Amour, liberté, politique... (1/3)

Peut-on changer une société qu’on hait ?
samedi 12 mars 2011
par  LieuxCommuns

Propos recueillis par Les Renseignements Généreux le vendredi 12 juin 2009 (et complétés ultérieurement)

Texte paru dans la revue « La Traverse » n°2, mars 2011

Première partie - ci-dessous / Seconde partie / Troisième partie


Alexandre, nous étions venus t’interviewer il y a quelques temps sur ton parcours politique (voir ici). Tu as une trentaine d’année, tu vis dans une cité de banlieue au Nord de Paris, où tu travailles pour l’instant dans un collège. Tu te considères plutôt comme un militant politique, cependant très sceptique sur les pratiques militantes actuelles, et proche de la pensée de Cornelius Castoriadis. Nous sommes venus te rencontrer pour parler d’un atelier sur « amour, liberté, politique » que tu animes depuis deux ans à l’université de Paris 8 au sein de « l’UFR-zéro ». De quoi s’agit-il exactement ?

Commençons par l’UFR-zéro. Son point de départ c’est un groupe d’une trentaine de personnes, étudiants, professeurs et « extérieurs » (comme moi) qui s’est créé suite au mouvement anti-LRU de novembre 2007. Très déçus par la dynamique, l’échec et le reflux du mouvement social, ces gens ont souhaité poursuivre la lutte par des voies différentes. L’idée était de ne pas en rester là, d’instituer quelque chose de durable, de s’inscrire dans la durée pour approfondir les alternatives, les questions et les relations qui s’étaient esquissées. Il s’est vite mis en place, à partir d’une boutade, une « UFR-zéro », c’est-à-dire une Unité de Formation et de Recherche pour ceux qui ne se retrouvent nulle part dans les discours de façade, dans les bureaucraties universitaires, dans l’usage qui est fait, ou pas, des savoirs, comme durant le mouvement. C’est donc une sorte d’université parallèle qui a débuté ses cours en février 2008, et qui se réclame de trois principes : l’expérimentation, la transdisciplinarité et l’autogestion.

Dans les locaux de l’Université Paris 8 ?

Oui. On utilise des salles de cours disponibles, on se réunit volontairement dans les halls, et récemment un local a été obtenu auprès de l’administration. On est dans l’ex-université de Vincennes, créée immédiatement après 68, qui s’est toujours revendiquée comme un lieu de bouillonnement politique. Donc les pouvoirs locaux sont rodés face à ce genre d’initiative, ils nous tolèrent. Et puis l’UFR-Zéro n’est pas dangereuse actuellement : son principe est très subversif s’il est mené à bien, et c’est justement tout le problème... En tous cas je porte un regard très critique sur cette expérience. Le principe d’instituer des lieux de « contre-culture » n’est pas nouveau, et à défaut d’exigences claires, elle conduit généralement soit à la récupération, soit à la getthoïsation.

Comment t’es-tu investi dans cette aventure ?

J’ai participé au mouvement étudiant, puis au lancement de l’UFR-Zéro. Cette idée, qui était en germe depuis de nombreux mois chez quelques collectifs locaux auxquels je participais, suite au mouvement anti-CPE de 2006. Mais je pensais suivre l’aventure d’assez loin. Ça faisait des années que je militais, ici ou ailleurs, pour l’existence d’une chose de ce genre, des groupes de travail qui travaillent sur le fond et sur le moyen terme, mais à ce moment-là je n’étais pas disponible personnellement. Et puis un peu par hasard, le pilier de l’initiative a insisté pour que je m’y implique. Naturellement, j’aurais dû animer un atelier sur « mes » thèmes : la pensée de Castoriadis, la dynamique des luttes sociales, le projet d’autonomie dans l’histoire, etc… Mais cette perspective me plaisait peu.

Pourquoi cette perspective te plaisait peu ?

D’abord, j’allais approfondir des domaines cruciaux, certes, mais quand même déjà bien balisés. Ça risquait d’être un peu convenu, a priori, dans ce cadre-là. Et puis surtout on allait retrouver les clivages théologico-philosophico-politiques habituels, avec leurs tribuns, moi y compris, sans ouvrir de réels espaces de création collective. Enfin, à l’époque je n’avais pas la tête à ça : suite à des aventures amoureuses, amicales, familiales plus ou moins tumultueuses, j’étais à un moment de ma vie où je me posais ce genre de questions obsédantes et centrales que le terme d’amour, au sens très très large, pouvait résumer. Sur les conseils d’un ami, je venais de lire L’art d’aimer d’Erich Fromm, que j’ai trouvé immédiatement extraordinaire. Alors que les discours sur le sujet auxquels j’avais accès jusque-là étaient soit du mysticisme facile (à la Krishnamurti), soit de l’érudition gratuite, la vision qu’Erich Fromm défend m’a interpellée. J’avais besoin d’en discuter, de travailler ces idées, de partager les interrogations qu’il soulève, de les relier, aussi, à d’autres.

C’est donc uniquement la lecture de Fromm qui t’a lancé dans ce travail ?

Non. Ce livre a été comme un déclencheur, un révélateur, comme une rencontre. De manière un peu mystérieuse, il faut être disponible, pour pouvoir recevoir ce qui se donne. En ce qui me concerne, mes histoires personnelles m’y invitaient, mais aussi depuis un certain temps diverses interrogations m’avaient amené sur ce terrain-là.

D’abord politiquement les mouvements sociaux m’apparaissaient de plus en plus comme motivés quasi-exclusivement par un besoin d’être ensemble, de faire corps, d’exister collectivement, au détriment du travail politique de critique, d’organisation, de revendications, etc… Ce phénomène paraît encore plus évident dans les groupes militants, où la politique n’est souvent presque plus qu’un prétexte inconséquent pour trouver un peu de chaleur humaine - par exemple à l’UFR Zéro... On retrouve des logiques, de tribus, de bandes, de masse. Dans nos sociétés où il n’y a plus de peuple, mais une foule solitaire comme disait D. Riesman, un désert surpeuplé, cette soif vitale de liens humains fait souvent taire les conflits, les divergences, les questions, alors qu’elle ne l’a pas toujours été. Mon interrogation était donc : à quelles conditions cette recherche de socialité peut-elle être liée à un projet politique visant l’autonomie collective ? Autrement dit : quelles modalités du lien social peuvent le rendre émancipateur ? 

Et tu as proposé ce thème de l’amour à l’UFR-zéro...

Voilà. J’étais en cohérence avec ce qui me travaillait à l’époque et il me semblait que c’était un sujet parfait pour l’UFR-zéro. Un sujet expérimental, puisqu’un tel thème n’est pas commun et que j’étais moi-même, l’initiateur, en pleine recherche-action, donc sans idée préconçue sur le contenu, la forme ou l’évolution de la chose ; Un sujet interdisciplinaire, parce que la question de l’amour ne peut strictement se revendiquer d’aucune discipline, - même si la psychanalyse aurait beaucoup de chose à en dire - étant à la fois psychologique, sociologique, historique, biologique, politique, etc. Un sujet qui invite à l’autogestion, puisque c’est un de ces thèmes qui invitent immédiatement à un mode de relation, donc à une forme organisationnelle particulière mais indéfinie. Et puis, sur un tel sujet, nous sommes tous a priori sur un pied d’égalité, il n’y a pas de spécialiste. D’ailleurs c’était le sens de ma première intervention, que je répétais à chaque fois, et je profite pour le dire ici : très clairement, je ne me crois, ni ne me proclame aucunement expert ou éclairé en ce domaine - cette idée saugrenue ferait mourir de rire les gens qui me côtoient... Loin de quelconques prétentions, je ne fais que m’intéresser au sujet et je veux partager mes interrogations, mes questions, mes lectures, mes expériences... C’est le seul fondement de mon relatif leadership au sein de l’atelier, et c’est à ce titre que je m’exprime ici. Et puis l’humanité a appris, je crois, et avec raison, à se méfier comme de la peste des grands discours sur l’amour...

Comment ont réagi les organisateurs de l’UFR-zéro à cette proposition d’atelier ?

Les plus impliqués étaient enthousiastes, forcément. L’intitulé que je proposais, « Amour, liberté, politique », sortait de l’ordinaire, tout comme les autres ateliers thématiques lancés alors par l’UFR-zéro : « Entendre, s’entendre », « L’errance », « L’ascèse », etc.… Il faut dire qu’immédiatement, les axes de travail n’ont rien eu à voir avec le mouvement anti-LRU, et c’est bien dommage. On est passé directement d’une lutte pragmatique avec des obstacles concrets à des questions abyssales, sans trouver d’accroche pour une praxis, une interrogation mutuelle et permanent entre théorie et pratique. J’ai tenté d’y pallier par la suite, sans succès, à travers un séminaire de « Bilan du mouvement », mais les chapelles, les grilles de lecture toute faites, les automatismes caractériels ont repris le dessus… Alors ce bilan s’est fait un peu dans l’atelier sur l’amour, par la bande, ça faisait partie de mes ambitions, qu’annonçait le triptyque du titre. Il s’agissait de se décaler, de faire un pas de coté, de prendre les choses par un autre bout - et c’est un relatif succès, quand même. Dans tous les cas, au tout début, ma proposition suscitait un petit sourire gaulois, la perspective de discussions croustillantes, les filles commençaient à flipper...

Comment as-tu débuté cet atelier ?

La première séance a rassemblé une bonne trentaine de personnes. Je voulais faire un exposé, pour faire partager mon intention, mais j’étais alors incapable d’ordonner mes idées et mes lectures. J’ai donc décidé de faire simplement une présentation et un résumé de L’art d’aimer. J’ai notamment insisté sur son introduction, où Fromm pose la problématique en essayant de désamorcer les idées reçues. Ça a très bien marché, les gens ont compris ce qui m’animait, et l’étendue de la question. Ça a été une belle inauguration, qui m’a même surpris : je n’avais aucune idée de la réaction des gens, et j’ai été émerveillé de voir que « ça » accrochait. J’ai donc proposé que l’on tienne une séance de l’atelier par semaine, le mercredi, en soirée pour les salariés, pour commencer. Et deux ans après ça continue sur le même rythme. C’est même le seul atelier qui ait tenu une telle régularité. Ma ténacité n’y est pas pour rien, ça n’a pas toujours été facile, mais les thèses de E. Fromm non plus, je crois.

Quelles sont les idées reçues sur l’amour désamorcées par L’art d’aimer ?

Schématiquement, il en pose trois, et il y répond de manière très tranchée et argumentée, ce qui permet de discuter sur du solide, de sortir des pensées molles et ambiguës. La première, c’est l’idée reçue selon laquelle l’amour c’est l’amour-passion, l’amour-fou et fusionnel, qui est à la racine de ce qu’on appelle simplement « l’état amoureux ». C’est pour lui une idéalisation de l’être aimé, une illusion qui dure peu dans le temps. C’est un enthousiasme éphémère, un fantasme projeté sur l’autre qui se dissipe peu à peu. Puis la réalité devient insupportable, et on change de partenaire, ou on se met à s’emmerder : .On pense au Songe d’une nuit d’été de W. Shakespeare. Pour Fromm, ce n’est pas de l’amour, c’est une fuite du réel qui oblige à recommencer perpétuellement.... La seconde idée reçue, c’est celle selon laquelle le principal problème dans l’amour serait d’être aimé. Et comme chercher à être aimé revient à tenter de séduire par tous les moyens possibles, ça consiste à mentir et à se mentir, pour ne pas rester seul sur le marché biaisé de la relation qui se forme par ce biais... La troisième fallace, c’est l’idée selon laquelle l’amour serait une question d’objet : il y aurait des gens à aimer et d’autres non. Il n’y aurait alors qu’à trouver la bonne personne. Fromm, illustrant le titre de son ouvrage, prend l’exemple d’un peintre qui refuserait de peindre parce qu’il attendrait, pour cela, de voir un beau paysage... Ces trois points, lorsqu’on se regarde un peu, constituent des armatures affectives très répandues enracinées profondément en nous, et qui débordent même du cadre de la relation amoureuse pour devenir une manière d’être, un mode de vie et même un régime social. Le mérite du livre de Fromm est d’arriver à le faire sentir dès les premières lignes, d’où des réactions marquées, d’adhésion ou de rejet. C’est un livre qui pousse à se positionner, à se questionner, à partir de thèses consistantes.

Qu’est-ce que l’amour, alors, dans la vision de Fromm ?

Pas facile de résumer. On peut partir du titre. L’art d’aimer, qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que l’amour est un art, au sens profond. L’amour n’est donc pas une question de support, d’occasion ou d’engouement passager, ou de seule technique, mais une question de positionnement dans l’existence, d’ouverture sur la vie. C’est une implication dans le monde, une façon d’être, une maturité de l’âme, un type de caractère. Celui qui décide d’aimer a fait le choix de donner ce sens-là à sa vie, dans tous les domaines.

Comment E. Fromm en est-il arrivé à cette approche de l’existence ?

En reprenant le dernier S. Freud et en rejoignant H. Marcuse, Fromm adopte une approche radicale : Il part de la situation de séparation originelle qui caractérise la condition humaine, symbolisée par les mythes et accrédité par les expériences de l’enfance. Son point de départ est cette situation de solitude fondamentale d’un individu jeté dans un monde qui n’a pas besoin de lui. Cette vie précaire et dans tous les cas tragique car condamnée à la mort, nous cherchons à la fuir dans des dérivatifs. La fête, la routine, la drogue, etc. Pour Fromm, l’amour ne peut exister que sur ce constat assumé : il n’y a pas de Salut, la mort est un point final, tout ce que nous sommes et aimons est condamné à la disparition, et même à l’oubli. Dans un univers qui n’a pas de sens donné, pas de Dieu, pas d’explication ultime, dans un monde qui vient du chaos et qui retourne à l’abîme, la réponse, l’hypothèse, le pari de Fromm est qu’on peut créer une vie viable par l’investissement de ce monde-ci, tenter de rencontrer des personnes dans cette même situation tragique, se reconnaître mutuellement comme êtres humains mortels et perdus mais aussi comme source jaillissante et permanente de création de soi, d’œuvres, d’idées, de langues, de situations, d’institutions, de cultures, de sociétés. Il ne s’agit donc pas de trouver des subterfuges pour entretenir le fantasme de la toute-puissance, de l’immortalité, de la fusion totale, de relations éternelles et géniales. L’amour est une solidarité fondamentale entre des êtres mortels et créateurs. Face au tragique, il consisterait à essayer ensemble de faire de nous-même des êtres capables de sollicitude, de compréhension, cherchant à se réaliser en nous donnant à notre tour à un monde, à une société, à travers un héritage historique que nos recevons et que nous reprenons et transformons à notre compte.

Vaste tâche !

C’est bien entendu immensément difficile et notre époque rend cette approche presque complètement impossible… Fromm nous invite cependant à essayer d’apprendre à aimer chez l’autre pas seulement ses qualités apparentes, qui peuvent disparaître comme le souligne Descartes, pas seulement le bon coté de son caractère, mais surtout sa liberté fondamentale, le fait qu’il s’est lui-même inventé comme tel, qu’il est une expression de la vie humaine, une réponse singulièrement unique à la question de l’existence, une cathédrale gigantesque en surgissement constante, une folie magnifique. On ne peut pas aimer un autre être humain comme on aime le pastis, la cigarette, des objets figés. Ou alors on l’aime comme une chose, qu’on peut donc jeter. Aimer réellement, c’est aimer ce qui en l’autre le rend libre, et ce qui nous rend libre en retour. C’est donc considérer l’être humain comme un tout, avec son hubris, ses colères, ses haines, ses violences, ses malveillances, ses peurs, ses angoisses, et s’y reconnaître, aussi.

N’y avait-il pas des réticences à utiliser ce terme, l’amour, qui n’a plus beaucoup de sens à force d’être galvaudé ?

Un peu, mais il me semble que les gens comprenaient vite que cette utilisation avait un sens. Sauf un participant qui a refusé jusqu’au bout d’accepter le terme « amour » et voulait qu’on lui substitue au cas-par-cas celui d’« empathie », de « communication », de « complicité », etc. En fait, il ne refusait pas le mot, mais la chose telle qu’on la définissait. Ce n’est pas le premier. D’habitude (par exemple A. Compte-Sponville dans Petit traité des grandes vertus ) on distingue l’Éros, la force érotique qu’on trouve par exemple dans Le Banquet de Platon, la Philia, l’amitié aristotélicienne qu’on trouve dans Éthique à Nicomaque, et l’Agapè, l’amour universel christique qu’on peut voir dans La pesanteur et la grâce de la grande Simone Weil. Mais l’approche de Fromm remonte à la source de l’existence humaine, abolissant donc ce saucissonnage : ces distinctions existent, mais elles viennent après, en aval de ce qui est visé là, et le mot « amour » a cette force mystérieuse qui correspond bien. Reprendre ce vieux terme se justifie aussi parce qu’il ne s’agit pas ici d’une nouvelle théorie mais d’un regard radical qui part de l’expérience du mystique, du poète, de l’artiste, de l’amant, etc. de tous les siècles et de toutes les cultures, et qui veut offrir ce sens-là à ce qui s’est vécu et se vit comme tel. Donc parler d’amour, c’est s’inscrire humblement dans cette continuité, reprendre la question, nous aussi, en pénétrant dans cette agora mondiale et intemporelle, et se battre pour des valeurs et les visées qu’on y attache. C’est exactement le cas du terme « démocratie » : vieux, usé, galvaudé lui aussi, mais qui semble étymologiquement le meilleur pour désigner une société autogérée et ouverte, et qui permet d’entrer en confrontation assez facilement, sans jargonner, pour montrer que c’est un projet très subversif. Renoncer à attribuer un nouveau terme à une chose connue, mais conflictuelle, c’est à la fois dire non à la prétention de tout réinventer pour en fin de compte ne rien dire de neuf, et accepter de se battre sur un terrain, celui du langage, tant que c’est encore possible et que le terme a un sens. Par exemple, celui de « communisme » dégouline de sang et n’a plus de sens à défendre, si tant est qu’il en eut un un jour, comme le note Castoriadis. Le sens des mots a toujours été un combat, et aujourd’hui moins que jamais il ne faut le déserter. Et par quoi remplacer celui d’amour, qui parle aussi de lui-même, c’est le moins qu’on puisse dire, même si, ou parce que, il est extraordinairement polysémique ?

Est-ce que Fromm présente des modèles, des formes exemplaires de l’amour ?

Il n’a pas de modèle en ce sens-là, mais c’est intéressant de constater que lorsqu’on prononce le mot « amour », aujourd’hui, on pense immédiatement à « couple », « sexualité », « désir ».Dans l’atelier, c’était systématique, et certains insistaient même souvent pour le fusionner avec un atelier sur « les relations hommes-femmes »… Mais pour les Grecs anciens, par exemple, le terme évoquait d’abord l’amour de la mère pour son enfant… Ce n’est pas anecdotique : La mère qui aime son enfant doit le laisser partir, c’est un amour qui ne peut pas emprisonner, par nature, elle doit aimer son enfant pour le perdre, pour qu’il devienne autonome, donc aimer, dans cet enfant, sa liberté. C’est un bon exemple qui fait entrevoir la proximité de la notion d’amour avec celle d’autonomie. La connotation contemporaine du terme amour, le mot couple, implique une autre conception :, celle de l’amour comme un plaisir et comme une finalité, qui se suffirait à lui-même, et se prolongerait indéfiniment... C’est dû au christianisme centré sur la monogamie, et aussi au repli sur soi contemporain. E. Fromm évoque ces deux types d’amour, ou « objets » d’amour, parmi cinq.

Cinq formes d’amour ?

Il y a donc cet l’amour maternel et cet l’amour érotique, dont nous venons de parler. Mais également l’amour fraternel, dont il parle en premier, d’ailleurs. C’est l’amitié, qui est multiple et exige la notion d’égalité. Il parle aussi de l’amour de soi, et c’est très intéressant : il retourne l’impératif chrétien en posant qu’on aime les autres comme soi-même, comme on s’aime soi, de fait, et qu’à ce titre un égoïste ne sait pas s’aimer, il se hait, même. Enfin il évoque également l’amour de dieu dans l’histoire, qui pourrait à mon sens déboucher sur l’amour de la société, de la collectivité. Je pense qu’il reprendrait volontiers la notion d’amour du monde d’H. Arendt. En tous cas, c’est une petite énumération, ouverte et discutable, qui approfondit et élargit considérablement la notion et les problématiques de l’amour, je trouve. Dans l’atelier c’était un facteur important de déblocage et de compréhension. Et ce n’est pas un nouveau saucissonnage : ce sont les différentes branche d’un même arbre dont le tronc constitue cette posture existentielle dont je parlais, et qui permet de comprendre l’importance de l’amour dans nos vies.

Fromm était-il chrétien ?

De ce que je sais de lui, il aurait été mystique juif dans sa jeunesse puis est devenu psychanalyste très tôt, militant, proche de l’école de Francfort, avec qui il a relu radicalement le marxisme. Fromm se déclare totalement athée, mais dans le domaine de l’amour, les interlocuteurs sont souvent les religions, qui ont entrevu énormément de choses - qu’on pense au Tantrisme ou au Kama-Sutra. L’art d’aimer se nourrit beaucoup des mystiques taoïstes, brahmaniques, islamiques, chrétiennes... Mais bon il faut faire attention à cet endroit-là : il y a évidemment l’amour chrétien, omniprésent, auquel on opposerait l’état amoureux à la Don Juan, libertin, qui serait libre, athée et non-croyant, bref le « vrai » amour. C’est le sens du livre, très 70’s mais beau au demeurant, de A. Finkielkraut et P. Bruckner Le nouveau désordre amoureux. C’est une profonde erreur.

Quelle erreur ?

Celle qui consiste à croire que le donjuanisme serait une pratique de l’amour vrai, lucide, adulte. Il faut lire le livre de Denis de Rougemont L’amour et l’occident, à mon sens faramineux. Ce dernier montre, à mon sens très bien, les origines religieuses, pour lui zoroastristes, manichéennes puis cathares, de la posture passionnelle qu’a repris le romantisme. Le livre décrit le mythe de l’amour impossible et éternel à la Tristan et Iseult, sa mutation dans l’amour courtois, puis sa dégénérescence aujourd’hui dans le « coup de foudre », et enfin sa désintégration dans le marché de dupes des corps et du sexe... Pour Denis de Rougemont, le tiraillement que nous vivons tous intérieurement vient de là : l’occident serait le lieu d’un combat entre ces deux types de relations au divin, l’amour-mariage et l’amour-passion, dont le dépassement n’a rien d’évident aujourd’hui. L’amour et l’occident nous invite à traquer les héritages culturels et religieux dans nos attitudes quotidiennes, en sachant que les comportements apparemment les plus spontanés ou les plus intimes en sont des expressions déformées.

Chercher l’influence de la religion dans notre manière d’envisager l’amour ?

Dès qu’il est question d’amour, il est question du sens de la vie, de la mort. C’est donc systématiquement religieux, bien entendu à notre insu, comme pour toutes les questions existentielles ou politiques - par exemple le marxisme est devenu le quatrième grand monothéisme…La posture amoureuse est religieuse de part en part. Ça peut paraître surprenant, mais le pseudo-hédonisme porno-publicitaire actuel n’est qu’une posture blasphématoire, profanatrice, transgressive, infantile, donc qui sous-entend qu’il y aurait du Sacré, du Divin, de l’Interdit, de la Loi. Il postule implicitement qu’on ne pourrait fondamentalement rien changer à un Absolu toujours là, juste vouloir son exact contraire... C’est la dynamique de la barbarie, dont parle G. Steiner, dans Dans le château de Barbe-bleue. Face à un absolu inaccessible, mais reconnu, qu’il soit religieux (comme le judéo-christianisme) ou politique (comme le marxisme utopique), il y a en réaction déferlement de l’horreur : c’est la guerre, le nazisme, la haine commune. Bref, une conception de l’amour athée est toujours à faire, et à vivre. C’est la recherche de L’art d’aimer.

Et Fromm, comment mettait-il en pratique ses idées sur l’amour ?

Je ne sais quasiment rien de sa vie personnelle, et ça me semble difficile de le savoir, encore moins de juger. En fait cela m’intéresse peu. Après tout Fromm était peut-être un usurpateur, un tyran domestique ou un mari monstrueux. Je ne le pense pas, et d’ailleurs son livre, plusieurs participants l’ont dit, est en lui-même un don extraordinaire. C’est une œuvre d’amour au sens où il est clair, critiquable. Il te laisse libre d’être et de faire ce que tu veux, ou plutôt c’est une invitation à chercher ce que tu souhaites profondément. Donc son livre me parle, nous parle, nous semble avoir du sens, et nous en faisons quelque chose de réel pour nous. Nous ne cherchons pas du prêt à penser, de l’idéologie, de petit livre rouge à apprendre par cœur, mais des regards qui peuvent nous aider à lire le monde de manière différente, l’interpréter et le changer en fonction de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être. La recherche du prêt-à-penser, pour faire le lien avec la question précédente, c’est du religieux qui resurgit : la recherche d’un Saint, d’un Prophète, d’un Messie, d’un Guide qui incarnerait la Voie Sacrée et qu’on destituerait dès qu’une défaillance serait décelée... C’est même le scénario répétitif que vivent tous les chefs, présidents de la république compris… et aussi les amoureux ! E. Fromm est un humain qui est passé sur terre, a cherché et a entrevu des choses que nous n’avions, pour certains, pas formulé. A nous d’assumer ce qu’on en pense, d’en discuter, d’en faire quelque chose, si cela nous interpelle, à partir de notre vie, nos expériences, nos désirs, nos envies. Pour certains, il est devenu un ami, comme ceux que l’on écoute et que l’on peut contredire, mais qui accompagnent.

Face à toutes ces thèses, quelles ont été les réactions des participants à l’atelier ?

L’esquisse de ces idées a beaucoup stimulé durant les premières séances. Les participants étaient interpellés par ces idées iconoclastes et tranchantes. Mais très vite beaucoup de résistances sont apparues, et certaines demeurent. Bizarrement, alors que je pensais que le sexe allait être au centre de tous les intérêts, ça n’a pas été le cas. Peut-être qu’il est vite apparu que l’obsession sexuelle est aussi un produit de l’angoisse, de la difficulté à vivre dans ce monde, à sortir de son isolement en cherchant à se fondre dans une totalité. En fait les réticences étaient globalement de deux ordres. D’abord, dans le discours, on a entendu qu’il ne fallait pas, ou qu’il ne servait à rien, ou qu’il était dangereux de parler d’amour parce que c’était le seul espace sauvage de liberté, de spontanéité, de mystère qu’il nous restait dans ce monde mécanisé et qu’on allait par le débat le rationaliser, l’intellectualiser, le normer. Ça, c’est évidemment le discours ambiant, l’idéologie dominante qui fait comme si l’amour n’était pas le thème balisé par excellence des chansons, des romans, des films fabriqués industriellement. Sans parler des attitudes héritées des siècles passés, on vit quand même un matraquage sans précédent qui nous impose une certaine vision de l’amour.

Refuser de parler d’amour, c’était comme vouloir mettre fin à l’atelier...

C’est effectivement une objection qui m’a beaucoup surpris. C’est quand même inquiétant de voir que le réflexion, la discussion, le langage est tenu pour asservissant face à des choses sauvages et mystérieuses qui seraient bonnes en soi, tant qu’on n’en parle pas. C’est du primitivisme le plus pur. Mais ces objections ne tiennent pas longtemps dans les discussions. Et ensuite, justement, on a vu une expression pratique de cette posture : le papillonnage, la présence clignotante de beaucoup, la difficulté à s’impliquer durablement dans la tâche d’élucidation, dans la recherche des idées reçues, dans l’élaboration collective d’une pensée, même contradictoire, et d’une pratique groupale. C’est déjà moins surprenant, puisque c’est un phénomène général, y compris dans le cadre politique et particulièrement dans tous les ateliers de l’UFR-Zéro. Mais là c’était frappant de voir que ce papillonnage recoupait pleinement les thèmes traités : le désir et la peur de l’engagement, de la fidélité, de la continuité, pour une transformation de soi et de la société. D’une certaine manière, c’était une réfutation en acte des thèses de Fromm, mais non assumée. Cette situation a compromis l’existence même de l’atelier, d’ailleurs. Et ça continue, d’une certaine manière.

Justement, comment l’atelier a-t-il évolué au fil du temps ?

Lors des premières séances, je m’étais aperçu que les discussions sans cadre tournaient vite aux bavardage inconséquents alors que dès que nous discutions des thèses du livres, pour les confirmer ou les infirmer, les débats gagnaient énormément en précision et en amplitude, voire en écoute et en humanité. Assez vite j’ai proposé de commencer par des petits exposés, afin de cadrer les débats qui partaient vite dans tous les sens pour n’aboutir à rien. Comme personne ne se proposait, je commençais donc par un petit laïus de 15-20 minutes, sur une idée particulière du livre, puis on discutait, en essayant de maintenir un climat serein, parce que c’était toujours un sujet intime, avec des témoignages parfois douloureux ou enthousiasmants, mais toujours personnels. On échangeait sur nos relations familiales, nos relations amoureuses, les échecs, les rebondissements. J’essayais de faire des allers-retours permanents entre les réflexions théoriques de Fromm et le vécu qui était rapporté. Mais quasiment personne n’était prêt à lire le bouquin, qui pourtant est court, facile à lire - c’est un comble dans une université - ce qui me mettait un peu dans une position de prof - ce qui est un comble dans une démarche alternative… Et parallèlement, comme la participation était aléatoire, les gens se montraient toujours très intéressés et parlaient souvent mais ils refusaient de s’engager. Au final l’écart s’est peu à peu creusé entre ma démarche de recherche et l’ensemble des participants.

Comment as-tu réagi à ce dilettantisme de la part des participants ?

J’ai formulé le phénomène en disant que ce comportement était très lié à l’idée de relation superficielle, découlant d’une idéologie amoureuse consumériste. La centaine de personnes passées en tout dans l’atelier consommait les débats de séminaires en ateliers selon les rumeurs et le bon plaisir, sans engagement, sans approfondissement, prenant ici et là un bon moment immédiat sans suite ni responsabilité de ce qui avait été dit, vécu, projeté... Une trentaine de participants revenait fréquemment, mais de manière irrégulière. Du tourisme, quoi. Moi, ce n’était pas ça qui m’intéressait et je savais qu’avec ou sans atelier, je continuerais à travailler, sans rancune ni regret. Alors à la rentrée suivante, j’ai fait un petit bilan en posant le problème en ces termes. Et là, une douzaine de personnes se sont mises à lire L’art d’aimer. Il s’est alors créé un petit groupe de travail qui s’est senti lié par une lecture, et on a inauguré de vraies séances de travail. C’est là, je crois, qu’on a commencé à échanger sérieusement. Ça a été un second départ, un second moment fondateur, preuve, contrairement à ce que dit Stendhal, qu’on peut rallumer des cendres. Ça n’empêche pas les gens de continuer à passer, comme avant, mais ils ont conscience d’intervenir dans un processus, une démarche à respecter. Ça n’avait rien d’évident, visiblement…

Mais revenons au contenu de l’atelier. Le fait d’affirmer que l’état amoureux, passionnel, fusionnel, ce n’est pas de l’amour, cela n’a-t-il pas choqué ?

Bien sûr ! C’est même la thèse principale qui a été discutée lors de la première année, l’axe autour duquel s’accrochait tout le reste. Cette thèse choquait surtout, je crois, les plus jeunes, qui se rendaient brutalement compte de l’impasse du discours pseudo-subversif ambiant qui met uniquement l’accent sur la « passion ». Les gens avec plus d’expérience la discutaient avec plus de profondeur, de recul. Ce qui a marqué quand même, c’est que les témoignages rapportés encourageaient beaucoup un regard critique sur le phénomène amoureux. On retrouvait presque systématiquement le même cycle : un jaillissement de sentiments extraordinaires entre deux personnes, une aventure bouleversante mais qui s’essouffle au bout de quelques temps, puis une désillusion qui débouche soit sur une séparation, soit une relation d’ennui, soit, justement, une réinvention de la relation qui pouvait alors se poursuivre, mais sur un autre mode. Qu’on soit d’accord ou non, le phénomène oblige à la réflexion. Je crois que pour l’approfondir, il faut quand même en incorporer la critique, s’abîmer à ses limites, et comprendre la dimension illusoire que le « coup de foudre » comporte. Et ça, cela dépend du degré de maturité de la personne. C’est un peu comme lorsqu’on démontre à quelqu’un qu’il ne vit pas dans une démocratie mais dans une oligarchie où ce sont des clans d’une caste privilégiée qui ont les commandes, et des populations divisées et obsédées par l’ascension sociale. Les repères hérités (en fait et idéologiques) s’écroulent, on a vite l’impression que la vie est horrible, et qu’il n’y a rien derrière ce désespoir, alors que comme dirait Sartre, de l’autre coté, c’est la vie humaine... Pourtant, à partir de ce constat sur le caractère oligarchique du régime actuel, on peut nuancer et reconnaître les traits profondément démocratiques des sociétés occidentales, hérités de plusieurs siècles de luttes intellectuelles, sociales, politiques, artistiques, conjugales... De la même manière, tenir l’état amoureux comme le summum, voire l’unique expression de l’amour, est d’une très grande, et très cruelle naïveté. Comme dit S. Weil : « L’amour a besoin de réalité. Aimer à travers une apparence corporelle un être imaginaire, quoi de plus atroce, le jour où on s’en aperçoit ? Bien plus atroce que la mort, car la mort n’empêche pas l’aimé d’avoir été. »...

D’où viendrait ce désir, ce besoin de « tomber amoureux », passionnément ?

F. Alberoni dit dans Le choc amoureux que l’état amoureux est toujours précédé d’une période de « surcharge dépressive », d’une insatisfaction profonde de la vie vécue, et d’une incapacité à la changer. La fixation sur quelqu’un - ou quelque chose : un auteur, une œuvre, un schéma de pensée, une période historique… - apparaît alors comme le passage vers une vie intense, une sortie définitive de la solitude, un monde ré-enchanté où, enfin, tout fait sens. Donc c’est une création de merveilleux, par l’intermédiaire d’un autre qu’on érige en Dieu, en absolu, pour qu’il nous fasse accéder à cette autre réalité par l’union totale. C’est donc une mise en tension extraordinaire, portée à son paroxysme par l’amour impossible. De Rougemont en parle très bien, et B. Péret, un surréaliste et ce n’est pas un hasard, a fait une très belle « Anthologie de l’amour sublime »… Mais en même temps, on prend l’autre pour ce qu’il n’est pas, on lui fait porter notre peur de ce monde fini, on projette sur lui un idéal très précis qui nous est propre, souvent parental, mais on le rate, lui, tel qu’il existe, comme un être indéterminé et en devenir.

Et la réalité finit par nous rattraper...

L’état amoureux est un extraordinaire quiproquo aux effets extrêmement contradictoires : investir quelqu’un de la sorte, ou être investi ainsi, c’est enfin pouvoir être autre chose qu’un individu banal parmi d’autres, c’est avoir la possibilité magique d’être autre, différent de ce qu’on a toujours été, de sortir de ses déterminations infernales, de son identité figée. Mais cela ne peut se faire qu’en se conformant au modèle flatteur qui est tendrement imposé par l’autre, et que si, réciproquement, il correspond à mon idéal, en bonne partie inconscient. C’est donc une liberté très conditionnelle, qui ne peut durer qu’un temps, soit qu’on prenne cette liberté quitte à décevoir l’autre, soit qu’on joue le rôle assigné, sans s’en apercevoir, situation qui ne peut perdurer… « Tu me manques », disent les amoureux : mais on ne peut pas se rater longtemps.

L’amour érotique débouche forcément sur une séparation, ou une relation d’ennui ?

La seule sortie possible, je crois, c’est un passage étroit qui ramène sur terre tout en laissant ouvert l’infini des possibles. C’est être fidèle à ce que l’extase relationnelle nous a fait entrevoir et qui est rigoureusement vrai. C’est-à-dire que l’autre et moi-même, nous sommes autre chose que ce que nous avons été et croyons être, mais tout en diversifiant nos fantasmes personnels pour que les personnalités de chacun puissent se construire, et la relation aussi, et les enfants éventuellement... C’est ce qu’on retrouve dans les relations thérapeutiques, ou éducatives, ou politiques, lorsqu’elles se donnent les moyens de l’autonomie. A partir du moment où l’enchantement se rompt, soit on ne supporte pas et on se sépare, soit il va falloir faire connaissance, encore plus, ou vraiment, avec l’autre, sur les ruines de cette déception muette, et apprendre à aimer non pas un être divin, mais un être humain, avec ce qu’il a de monstrueux et d’extraordinaire. Aimer, c’est partir à la découverte de quelqu’un, réellement, donc de soi, aussi. Faute de pouvoir articuler ce passage, qui est finalement toujours à faire, soit on vit répétitivement des petites passions systématiquement déçues, malgré la jouissance de la profanation répétée, soit on s’engage dans une relation conjugale morne qui se satisfait de ce qui est déjà-là. C’est la même chose concernant des idées, des lieux, des façons d’être dont on s’éprend à une époque de notre vie. À un moment, il faut regarder la vérité des choses, qui est certes décevante face à un désir de Solution ultime et absolue aux problèmes de l’existence mais qui est aussi d’une joie infinie si l’on arrive à en voir toute la complexité, la richesse, les potentialités, bref à voir ce qui est toujours en puissance dans ce qui est. L’être humain, ou ses créations, ce n’est pas un objet fini. Il est essentiellement à-être, comme disent les philosophes, un être en devenir, inachevé, en invention, un être imaginaire capable de commencements. Cette conscience de soi serait la maturité.

(... / ...)

Voir la seconde partie


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