Catastrophes, catastrophismes

Désirs d’en finir et haine de la société
jeudi 21 janvier 2010
par  LieuxCommuns

Ce texte fait partie de la brochure n°22 « Idéologies contemporaines »
Effondrement et permanence du politico-religieux

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Sommaire :

  • Catastrophes, catastrophismes (Éditorial) — ci-dessous...

Editorial du site du 21 janvier 2010.


La catastrophe dite « naturelle », lorsqu’elle est survenue, et passé le temps de l’affliction ou de l’urgence, invite à l’interrogation rationnelle  : Etait-elle prévisible, voire prévue ? Était-il possible d’en éviter les conséquences les plus importantes ? Pourquoi n’en a-t-on rien fait, ou si peu ? Quels intérêts sont en jeu, et qui servent-ils ? Les choses peuvent-elles recommencer à l’identique, ici ou ailleurs ? Les réponses pour tout le monde sont, quelquefois à regret, assez évidentes, même sans paranoïa : des oligarchies dominent, au jour le jour, un chaos souvent entretenu par ceux-là qui en sont victimes, et ne sont guidées que par les intérêts immédiats de leurs propres puissances. Renouvelant leur fascination auprès des peuples écrasés, les sauveurs d’aujourd’hui sont les affameurs d’hier.

Certes, un monde parfait n’est qu’un fantasme, celui d’une éradication de l’imprévu de l’accident, de la violence, et finalement de la Mort elle-même… Mais tel n’est pas notre projet, et à cette aune, on condamnerait le principe même de la médecine... C’est à un autre rêve, ou plutôt à une autre des ses faces, que nous sommes conviés : on sait que l’humanité possède tous les moyens de se prémunir contre une foule de cataclysmes naturels et n’en fait rien. Pire : elle amplifie ceux qui existent et surtout créée de nouveaux fléaux, provoque des cataclysmes inédits, imagine de nouvelles apocalypses... Effondrements économiques, dévastations techno-industrielles, dérèglements écologiques, pandémies planétaires, guerres thermo-nucléaires, épuisements des ressources naturelles, terrorisme généralisé, empoisonnements répétés, guerres civiles larvées… La liste, approximative, est longue. Trop courte, sans doute, puisqu’on invoque encore des météorites vagabonds, des prophéties mayas, « bugs » informatiques... pour rendre ce qui se donne pour notre réalité encore un peu plus irréelle

Car si le discours dominant, il y a peu, regardait les « Cassandres » qui annonçaient les conséquences du « développement » comme des illuminés chevelus qui refusaient les bienfaits de l’inéluctable Progrès en annonçant la fin du monde, il en incorpore aujourd’hui les prévisions les plus sombres. Bien plus : devenues air du temps, elles sont maintenant notre bain quotidien, le lait que les enfants boivent, les sujets de conversation discutés. On disserte sur les plateaux-télés de la possibilité d‘une inondation planétaire, on glose sur papier-glacé de l’imminence d’une pénurie mondiale en pétrole, on placarde sur affiche de cinéma géante la fin proche de l’aventure humaine. Notre société ne cesse de se répéter qu’elle se suicide, le fait savoir, et semble bien faire avec : L’avant-garde planétaire, l’Etat de Californie, vit quotidiennement sous la menace vertigineuse du « Big One », sans qu’il soit question pour personne de l’anticiper sérieusement. Le Syndrome Godzilla, né au Japon après Hiroshima et Nagasaki, s‘est généralisé, et banalisé.

Ces menaces mi-fantasmées, mi-réelles, sans qu’aucune expertise ne puisse, évidemment, en venir à bout, semblent intégrées dans un mode de vie et de gouvernement - « l‘affaire de la grippe A », loin d’être simple, serait plutôt le schéma directeur de toute crise à venir. Car loin de provoquer de saines réactions massives dans les populations, ces épées de Damoclès entretiennent la passivité politique : nous sommes poussés vers le retrait dans une « vie privée », perçue comme un oasis au milieu d’un monde littéralement délirant, et vers le repli dans un présent perpétuel, œil du cyclone promettant d’échapper au maelstrom d’une Histoire qui reprend sa course folle et meurtrière. L’individu isolé, coupé de tout enracinement, de tout projet d‘avenir, de toute consistance, devient le sujet d’un conformisme consumériste d’autant plus massif qu’il se pare des prétentions de la liberté totale et de la maturité pénétrante... Le catastrophisme de ce début de siècle couronne la dépolitisation générale que le précédent avait inauguré par la terreur des capacités de destructions humaines, les promesses de la société de consommation et les échecs sanglants des mouvements révolutionnaires. Corseté dans des dogmes comportementaux implicites, balloté dans un univers précaire sans aucun sens que la course à l’apparence, livré à un monde technicisé où il ne reste plus qu’à tenter de jouir (dans les clous) avant le déluge, nous sommes invités, sans rien changer à notre comportement de tous les jours, à participer à la plus grande œuvre que l’humanité n’ait jamais entreprise : la destruction programmée de la seule planète habitée connue.

Le désir de catastrophe n’est nullement une pure invention de notre époque, ni de notre culture, mais à ce titre même, sauf à considérer que l’Histoire n’est qu’un éternel recommencement, il est certainement la marque la plus flagrante de la régression historique que nous vivons. C’est qu’il est constitutif de la croyance religieuse en une apocalypse purificatrice, dont la version à peine laïcisée fur la vulgate marxiste et son messianisme « scientifique ». Pour ce quatrième grand monothéisme, la destruction de ce monde ne peut que mener au Paradis (le Socialisme) ou à l’Enfer (la Barbarie) : L’Histoire, les Forces Productives et le Prolétariat réunis n’ayant pas tenu leurs promesses eschatologiques, l’avenir ne peut plus réserver qu’un déferlement de l’Horreur. L’écologie, n’ayant pu s’extirper de ces catégories gauchistes et réinventer radicalement l’imaginaire politique, est aujourd’hui devenue le principal vecteur de ce ressentiment morbide, au point d’en devenir le moteur principal. Le discours culpabilisateur qui émane de toutes les bonnes consciences (tardives par définition) ne fait que renforcer les mécanismes d’infantilisation et d’aliénation des peuples : Au nom d’un nouveau Sujet de l’Histoire, muet comme il se doit, « Les Générations Futures », c’est bien à une tentative de renouvellement de la panoplie disciplinaire auquel on assiste : elle ne peut, en l’absence d’horizon visible, que susciter, en retour, ce désir profond d’en finir, une fois pour toute...

Comme le suicide apparaît la seule issue à une vie invivable et apparemment sans alternative, le catastrophisme est le cri de désespoir d’une société bloquée qui ne veut plus d’elle-même. Cette haine contre tout ce qui existe, nous l’avons tous en nous, muette ou glorifiée, théorisée ou incendiaire : elle ne mène qu’à elle-même. C’est l’expression nihiliste d’une lucidité conquise quotidiennement mais également le refus d’affronter ce qui nous semble, encore, insurmontable : l’acceptation réelle de notre mortalité et la transformation radicale de ce monde, projets, pour nous comme pour d’autres, inséparables, et qui donnent sens à une vie terrestre fraternelle.


Commentaires

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Catastrophes, catastrophismes
mercredi 11 juillet 2012 à 22h49 - par  Documentaliste

Le vieux fascisme basé sur l’eugénisme et le nationalisme, mâtiné de corporatisme et d’autoritarisme est MORT !!! Sa survie apparente n’est justement qu’apparente... Le nouveau fascisme qui nous guette aura pour base les idéologies réactionnaires de la petite bourgeoisie décomposée : écologisme, décroissance...néo-puritanisme. Se sacrifier pour « sauver la planéte », fliquer tout l’espace pour « respirer l’air pûr », manger des saloperies moisies BIO, se déplacer de GARE en GARE serrés comme des moutons ...etc... La société dont rêvent ces tarés est un cauchemard !!!

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