La responsabilité sociale des scientifiques

J. Testard
dimanche 9 janvier 2011
par  LieuxCommuns

Version non censurée du texte de l’Encyclopaedia universalis, 2008 (les passages supprimés par l’éditeur sont entre crochets [] )

Source : http://jacques.testart.free.fr/inde...

La responsabilité de la science et de ses acteurs au regard de la société ne serait pas un problème crucial si la science avait un impact modéré sur la vie des hommes et sur la planète – ce qui n’est plus le cas depuis au moins un demi-siècle - et si, d’autre part, la science n’était pas une activité sacralisée échappant au regard critique de la démocratie - ce qui est le cas depuis au moins les Lumières. C’est pourquoi cet article évitera de faire dans l’apologie pour se focaliser sur les carences du système scientifique, ce qui bien sûr ne doit pas donner à croire que la science est mauvaise par essence ou qu’elle n’apporte aucun bienfait à l’humanité.

La science : une activité sous influence

Pierre Thuillier (Les biologistes vont-ils prendre le pouvoir ? Ed Complexe, 1981) souligne que, contrairement à une croyance bien ancrée, la science n’est pas une activité complètement objective et Jean-Marc Lévy-Leblond (La vitesse de l’ombre, Le Seuil, 2006) propose « une des seules définitions raisonnables de la science, due à Bertolt Brecht : il y aurait beaucoup d’avantages à décrire la science comme l’effort permanent pour mettre en évidence le caractère non scientifique des affirmations scientifiques » ?

Bien qu’ils s’en défendent, nombre de chercheurs mais aussi d’hommes politiques et de médiateurs, cèdent à cette vision religieuse et hégémonique de la science qu’on a nommée « scientisme » et que certains exégètes ont exprimée sans pudeur. Par exemple Ernest Renan (l’Avenir de la science, 1890) : « la science seule peut fournir à l’homme les vérités vitales sans lesquelles la vie ne serait pas supportable ni la société possible » ou encore : « La science étant un des éléments vrais de l’Humanité, elle est indépendante de toute forme sociale, et éternelle comme la nature humaine ». A la même époque, Marcellin Berthelot, chimiste et homme politique, affirmait que la science « réclame aujourd’hui, à la fois, la direction matérielle, la direction intellectuelle et la direction morale des sociétés ». Plus proche de nous, Jacques Monod, prix Nobel et pionnier et la biologie moléculaire explique ce qu’est « le plus profond message de la science : la définition d’une nouvelle et unique source de vérité, l’exigence d’une révision totale des fondements de l’éthique » (Le hasard et la nécessité : essai sur la philosophie naturelle de la biologie moléculaire, Le Seuil, 1970). Cette conception est assumée par exemple par le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux ancien président du Comité national d’éthique quand il revendique des « fondements naturels de l’éthique » et reste largement partagée même si de tels discours sont plus difficilement recevables aujourd’hui. Il reste que la science a toujours constitué un pouvoir, au moins potentiel, en Occident et que les persécutions de savants furent nombreuses dans l’histoire, les figures de Giordano Bruno ou Galilée étant emblématiques. Si la religion catholique s ‘est distinguée dans cette chasse aux sorcières, l’histoire du lyssenkisme et de la pseudo hérédité des caractères acquis, en URSS, montre que les religions ne sont pas les seuls pouvoirs qui revendiquent le contrôle de la science et de ses productions. En fait, toute puissance instituée cherche soit à nier soit à instrumentaliser la science, tant celle-ci influence la vie spirituelle et matérielle des citoyens. Il en va ainsi du « socialisme scientifique » autant que des « commissions scientifiques » dont s’affublent des partis politiques.

Par ailleurs, des perturbations graves de la nature induites par le développement des activités humaines, c’est à dire par l’utilisation de la science, sont désormais évidentes. Elles s’ajoutent aux divers risques pour la santé humaine récemment apparus et à des atteintes inédites aux normes culturelles et sociales , suite à l’artificialisation du vivant. Ces éléments inquiétants interdisent désormais de faire l’autruche en renvoyant les « alarmistes » à des affirmations rassurantes mais gratuites comme le fameux« la science trouve toujours le moyen de réparer ses erreurs » [lancé par Jean Bernard, premier président du Comité national d’éthique]. En réalité, la responsabilité des chercheurs devant l’avenir est incomparablement supérieure à celle des agents d’application du progrès que sont les médecins ou ingénieurs car c’est dans les laboratoires de recherche que se prépare le futur. C’est le sens du Manifeste « Maîtriser la science » publié il y a 20 ans par 17 chercheurs de toutes disciplines (Le Monde,19 mars 1988, voir encadré). L’éventualité d‘effets irréversibles fait que, pour la première fois, on peut défendre que les choix éthiques soient opérés en amont des innovations plutôt qu’au moment de leur utilisation. Mais un tel jugement sur les projets des laboratoires ne serait toléré par les « savants » que s’ils accédaient à la modestie plutôt que se réfugier derrière l’affirmation que « la recherche a sa logique propre » . Si cela était vrai, il faudrait s’en inquiéter davantage encore car on ne voit pas pourquoi une telle logique propre de la machine scientifique agirait naturellement pour le bien commun !

Qui est responsable ? Et de quoi ?

Le modèle scientifique créé au XX° siècle impliquait un lien étroit entre recherche publique d’Etat, investigations à visée cognitive et contributions au progrès économique et social, grâce à la mise à disposition des connaissances.. Depuis vingt ans, ce modèle a été ébranlé par la multiplication des contrats industriels, par la création de véritables marchés scientifiques (brevets, entreprises “ innovantes ”), par l’intrication de plus en plus étroite avec les industriels et les militaires. C’est ainsi que la science contemporaine, souvent désignée comme « technoscience » a impulsé une nouvelle condition pour la recherche elle-même et pour le métier de chercheur. Il n’y a plus de savant isolé dans sa tour d’ivoire mais des équipes, souvent multidisciplinaires, en compétition féroce avec d’autres équipes. La principale collaboration assumée entre les scientifiques internationaux consiste à faire valoir une déontologie commune et à évaluer les nouveaux apports pour retenir ceux qui méritent publication. Mais cette évaluation par les pairs ne prend jamais en compte la responsabilité engagée par certaines voies scientifiques. Si bien que, pour des raisons différentes, le scientifique ou son institution négligent ce que le public croît être la responsabilité de la machine à chercher. Du moins est-il exceptionnel que l’inquiétude éthique s’empare du monde de la recherche au-delà des préoccupations légales ou pénales.

Les risques nouveaux, qui résultent en particulier de la recherche sur le noyau de la matière (physique nucléaire) ou le noyau de la cellule vivante (génétique) ont amené le philosophe allemand Hans Jonas à s’interroger (Le principe responsabilité, Ed. du Cerf, 1990) : « La terre nouvelle de la pratique collective, dans laquelle nous sommes entrés avec la technologie de pointe, est encore une terre vierge de la théorie éthique... Qu’est-ce qui peut servir de boussole ? L’anticipation de la menace elle-même ! » et il propose une « heuristique de la peur » en précisant que « seule la prévision de la déformation de l’homme nous fournit le concept de l’homme qui permet de nous en prémunir. . Prévoyant que la critique lui reprocherait de céder à une peur pathologique interdisant toute action, Jonas précise : « La peur qui fait essentiellement partie de la responsabilité n’est pas celle qui déconseille d’agir, mais celle qui invite à agir ; cette peur que nous visons est la peur pour l’objet de la responsabilité ». Il anticipait par là ce qu’on nommerait une décennie plus tard « principe de précaution » lequel n’a rien à voir avec le refus pétrifié de toute nouvelle technologie. Pourtant, la mise en place du principe juridique de précaution a évincé le principe moral de responsabilité dont il n’est qu’une figure gestionnaire . C’est pourquoi Hans Jonas admettait parmi les solutions éthiques l’abandon pur et simple d’un projet, alors que la précaution actuelle conduit plutôt à le différer ou seulement à en aménager les conditions d’usage.C’est que, à supposer qu’une innovation technologique se trouve exonérée de tout risque potentiel selon le principe de précaution, ce verdict ne peut suffire pour justifier son usage en pleine responsabilité, en particulier au regard de l’éthique ou du développement durable, ce qui exige d’autres préoccupations : quels effets sur le développement ? la nature ? l’équité sociale ? les droits de l’homme ? l’emploi ? la solidarité régionale ? les relations nord-sud ? etc ... Les nouvelles valeurs de la mondialisation économique (compétitivité, libre-échange, investissement, productivisme, progrès technologique ) sont incompatibles avec le principe de précaution , et peinent à assumer le principe de précaution comme l’a montré la réticence du milieu scientifique pour l’introduire dans la Constitution .

Paul Ricoeur estime que « l’impératif « nouveau » de responsabilité formulé par Hans Jonas ne se substitue pas à l’idée classique de responsabilité au sens d’imputation mais, en la précisant et en l’enrichissant, la porte à la rencontre des mutations de l’agir humain à l’âge de la technologie. » (in : Le temps de la responsabilité, collectif dirigé par Frédéric Lenoir, Ed Fayard,1990). Juriste et philosophe, Bernard Edelman , se montre encore plus inquiet, si ce n’est désabusé, que Hans Jonas quand il lance ( Restons sauvages ! in La responsabilité, collectif dirigé par Monette Vacquin, Ed Autrement, 1994) : « Mais que peut vraiment la raison dans la situation tragique que nous vivons ? Que peut-elle nous inciter à dire , ou à faire ?, alors que la tragédie est précisément le drame de la raison, le drame où sombre la raison ? » Alors poursuit Edelman il ne reste pour s’opposer à « l’intellectualisation radicale du monde » que « l’archaïsme » et « la sauvagerie » car « le jour où l’homme apprivoisera l’homme, où il le modélisera selon un projet de « vérité technologique », la catastrophe sera arrivée. Et c’est un autre philosophe, Jean-Pierre Dupuy (Pour un catastrophisme éclairé, Le Seuil, 2003) , qui invite à une pédagogie de la catastrophe en démontrant que même si nous savons que ce développement nous mène au désastre, « nous le savons mais nous n’y croyons pas » ! Pourtant, et de façon surprenante, pour les institutions de recherche la responsabilité du chercheur se réduit essentiellement aux « bonnes pratiques » : éviter les accidents de laboratoires (produits dangereux, contaminations,...), respecter la déontologie (observer la réglementation sur la recherche animale, ne pas frauder,...), « produire » des résultats en quantité et qualité définies par des normes ( nombre d’articles publiés dans des revues plus ou moins honorées), ces normes étant les éléments de l’évaluation supposée objective des chercheurs. Les grandes institutions de recherche (cnrs, inserm,...) ont créé en leur sein des comités d’éthique et de contrôle chargés de veiller à ces obligations des chercheurs . Mais il n’entre pas dans les préoccupations de tels comités de s’interroger sur les conséquences des recherches sur la société. De plus, ces comités sont principalement constitués de personnes qui partagent une conception valorisante et peu critique du rôle de la science dans la société . La recherche scientifique occupe aujourd’hui des armées de spécialistes qui savent chacun beaucoup dans leur domaine très étroit, de plus en plus pointu,et qui diffèrent largement du savant, sûrement un peu mythifié, des siècles précédents. Ces scientifiques appartiennent à des organismes structurés et hiérarchisés qui orientent les thèmes de recherche selon des choix prioritaires. D’où deux conséquences pour le chercheur : sa liberté n’est que relative puisqu’il œuvre dans des sentiers balisés et sa responsabilité semble dégagée puisque les options sont décidées en haut de l’appareil. Le collectif des scientifiques (les institutions de recherche, les directions thématiques,...) semble peu pertinent pour assumer la responsabilité des travaux, les responsabilités étant définies et mesurées par les règlements si bien que chacun peut s’honorer de respecter la loi même si c’est en négligeant la morale. Peut-être le chercheur moderne est-il moins préoccupé d’éthique que pourrait l’être un « savant » isolé car un collectif se soucie de problèmes ponctuels plutôt que de leur sommation et aussi parce qu’on identifie difficilement le comptable de l’acte quand de nombreux acteurs y contribuent . Comment en effet identifier un responsable dans cette construction ? Comment ne pas voir que cette construction conduit à faire moins évidente à chacun ses responsabilités ? C’est ainsi que Jean-Marc Lévy-Leblond remarque que « l’ampleur quasi industrielle de nombreux domaines actuels de la recherche scientifique réduit la plupart de ceux qui y participent à un rang subordonné, où leur liberté de choix et leur responsabilité personnelle sont des plus réduites(...)mais, cette perte d’autonomie laisse le champ libre aux décisions prises par les « patrons » de l’institution scientifique (...). Leur responsabilité particulière dans l’orientation des recherches scientifiques engage en fait la responsabilité collective de l’ensemble des chercheurs qui, en général, ratifient de façon passive les choix faits en leur nom ».(L’esprit de sel, Le Seuil , 1984). Dans le même ouvrage il poursuit : « Le fonctionnement désormais machinique de tout système sociotechnique, tel l’électronucléaire, entraîne la dissolution de toute notion de responsabilité (...) chacun peut s’abriter derrière un ordre ou une incitation venus de plus haut, ou d’à côté ». A l’époque de la recherche « artisanale »qui précédait la mise en institution de la science, la société aurait pu s’interroger sur le comportement de tel savant. Ainsi de Louis Pasteur écrivant à l’empereur du Brésil le 22 septembre 1884 pour lui proposer d’utiliser des condamnés à mort dans une expérience sur la rage...L’impunité d’une telle attitude montre que la société était déjà disposée à concéder beaucoup à la science salvatrice...

La fiction ou l’actualité abordent volontiers le thème de la responsabilité des chercheurs mais c’est presque toujours pour s’inquiéter du « savant fou », démoniaque et malfaisant, obsédé par des projets pervers et déshumanisants. Ce personnage de BD cache la forêt des laboratoires où se mènent des travaux autorisés, encouragés, parfois avec des conséquences sociétales majeures, mais sans que nul citoyen n’ai été consulté ou même informé. Le savant fou, bien commode pour capter l’attention des inquiets vers des dérives fictives, n’existe pas. Ce n’est pas que des individus pathologiques ne puissent devenir acteurs de la recherche, comme il existe des pédophiles ou des tueurs en série hors des laboratoires, c’est que ce personnage ne pourrait pas nuire sérieusement. Il serait vite inactivé par ses collègues au nom de l’intérêt du groupe car la recherche est une affaire collective et que les chercheurs veillent à conserver leur bonne conscience. Celle-ci leur permet , en toute bonne foi, de se tenir à l’écart d’éventuelles responsabilités en se retranchant derrière des platitudes et contre vérités comme « le rôle des scientifiques est de chercher, c’est à la société de savoir ce qu’elle veut faire de nos découvertes » ou « la connaissance ne peut pas être mauvaise, seul l’usage qu’on en fait... ». L’historien des sciences Jean-Jacques Salomon montre, dans son dernier ouvrage (Les scientifiques entre pouvoir et savoir, Ed Albin Michel, 2006) les rôles nouveaux joués par les scientifiques, tour à tour « chercheurs, gestionnaires, industriels, commerçants, consultants, gourous, experts, stratèges, guerriers, espions, mercenaires ou trafiquants,... » Il pense que cette dépendance croissante à l’égard des intérêts militaires et mercantiles induit le « clivage de la personnalité du scientifique, qui revient à prétendre que sa main gauche ignore ce que fait sa main droite » et il affirme que se crée ainsi une « communauté du déni », ce modèle de la dénégation impliquant des « comportements simultanément voués, délibérément ou inconsciemment, à des conséquences contradictoires, dont les protagonistes n’entendent pas assumer la responsabilité soit en masquant ou se cachant la leur, soit en la reportant sur les autres ».

Chercheurs complices

La multiplication des dérives déontologiques dans le comportement des chercheurs accompagne l’augmentation de leurs effectifs autant que la compétition intense à laquelle ils doivent se livrer, et la médiatisation qui les sollicite avec un certain succès. On ne peut plus ignorer que la fraude sur les résultats ou la compromission à l’occasion d’expertises sont des faits réels mais le public n’imagine pas l’ampleur de ces perversions. Dans un sondage mené au sein des Instituts de la santé états-uniens (NIH), il apparaît qu’un tiers des 3000 chercheurs ayant répondu reconnaissent quelque écart avec la déontologie (Nature, 9 juin 2005). Ces écarts vont de l’ « emprunt » d’une idée à un collègue ou de l’utilisation de données confidentielles sans autorisation jusqu’à la falsification délibérée de résultats. Parmi les cas récents de fraude, celui du Coréen Hwang Woo-Suk est spectaculaire puisqu’il s’est avéré que ses succès dans le clonage humain était inventés. Ce chercheur est bien sûr indéfendable mais plutôt que seulement lui jeter la pierre il aurait été bon que les institutions scientifiques, les médias, les élus, s’interrogent aussi sur cette fraude exemplaire survenant dans un pays au libéralisme économique exemplaire...Quand le système pousse très fort à la performance et à la compétition, quand le chercheur a l’obligation contractuelle de trouver, comment s’étonner que certains embrassent formellement la célèbre formule « publish or perish ». Voilà « ce qu’il reste de la science quand la technoscience a presque tout mangé ... » avais-je écrit à cette occasion (Le Monde, 4 janvier 2006). Dans un autre registre mais toujours sur le clonage, on apprend que le Britannique Ian Wilmut, cité depuis des années comme le « père de Dolly », premier mammifère cloné en 1997, a reconnu devant un tribunal, en mars 2006, qu’il n’était pas le principal créateur de la brebis quoique premier signataire de l’article publié alors par Nature... Autre exemple dans le même domaine : le chercheur américain Robert Lanza s’est rendu fameux pour avoir, en 2001, obtenu trois embryons humains clonés, sans que cet « exploit » n’ait pu être confirmé 7 ans plus tard. Mais en 2006 il annonçait dans Nature une avancée importante dans la production de cellules souches embryonnaires, nouvel « exploit » auquel il devait apporter un rectificatif 3 mois plus tard. Entre temps la valeur des actions de sa société ACT avaient quadruplé...Moins spectaculaire mais redoutable pour la fiabilité des connaissances publiées est la « bonification » fréquente des résultats réels pour les rendre plus persuasifs soit en éliminant quelques données contraires à la démonstration, soit en ajoutant quelques données conformes mais inventées afin d’atteindre à la significativité statistique... [Certains sont aussi experts dans la rentabilisation de leurs travaux tel l’ancien président , et toujours membre éminent, de l’Académie des sciences, Etienne-Emile Beaulieu, accusé d’avoir publié quatre fois le même article dans des revues scientifiques différentes (Human Reproduction, Vol 15 , suppl. 1, 2000)...]

Un autre comportement déviant concerne plus particulièrement les chercheurs ayant acquis une notoriété qui les autorise au rôle d’experts auprès des décideurs politiques . On apprend ainsi que, Richard Doll , célèbre épidémiologiste britannique, aurait perçu 1 200 euros par jour pendant un an de la part de la multinationale Monsanto, alors qu’il expertisait les effets de « l’agent orange » fabriqué par cette entreprise... Doll avait également touché 22 000 euros de la part de plusieurs multinationales de la chimie, dont Chemical Manufacturers Association, Dow Chemical et ICI, pour avoir publié une étude assurant l’absence de lien entre le chlorure de vinyle (utilisé dans les matières plastiques) et le cancer (sauf celui du foie).C’est ce même « savant », le plus grand expert en cancérologie, qui estimait à seulement 1 a 3% des cas les causes environnementales du cancer ...une expertise qui a permis de poursuivre les pollutions. A l’occasion de la conférence de Rio sur la protection de l’environnement (1992) , de nombreux scientifiques dont beaucoup de prix Nobel lançaient l’appel d’Heidelberg , lequel affirmait, entre autres litanies scientistes, que « l’utilisation de produits dangereux est nécessaire pour le bien de l’humanité. Il suffit de savoir le maîtriser... ». « Ceux qui sont censés savoir, analyse le sociologue Victor Scardigli (Les sens de la technique, PUF, 1992) apportent le sceau de leur scientificité à l’affirmation de l’importance d’un nouveau champ de recherche (ainsi constitué en enjeu pour la société) ; à la prévision de conséquences éminemment désirables ou inquiétantes (et donc à la nécessité d’une politique volontariste pour hâter leur réalisation ou les contrecarrer) ; à la désignation des acteurs compétents pour mener cette lutte (donc à la consécration de la légitimité de leur stratégie)... » Ce tableau montre bien la responsabilité de quelques scientifiques dans ce qu’on appelle « choix de société ». L’expertise, fut-elle émise par les meilleurs spécialistes, ne possède pas les qualités qu’on accorde usuellement aux attitudes scientifiques, et mieux vaudrait parler de « l’expertise des scientifiques » plutôt que de « l’expertise scientifique ». Il est inconséquent et périlleux de construire le choix politique sur l’expertise scientifique, sans la soumettre préalablement à l’examen des autres modalités de connaissance et de désir. L’éviction des « humanités », entre la machinerie technoscientifique et l’appareil décisionnel, reflète l’hégémonie du discours scientifique, jusqu’à l’usurpation de la science elle-même. Les scientifiques admettent parfois qu’on devrait s’abstenir de mener certaines recherches finalisées comme celles qui visent des technologies militaires, le clonage humain ou la grossesse ectopique (hors du corps féminin),...Mais bien peu résistent à contribuer à une recherche cognitive, dite « fondamentale », au nom d’un savoir sacralisé qu’il faudrait rechercher sans scrupules. Pourtant, fallait-il absolument chercher à connaître le génome du virus de la variole, maladie terrible enfin éradiquée depuis 30 ans ? Ce savoir rend possible la reconstruction du virus et donc le retour d’une épidémie qui tuait chaque année.des centaines de milliers de personnes en Europe il y a 3 siècles. La tranquille assurance de ceux qui veulent ignorer que toute connaissance est exploitable, y compris par des laboratoires mal intentionnés pourrait être criminelle. Dans un autre domaine, faut-il absolument rechercher des gènes humains en relation avec l’intelligence ou l’homosexualité ? Il est possible que le recours intensif aux corrélations statistiques puisse indiquer que ces caractéristiques sont plus ou moins fréquentes selon certains terrains génétiques (ce qui ne signifierait pas qu’il existe un gène responsable). Quelles conséquences pourrait alors avoir la connaissance de ces corrélations, hors de dispositifs autoritaires de sélection ou de ségrégation ? En quoi cette connaissance serait-elle porteuse d’un progrès pour l’humanité ?

Les pays industrialisés donnent aussi une large place aux « savants » pour contribuer à des jugements moraux , en particulier dans des domaines récents d’innovation. Ainsi les élus de la Nation interroge t-il largement les techniciens de l’Assistance médicale à la procréation (AMP) pour recueillir le point de vue de ces gynécologues ou biologistes sur des débats de société : Faut-il recourir à des mères porteuses ? Et alors cette femme pourrait-elle être rémunérée ? A t-on le droit de faire de la recherche sur l’embryon humain ? De concevoir spécifiquement des embryons pour la recherche ? L’AMP est-elle licite pour une personne seule ? Autant de questions pour lesquelles le technicien n’a pas de compétences...même s’il s’empresse de fournir des réponses qui lui conviennent. Une telle attitude de la société pour valoriser le jugement des scientifiques ou praticiens relève de deux illusions gigognes. La première accorde au savoir une vertu morale et la seconde accorde à la technologie la vertu du savoir...

Chercheurs résistants

On ne peut pas accepter la charge sociale de producteur de savoir sans endosser la responsabilité de ce qu’il adviendra de ce savoir, au moins quand les enjeux technologiques sont prédéfinis ou quand il y a déjà controverse sur l’usage à venir des innovations ainsi préparées .Bien sûr, nul ne sait exactement ce qui pourrait advenir d’un nouveau savoir mais c’est aussi cet imprévisible qui oblige le scientifique à la responsabilité. Le moratoire sur le génie génétique décidé à la suite de la conférence d’Asilomar (1975) relevait de la volonté de précaution (ce qui est mieux que rien...) plutôt que d’une interrogation sur le sens et l’issue des recherches. La responsabilité du chercheur ne peut pas se réduire à prétendre assumer les conséquences de ses actes puisqu’il bénéficie d’une couverture par les institutions.Elle consisterait plutôt à solliciter et accepter le jugement par des tiers qui ne soient pas seulement des collègues. Le recours à l’avis d’un comité d’éthique peut correspondre à la recherche d’une couverture, le plus souvent compréhensive, aussi bien qu’à l’ouverture délibérée sur le monde. Une telle ouverture peut aussi passer par une démarche personnelle consistant à interroger des amis ou des personnes de culture pour recueillir leur opinion sur un projet de recherche, et parfois refuser de s’engager dans une voie dont on pressent des conséquences graves pour la société. Cette attitude d’objecteur de certaines recherches, m’avait amené à demander (L’œuf transparent, Ed Flammarion, 1986) un droit à la non recherche qu’on peut bien considérer comme preuve d’une certaine liberté du chercheur. Mais c’est une liberté négative que celle de s’enchaîner soi-même. Il est aussi difficile de l’expliciter auprès des collègues car l’autolimitation du chercheur attire la suspicion de ses pairs jusqu’à le faire considérer comme élément « anti-science »... De plus, quand l’interdit volontaire n’est pas vécu comme une provocation envers la communauté scientifique , il est vite traité d’utopie car , peut-on alors entendre,« si vous ne le faîtes pas, d’autres le feront !... ». C’est avec le même « réalisme » que nombre de praticiens ou chercheurs s’indignent des restrictions bioéthiques pour certains actes car « si on ne le fait pas en France, les gens iront le demander ailleurs... ». Revendiquer un interdit heurte beaucoup d’interdits et trop d’intérêts pour être aisément recevable. Surtout cette attitude révèle violemment le flou éthique confortable dans lequel sont installés les chercheurs, basé sur le postulat que le bien-être des hommes dépend du progrès et donc de l’activité sans entrave des chercheurs.

Les travaux ayant mené à la bombe atomique et à la décision de la lancer sur le Japon marquent le début d’une confrontation entre la pratique scientifique et des enjeux moraux. Comme l’a dit Robert Oppenheimer , maître d’œuvre du projet Manhattan avant d’en être culpabilisé, « les physiciens ont connu le péché ; et cela, c’est une connaissance qu’ils ne peuvent pas perdre ». Bien des scientifiques antérieurs, comme l’eugéniste Alexis Carrel avaient su échapper à un remords équivalent mais, même celui d’Oppenheimer est obscurci par le rôle supérieur qu’il accorde encore à la science. Ainsi écrit-il (cité par JJ Salomon, op cit) qu’il ne faut pas confondre l’acteur avec l’instrument » ou que « la raison pour laquelle nous avons fait ce travail est que ce fut une nécessité organique. Si vous êtes un scientifique vous ne pouvez pas arrêter ce genre de choses »... ou encore : « lorsque vous voyez quelque chose qui est techniquement délicieux (technically sweet) , vous allez de l’avant et vous le faites et vous ne vous demandez ce qu’il faut en faire qu’après avoir obtenu votre succès technique »...comme si le repenti ne parvenait pas à rompre avec cette vieille idée (idéologie) qui place la science au dessus de ses conséquences.

Placés à l’avant-poste du « progrès », les chercheurs en viennent parfois à dénoncer des risques négligés ou camouflés, en particulier pour la santé ou l’environnement . Ces « lanceurs d’alerte » sont presque toujours contrés par ceux qui estiment leurs intérêts ainsi menacés et utilisent alors tous les moyens pour faire taire le gêneur :menaces, harcèlement, mise au placard, licenciement, procès....Pourtant écrivait Hans Jonas « la prophétie de malheur est faite pour éviter qu’elle ne se réalise ; et se gausser ultérieurement d’éventuels sonneurs d’alarme en leur rappelant que le pire ne s’est pas réalisé serait le comble de l’injustice : il se peut que leur impair soit leur mérite »... Le lanceur d’alerte n’est pas un simple plaignant qui revendiquerait pour lui-même, il sert l’intérêt collectif. L’amiante ne tuerait pas 10 personnes par jour si on avait écouté les alertes il y a un siècle !

La période récente a vu la recherche mise en cause pour des productions que beaucoup jugent contraires aux intérêts ou à la dignité de l’humanité (plantes génétiquement modifiées, animaux clonés, nanotechnologies, etc...) une méfiance certaine des populations s’étant développée à partir des catastrophes réalisées ou vraisemblables (changements climatiques, perte de biodiversité, péril atomique, pollutions chimiques,...). Ainsi la question éthique s’est emparée de la recherche et les scientifiques oeuvrant dans des domaines sensibles font souvent le dos rond. Prenant conscience de cette responsabilité qu’on leur attribue , certains se placent dans la transparence et sollicitent des avis ou des contrôles extérieurs, si possible par des commissions compréhensives, mais la plupart continuent de camoufler leurs projets de maîtrise par le noble souci de connaître. A l’occasion d’une enquête du CNRS réalisée sur 2075 chercheurs (IFOP : la responsabilité sociale du scientifique, février 2007) les scientifiques se disent surtout motivés par le désir de savoir (87%) et seulement 32% veulent rendre service à la société. Les motivations égoïstes (carrière, succès, argent, célébrité) dominent pour 42% ce qui montre que les chercheurs sont d’abord des gens normaux...A la question de savoir que faire si une découverte pourrait « poser des problèmes de nature éthique, morale ou politique », la réponse est qu’il devrait en parler à ses collègues (90%) ou s’adresser à un comité d’éthique (85%) à ses supérieurs hiérarchiques (79%) ou à ses proches (61%). Mais 35% des chercheurs pensent qu’il faut décider seul « en conscience » et 49% qu’il ne faut surtout pas alerter les médias.

La « liberté du chercheur » ne peut être que relative. Une telle liberté évoque celle que peut éprouver l’artiste, et c’est alors une référence aux facultés créatrices, laquelle complait à nombre de chercheurs. Mais qu’en est-il ? Tandis qu’il existe une infinité d’attitudes subjectives permettant à l’artiste d’exprimer un sentiment ou une idée, le répertoire des solutions rationnelles dont dispose le chercheur pour résoudre un problème concret est bien étriqué. Les limites à la liberté du chercheur sont alors intrinsèques à sa « bonne pratique », et ces limitations vont croissantes avec la complexification technique qui transforme le chercheur en super ingénieur. Quelle liberté reste t-il au chercheur s’il est de moins en moins artiste ou inventeur, c’est-à-dire maître de sa propre façon de chercher ? Certainement pas celle du territoire de la recherche puisque les pressions économiques et sociales favorisent largement les recherches « publiables » (publish or perish) et/ou utiles. Jean-Marc Lévy- Leblond (Science, pouvoir et démocratie ? Archimède et Léonard, AITEC , 1997) met en question « la liberté de la recherche comme valeur abstraite et absolue : je crois que les problèmes de responsabilité qui se posent à nous exigent de la mettre en cause comme au siècle dernier on a mis en cause , et nous nous en sommes tous bien trouvés, la liberté absolue de propriété ». Il reste que, dans la mesure du possible, les gens de laboratoire profitent de leur ultime liberté, celle de prendre parfois discrètement le chemin des écoliers pour une recherche buissonière, hors des autoroutes de la compétition technoscientifique ... Mais cette évasion demeure limitée par le contrat d’efficacité qu’ils ont souscrit avec l’institution d’une part (sanction des contrats), et par la dimension éthique éventuelle des sujets d’escapade d’autre part. J’ai personnellement éprouvé souvent cette autofrustation quand, au matin, il m’arrivait de porter des jugements sévères sur les protocoles élaborés pendant mon sommeil, et susceptibles de graves dérives éthiques. La schizophrénie n’a qu’un temps et il vient un moment en chacun où le citoyen refuse la place prise par l’ego du chercheur, ou alors c’est le chercheur qui fait taire le citoyen « obscurantiste » qui s’agite en lui (cf. « Jean au four ou Pierre au moulin » in Des hommes probables, J Testart, Ed du Seuil, 1999). Obliger à la responsabilité ?

Dans bien des domaines de recherche , les scientifiques, et les journalistes qui leur font écho, ont placé la barre des miracles imminents si haute que l’actualité les a démenti presque aussitôt. Ainsi pour les applications de la génétique puisque les thérapies géniques n’existent toujours pas et que les plantes transgéniques se montrent rétives à la « maîtrise » qu’on promettait ; ainsi des fameuses cellules souches embryonnaires qui devaient remplacer chaque organe défaillant mais semblent plutôt induire des pathologies cancéreuses ; ainsi de façon plus générale de « la santé pour tous » promise par l’OMS à l’échéance 2000 , période qui correspond plutôt à l’apparition de nouvelles pathologies... On pourrait citer les miracles équivalents attendus vainement de l’industrie nucléaire ou, déjà, des nanotechnologies.Sans conteste les scientifiques , et singulièrement les plus réputés, ont une large part de responsabilité dans ces promesses exagérées dont ils tirent un certain profit (crédits, notoriété,...). Il est étonnant que le public ne leur en tienne jamais rigueur, comme s’il était reconnaissant des rêves de lendemains qui chantent au moins autant que des progrès réels...L’anthropologue Marcel Mauss observait que « la magie a une telle autorité qu’en principe l’expérience contraire n’ébranle pas la croyance ; même les faits défavorables tournent en sa faveur... ». Il n’est donc pas de raison pour que les gourous de la science se fassent prudents ou procèdent régulièrement à une autocritique des promesses. De plus, la formation des scientifiques exclut l’histoire des sciences et l’apprentissage de la réflexion philosophique si bien que les chercheurs ne voient rien d’autre dans leur métier que la contribution au savoir, sans céder à des préoccupations sociales. S’inquiétant de carences déontologiques de plus en plus fréquentes, le Comité national d’éthique (CCNE) a souhaité que les futurs chercheurs soient amenés à une prise de conscience effective, grâce à une réflexion soutenue pendant leurs études. Mais nul ne sait comment organiser cette réflexion pour obtenir l’effet recherché. Rendre obligatoires des séminaires d’éthique dans le cursus universitaire pourrait sans doute alimenter la réflexion par des apports historiques, philosophiques, législatifs,etc...mais cet enrichissement,dont l’intérêt est indéniable, suffirait- il pour moraliser les comportements ? Dans un système où la scolarité puis les études universitaires et enfin les recherches sont officiellement inscrites sous le signe de la compétitivité, il peut être illusoire d’espérer des comportements plus éthiques qui viendraient s’opposer aux chances de gain individuel...Puisqu’on ne doit pas escompter davantage de moralité sacrificielle chez le chercheur que chez n’importe quel professionnel, il faut envisager des procédures de validation et de contrôle extérieures, lesquelles reconnaîtrait la gravité du nouveau métier de chercheur au delà d’un « serment d’éthique du chercheur » que certains sollicitent par analogie avec le serment d’Hippocrate du médecin.Mettre en place la transparence et l’échange en amont même de la recherche, c’est aussi accepter la confrontation avec le mouvement associatif, pour recourir à des dispositifs réellement démocratiques (comme les conférences de citoyens) afin d’évaluer l’intérêt et la pertinence des grandes orientations de la recherche et de certaines applications. Pour cela une protection professionnelle des acteurs de la recherche qui prennent le risque d’être excommuniés en dénonçant publiquement certaines orientations ou pratiques douteuses est nécessaire grâce à un statut du lanceur d’alerte . Mais l’indépendance et l’éthique de l’expertise scientifique passe aussi par la réduction des conflits d’intérêts.

De telles propositions (http://sciencescitoyennes.org ) visent à ce que la recherche soit au service des citoyens du monde, c’est-à-dire que cette activité, comme les autres activités du secteur public, soit mise en démocratie. Pour celà il faut commencer, même si cela déplait à de nombreux collègues, par démystifier le métier et la fonction de la recherche. Le but assigné à l’institution de recherche par les citoyens qui la financent ne peut plus se confondre avec le carriérisme de quelques vainqueurs car c’est la collaboration entre les laboratoires internationaux qui constituerait le meilleur moyen de soulager lesmisères du monde. La recherche publique n’a pas pour but essentiel d’assurer la compétitivité, sous ses formes variées, mais de produire des connaissances et des moyens de jouissance, de développer la culture et l’expertise publique, de favoriser la citoyenneté dans un monde largement soumis à la technoscience.

C’est pourquoi, même s’il est bon de marteler des appels à la responsabilité, même s’il est nécessaire de poser des barrières légales, on ne peut pas se suffire de morale, ni même de police. La gravité potentielle de presque toute activité moderne de recherche devrait imposer une régulation aux institutions et chercheurs afin d’orienter leurs efforts vers d’autres priorités que la compétition entre les nations les plus riches ou les entreprises les plus ambitieuses. Un tel mouvement ne peut arriver que par les citoyens qui doivent auparavant être libérés de l’état hypnotique où les tient le mythe de la science...Il faut permettre au public de penser qu’il n’existe pas d’intérêts propres de la science qui justifieraient qu’on leur aliène les valeurs de la civilisation. Il faut cultiver chez les citoyens l’audace de se prétendre juge de ce que font les laboratoires. Le danger n’est plus celui d’une « science sans conscience » mais d’une technoscience sans contrôle, et ses conséquences, outre la « ruine de l’âme », concernent tout simplement l’anéantissement.


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