachuté et il ne faut pas s’étonner du peu de réactions qu’il a suscité. Il faudrait être beaucoup plus explicite là-dessus et montrer en quoi il est indissociable d’une re­mise en cause fondamentale de la société actuelle. Tel quel, on dirait juste une utopie en plus. Et dans ce cas, pourquoi ne pas demander l’abolition de l’argent ?

La critique est à la fois partagée et nuancée : le tract est entièrement critiquable et c’est vrai qu’il a été écrit rapidement. Cependant, il comporte également un encadré précisant le projet global du groupe. Et puis, un des avantage de ce slogan n’est-il pas aussi de faire réfléchir, justement, à ses implications, plutôt que de proposer une analyse clefs en main ? Le danger est évidemment qu’il apparaisse comme irrecevable et c’est un peu le cas... Ce qui n’empêche pas qu’approfondir la question et rendre le projet un peu plus explicite est un énorme chantier à ouvrir. Quant à l’abolition de l’argent, c’est vieux fantasme libertaire : pourquoi ne pas également sup­primer le langage ? Plutôt que d’invoquer abstraitement les choses dont on parle, il suffirait de transposer les choses mêmes : faire venir ici dans la salle une maison, un pays, etc. ! La monnaie a la même fonction : pouvoir échanger des choses sans les transbahuter... Ce n’est pas ça le problème : ce n’est pas l’existence de l’argent qui implique l’accumulation. On parle ici du rapport qu’on entretien avec lui.

3 – Exposé sur le mouvement social d’octobre 2010

J’ai d’abord relevé l’existence d’une sorte de « sentiment » envers la situation sociale que vivent les Français, ce sentiment tout en restant vague nous dit ,à travers l’impopularité de la réforme des retraites et le nombre massif de manifestants, que le français ressent qu’une époque est révolue et exprime son malaise par rapport à la société dans la quelle il vit. A côté de ce sentiment social il existe un « mouvement » informe et mou où trois formes d’actions se sont distingués

1- Les actions syndicales stériles et politiciennes. Qui ont pu balader les manifestant et charcuter les actions de gréves afin d’éviter toute paralysie du système. 

2- Les actions de certaines corporations comme les raffineries, les déchetteries ou les techniciens anesthésistes Les demandes sont spécifiques et antérieures à la réforme. Elles ont été exposées au devant de la scène par les média et les syndicats. Certaines fractions se prétendant extrêmes ont essayé de se greffer sur ces actions. L’issue des actions de blocage a révélé tout le décalage qui existe entre le spécifique de la revendication des travailleurs et l’aspect délirant activiste de ces fractions d’extrême gauche. 

3- Une tentative de sortie du sillon syndical classique par l’organisation de plusieurs AG inter-pro. Cette tentative s’est heurté à un isolement criard par rapport au lieux de travail et à un angélisme morbide des participants. La résultante a été l’apparition d’une tribune mimant en mode masqué et non assumé la bureaucratie qu’elle décrie. 

Un point n’a pas été abordé, et pourtant très sensible : ce mouvement s’inscrit dans la continuité des précé­dent, et à ce titre en a reproduit les schéma qui deviennent ultra-classiques, et il semble que chacun en prenne conscience, syndicalistes, militants, mais aussi gouvernement et média. L’aspect répétitif devient évident, ce qui explique en partie l’absence de réelle combativité hors-cadre – c’est très sensible chez les étudiants, par exemple, mais chez les profs aussi, sans parler des militants non-encartés ou des secteurs d’habitude plus prompt à la grève, et l’issue catastrophique de la lutte. Cette lucidité peut être à double tranchant : pour l’instant elle mène plutôt à la dépression généralisée, mais c’est aussi, peut-être, le début d’une prise de conscience des impasses de ce « mouvementisme » aveugle, à la fois salubre et très primaire, d’où se dégagera d’autres perspectives à venir. De ce point de vue, ce mouvement un peu surfait pourrait constituer un point de rupture qui marquera un commencement... Vers quoi ?

Il est reproché à l’analyse présentée de ne pas entrevoir dans le mouvement autre chose que ce comme quoi il se présente : il y aurait un travail à faire pour déceler dans les luttes qui ont eu lieu des signes d’une volonté d’autonomie de la part des gens.

Le problème se pose, mais la question est également de ne pas s’aveugler : ce mouvement est en grande par­tie une réaction d’enfants gâtés : l’opposition de toute la gauche à la réforme des retraites est basée sur une croissance à venir de 2 %, qui n’est vraisemblablement ni possible, ni souhaitable.

En même temps une chose a été beaucoup entendue et répétée, c’est que ce mouvement a été une opposition franche à l’oligarchie et surtout à ses abus, symbolisés par la figure du président de la République et d’Eric Woerth, le ministre du Budget empêtrée dans la corruption.

Mais au-delà de cette dénonciation sans avenir, qu’en est-il de la posture des manifestants et grévistes ? Veulent-ils autre chose que de changer de dirigeants ? Peu de signes militant en ce sens. Pour parler de la réalité quotidienne, certains comportements poussent plutôt au pessimisme : par exemple en banlieue (pas à Paris), lorsqu’un bus vide vient prendre son service, les gens s’engouffrent littéralement pour occuper les places assises, et principalement les jeunes hommes, qui, visiblement ne voient pas de problème à voyager ainsi devant des gens âgés, ou fragiles, qui restent debout. Ce n’est qu’un exemple anecdotique, mais qui signifie quand même une certaine ambiance sociale spontanée... C’est une chose particulièrement nouvelle, et circonscrite à certains milieux, mais il reste à trouver des attitudes opposées qui, pour l’instant, on plutôt tendance à être des reliques du passé qui se raréfient...

Le débat est interrompu par l’arrivée d’un groupe d’une dizaine de personnes sortant de l’AG interprofessionnelle qui vient de se terminer à la Bourse du travail, en face du café. Entendant nos conversations, ils demandent à intégrer les débats.

Ils se présentent par une série de harangues plus ou moins inspirées, appelant, qui au renversement de la République actuelle, qui à l’unité dans la lutte de tous les salariés, qui à une poursuite du combat social qui n’est pas terminé, qui à l’organisation commune ici et maintenant, etc.

Quatre membres de notre groupe s’étant rendus à plusieurs reprises dans cette AG, il leur est répondu successivement :

  • que ces assemblées générales ne sont composées que de militants gauchistes, néophytes ou encartés, sans lien véritable avec le reste de la population, totalement absente des débats. Cette situation tend à constituer un petit milieu aux bavardages convenus sans grand effet ni sur la situation sociale ni sur la vie des idées.
  • que ces assemblées adoptent un discours très particulier qui se reflète dans l’organisation même des réunions, tel que le décrit notre tract Pour des AG autonomes. Dans ces conditions, l’émergence de paroles vraies est plus qu’improbable.
  • que les discours ici entendus reposent sur les postulats que les gens présents ici ne partagent pas, et qu’il faudrait discuter.

Trois sont particulièrement manifestes : le premier serait que la mobilisation ne serait qu’une question d’information, alors que les gens savent très bien ce qui se passe et ce qu’il est possible de faire : le cy­nisme massif de notre époque est une des marque de cette lucidité qui se veut inconséquente. La question est bien plus problématique que le gauchisme banal ne le pose. Le second est d’ordre anthropologique : les valeureux membres de l’AG sont restés sur des schémas sociaux questionnables : nous voyons bien où sont les bourgeois… mais où sont passés les ouvriers en casquette ? Il existe toujours des exploités, mais s’identifient-ils à un groupe social fortement identifié par ses valeurs (la « classe ouvrière ») ? Le dernier postulat serait qu’il suf­firait d’être de plus en plus nombreux pour parvenir à nos fins. Mais quelles sont-elles ? Quelles sont les perspectives d’un mouvement social qui dépasserait les stades déjà connus – retrait de la réforme ou épuisement des luttes ? Ces questions ne sont jamais posées.

Deux personnes ne se sentant appartenir à aucun des deux groupes qui se rencontrent ce soir soulignent les différences de niveau de langage, mobilisateur vs. réflexif, et d’approche, enthousiaste pour les uns, intellectuel pour les autres.

Il est répondu que les différences peuvent aussi être abordée en fonction des perspectives de chacun : s’en­ivrer dans une dynamique éphémère ou construire sur la durée ? Pour ceux qui n’en sont pas à leur première mobilisation et qui ont participé aux mouvements de décembre 1995, de l’hiver 97 – 98, de juin 2003, contre le CPE de 2006, contre la LRU en 2007 et ces dernières mobilisations de la rentrée, un constat s’impose : la répétition est, telle quelle, sans issue, et l’enthousiasme n’est que passager. Regarder plus loin impose de tirer des leçons non seulement de ces expériences récentes, mais également du XXe siècle. Deux évidence s’imposent alors au militant : d’abord que le projet révolutionnaire a été une catastrophe, qu’il lait été mené par les staliniens, les trotskystes, les maoïstes, etc. Lorsqu’il a échoué, il a provoqué des massacres, et lorsqu’il a réussi, il a fait bien pire : c’est l’URSS, ou Pol Pot. La population ne peut qu’ignorer instinctivement tous les discours qui refusent de regarder cette pénible réalité en face. Ensuite, il faut constater que les populations, non seulement occidentales mais mondiales, cherchent, adhèrent et défendent le type de société dans laquelle nous vivons. Il ne s’agit pas alors de chercher l’étincelle militante ou rhétorique qui mettra le feu à toute la plaine prête à s’embraser. Il y aurait plutôt à reposer à plat toute l’analyse militante qui veut décrire ce monde comme totalement pourri et prêt à s’écrouler : elle ne rencontre actuellement que l’assentiment de forces dont nous gagnerions à nous méfier.

La réunion est interrompue par la fermeture du bar, et des discussions informelles mais sans suite se sont poursuivies à l’extérieur.


Commentaires

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Compte-rendu de la réunion publique du 10 novembre 2009
jeudi 17 février 2011 à 20h35 - par  sam

salut

Tout en étant pour l’égalité revenues je me demande comment le réaliser pour certains secteurs : paysans les petits commerçants et autres activités qui ne dépendent pas du secteur public (comme l’artisanat, la production artistique....)

Compte-rendu de la réunion publique du 10 novembre 2009
mercredi 16 février 2011 à 11h05

Salut, camarades !

Nous vous avons laissés en de bonnes mains, lorsque nous vous avons quittés, mercredi soir et j’espère que vous en avez tiré le plus grand profit...

Je dois dire que j’ai été assez déçu par la discussion, surtout celle qui a porté sur l’idée de l’égalité des revenus. Elle a souffert du même défaut que le tract sur le même sujet, à savoir que cette idée n’était pas explicitement reliée à l’hypothèse qui la sous-tend nécessairement, celle d’une révolution débouchant sur une société autonome. Lorsque L. a passé en revue les différentes justifications avancées par la société actuelle pour justifier l’inégalité des rémunérations et s’est efforcé de montrer leur inconsistance, il aurait sans doute dû aboutir à la conclusion qui s’impose : qu’elle n’a d’autre “justification” que l’exploitation, comme disait Castoriadis, ou plus profondément, si je puis me permettre, la domination. De ce fait, l’égalité des revenus est nécessairement liée à l’abolition de l’exploitation. Cela clarifié, la discussion aurait peut-être évité de soulever toutes sortes de cas particuliers qui font problème essentiellement dans le contexte de la société actuelle.

Concernant la question de la rareté, je n’ai pas été clair lorsque j’ai qualifié la société capitaliste développée de ‘société d’abondance’ et T. a eu raison de souligner la prégnance que conserve aujourd’hui la notion de rareté. J’aurais dû préciser que ce qui avait été dépassé par le développement du capitalisme au Xxème S. c’est la rareté au sens où l’entendaient les économistes classiques et, par exemple, Malthus c’est-à-dire une rareté objective, fatale, notamment s’agissant des denrées alimentaires. Aujourd’hui, nous avons – pas tout le monde, évidemment – pris conscience de la finitude des ressources ; mais cette finitude n’est rareté que pour un état donné de la technique et des rapports sociaux. Aussi peut-on dire, je crois, que nous vivons dans une situation d’abondance potentielle – et c’était d’ailleurs ainsi que l’entendait (plus ou moins explicitement) Bookchin qui a été l’un des premiers parmi les penseurs révolutionnaires à prendre conscience du monstrueux gaspillage de l’ “abondance” capitaliste et notamment de la destruction du milieu et des ressources naturelles résultant de l’organisation sociale et de l’idéologie capitalistes. Cette finitude des ressources ne menace pas les gens de famine ni même de misère – et même dans le Tiers Monde, la responsabilité des structures capitalistes et pré-capitalistes est centrale dans ces calamités. Il me paraît clair qu’une consommation sobre et soucieuse de la préservation et du renouvellement des ressources signifierait, si elle était également distribuée, une “aisance” qui n’aurait pas grand chose à voir avec le strict maintien de la vie – et cela, j’en suis persuadé, même pour des populations aujourd’hui “en voie de développement”.

Sur le “mouvement” récent, l’analyse qu’en a faite T. m’a paru assez juste, bien qu’un peu trop catégorique dans le bilan qu’il en a dressé en conclusion. Pour ma part, je ne saurais le formuler en termes de victoire (évidemment pas) ni de défaite : c’est un mouvement ambigu, dont les motivations se situent, je crois, à des niveaux différents – superficiel, s’agissant de la tentative de faire reculer le gouvernement, objectif auquel bien des participants ne croyaient qu’à moitié -, assez profond s’agissant de l’indignation face au régime politique et aux abus de l’oligarchie. Aussi se pourrait-il bien que cette indignation ressurgisse un de ces jours. Je me demande si, parmi les participants (autres que ceux qui ont si facilement le mot de révolution à la bouche) beaucoup n’ont pas reculé, effrayés par l’énormité de ce que cette indignation mettait en jeu... Cela dit, je ne suis pas d’accord avec K. pour réduire les mouvements qui se succèdent en France depuis quinze ou vingt ans à une sorte de dispositif de régulation du capitalisme français. On pouvait en dire autant de la bonne vieille lute de classe – et même (c’était la thèse de S ou B) qu’elle avait obligé le capitalisme à se transformer pour survivre. Seulement S ou B s’attachait aussi à détecter dans chaque manifestation singulière de cette lutte de classe ce qui pouvait aller dans le sens de l’autonomie, de l’égalité, etc. Et je crois que la tâche d’un groupe révolutionnaire reste celle-là, au delà de la nécessaire démystification. Pour terminer par le coup de pied de l’âne, j’ai parfois l’impression que, outre l’idée essentielle de l’autonomie, vous ( ou peut-être surtout K. – dépressif ?) vous reprenez, paradoxalement, des idées de CC surtout celles qui l’ont convaincu de mettre un terme à la revue et au groupe, notamment celle de la “privatisation” et celles, développées plus tard, du conformisme généralisé ou de la montée de l’insignifiance – thèmes qui, selon moi, sont plus descriptifs qu’analytiques et qui dénotent, sauf le respect que je dois à mon cher CC, une sorte de dépit amoureux à l’égard de la société moderne qui n’a pas tenu ses promesses...

Très cordialement à vous,

D.

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