Les lavandières du parlement

France - Bosnie
jeudi 11 février 2010
par  LieuxCommuns

Nous venons de perdre un camarade, un copain, un ami.
Jean-Franklin est mort vendredi 22 août 2014, et tout s’est assombri.

Notre travail ne serait pas le même sans ses critiques, ses désaccords, ses encouragements continus, son inextinguible rage contre l’injustice et la bêtise, ses appels à ne cesser de les combattre sous aucun prétexte. Ses derniers propos étaient des exhortations à la vie qui continue et recommence.
On retrouve sans peine le son de sa voix lorsqu’il écrit : « la barbarie où nous sommes fait du refus de ce monde une exigence éthique, plus exactement : une ultime façon de conserver notre humanité. Que cela marche ou pas est une autre question. »

Tout ceux qui cherchent l’émancipation viennent de perdre un des leurs.

Nous lui avons rendu hommage

« Vous êtes les bienvenus ici, mais sachez que les généraux Morillon ou Janvier, dans la mémoire de mes enfants, seront comme Milosevic. »

Izeta Suljic, membre de l’association Femmes de Srebrenica, aux députés de la Mission d’information (29.06.2001)

Jean-Franklin Narodetski

En novembre 1999, le député Pierre Brana, déjà animateur de la mission d’information parlementaire baptisée « Enquête sur la tragédie rwandaise », déposait une « proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête sur le rôle et l’engagement de la France en Bosnie-Herzégovine en 1995 et sur les événements qui ont conduit à la tragédie [bis] de Srebrenica ».

Un an plus tard, l’Assemblée nationale votait la création d’une Mission d’information commune [aux commissions de la défense et des affaires étrangères] sur les événements de Srebrenica, chargée, selon ses rapporteurs, de « faire la lumière sur le rôle de la France » dans ces « événements ». C’est que « les victimes le méritent, leurs familles l’attendent »1, et qu’« aucun citoyen français ne peut vivre avec l’idée que la patrie des droits de l’Homme aurait commis des fautes ayant conduit au massacre de plus de 7000 personnes ».

Voilà qui serait, en effet, sans précédent.

En novembre 2001, les parlementaires ont livré leur rapport2.

Médecins Sans Frontières, dont 22 salariés bosniaques ont été assassinés dans l’enclave ou y ont disparu, a diffusé une critique de l’argumentation, des lacunes et des contradictions des auditions organisées par la « mission ». Ce texte d’une trentaine de pages va à l’essentiel ; il suffit à pulvériser les plus grossiers des mensonges dont les gens d’Etat font commerce depuis 1995.

Diffusé peu avant la publication du rapport, il épargne la prose des députés. Elle est exemplaire. Les représentants du peuple n’ont pas été très curieux (ils n’ont pas entendu nombre de personnages-clefs et se sont gardés de poser aucune question gênante), ni exigeants en matière de documentation (ils se sont contentés de pièces dont les plus intéressantes étaient tombées depuis des lustres dans le domaine public). Les occasions de comprendre le rôle qu’a joué l’Etat français dans la « tragédie » ne leur ont toutefois pas été comptées, quand ce ne fut que par défaut, aussi souvent qu’informations et documents leur ont été refusés ou que « responsables » civils et militaires leur ont raconté des histoires à ronfler debout, accumulant antinomies et aveux involontaires – jamais relevés.

Dans les deux sens du terme, ils n’entendent rien3.

Certes, pour comprendre (et poser des questions pertinentes), faut-il au moins savoir de quoi l’on parle. Ce ne semble pas être le cas de cette élue qui, après six mois d’investigation, demande encore « qui est M. Stoltenberg ? »4 ; ni celui de ses collègues, qui pensent que la guerre contre la Bosnie a commencé le 6 avril 19925, prennent pour référence le rapport (« très objectif ») publié en novembre 1999 par l’un des bureaucrates onusiens qui se sont opposés aux frappes aériennes – Kofi Annan, chef du DPKO (Department of Peace Keeping Operations) pendant les « tragédies » de Srebrenica et du Rwanda – jugent éclairant le navet intitulé Warriors, et ne sont pas encore sûrs de pouvoir parler de génocide.

Veillons toutefois, ne retenant de ce rapport que son aspect de sottisier6, à ne point négliger ses mérites. Il offre un consistant recueil de pièces dont la plupart sont inédites en France ; les auditions de dirigeants politiques ou militaires forment une véritable anthologie de la falsification qui fera, un jour, le bonheur des chercheurs ; le discours des rapporteurs condense enfin la plupart des procédés de méconnaissance en usage depuis le début du processus international de destruction de la Bosnie, où se perpétue la disjonction de l’information et du sens, l’incapacité radicale de la première, désormais disponible en quantité plus que suffisante pour éclairer l’objet gravement « revisité », à produire le second. C’est un précieux document de travail.

I – L’intégrale de la rhétorique négative composée depuis le début du conflit nous est jouée, engendrant ses habituels effets d’inintelligibilité.

Les événements ne surviennent que sous l’empire de l’une des inexhaustibles figures du manque. Celui-ci affecte la « volonté politique » (« d’intervenir à Srebrenica » ou de « faire exister les zones de sécurité ») ; les moyens militaires (en particulier ceux « dévolus aux zones de sécurité », dont le principe « humanitaire » n’est pas en cause)7 ; le mandat de la FORPRONU (« mal défini ») ; l’information (le dispositif français de renseignement a pâti de « lacunes tragiques » qui ont entraîné un « retard permanent des acteurs sur les faits ») ; les objectifs (qui ne sont pas « clairs ») ; les directives (qui sont « floues ») ; la conscience (« de la gravité de la situation » chez les « autorités françaises » : elle ne leur vient que « le 10 juillet au matin », et la « communauté internationale » ne « prend conscience que les hommes, jusqu’alors considérés comme disparus, ont pu être tués » qu’« autour du 17 juillet ») ; le jugement (ce sont des « erreurs d’appréciation » qui ont amené le général Janvier a refuser les frappes aériennes, comme ce sont des « erreurs tactiques » que le bataillon néerlandais a commises en n’opposant aucune résistance aux troupes de Mladic ou en empêchant les Bosniaques de se défendre) ; les transmissions (un « dysfonctionnnement » ou un « malentendu » entre le QG de Sarajevo, celui de Tuzla et le Dutchbat à Srebrenica a compromis, le 11 juillet, la réponse aux demandes d’appui aérien) ; la vérité (le travail de faussaire accompli pour la énième fois par Akashi lorsqu’il rend compte de la situation à Srebrenica est une « incroyable carence ») ; la connaissance (le général Gobilliard, commandant de la FORPRONU pour le secteur de Sarajevo, qui demande l’arrêt des pseudo-frappes, le 11 juillet, « ne connaissait pas la région de Srebrenica ») ; la perception et le coefficient de réalité (le 10 juillet, « le général Janvier, pas plus que M. Yasushi Akashi, ne perçoit la réalité des événements ») ; etc.

Bref, rien ne saurait s’expliquer par une stratégie, soit un ensemble d’actions coordonnées en vue d’obtenir un bénéfice dans un conflit, stratégie que ce rapport empêche de penser, parce qu’après tant d’autre discours, il est fait pour cela. L’histoire – sous les espèces du rôle que les Etats du Groupe de contact, l’Etat français, en particulier, ont joué dans le massacre de Srebrenica (après avoir soutenu trois ans et demi de « purification ethnique ») – n’est que la somme incohérente et aléatoire des « cafouillages » politiques ou militaires, le produit de l’absence ou du défaut, parfois celui de l’Aνáγκη : « Loin d’être le fruit d’une stratégie délibérée et mûrie, la création des zones de sécurité ressort [?] bien davantage d’un choix largement contraint par les événements » (I, 77).

II – Il s’ensuit que ce qui advient, advient hors causalité, ou comme résultante d’un concours stochastique de micro-causalités indépendantes et, bien sûr, sans intentionnalité.

L’« erreur » ou la « défaillance », survenant sans motif ni raison, se révèle sans effet ; sans plus d’effet, au demeurant, que la « décision » : « En conclusion, vos rapporteurs souhaitent souligner qu’il leur paraît assez vain, et somme toute injuste, d’imputer la chute de l’enclave à telle ou telle décision particulière ou à telle erreur ou défaillance. […] C’est un enchaînement d’erreurs et d’insuffisances qu’on ne peut que constater tout au long de ces journées : de l’absence des uns à la non-réaction des autres, tout a concouru à l’échec des Nations unies. Dans ce contexte, […] on doit admettre que le responsable civil sur place de l’opération et le général qui commandait en chef n’ont pas été à la hauteur de leur tâche » (I, 48).

Pourquoi ? Mystère. Une grande tâche et de petits hommes, un « enchaînement » dont on ne sait ni d’où il vient, ni où il va, si ce n’est à « l’échec » ? voilà tout.

Si ce n’est pas la faute à pas-de-chance, c’est la faute à pas-de-sens : « il faut bien dire que le sens de notre politique échappe aux meilleurs observateurs, et sans doute aussi à ceux qui la conduisaient » (I, 121). Ni intention, ni concertation, ni objectif, ni agent conscient, ni intelligence, ni projet, ni cohérence, ni sens, donc : juste une radicale indétermination, où s’est noyé le poisson de la responsabilité. Une sorte de royaume illimité de l’inconscience ? Non pas, car ce serait supposer des sujets qui en seraient porteurs / affectés : plutôt un univers d’a-conscience, où tout a lieu et se fait malgré tous, ou sans eux.

De même que le choix délibéré (la « décision ») égale l’aboulie en tant qu’ils non-influent identiquement sur le cours des événements, les effets du manque, premier moteur incréé de l’« impuissance » des membres du Contact Group,8 se confondent à l’occasion avec ceux de la surabondance (les trop nombreuses résolutions du Conseil de sécurité ont « compliqué le rôle » de la FORPRONU, écrivait Boutros-Ghali, approuvé par Léotard, lui-même approuvé par les rapporteurs).

Pour autant, la patiente investigation des députés n’aura pas été vaine, puisqu’elle a permis de découvrir, sous tel habitus propre à l’ONU ou à l’armée française, une manière de causalité9. Si les casques bleus devant la « purification ethnique » étaient, ainsi que le disaient les Bosniaques au début du conflit, « comme des eunuques devant l’orgie » (avant d’y participer), c’est à cause de la « culture de maintien de la paix de l’ONU » qu’invoque l’amiral Lanxade10 (I, 61). Si le général Janvier n’a déclenché ni Close Air Support ni Air Strikes pour défendre la population, ce n’est pas qu’il ait « reçu des instructions en ce sens », non, c’est à cause de la « culture particulière de la France en ce qui concerne l’usage de l’arme aérienne »(I, 190). La « culture » fait se mouvoir les protagonistes français et onusiens de la « tragédie » comme un fleuve emporte des bouchons, ou, pour l’énoncer de façon plus technique, la « culture » ainsi entendue est un phénomène thermodynamique qui crée de l’histoire sociale : elle agit par la seule somme de son énergie interne et du produit de la pression qu’exerce son volume, enthalpie où nul décideur n’est pour quelque chose dans ce qui résulte de ses décisions.

III – Nous sommes dès lors en mesure de prononcer que le général Janvier n’est coupable de rien : pas très « à la hauteur », mauvais nageur en vérité, il aura seulement échoué à remonter le courant torrentiel de sa « culture ». Le chef de la FORPRONU, « bouc émissaire » des survivants, qui croyait, « peut-être un peu naïf », « parler à des hommes d’honneur » quand il s’adressait à Mladic ou Tolimir, en sort un peu mouillé, certes, mais blanc comme neige. C’est ce qu’il fallait démontrer11.

Comme tout ce que l’on sait contredit une telle conclusion, les bonnes volontés parlementaires, ayant consciencieusement gobé chacune (et répété / reproduit la plupart) des couleuvres servies au cours des auditions, ont travaillé avec la foi du charbonnier. De la même façon que « vos rapporteurs ont acquis la conviction qu’il n’y a pas eu de planification de la prise de Srebrenica avant le 9 juillet » (I, 41 ; nul n’a entendu parler du plan « RAM »), la majorité des membres de la mission d’information « a la conviction que le général Janvier n’a pas accédé aux demandes du 4 juin, présentées par Mladic à Zvornik » (I, 185) ; elle « ne croit pas à la thèse d’un marchandage [« frappes contre otages »] entre les généraux Janvier et Mladic » (I, 190). Au terme d’un examen de leur rapport en commission, F. Lamy et R. André ont encore « estimé12 qu’à ce stade, on ne pouvait affirmer qu’une seule chose [sic], à savoir que le général Janvier n’avait pas accédé aux demandes présentées le 4 juin 1995 par le général Mladic »(I, 193).

« Il y a certes eu négociation pour libérer les otages français – quel gouvernement ne l’aurait pas fait ? – mais elles ont été menées par un canal différent. En l’occurrence, c’est le général de La Presle qui en fut l’exécutant opérationnel, en dehors de toute chaîne onusienne et dans un cadre strictement national »13. Un « canal différent » est-il une négociation différente ? Si oui, laquelle ? On n’en saura pas plus : on a « négocié, certes » quelque chose (la libération des otages), contre rien.

Pour achever de laver le bouc émissaire, restait à interroger la « prévisibilité » de l’extermination. Trois ans après les massacres commis dans chacune des villes conquises (Bijeljina, Zvornik, Foca, Bosanski Samac, Banja Luka, Bratunac, Visegrad, Vlasenica, Brcko…) et la « découverte » des camps ; un an après que Mladic eut annoncé qu’il exterminerait la population de la Vallée de la Drina (le 14 octobre 1991, en plein parlement bosniaque, Karadic avait déjà menacé les Musulmans de génocide) ; cinq semaines après le rapport des observateurs militaires de l’ONU adressé à leur QG de Zagreb, évidemment communiqué à Janvier, sur la présence d’Arkan dans la région et la nécessité d’adopter des mesures pour prévenir un massacre, avertissement réitéré les 8 et 10 juillet – comment le sort des habitants de Srebrenica eût-il été prévisible ?

« Difficile de se faire une idée précise » (I, 56). « La question est d’une redoutable complexité » : « l’attaque de Srebrenica était sans nul doute prévisible au sens où […] Srebrenica était un but de guerre pour les Serbes » (I, 82). Quant à savoir « si les massacres étaient prévisibles », « il est impossible de trancher cette question » (I, 91) ; d’autant que l’on ne saurait « prévoir ce que les Serbes eux-mêmes n’ont pas encore décidé » (I, 94) : la décision de s’emparer de toute l’enclave les prend, le 9 juillet, comme une envie de pisser14. Tout compte fait, le massacre était « difficile à prévoir, en juillet 1995 » (I, 191). C’est le fin mot d’un rapport que Le Monde trouve « très dur pour la France » (30.11.2001).

Notes

1 Il faut, nous explique l’avant dernier paragraphe de la conclusion, « que les habitants de l’enclave puisse enfin commencer l’indispensable travail de deuil ». Le deuil doit-il inclure ceux qui ont été déportés en Serbie ?

2 Srebrenica : rapport sur un massacre. Tome I : Rapport et annexes ; tome II : Auditions. Documents d’information l’Assemblée nationale, 2001, n° 3413.

3 Lorsqu’Alain Juppé déclare : « Sur la chute de Srebrenica et le fait qu’elle ait pu arranger les diplomaties occidentales, je vous paraîtrai peut-être extrêmement naïf, je ne crois pas que les diplomaties soient à ce point cyniques. Je ne crois pas que les responsables politiques ou les Etats envisagent de gaieté de cœur le massacre de plusieurs millier de personnes au motif que cela facilitera un règlement politique » (II, 92, souligné par moi) – nul ne semble entendre ce que cela veut dire, soit : ils l’envisagent, à contre-coeur. Le général Janvier, lui, n’a « pas de regrets » (II, 136), ce qui ne saurait surprendre, de la part d’un bouc émissaire.

4 Tome II, p. 732. Rappelons à ceux qui l’auraient oublié que Thorvald Stoltenberg, représentant de l’ONU à la « Conférence internationale », où il a remplacé Cyrus Vance en 1993, était ce diplomate pour qui ne vivaient en Bosnie que des Serbes. Moyennant quoi, le « plan de paix » qu’il a concocta avec Lord David Owen accordait 52% du territoire bosniaque aux Serbes serbes, 30% aux Serbes musulmans et 18% aux Serbes croates.

5 L’offensive générale contre la Bosnie est déclenchée le 27 mars 1992. Elle a été précédée, au cours de l’année 1991, par de multiples opérations militaires, parmi lesquelles l’occupation du territoire par 90 000 hommes de la JNA, munis des armes retirées de Croatie, l’encerclement de Sarajevo en octobre, puis le creusement de tranchées et la mise en batterie de l’artillerie de la JNA (orientée vers l’agglomération) dans les collines qui surplombent la ville, deux mois plus tard. En septembre, une demi-douzaine de « régions autonomes serbes » (« S.A.O. ») avaient été proclamées. Le 9 janvier 1992, le SDS décrétait l’existence d’une « République Serbe de Bosnie-Herzégovine », membre de la Fédération yougoslave, regroupant ces « S.A.O. » ainsi que plusieurs régions où les Serbes étaient minoritaires. Il faut vraiment ne rien savoir de ce conflit, pour écrire qu’une « guerre sanglante sévit en Bosnie-Herzégovine, à la suite du refus par les Serbes de l’indépendance proclamée de cette république » (I, 13).

6 Quelques perles, entre mille : « L’ONU ne savait pas ce qu’elle savait » (I, 73) ; « La chute de Srebrenica n’est pas totalement surprenante » (I, 81) ; « Il apparaît clairement que l’objectif essentiel était d’être présent sur un théâtre proche de nos frontières, dont nous ne pouvions être absents » (I, 120) ; « Les militaires français étaient obsédés par la protection de leurs hommes, ce qui est normal, au détriment de celle des populations civiles, ce qui pose problème » (I, 190) ; « Sera-t-il possible un jour de comprendre Srebrenica ? Sans doute pas totalement, dans la mesure où une partie des événements qui s’y sont déroulés échappera toujours aux capacités de compréhension de l’esprit humain » (I, 183) – celui des rapporteurs, assurément, lesquels ne comprennent pas non plus (« absolument pas ») « pourquoi à ce jour Radovan Karadzic et le général Ratko Mladic sont encore en liberté » ; et l’un d’entre eux d’interroger un général français : « Qui pourrait penser au XXème siècle à des massacres gratuits comme ceux-là ? » (II, 148).

7 C’est par le « manque de moyens » que Boutros Ghali avait coutume de répondre aux critiques dont il était l’objet.

8 Servi à toutes les sauces par tous les commentateurs éplorés, depuis le début du conflit jusqu’à l’intervention de l’OTAN au Kosovo – après quoi il est devenu un peu trop burlesque – l’argument de l’ « impuissance » des Etats occidentaux n’est pas repris par les rapporteurs. Il a, semble-t-il, fait son temps.

9 « A défaut de trouver la réponse [« à la question de savoir pouquoi le général Janvier n’a pas, comme il aurait dû le faire, déclenché le recours à l’appui aérien défensif dès le 10 juillet »] dans la thèse du complot, il peut être intéressant de se tourner vers des causes ‘culturelles’[…] » (I, 136). Il peut être, sinon intéressant, du moins distrayant de noter que ces assertions du général Janvier : « Avant le 9 juillet, je n’ai pas reçu de demande d’appui aérien » ; « qu’il y ait eu des demandes auparavant qui aient été écartées, je ne peux pas vous répondre, faute d’élément » (II, 137) se marient mal avec les propos tenus, le 20 mars 1999 sur France 3, par le général Heinrich, pour défendre son collègue. L’ancien chef de la Direction du Renseignement Militaire (1992-1995), qui a fait « une partie de ses études » à Belgrade, était-il mal renseigné quand il affirmait que le général Janvier avait réclamé les 6, 7, 8, 9 et 10 juillet un appui aérien qui lui a été refusé – ou bien le général Janvier a-t-il l’excessive modestie de ne pas se compter parmi les demandeurs ?

10 Chef d’état-major des armées d’avril 1991 à septembre 1995 (de la Croatie au Rwanda, donc), après avoir été chef d’état-major particulier de Mitterrand, d’avril 1989 à avril 1991. Interrogé pendant le conflit sur les possibilités d’une intervention militaire en Bosnie, l’expert soutenait qu’il n’y faudrait pas moins de « 500 000 hommes ».

11 Les députés Marie-Hélène Aubert et Pierre Brana ont émis, sur ce point, des réserves (I, 193). Est-il besoin d’ajouter qu’à travers Janvier, Chirac est lavé de tout soupçon ? Bien qu’ « aucun document probant n’[ait] été communiqué à la Mission d’information, dans un sens ou dans l’autre », la « conviction » de la majorité de ses membres est qu’« il n’y a pas eu d’accord secret entre les généraux Janvier et Mladic, a fortiori entre les autorités françaises et serbes » (I, 135). Le reste n’est que calomnies bosniaques propagées par la presse anglo-saxonne (I, 136) – « manipulation » américaine pour « décrédibiliser la France, à travers le Président de la République », Janvier dixit (II, 129).

12 Les italiques sont de moi.

13 S’agissant d’éventuelles complicités franco-serbes, la recherche de la vérité ne pouvait qu’être éclairée par le témoignage du général de La Presle. Commandant de la FORPRONU de mars 1994 à février 1995, il déclarait, en novembre 1994 : « Les forces serbes devraient être soutenues et comprises », regrettant que le Groupe de contact « contraign[ît] les Serbes de Karadzic à un suicide collectif ». Responsable des négociations concernant la libération des otages français, au printemps 1995, il prétend ne pas avoir rencontré le général Janvier, « dans ces circonstances » (II, 305). Lequel prétendait alors ne pas avoir rencontré Mladic.

14 Jusque là – c’est l’une des rengaines des militaires – les Serbes ne voulaient que « rétrécir la poche » (le mouchoir de poche ?). Ce dont tout le monde parle comme d’une opération sans conséquence pour une population déjà soumise à des conditions sanitaires et alimentaires concentrationnaires.


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