Notes sur la portée et le cheminement de la crise financière

dimanche 2 août 2009
par  LieuxCommuns

Notes sur la portée et le cheminement de la crise financière

(Texte présenté au Congrès Marx International V, Nanterre octobre 2007, révisé le 1-11-07 et publié, avec trois graphiques en plus dans la revue commune La Brèche-Carré Rouge n°1, novembre 2007)

François Chesnais

Le cheminement de la crise financière qui a éclaté dans le secteur des prêts hypothécaires aux Etats-Unis début août n’est pas linéaire. Des moments de retour à un calme relatif alternent avec des expressions de crise plus visibles, voire spectaculaires. L’éclatement de cette crise représente un tournant dans le cours de l’économie mondiale. Pour commencer, elle marque la fin du cycle économique états-unien qui a suivi la reprise de début 2003. En ce sens la portée en est déjà mondiale, puisque la consommation intérieure américaine a représenté entre 2003 et 2006, le plus important débouché offert aux marchandises produites dans d’autres pays. Mais il y a plus. Avant même que la demande intérieure des Etats-Unis n’en subisse tous les effets, la crise hypothécaire a commencé à se propager, presque partout dans le monde, par le biais des mécanismes propres au système financier globalisé vers les banques et les sociétés de placement financier (les Mutual Funds, les Hedge Funds et les sociétés spécialisées dans les prêts hypothécaires). Ce ne sont pas seulement les pays fortement interconnectés à la finance états-unienne qui sont touchés. Ce sont aussi ceux qui ont les monnaies les plus exposées aux effets de la baisse du dollar. C’est donc le niveau d’activité économique, d’emploi et de propension à consommer ou à investir d’un ensemble de pays qui est susceptible de diminuer à la suite de ceux des Etats-Unis. Des interactions sont prévisibles sur ce plan, d’autant plus que l’OCDE a précisé que le ralentissement avait commencé dans les pays membres avant que la crise financière ne débute1.

Le mécanisme de propagation auxquels les journaux quotidiens s’intéressent le plus est celui des cours des actions en Bourse. La transmission des fluctuations boursières peut être spectaculaire, mais au-delà de l’effet « subjectif » en terme d’image du capitalisme, ce n’est pas le canal de propagation le plus important. Il n’y a qu’aux Etats-Unis et dans une mesure déjà moindre au Royaume Uni, que la consommation intérieure est directement et rapidement affectée par les cours boursiers. L’inquiétude immédiate des observateurs concerne donc surtout trois questions autres. La première a trait à l’ampleur de la contraction du crédit interne au secteur financier, celle qui est provoquée par les titres « pourris » de « nouvelle génération » (voir plus loin), que les banques et les fonds de placement à risque (les Hedge Funds) ont dans leurs portefeuilles. Il ne s’agit pas encore d’une contraction du crédit aux entreprises (le credit crunch proprement dit), mais seulement d’un pas dans cette direction. La seconde concerne le moment et la violence de l’éclatement de bulle immobilière dans d’autres pays où celle-ci s’est formée, notamment des pays de l’Union européenne comme l’Espagne ou l’Irlande, mais aussi l’Australie. La troisième porte sur les effets au moins partiellement antagoniques, des politiques de taux d’intérêt et de taux de change menées par les principaux pays. Cette question est illustrée par la hausse du taux de change de l’euro vis-à-vis du dollar, qui s’est accélérée sous l’effet de la baisse des taux d’intérêt américains.

A un peu plus long terme, donc à un horizon d’environ six à huit mois, l’interrogation majeure, dont le cours pris par la crise financière dépendra véritablement, concerne l’Asie. La crise financière en cours ne pourrait déboucher sur une crise mondiale grave, du type de celle de 1929, que si un ralentissement général de la demande mondiale révélait qu’il y a eu depuis 2000, et plus encore depuis 2003, un processus de suraccumulation dans toutes les économies de la façade Pacifique du continent - en Chine, mais aussi au Japon, en Corée et à Taiwan. Beaucoup d’économistes pensent que dans cette région clef du système capitaliste mondial, des capacités de production excédant largement les possibilités d’absorption du marché mondial ont été mises en place. Ils continuent à espérer que la contraction de la demande extérieure dont les économies Asie ont toujours un besoin absolu, restera limitée, mais aussi que les pays en question sauront la compenser en augmentant leur demande interne. On entre dans un contexte où en tout état de cause, la pression de la concurrence des marchandises asiatiques va engendrer des tensions protectionnistes qui mettront les Etats-Unis et d’autres pays aux prises avec la Chine. Enfin, il y a la situation des pays produisant les mêmes catégories de produits, par exemple les textiles. Même une contraction limitée de la capacité des Etats-Unis et de l’Union européenne de recevoir les importations venues de Chine et d’autres pays d’Asie, accentuera la pression des marchandises asiatiques sur eux et aggravera leurs difficultés.

Quels points d’appui Marx nous fournit-il au sujet des crises financières ?

Marx n’a pas connu une situation d’hypertrophie de la sphère financière se rapprochant de celle que nous connaissons. Il n’en a pas moins laissé quelques indications méthodologiques importantes et surtout une théorie du capital fictif sur laquelle ce texte s’appuiera plus loin. Rappelons ici le fait que ce qui était nommé « crise monétaire » plutôt que financière au 19° siècle, constitue pour lui « un moment des crises industrielles », mais un moment hautement significatif puisque c’est le moment où se dénoue une contradiction fondamentale dont la monnaie est porteuse : « La fonction de la monnaie comme moyen de payement implique une contradiction sans moyen terme. Tant que les payements se compensent, elle fonctionne seulement d’une manière idéale, comme monnaie de compte et mesure des valeurs. Dès que les payements doivent s’effectuer réellement, elle ne se présente plus comme simple moyen de circulation, comme forme transitive servant d’intermédiaire au déplacement des produits, mais elle intervient comme incarnation individuelle du travail social, seule réalisation de la valeur d’échange, marchandise absolue. Cette contradiction éclate dans le moment des crises industrielles ou commerciales auquel on a donné le nom de crise monétaire »2. Le remplacement de l’or par les monnaies étatiques des pays les plus forts (aujourd’hui un « semi-étalon or »3) ainsi que le développement extraordinaire pris par les effets bancaires, exigeraient une transcription de cette contradiction dans les conditions d’aujourd’hui4. Il reste que dans cette crise de 2007, on a déjà vu se profiler une situation où en raison « du resserrement ou une totale disparition du crédit, l’argent apparaît soudain en face de la marchandise en tant que véritable mode d’existence de la valeur. D’où la dépréciation générale des marchandises, la difficulté et même l’impossibilité de les transformer en argent »5. Une distinction faite par Marx au sujet des « crises monétaires » nous est très utile. D’un côté, il y a celle « qui est une phase de n’importe quelle crise ». De l’autre, sans qu’il n’y ait de barrières étanches entre les deux, il y a « cette espèce de crise particulière, à laquelle on donne le même nom, mais qui peut former néanmoins un phénomène indépendant, de telle sorte que son action n’influe que par contrecoup sur l’industrie et le commerce. Les crises de ce genre ont pour pivot le capital-argent et leur sphère immédiate est aussi celle de ce capital, - la Banque, la Bourse et la Finance »6. Les crises monétaires de cette catégorie sont ce que nous nommons maintenant des crises financières. Elles traduisent la maturation de contradictions au niveau de la formation du taux de profit comme des conditions de réalisation de la valeur et de la plus value. Le fait que ces crises se forment de façon « indépendante » est la conséquence de l’accumulation de capital-argent et de la formation de capital fictif à grande échelle. Mais celles-ci sont à leur tour, l’expression de graves « dysfonctionnements » qui plongent leurs racines dans les rapports de production et de propriété et dans les mesures de politique économique, mises en œuvre pour les contenir.

Situer la crise financière qui a commencé dans le temps

On commence ainsi à cerner la portée de la crise financière ouverte début août. Les enjeux en sont particulièrement importants. Elle intervient à un moment où les instruments utilisés par les Banques centrales ont commencé à montrer leurs limites, à force d’avoir été utilisés de façon répétée depuis vingt ans. Elle se produit après une phase exceptionnellement longue d’accumulation sans rupture. Elle se situe enfin à un moment où la configuration du cadre géoéconomique et géopolitique du capitalisme mondial est en voie de modification profonde. C’est par là qu’il faut commencer.

L’accent doit être mis d’abord sur la portée et les conséquences de ce je nommerai une très longue phase « d’accumulation sans rupture ». Si on considère que la reconstruction des destructions de la Seconde guerre mondiale s’est achevée au milieu des années 1950, en tant que système mondial, le capitalisme a maintenant connu plus de cinquante ans d’accumulation presque ininterrompue. C’est la plus longue phase de ce type de toute son histoire. L’accumulation a eu lieu à des rythmes différents selon les moments, mais sans qu’il n’y ait eu depuis la Seconde guerre mondiale de cassure sous la forme d’une très grande crise économique ou d’une guerre analogue aux deux guerres majeures du 20° siècle. La récession mondiale de 1974-76 a mis fin au long mouvement cyclique dit des « trente glorieuses »7. Elle a clôt une période, mais après une phase de transition, l’accumulation a repris sur la base notamment d’un déplacement progressif de son point de gravité géographique. Aucune cassure n’est venue non plus du fait de la lutte des classes8. Le capitalisme mondial a eu les mains libres pour répondre à ce qui a semblé à l’époque une vraie cassure, par la voie de la révolution néolibérale ou plus exactement néo-conservatrice. Bénéficiant du recul historique et s’étant défait (au moins partiellement) des œillères de l’époque, nous savons maintenant que sa sphère d’action et d’influence a dépassé les frontières de la domination impérialiste de l’époque. Les « réformes » de Margaret Thatcher ont pour pendant celles de Deng Xiaoping en Chine9. Celles-ci ont commencé tout comme les siennes en 1979-80. Elles sont passées inaperçues de la gauche mondiale à l’époque. L’absence de cassure dans l’accumulation sur une période si longue n’est pas un fait secondaire. Elle a considérablement facilité le travail du capital « pour s’approprier la praxis sociale dans toute son étendue et dans toute sa profondeur » et forger comme le dit Alain Bihr sur un plan aujourd’hui proprement mondial, « un type de société globale profondément marquée par l’emprise du capital, bien au-delà de la seule sphère économique »10. C’est dans cette société que toute crise éventuelle de surproduction mondiale éclaterait. Elle prendrait la plupart de ses composantes sociales, dont les salariés, dans un état d’impréparation « subjective », donc politique, totale.

L’une des principales conséquences et manifestations de « l’accumulation sans rupture » est bien sûr le niveau atteint et les mécanismes engendrés par l’accumulation du capital de prêt, porteur d’intérêt, celui qui se valorise en extériorité à la production de valeur et de plus value, sans sortir de la sphère des marchés financiers11. La force économique et sociale du capital de placement financier est une conséquence directe de la longue absence de cassure dans l’accumulation. Il ne faut jamais oublier que l’une des premières causes de la réapparition de ce type de capital à la fin des années 1960, a été l’accroissement des profits non réinvestis dans la production directe de valeur et de plus value. Il ne fallait pas que ces capitaux restent « oisifs ». Il fallait leur offrir des possibilités de valorisation comme capital de prêt. C’est la fonction jouée de façon transitoire par le marché des eurodollars en offshore à la City, avant la libéralisation financière orchestrée à partir de Washington ne jette les bases de marchés d’actifs planétaires. Les deux autres sources majeures d’accumulation d’un capital qui vient en partage de la plus value en se situant en extériorité à la production, ont été (et demeurent) la rente assise sur des sources d’énergie ou de matières premières, rente pétrolière en tête, et les fonds accumulés au titre des systèmes de retraite privée. Plus les concentrations du capital de prêt porteur d’intérêt sont devenues importantes, notamment aux Etats-Unis, plus il est devenu crucial de leur garantir des conditions leur permettant de faire valoir leur prétention à venir en partage de la plus value, dont la masse devait être en accroissement constant. Une politique monétaire faite de taux d’intérêt bas et d’injections de liquidité lors de chaque soubresaut financier est devenue le principal sinon le seul instrument de politique macroéconomique.

La nouvelle configuration mondiale de domination du capital et ses contradictions

Le second facteur majeur sur lequel il faut mettre l’accent concerne les changements dans la configuration géoéconomique de la domination du capital, à commencer par l’identité des pays et des sites précis où s’effectuent l’accumulation de capital productif et l’extraction de la plus value. Commentant le débat sur « l’échange inégal », Louis Gill soutenait il n’y a pas si longtemps (son livre date de 1996) que « pour qu’il y ait transfert de plus-value par l’échange, il faut d’abord qu’il y ait production de plus value. Or la masse de plus-value produite dans les pays sous-développés est faible parce que leur productivité est faible. La source principale de l’accumulation à l’échelle mondiale se trouve là où la productivité est la plus élevée, dans les pays capitalistes industrialisés et non dans les pays sous-développés » (souligné par l’auteur)12. Il n’en est plus ainsi. Bien sûr, c’est toujours dans les pays capitalistes avancés, et notamment aux Etats-Unis, que le taux de plus value entendu comme différence entre le temps de travail nécessaire à la reproduction de la force de travail et le temps effectivement travaillé, est le plus élevé au monde. La productivité du travail y est très élevée et le temps de travail nécessaire très bas, l’une des raisons en étant l’importation massive de « biens salaires » très bon marché (ceux qui entrent dans le coût de reproduction de la force de travail). Mais abordé en termes de masse plutôt que de taux, la partie la plus importante de plus value qui permet au capital de se reproduire vient maintenant d’Asie et notamment de Chine. Ce qui a changé en un peu plus d’une décennie dans ces pays et qui les rend si attractifs au capital étranger, est ce que Marx nomme « le prix proportionnel du travail, c’est-à-dire son prix comparé soit à la plus value, soit à la valeur du produit »13. Ce prix a baissé à mesure qu’à l’effet de la durée et de l’intensité du travail s’est ajouté celui de l’accroissement de la productivité par la modernisation de l’équipement. Celle-ci a été stimulée par la présence des groupes industriels étrangers, assurée en partie par eux mais aussi par l’investissement autonome14.

La première moitié des années 1990 avait vu un premier déplacement du champ de l’accumulation vers l’Asie, principalement en Corée et à Taiwan, mais aussi à Singapour et dans des pays dont la vulnérabilité s’est révélée au cours de la « crise asiatique » de 1997-98. Depuis cette date, la Chine et aussi dans une moindre mesure l’Inde, dans des industries précises et avec des interrogations importantes, ont pris le relais. Il faut mesurer le chemin parcouru depuis un siècle. Au moment de l’élaboration de la théorie « classique » de l’impérialisme dans ses différentes variantes, la Chine était soumise à un statut semi-colonial et l’Inde à une domination impériale exigeant une importante occupation militaire permanente. Aujourd’hui, dans des conditions politiques et à des degrés différents, ces deux entités sont des éléments constitutifs centraux du fonctionnement de l’économie mondiale. Il n’est pas nécessaire de décider s’il faut leur donner ou non le statut de puissances économiques de premier rang ou de dire si elles domineront ou non le 21° siècle15, pour comprendre que pleine incorporation de ces deux pays-continents l’économie mondiale, en particulier celle de la Chine, exige que l’on cesse d’en ordonner l’analyse à partir d’un seul pays, fût-il encore pour un temps le plus puissant. Il est certain que la Chine ne serait pas devenue si vite et sur une telle échelle, « l’usine du monde », sans le mouvement massif de délocalisation de la production de la part des plus grandes entreprises états-uniennes, puis japonaises et sans la sous-traitance internationale massive organisée par la grande distribution en qualité de quasi-industriel (WalMart). Pour autant, la place prise dans l’économie mondiale par la Chine ne peut pas être réduite à la seule « exportation » des rapports de production capitalistes à partir des pays de la Triade. Cela vaut encore plus pour l’Inde. Leur place repose sur un processus autochtone d’accumulation porté par des forces sociales endogènes. C’est cela qui sépare ces deux « pays-continents » d’autres « grands pays émergents » desquels on veut souvent les rapprocher.

Les relations économiques et politiques de l’époque de la « globalisation » doivent être appréhendées plus que jamais comme « des éléments d’une totalité, des différenciations à l’intérieur d’une unité »16. Jusqu’au début des années 2000, on pouvait encore en faire l’analyse en situant les Etats-Unis au cœur des relations hiérarchisées constitutives de la mondialisation et en leur donnant même une place tout à fait à part, celle de puissance hégémonique au sens fort17. Cela n’est plus possible. Les Etats-Unis sont à l’origine de la mondialisation du capital contemporaine. Ils ont été très largement les architectes du régime institutionnel qui lui correspond. Mais ils n’en sont maintenant plus que l’un des éléments constitutifs centraux, l’un des pôles, mais pas le seul. L’analyse du mouvement de l’accumulation, de ses contradictions et de ses crises doit être menée en donnant tout son poids, qui est peut-être déjà dans la configuration actuelle, celui de pierre angulaire, à la Chine. Les Etats-Unis disposent toujours de puissants leviers économiques et politiques, dont le plus important est le rôle que conserve encore le dollar. Mais la crise en gestation doit être pensée dans un cadre dont l’Asie est devenue une composante essentielle.18.

L’Asie industrialisée, (il peut s’agir d’économies entières comme en Corée ou à Taiwan, ou de grands pôles industriels comme en Chine et en Inde), a assuré une période de longévité supplémentaire à la longue phase d’accumulation sans rupture. Mais de façon contradictoire, dans les conditions de fonctionnement de l’économie mondiale, cela a semé certains des germes de la crise en cours. La pleine intégration de la Chine dans l’économie mondiale, et aussi celle de l’Inde avec un impact plus circonscrit, ont eu pour effets la mise en concurrence directe des travailleurs au plan mondial. Il y a deux ou trois ans les banques d’investissement ont commencé à multiplier les analyses relatives au « doublement de l’offre de travail mondial du fait de l’entré dans la globalisation de la Chine et l’Inde »19 et à ses effets sur les salaires, les prix et les perspectives de profit. Mais la transformation de la Chine en « usine du monde » et de l’Inde en pays de relocalisation des activités de services informatiques et de production de logiciels, ont eu des contreparties très importantes dans l’économie réelle comme dans le domaine financier. Le redéploiement des investissements des groupes industriels de pays de la Triade vers la Chine et l’importation des marchandises bon marché produites en Chine et ailleurs en Asie, ont fortement appuyé, ou se sont même dans certains cas substitués aux mesures de politique économique et budgétaire, ou dans le cas des Etats-Unis de politique monétaire, visant à contenir les salaires. Dans beaucoup de secteurs industriels, les prix des « biens salaires » d’origine industrielle sont tombés si bas que les entreprises ont été confrontées à une situation quasi déflationniste et ont été prises à la gorge et leurs salariés avec eux. En Allemagne l’effet dépressif de la stagnation et même de la baisse des salaires réels sur la demande et l’activité économique internes, a fini par être compensé par la hausse des exportations. Ailleurs, c’est à l’endettement ou à des mesures fiscales que les gouvernements ont eu recours pour soutenir l’emploi. Le résultat a été largement inopérant en raison de l’ampleur des importations. Les mesures mises en œuvre ont surtout joué dans le sens de la hausse artificielle des actifs financiers et patrimoniaux qui prend fin aujourd’hui.

Mais la mise en concurrence directe des travailleurs a également eu des répercussions très importantes dans la sphère financière, notamment sous la forme d’une baisse des taux d’intérêt à long terme. Ce que Michel Aglietta nomme un « régime financier à inclination déflationniste »20 est né. Il a conduit à une augmentation des placements spéculatifs. Les fonds de placement financier, mais aussi les banques, se sont engagés dans une fuite en avant vers des opérations toujours plus risquées portant sur des actifs de plus en plus « opaques », c’est-à-dire fictifs. De façon parallèle, on a assisté à l’accumulation d’excédents commerciaux et de réserves en devises par les pays asiatiques, principalement en dollars, mais aussi par de grands pays fournisseurs de matières premières. Ils ont été placés en bons du Trésor, en actions, en obligations privées (dont des créances hypothécaires). Les Etats-Unis ont pu laisser filer les déficits extérieurs et assurer le financement des guerres tout en permettant à l’administration Bush de continuer à baisser les impôts. Mais ces excédents ont aussi été l’une des sources de création de « liquidités » et donc de financement d’opérations spéculatives à haut rendement. Aujourd’hui l’économie capitaliste est mondialisée en tant que champ de valorisation du capital et d’aire de mise en concurrence des travailleurs. Mais elle ne l’est pas sur un plan critique, celui de la monnaie, des politiques monétaires et des décisions des Banques centrales. Là elle demeure « transnationale », c’est-à-dire marquée par les décisions souveraines des pays les plus forts21. Dans le domaine monétaire les rapports actuels entre le dollar, l’euro, la livre sterling, le yen et maintenant la monnaie chinoise, le yuan, sont largement « non-coopératifs », pour utiliser une expression en vogue. Potentiellement il y a là un facteur d’accélération de crise.

A partir de 1982, des crises financières à répétition

L’accumulation de capitaux cherchant à se valoriser comme capital-argent porteur d’intérêt et la croissance et la complexité sans cesse plus grandes des marchés financiers, sont porteurs de crises multiformes propres à la finance. La place prise par ce qui est fréquemment nommé le « capital financier » (auquel je préfère le terme de « capital d’argent concentré » ou encore de « capital de placement financier »), rend pratiquement certain que les premières phases de toute éventuelle crise de surproduction, doivent transiter par les marchés financiers et l’empilement de créances et de dettes. Dès que les marchés d’actifs financiers et de titres ont atteint un certain seuil, ils sont intrinsèquement porteurs de crises multiformes propres à la finance. La libéralisation et la mondialisation financières ont donc été jalonnées de façon continue par des crises et soubresauts de moindre envergure22. Du fait du rôle joué par la hausse du taux d’intérêt américain et celle du dollar dans la mise en place des conditions de domination de la finance dans l’accumulation, le premier épisode a été la crise mexicaine de 1982. Elle a été le point de départ de la crise de la dette du Tiers Monde, notamment en Amérique latine dans des pays dirigés par des classes dominantes parasitaires dépourvues de rente pétrolière. Mais aux Etats-Unis même, les faillites bancaires (Penn Square, Seattle First Bank, Continental Illinois) jalonnent la première moitié de la décennie 1980. Ensuite, les chocs et des soubresauts financiers n’ont pas cessé à mesure que la masse de capital fictif cherchant à se valoriser s’est accrue et que les formes de placement et de spéculation se sont multipliées et diversifiées. Il y a eu le krach boursier de moyenne amplitude de Wall Street de 1987. Il a été suivi en 1989 par la faillite et le sauvetage des caisses d’épargne américaines (Loan and Savings) dont date le début d’une première crise mondiale de l’immobilier. Son point culminant est le krach du Nikkei et de l’immobilier au Japon, dont les conséquences jamais été vraiment effacées, même si la puissance des groupes industriels a été sauvegardée par leur implantation aux Etats-Unis comme en Chine. L’éclatement de cette première bulle immobilière internationale en 1990 a provoqué une récession, caractérisée par certains économistes de « financière » pour souligner qu’une forme déterminée de spéculation en était la cause.

Le début des années 1990 a connu aussi de graves crises sur les marchés des changes en Europe provoquées par le capital-argent concentré des investisseurs institutionnels. Ces crises leur ont permis d’engranger des profits spéculatifs, en même temps que d’imposer les politiques économiques centrée sur « la maîtrise de l’inflation », dont la BCE (Banque centrale européenne) est le garant du fait des traités de Maastricht et d’Amsterdam. Les années 1990 sont surtout marquées par le déplacement temporaire de l’aire des crises financières et des récessions nationales qui les accompagnent, vers des zones périphériques du capitalisme mondial (celles où se trouvent les économies et les marchés financiers dit « émergents »). On a assisté ainsi d’abord à une seconde crise très grave de la dette au Mexique en 1995, avec des répercussions sur la production états-unienne en dépit de l’intervention très rapide de la Fed et du Département du Trésor. L’épisode suivant a eu pour théâtre l’Asie. Ce que l’on a nommé la « crise asiatique », qui s’est déroulée entre juin 1997 et les premiers mois de 1998, a touché fortement sept économies et a eu des effets dans plusieurs autres pays. Elle a ensuite été relayée par la crise russe, avant d’avoir des impacts forts au Brésil et en Argentine, puis de provoquer la faillite et d’exiger le sauvetage en octobre 1998 d’un très gros fonds spéculatif (un Hedge Fund) basé à New York, Long Term Capital Management. L’importance de la crise asiatique tient à ce que la propagation de crise s’est faite par la transmission de la contraction de la production et de l’emploi depuis les pays où la crise financière s’est produite en premier vers d’autres économies. Elle s’est faite par le commerce international. Dans le cas de l’Asie du Sud-est, la crise a surtout concerné des pays étroitement liés sur le plan des échanges intra-régionaux de produits complémentaires que de l’exportation de produits directement concurrents. Mais dans le cas de la Corée, on a assisté en octobre 1997 la crise financière a révélé une forte suraccumulation et a débouché sur une vraie crise de surproduction aux répercussions mondiales. Pour la première fois depuis les années 1930, il s’est formée fin 1997 une situation de déflation, c’est-à-dire de baisse des prix et de concurrence sauvage entre exportateurs pour certaines catégories spécifiques de marchandises. Il y a aussi eu un moment de crise boursière. Elle touché les principales bourses asiatiques, notamment Hong Kong, où l’effondrement des cours a provoqué un début de contagion boursière baissière proprement mondiale. Pendant deux jours (27 et 28 octobre 1997), les actions ont chuté fortement à New York, qui a relayé la chute vers l’Europe.

Complétons pour l’instant la chronologie et revenons aux Etats-Unis de la phase d’expansion du cycle économie de la « Nouvelle économie » de 1998-2001. C’est le moment où s’est achevé la mise en place du régime actuel de « gouvernement d’entreprise », qui fait de la « valeur actionnariale » l’objectif prioritaire des firmes (avec les stocks options comme outil d’incitation aux managers). Les capitaux des investisseurs institutionnels ont reflué d’Asie vers leurs bases d’origine. Les deux Bourses de New York, le NYSE et le NASDAQ (spécialisé dans les actions des firmes dites de « haute technologie ») sont redeviennues le principal terrain d’opération des investisseurs financiers et des managers « nouveau style » dont les dirigeants d’Enron ont été la personnification. La « valeur actionnariale » n’exige pas seulement une répartition des profits avec priorité aux dividendes. Elle suppose aussi de maintenir les cours en Bourse à un niveau élevé. Les groupes industriels ont racheté leurs propres actions et se sont endettées sur le marché des prêts obligataires. Les acquisitions de firmes plus faibles ont été financées par des échanges de titres à des prix qui n’avaient aucune relation avec leur valeur réelle. Lorsque la « bulle Internet » a éclaté au début de 2001, le NASDAQ a connu un vrai krach tandis que le NYSE a subi une chute sérieuse et connu des niveaux bas jusqu’à fin 2002. Même lorsqu’elles ne connaissent pas le sort d’Enron ou de Vivendi, les entreprises se sont trouvées très endettées et le resteront jusqu’en 2003 ou même 2004. Les choix faits et les mesures prises par le gouvernement des Etats-Unis (la Fed ensemble avec l’Administration Bush), pour enrayer les effets du krach du NASDAQ et soutenir encore plus qu’avant le secteur immobilier, ont semé les graines de la crise financière qui a débuté et privé aussi l’actuel président de la Fed des moyens pour réellement agir.

Les mécanismes de propagation à l’œuvre dans le cheminement de la crise depuis août

Il faut en venir à 2007 pour préciser le lieu de retournement de la conjoncture états-unienne et pour identifier les mécanismes de propagation qui sont apparus dans le cheminement de la crise financière depuis août. Le premier mécanisme de propagation est celui, interne à l’économie américaine. Il a pour origine l’éclatement d’une bulle immobilière qui s’est formée progressivement à partir de 2004. Il a commencé à toucher l’activité économique états-unienne dans le secteur de la construction, mais aussi dans l’économie plus largement (perte de 4000 emplois au 2° trimestre). Elle a comporté la faillite d’un certain nombre de sociétés financières de deux types, les sociétés de prêts hypothécaires et celles spécialisées dans la titrisation de titres hypothécaires à risque, leur achat et leur revente (la titrisation est expliquée plus loin). L’utilisation du terme « bulle immobilière » se justifie puisque les maisons et les appartements représentent pour leurs propriétaires, pas seulement une valeur d’usage, mais un « actif financier », qu’ils achètent en pensant à la revente et qui leur sert de gage pour d’autres emprunts. A l’origine d’une bulle, on trouve toujours des processus de création auprès des candidats spéculateurs ayant de l’argent à placer, de l’idée du « bon placement », du bien patrimonial - titre financier, appartement ou maison - qui peut être acheté pour être revendu avec profit en toute sécurité et avec une haute rentabilité. Dès qu’une conviction collective, toujours de caractère « moutonnier »23, prend corps commence alors un mouvement de hausse du prix de l’actif concerné, qui lance pendant un certain temps un processus d’autoréalisation. La hausse des prix attire de nouveaux acheteurs dont l’arrivée pousse les prix encore plus haut. Dans le cas des titres d’entreprises (actions ou obligations privées), cela dure aussi longtemps qu’un retournement de la conjoncture, résultant du ralentissement de l’investissement ou de la consommation ou d’un choc extérieur, ne rompe la quiétude des investisseurs et les pousse à se défaire des titres les plus exposés. Dans le cas de l’immobilier, le moment où la hausse des prix prend fin vient de la saturation de la demande, du degré de surinvestissement résultant des « anticipations » trop optimistes des promoteurs immobiliers, mais aussi du simple ralentissement de la croissance des revenus des ménages.

Aux Etats-Unis, l’utilisation de la maison individuelle comme actif financier, marchandise achetée en vue de sa revente autant que de son occupation comme logement, est très ancienne. Au cours de la dernière décennie, en dépit du boom boursier, les plus-values réalisées sur l’achat et la revente des maisons d’habitation individuelles ont été la première source (60 %) d’enrichissement patrimonial des ménages états-uniens. Les plus-values boursières (20 %) ne viennent qu’en deuxième position24. La pratique des prêts hypothécaires s’est généralisée depuis longtemps, mais aussi de façon plus importante encore celle de la titrisation des créances hypothécaires possédées par les banques. Tel est le dispositif sur lequel repose le rêve américain (plus exactement le moyen de stabilité sociale) d’accession à la propriété de son logement. Il permet de comprendre pourquoi en 2002 le secteur immobilier a été choisi par la Fed et le gouvernement fédéral pour relancer l’activité économique. A mesure que la bulle immobilière s’est formée, des prêts hypothécaires n’ont plus été proposés seulement aux ménages disposant de revenus relativement élevés et stables, mais aussi à d’autres qui n’étaient pas dans cette situation. La déréglementation accélérée des années 1990 et 2000 a vu fleurir des sociétés de prêts hypothécaires indépendantes opérant sur le mode de l’arnaque, dont Paul Jorion fait une analyse minutieuse. La Fed a reconnu ne pas les contrôler, ni même les superviser. Ce sont elles qui sont directement à l’origine du marché des prêts « subprime » (littéralement « inférieur à la norme de qualité »). Mais pour que des prêts à risque de défaillance élevé puissent non seulement être accordés, mais aussi que les créances douteuses soient revendues, il fallait que les sociétés de prêts hypothécaires indépendantes trouvent des sociétés financières aux reins solides (au moins en apparence), auprès desquelles elles puissent titriser les contrats dont elles obtenaient la signature.

Des fonds spéculatifs à haut risque (les Hedge Funds), souvent filiales de grandes banques d’investissement ou de grandes banques commerciales, ont accepté de le faire. Ces fonds et leurs sociétés-mères ne sont pas seulement américains, mais aussi étrangers. C’est cela qui a provoqué le processus de propagation de crise proprement mondial dont le système financier a été le théâtre si vite. Il faut expliquer pourquoi les fonds de placement spéculatifs y ont occupé une place toujours plus importante depuis 2002-2003. En raison du faible rendement des obligations né de la baisse des taux d’intérêt, ainsi que de l’étroitesse des marchés d’actions (relative bien sûr, en regard de la masse de « liquidités » cherchant à se valoriser), les investisseurs institutionnels ont adopté et proposé à leurs clients ce qu’on appelle une « gestion duale ». D’un côté, ils ont constitué des portefeuilles à « gestion passive », pour couvrir leurs coûts. De l’autre, ils ont délégué la gestion active de placements destinés à offrir des rendements élevés, soit à des Hedge Funds (qui existaient déjà ou qu’ils ont créé eux-mêmes), soit à des « fonds de fonds », notamment de Private Equity, spécialisés dans les OPA à fort effets de levier qu’ils ont constitués seuls ou à plusieurs. Les Hedge Funds recherchent des placements à rendement élevé. Leurs stratégies reposent sur des leviers d’emprunt très élevés, des actifs à haut risque et une rotation très rapide de leurs portefeuilles. Avec 5 % des actifs gérés dans le monde, les Hedge Funds réalisent entre le tiers et la moitié des transactions journalières combinées à New York et à Londres25.

L’entrée d’acteurs nouveaux dans l’industrie du placement financier dans un contexte de liquidités massives (dont les causes sont expliquées plus loin) y a exacerbé la concurrence. On a donc vu la création d’instruments de placement de plus en plus complexes souvent fondés sur la titrisation (cette technique sera expliquée plus loin) et la création de ce que le jargon nomme des « produits synthétiques » où s’opèrent un « packaging » de créances d’origine et de fiabilité très diverses. Ce sont les RMBS (Residential Mortgage Backed Securities), c’est-à-dire les titres adossés à des prêts immobiliers ; les CDS (Credit Default Swaps), qui sont des dérivés de crédit comportant le transfert moyennant un intérêt du risque lié à la détention d’obligations d’entreprises ; enfin les CDO (Collateralized Debt Obligations), qui sont des « titres dérivés de titres », donc le résultat de deux opérations successives de titrisation26. Comme on s’est aperçu depuis début août, ces titres, détenus en « gestion dynamique » par les banques, contenaient souvent des créances hypothécaires insolvables.

Le dérèglement du crédit interbancaire

Les Hedge Funds et les banques qui les ont souvent créés elles-mêmes, ne sont pas seulement américains. C’est ainsi que la faillite en juillet 2007 de deux fonds à risque de la banque d’investissement new-yorkaise Bear Stearns, a été suivi par l’annonce le 4 août que la banque régionale allemande IKW était en très grosse difficulté et que le ministre des Finances était intervenu pour en organiser le sauvetage. Puis il y a eu l’annonce le 9 août que BNP-Paribas avait gelé trois fonds à risque investis en subprime, de façon à arrêter le retrait des capitaux placés dans ces fonds par des investisseurs. La secousse suivante s’est produite le 22 août lorsqu’on apprenait qu’à New York trois grandes banques avaient fait appel aux facilités d’escompte de la Fed pour le compte des sociétés financières clientes en difficulté, mais aussi qu’à Londres le même jour, la Barclays s’était vu refusée par HSBC le crédit interbancaire dit « overnight » qui est de règle entre banques pour clôturer leurs comptes du jour. Ainsi s’est ouverte ce que The Economist nomme une « guerre froide » entre les plus grandes banques de la City27. Elles se savent investies les unes et les autres en « produits synthétiques » contenant des titres sans valeur. Elles ne savent pas à quel degré ni avec quel niveau de pertes potentielles. L’incertitude s’est traduite par une forte hausse à la mi-août du taux du marché interbancaire londonien (le LIBOR) où les banques, britanniques et étrangères, se financent et se prêtent mutuellement, provoquant de très grandes difficultés de fonctionnement du crédit interne au secteur financier.

Dans la configuration du système financier des années 2000, les fonds de placement et autres sociétés financières peuvent se tourner, en temps normal, vers le marché monétaire pour y émettre des titres de dette de très court terme (dits commercial paper), gagés sur certains de leurs actifs, d’où leur nom Asset Backed Commercial Paper (ABCP). Depuis août, ils ont eu la plus grande difficulté à le faire. La capacité d’une société financière de lever des fonds en émettant de l’ABCP dépend de la qualité des actifs auxquels l’émission est adossée. Jusqu’en août les « produits synthétiques » présentés plus haut satisfaisaient à ce critère. Ce n’est plus le cas, de sorte que les acheteurs d’ABCP se sont faits rares et le marché s’est tari. C’est ce tarissement du crédit interne au secteur financier, combiné bien sûr avec le fort ralentissement des prix de l’immobilier au Royaume Uni, qui a provoqué l’épisode suivant, à savoir la situation de quasi-faillite de Northern Rock. Pendant plusieurs années, cette société qui le cinquième établissement de prêt hypothécaire et la huitième banque du système britannique, a engrangé de très forts profits financiers avec l’épargne de particuliers, mais surtout en empruntant de très fortes sommes sur le marché des titres ABCP. Sa gestion, à l’instar de celle des sociétés de Private Equity, a reposé sur « l’effet de levier » qui exige un roulement continu d’emprunts élevés de court terme. Depuis fin août les banques et les Hedge Funds n’ont plus voulu accorder de prêts à Northern Rock. La banque a été obligée de l’annoncer, provoquant la première fuite des déposants (bank run) dans un pays capitaliste avancé depuis les années 1930. La Banque d’Angleterre et le gouvernement britannique ont été obligés d’intervenir pour lui éviter la faillite. C’est un processus analogue de tarissement du crédit interne au secteur financier qui a fait peser une menace de faillite sur le Hedge Fund à capitaux familiaux français Oddo, considéré jusqu’au mois d’août comme un modèle de « gestion dynamique » réussie. La contraction de crédit interne au secteur financier est l’un des canaux possibles de propagation de la crise financière vers les marchés boursiers. Les Hedge Funds en difficulté mais détenant un portefeuille d’actions, pourraient être contraints de les vendre. Depuis août c’est surtout la chute des cours des banques dans leur qualité de sociétés cotées en Bourse, qui a provoqué la baisse des indices boursiers. Les difficultés que connaîtraient des fonds spéculatifs importants ou en nombre élevé, accentueraient aussi celle des banques.

Hypertrophie des marchés d’actifs, empilement des dettes et théorie du capital fictif

S’il fallait caractériser l’histoire économique des pays capitalistes industriels avancés des trois dernières décennies à l’aide d’un seul fil conducteur, ce serait celui de l’accumulation d’un montant extrêmement élevé de capital fictif, ainsi que la transformation des politiques économiques en politiques visant à en défendre la pérennité. En trois décennies, du fait même de cette accumulation, de profonds changements se sont aussi produits dans la composition même de ce capital fictif. Ils se sont faits dans le sens d’un accroissement continu du caractère purement illusoire, imaginaire des titres qui composent ce capital et doivent livrer des « profits », ainsi que des dangers toujours plus forts que leur émission et leur échange font peser sur le système financier mondialisé. Les défenseurs de ce système parlent ainsi de « fuite en avant », de décisions qui ont permis « le génie de s’échapper de la bouteille », etc.

La catégorie du « capital fictif » se trouve uniquement chez Marx. Celui-ci en esquisse les contours dans ses développements sur le capital de prêt, porteur d’intérêt, mais aussi dans son examen de l’activité de création de crédit par les banques. Le terme exprime la nature des titres émis en contrepartie de prêts à des entités publiques ou à des entreprises (les obligations), ou en reconnaissance à la participation au financement (le plus souvent initial) du capital d’une entreprise (les actions). Le contenu économique de ces titres est celle de prétentions à participer au partage du profit (dont l’ampleur est fixée par les normes afférentes à la valeur actionnariale) ou à bénéficier par le biais du service de la dette publique, de la redistribution de revenus centralisés par l’impôt28. Pour leurs détenteurs, ces titres, qui doivent être négociables à tout moment sur des marchés spécialisés, représentent un « capital », dont ils attendent un rendement régulier sous forme d’intérêts et de dividendes (une « capitalisation »). Vus sous l’angle du mouvement du capital productif de valeur et de plus value, ces titres ne sont pas du capital. Dans le meilleur des cas, ils sont le « souvenir » d’un investissement fait depuis longtemps. Pour leurs détenteurs, ils sont un « capital » non seulement par les appropriations sur la valeur qu’ils autorisent, mais par la possibilité qu’il y a de les céder sur les marchés financiers et récupérer des sommes liquides pouvant être placées de nouveau, consommés ou investis au sens propre.

Le crédit créé par les banques comporte aussi une dimension de création de capital fictif. Elle revêt différentes formes et peut être plus ou moins importante. Les banques mettent à la disposition des « agents économiques » des sommes qu’ils n’ont pas. Pour les entreprises, des sommes qui leur permettent soit d’attendre que des paiements leur soient faits (escompte des effets commerciaux et autres créances), soit de compléter leurs capitaux propres au moment d’investir dans des activités créatrices de valeur et de plus value. Pour les particuliers auxquels le crédit a été étendu, des sommes au-delà de leur épargne et de leurs revenus courants qui leur permettent de faire construire ou d’acheter un logement ou d’acheter des biens de consommation. Les opérations de création de capital fictif pour les entreprises ou de moyens fictifs pour acheter, comportent une augmentation de la masse monétaire en circulation. Elles sont aussi un facteur de risque. Les crédits créés dépassent nécessairement de très loin le montant des sommes placés en dépôt (dont la source principale aujourd’hui dans les pays capitalistes avancés est le versement des salaires mensualisés), la question étant de savoir leur ampleur tolérable sans risque excessif. Pour ces deux raisons, pendant très longtemps, la principale mission des Banques centrales a été de surveiller les banques et de contrôler l’ampleur de cette activité de création de crédit. Ce faisant elles limitaient, de facto, le montant de capital fictif créé dans le secteur bancaire. Marx, qui avait mesuré l’importance cruciale du système de crédit pour la fluidité de la production, a souligné la force des mécanismes qui rendaient ce contrôle difficile. Non seulement la majeure partie de l’actif des banques est fictif, puisqu’il est composé de titres, « espèce de richesse imaginaire qui ne constitue pas seulement une partie fort importante de la fortune des particuliers (mais) aussi une portion notable du capital des banquiers »29, mais « à mesure que se développent le capital productif d’intérêt et le système de crédit, tout capital semble se dédoubler, et par endroits tripler même, grâce aux diverses façons dont un même capital, ou simplement une même créance, apparaît dans des mains différentes, sous des formes différentes ». Et de préciser : « La majeure partie de ce ’capital-argent’ est purement fictive. Le fonds de réserve excepté, tous les dépôts ne sont que des créances sur le banquier, qui n’existent jamais réellement en dépôt. Dans la mesure où ils sont employés dans les opérations de virement, ils font fonction de capital pour les banquiers quand ceux-ci les ont prêtés. Entre eux les banquiers se règlent les assignations réciproques sur des dépôts qui n’existent pas, en faisant venir ces créances en déduction les unes des autres »30.

L’accumulation de titres et de créances qui a eu lieu depuis près de quarante ans a d’abord été le résultat pour ainsi dire mécanique du processus qui voit les intérêts et les dividendes être placés en titres nouveaux. Puisque le caractère fictif de cette forme de capital n’en annule pas, mais au contraire en exacerbe le poids économique, politique et social, la montée en puissance du « pouvoir de la finance » a contribué à renforcer l’ensemble des mécanismes conduisant à l’accentuation des inégalités de revenu, nourrissant un flux continu de sommes cherchant à se placer. Celles-ci sont venues de l’ensemble du monde et se sont encore accrues avec le reflux en 1997-98 des capitaux qui s’étaient placés en Asie. L’accroissement de la masse des capitaux à placer ou à replacer a suscité les développements suivants. En premier lieu, les investisseurs financiers, à commencer par les investisseurs institutionnels, ne se sont plus satisfaits du rendement de leurs portefeuilles en intérêts et en dividendes. Ils sont passés, pour satisfaire les normes du « corporate governance », dans une gestion dite de « total return »31 dans laquelle le montant des gains résultant de la vente ou de l’échange de titres ayant un cours élevé en Bourse est devenu un élément décisif, voire le plus décisif, dans la détermination de la performance des gestionnaires. Les groupes industriels ont commencé à racheter leurs titres en Bourse pour en soutenir les cours et à lever des fonds pour l’investissement en s’endettant. Ce non-sens traduit une situation où les exigences de l’accumulation de capital fictif l’emportent sur celle du capital tourné vers la mise au travail de salariés et l’appropriation du surtravail.

La titrisation et la nature des profits tirés d’opérations internes à la sphère financière

Le « total return » n’a été qu’une étape. Avec l’atonie des marchés boursiers dans les années qui ont suivi 2001-2002 et la baisse des taux d’intérêts à moyen et long terme provoquée par les effets déflationnistes nés de la crise asiatique puis par le montant toujours plus élevé des excédents commerciaux et des réserves de change de Chine, d’Inde, même du Brésil cherchant à se placer, les investisseurs institutionnels ont adopté la « gestion duale » exposée plus haut. Ils ont permis aux Hedge Funds, considérés avec beaucoup de méfiance depuis le sauvetage obligé de LTCM, de devenir des institutions « respectables », dont les performances de rendement pour l’investisseur ont été attendues et admirées. Personne n’y a trouvé à redire. Pourquoi ? Parce que les investisseurs financiers, mais aussi les Banques centrales ont cru disposer enfin d’une technique miracle garantissant le système financier contre le risque, à savoir la titrisation généralisée. La titrisation (en anglais « securitization », consiste à « transformer les créances détenues par des établissements de crédit, des sociétés financières, des compagnies d’assurance ou des sociétés commerciales (les comptes clients) en titres négociables ». Ce sont les titres dont il a déjà été question. Ils ont des noms barbares qu’il faut pourtant citer. Il y a d’abord les RMBS (Residential Mortgage Backed Securities), adossés à des prêts immobiliers. On trouve ensuite les CDS (Credit Default Swaps), dérivés de crédit comportant le transfert, moyennant des intérêts et des commissions élevées, du risque lié à la détention d’obligations d’entreprises. Les CDS étaient des instruments de couverture de risque. Ils sont devenus des instruments de placement spéculatif32. Il y a enfin les CDO (Collateralized Debt Obligations), qui sont des « titres dérivés de titres » qui supposent deux opérations successives de titrisation, donc une opacité totale sur la composition du « produit synthétique ». Ce sont elles qui ont joué un rôle si important dans le cheminement de la crise en août 2007.

L’auteur du petit lexique en langue française dont la définition de la titrisation est tirée, ajoute que cette technique « présente de multiples avantages : l’opportunité de diversifier les sources de financement, le transfert à des tiers de la gestion des remboursements anticipés et donc du risque de taux de refinancement, le respect des rations de solvabilité bancaire (ratio Cooke) et la création d’un nouveau produit financier, devenu négociable sur un marché ». Puis de faire le commentaire suivant : « l’avènement de la titrisation constitue une révolution financière fondamentale dans la mesure où cette technique représente la généralisation du transfert de risques à ceux qui sont les mieux à même de les assumer »33. L’auteur reflète là l’opinion quasi-unanime des professionnels de la finance qui continuent de clamer qu’il ne faut pas mettre en cause la titrisation34. Ainsi que le cheminement de la crise hypothécaire et sa transformation en crise de liquidité interne au système financier l’ont montré, c’est un mirage de croire qu’il existerait des prêteurs « mieux à même d’assumer le risque », dans un sens qui puisse assurer la pérennité de la chaîne des créances transférées en cascade. Il y a seulement des fonds qui sont prêts à prendre des risques plus élevés que d’autres dans le cadre d’un système extraordinairement opaque, dénué du moindre mécanisme de régulation et alimenté par des « surliquidités » de capital fictif et qui ne trouvent à un moment donné plus personne sur qui se décharger.

Les « avantages » de la titrisation avancés dans la définition, font écho à la citation de Marx faite plus haut, d’autant plus que ce sont les « établissements de crédit » qui sont mentionnés en premier. L’un de ces « avantages », complètement contemporain, a trait à l’utilisation de la titrisation par les banques pour contourner, tout en s’y complaisant formellement, les règles que la Banque des règlements internationaux de Bâle (BRI) a tenté de mettre en place, notamment en ce qui concerne les niveaux minima de fonds propres. La titrisation a permis aux banques de placer dans une comptabilité parallèle, dite « hors bilan », un montant toujours plus élevé de créances. L’incertitude relative à la dimension de ces engagements hors comptabilité formelle est l’une des causes d’inquiétude des spécialistes quant à la possibilité que prenne forme un « credit crunch » au sens fort, c’est-à-dire une contraction du crédit à l’économie. Le recours à la titrisation tout comme la filialisation par les banques de fonds à haut risque est une étape de plus dans la déspécialisation des banques provoquée par la libéralisation financière qui a mis fin à leur primauté en matière de prêt aux entreprises35. Sous l’effet de la concurrence que les Fonds de pension et les Mutual Funds, les banques se sont engagées dans des prêts rémunérateurs mais de plus en plus risqués. Elles ont été au cœur de la crise hypothécaire de 1990-92. Ensuite elles ont pris en charge le refinancement des crédits bancaires émis dans les pays d’Asie du Sud-est avant de se retirer brutalement en 1997, avec des pertes dans certains cas, notamment en Indonésie. Depuis 2004, elles ont investi les marchés des effets titrisés par l’intermédiaire de leurs filiales à haut risque. Aujourd’hui elles sont de nouveau touchées par l’éclatement de la bulle immobilière.

Reste à aborder un dernier aspect des changements qui ont eu lieu dans la composition du capital fictif sur une période de vingt ans, à savoir l’apparition aux côtés de la perception d’intérêts et de dividendes, de ce qu’on peut appeler des « profits fictifs ». On les connaissait déjà, mais avec un rôle très secondaire. C’est ce qu’exprimait le terme « windfall profits » utilisé dans les années 1920-1930 pour désigner les gains résultant de spéculations boursières réussies. Les « profits fictifs » s’opposent aux « créances fortes » associées à l’accumulation de capital-argent porteur d’intérêt, c’est-à-dire des prétentions à venir en partage de la valeur et de la plus value sous forme de versement d’intérêts sur les prêts aux Etats et de dividendes auxquelles se référait l’expression « dictature des créanciers ». Les « créances fortes » sont assises sur des mécanismes économiques et des moyens de coercition politique qui en garantissent l’effectivité en deçà de très grandes crises ou de guerres ou de révolutions (les « titres russes » perdus en 1917). On est en présence de « capital fictif » dans le sens expliqué plus haut (capital pour les détenteurs de titres, trace d’investissements antérieurs du point du mouvement de l’accumulation au sens propre), mais celui-ci donne lieu à des transferts de valeur et de plus value vers des groupes sociaux à traits parasitaires qui n’ont eux rien de fictif. Au moment des krachs financiers, le caractère fictif des titres se dénoue aux dépens de leurs détenteurs. Mais en deçà des krachs, ils sont l’instrument de transferts bien réels, qui modifient la répartition du revenu et qui pèsent sur l’investissement. L’autre grande forme de créances donnant lieu à un transfert effectif de revenu, pris sur les salaires pour les prêts aux particuliers et sur les profits pour les prêts aux entreprises, sont celles naissant du crédit. La force de ces créances est bien moindre, voire très faible. La capacité des créanciers d’en imposer le paiement a des limites. Ainsi que l’atteste les « créances douteuses » exigeant des approvisionnements spéciaux de la part des banques, la défaillance des débiteurs occasionne de vraies pertes pour les prêteurs.

La nouveauté est celle qui résulte de l’apparition à partir du milieu des années 1990, avec une accélération après 2001, aux côtés des actions et des obligations, d’un montant toujours plus élevé de titres dont la valorisation repose uniquement sur un processus de circulation interne à la sphère financière. La fiction atteint son comble puisque la « valeur » de ces titres ne tient qu’aussi longtemps que leur circulation ne s’interrompt pas, que les sociétés financières continuent à accepter les titres des unes et des autres. Les « profits » provenant de la prise en charge de ces titres et de la liquidation réussie des dettes sous-jacentes sont des « profits fictifs ». Avec le passage au « total return » et la formation de la bulle du NASDAQ, les « profits fictifs » ont grandi en importance. Ainsi que la crise en cours le montre, la titrisation mais aussi un ensemble de pratiques développées par les banques d’investissement et les Hedge Funds ont relégué cette forme au second rang. Dans un travail récent, Reinaldo Carambolo et Paulo Nakatani36 attribuent aux « profits fictifs » la cause du redressement de la courbe du taux de profit dans les années 1990. Un article de The Economist atteste de l’importance des sommes provenant de spéculations et de commissions de gestion des sociétés financières comme de leur inclusion aux Etats-Unis dans les comptabilités sous la rubrique profits37. Ils sont inclus par les sociétés cotées en Bourse dans leurs profits opérationnels (operating earnings), mais ils sont aussi inclus dans les profits comptabilisés dans la comptabilité nationale. Les « profits » tirés des placements et des spéculations financières représentent aujourd’hui 27% des profits des 500 sociétés de l’index Standard & Poor. Un tiers de la croissance des profits des sociétés américaines depuis dix ans serait due aux sociétés financières (tous les chiffres viennent de l’article de The Economist). Mais il est impossible de suivre Reinaldo Carambolo et Paulo Nakatani lorsqu’ils écrivent que ces profits ont été un « nouveau facteur puissant venant contrecarrer la baisse tendancielle du taux de profit ». Seuls des facteurs affectant le taux d’exploitation ou le prix d’éléments constitutifs du capital constant ont ce pouvoir. Les « profits fictifs » sont une émanation de l’hypertrophie financière et sont conditionnés par son extrême vulnérabilité. Aujourd’hui les spécialistes, dont l’auteur de l’article de The Economist, s’attendent à ce qu’ils chutent assez fortement et qu’ils aient des impacts macroéconomiques conjoncturels peut-être sérieux, donc des contrecoups sur l’activité des entreprises. C’est ailleurs qu’il faut rechercher les facteurs qui ont contrecarré passagèrement la baisse du taux de profit.

Les moyens d’action émoussés des Banques centrales et la rivalité des monnaies

La politique monétaire est devenue le principal moyen de la politique économique anticyclique. Elle est menée par les Banques centrales, de pair avec les gouvernements partout à l’exception de la zone Euro, où la sacro-sainte indépendance de la BCE prévaut. Cette politique repose essentiellement sur deux instruments, la création de liquidités au bénéfice de banques ou d’autres sociétés financières en difficulté et la baisse des taux d’intérêts directeurs qui fixent le prix des prêts à court terme. Or ce que deux mois de cheminement de crise financière tendent à montrer, c’est que les Banques centrales ont brulé leurs cartouches ou, au mieux, ne possèdent plus que des cartouches mouillées. La Fed, la Banque d’Angleterre et la BCE ont mis à la disposition des sociétés financières en difficulté des crédits importants sans que cela ne stoppe la progression de la crise à l’intérieur du système financier. La Fed a baissé ses taux d’un demi-point, soit une baisse importante, le 18 septembre. La Bourse s’en est réjouie, mais dès le lendemain les commentateurs sérieux expliquaient qu’elle n’aurait pas le moindre impact sur le marché hypothécaire et freinerait tout au plus le processus de contagion vers d’autres secteurs de l’économie américaine38.

Ces instruments sont émoussés pour deux raisons : leur utilisation répétée et le débordement des Banques centrales par des mécanismes résultant de la mondialisation financière. C’est Michel Aglietta qui donne l’explication la plus sérieuse du premier aspect : ce sont les exigences et les effets du régime de la valeur actionnariale qui ont conduit à leur usage répété. Il est utile de citer Aglietta longuement et ainsi de lui donner acte de son abandon implicite, mais éclatant, des thèses qu’il a défendues en 1997 au sujet des enchaînements vertueux du « capitalisme de demain »39 : « Pour maintenir un profit haut et régulier il faut une demande dynamique. Elle ne peut pas venir des pays émergents puisqu’ils sont en excédents structurels de leurs balances de paiements. Elle ne peut pas venir des revenus salariaux dont la croissance est faible. Elle vient des revenus distribués aux actionnaires et à l’élite dirigeante, mais la masse globale de ces revenus est insuffisante pour soutenir une demande agrégée en croissance rapide. Le capitalisme contemporain trouve la demande qui permet de réaliser les exigences de la valeur actionnariale dans le crédit aux ménages. Ce processus atteint son paroxysme aux États-Unis. Il alimente les déséquilibres financiers globaux qui s’accumulent selon une dérive qui n’a pas de contre-tendance. Le lien entre le crédit et le principe de la valeur actionnariale est étroit. En poussant à la hausse les prix des actifs patrimoniaux, le crédit déconnecte la consommation du revenu disponible »40. Le recours à un tel procédé a nécessairement une fin. Il arrive un moment où le prix de actifs patrimoniaux, notamment les actifs immobiliers, ne peut plus monter et commence à plafonner, puis à baisser, du fait des mécanismes endogènes à tout cycle, notamment à ceux qui se terminent en bulles financières. La consommation ne peut pas non plus être relancée indéfiniment par le crédit, tellement l’endettement est élevé. La Banque centrale a beau venir au secours des sociétés financières en leur fournissant des liquidités en urgence et baisser les taux d’intérêts sur lesquels elle a encore prise : rien n’y fait, le mouvement vers la récession se poursuit. Tel est le constat après deux mois d’intervention de la Fed sous la direction de Ben Bernanke, héritier infortuné d’Alan Greenspan, lequel a usé les « instruments du banquier central » jusqu’à la corde.

L’épuisement de l’efficacité de moyens trop souvent utilisés, se conjugue avec la perte de contrôle totale des Banques centrales sur la variable qu’elles avaient traditionnellement pour mission de maîtriser, sinon de contrôler, à savoir la quantité de monnaie de différentes sortes en circulation41. L’intégration des marchés financiers nationaux dans un espace de circulation du capital-argent maintenant mondialisé au sens le plus fort du terme, le leur interdit. Pour cela, il faudrait qu’elles développent entre elles des formes de coopération très étroites. L’accroissement incontrôlé de la masse de devises et de simples écritures se présentant comme de la « monnaie » a eu en particulier deux causes. La première est ce qui est nommé le « carry trade ». Le Japon a été incriminé en particulier. La Banque centrale a été forcée de maintenir ses taux d’intérêts directeurs à un niveau très bas dans l’espoir de relancer la demande intérieure. Ailleurs, les taux ont été plus hauts, toujours supérieurs de 3 à 5 points, dans le cas de pays comme le Brésil, l’écart a été bien plus élevé encore. Toute société financière installée sur la place de Tokyo, qu’elle soit japonaise ou filiale étrangère, a eu la possibilité de jouer sur le différentiel de rémunération de l’argent pour acheter des actifs financiers là où ils étaient pour elle très bon marché. Seule une coopération étroite entre Banques centrales où celles-ci nivèleraient leurs taux directeurs, pourrait faire cesser une telle pratique. Mais il faudrait encore plus pour maîtriser le montant des liquidités mondiales. C’est ici qu’on en vient à la seconde cause d’accroissement des liquidités mondiales. Ce sont les réserves, surtout en dollars, un peu dans les autres grandes monnaies, résultant des excédents commerciaux des nouveaux pays industriels d’Asie, de ceux des pays bénéficiaires de rentes énergétiques (pétrole et gaz) et tant qu’ils durent de ceux des pays exportateurs de produits miniers et agroindustriels (Brésil, etc.). Leur montant appellerait une coopération entre Banques centrales portant sur la stérilisation d’une fraction assez élevée des réserves. On en est loin. Les Etats-Unis n’y ont vu jusqu’à présent aucun intérêt puisque les réserves étrangères ont financé le déficit budgétaire américain et se sont même portés sur les marchés de titrisation des dettes des particuliers. Michel Aglietta donne les chiffres suivants. Sur les 850 milliards de dollars de capitaux étrangers nécessaires au financement de l’économie américaine, 170 seulement proviennent des autres banques centrales et 680 des investisseurs privés, dont 600 milliards sous forme de billets de trésorerie ou d’obligations en moyenne sur le premier trimestre de l’année 2006. Ces titres sont émis par les entreprises non financières et financières et émanent surtout de la titrisation des crédits. Les non-résidents assurent 50 % du refinancement de la dette des ménages. Et de souligner que « cette répartition du financement externe des États-Unis entre les banques centrales et les investisseurs privés étrangers est structurelle »42.

Loin de jeter entre elles, les bases d’une coopération portant sur les taux de change et la régulation de la liquidité globale en fonction des seuls besoins des paiements internationaux, les autorités politiques et monétaires des pays ou des unions économiques à monnaies importantes, s’enfoncent soit dans le chacun pour soi, soit dans des politiques qui traduisent des impasses institutionnelles profondes. Limitons-nous à quelques exemples. La Fed a baissé ses taux d’intérêt en réponse à des pressions intérieures aux Etats-Unis. La mesure n’a pratiquement aucune chance de faire autre chose que de freiner le mouvement vers la récession. En revanche, elle a eu un impact immédiat sur le taux de change entre le dollar et les autres monnaies. La hausse de l’euro provoquée par ricochet va contribuer à la propagation de la récession vers les pays membres de la zone euro. Dans l’immédiat, il a attisé les tensions entre ces pays car ceux-ci font face à la mondialisation à partir d’économies sensiblement différentes. L’éclatement de l’euro au cas où la BCE continuerait à mener une politique dont seule l’Allemagne peut vraiment supporter le poids, est devenu une question posée ouvertement des économistes ayant des responsabilités dans la sphère financière43. Le principal scénario de risque systémique monétaire et financier est celui qui pourrait naître d’une baisse du dollar en deçà d’un seuil que personne ne connaît. La perte de confiance dans le dollar sur les marchés financiers internationaux obligerait les banques centrales d’Asie à cesser de soutenir la monnaie américaine. La spéculation contre le dollar se déchaînerait. « Les interdépendances de marché feraient alors leur œuvre : hausse des taux d’intérêt américains ; plongée des prix des actifs dans le monde ; révélation du surendettement pour de nombreux agents économiques dans de nombreux pays ; et donc récession mondiale par déflation de bilan »44.

La position stratégique de l’Asie dans le développement ultérieur de la crise financière

Fin octobre 2007, ce qui semble se profiler est un ralentissement de la production et de l’emploi aux Etats-Unis, mais aussi en Europe. Dans le cas des Etats-Unis, le moteur en est le retournement du marché de l’immobilier. Indépendamment de l’émoussement des moyens d’intervention monétaires examiné plus haut, les effets d’une bulle sur des actifs immobilier sont bien moins faciles, et en tous les cas bien plus longs, à être résorbés que ceux d’un krach boursier. Le service d’études économiques de Goldman Sachs titre « Immobilier U.S., un cercle vicieux fermement enraciné » et en calcule les effets sur de très nombreux mois45. Le 16 octobre, la publication d’indicateurs sur les prévisions des professionnels (les pires depuis 1985) et le nombre des défaillances individuelles (les plus nombreuses depuis 20 ans) a été relayée par des déclarations du président de la Fed et du Secrétaire d’Etat au Trésor sur la gravité de la crise de l’immobilier privé. The Economist s’interroge sur la situation dans l’immobilier de bureaux46. Les opérateurs en bourse sont en pleine irrationalité. Le Wall Street Journal du 1° octobre 2007 ironise au sujet de la flambée des cours qui a suivi l’annonce des pertes du 3° trimestre des banques Citibank et UBS, « quelle calamité faudra-t-il pour faire comprendre la situation aux investisseurs ? »47. Fin octobre The Economist constate que « l’euphorie de fin septembre des investisseurs financiers s’est évanoui »48. Le taux de croissance du troisième trimestre a été plus haut qu’attendu, mais aux Etats-Unis on attend au quatrième trimestre l’effet conjugué de la crise immobilière et de la hausse du prix du pétrole. C’est la raison pourquoi la Fed a de nouveau baissé ses taux d’un quart de point le 31 octobre. L’Europe subit maintenant les effets non seulement du taux de change très élevé de l’euro, mais aussi ceux de la hausse du baril et des produits alimentaires. La conjoncture allemande comporte des signes contradictoires. En septembre l’indicateur de confiance des entrepreneurs allemands publiés par l’institut de conjoncture IFO a baissé pour la quatrième fois consécutive. Le choc subjectif de l’annonce que des banques allemandes ont trempé dans la spéculation subprime a été relayé par le ralentissement de la consommation intérieure sous l’effet de la forte hausse des prix alimentaires et l’augmentation de la TVA. L’économie est tirée par les exportations, donc par l’Asie.

Ce sont l’Asie et surtout la Chine qui détermineront le cours que la crise financière prendra. Cette partie de l’économie mondiale est scrutée par les économistes des pays industriels. Ils y cherchent les mécanismes stabilisateurs susceptibles de contrecarrer les risques de crise qui sont à l’œuvre aux Etats-Unis et en Europe. Ils recherchent aussi des données qui infirmeraient ou confirmeraient les craintes de suraccumulation. Le « modèle de croissance » de la Chine appartient à celui dit « tiré par les exportations ». Plus de 40 % du produit intérieur brut chinois dépend de ses exportations. Depuis 2005, les exportations nettes représentent le tiers de sa croissance chinoise. Les Etats-Unis sont le principal marché de la Chine. Selon des estimations, le groupe de distribution WalMart, qui possède un réseau dense de sous-traitants en Chine, assure près de 10% des ventes chinoises à l’étranger, la majeure partie en direction des Etats-Unis. La Chine cherchera à compenser le ralentissement de la demande américaine en se tournant vers d’autres marchés, mais il peut arriver un moment où comme pour la Corée en octobre 1997 les effets de la suraccumulation se transforment en facteur immédiat de propagation internationale de crise. L’investissement représente 45% du produit intérieur brut et continue à augmenter à un rythme de 25% par an49.

La Chine connaît des mécanismes du surinvestissement spécifiques, dont Michel Aglietta parle dans un second livre coécrit avec Laurent Berrebi. L’anarchie de la concurrence inhérente au capitalisme dont la suraccumulation est l’un des effets classiques y est également nourrie par les rivalités entre les appareils politiques des grandes et des très grandes villes et des provinces, ainsi que par la corruption. Malgré des mesures en principe strictes d’interdiction des nouveaux investissements, « le gouvernement a du mal à freiner les dépenses dans l’immobilier, les infrastructures routières et autres constructions d’usines. Cette situation tient en partie aux provinces et aux industriels locaux. Les premières cherchent à affirmer leur autonomie face au pouvoir central en encourageant sans discernement l’implantation d’industries locales, les seconds à profiter de l’euphorie générale »50. Les banques que les autorités ont le plus grand mal à surveiller, alimentent les investisseurs en crédits. Même si on annonce que le montant des créances bancaires douteuses a diminué, une crise du système bancaire est possible à tout moment. Dans sa volonté de trouver en Chine les mécanismes stabilisateurs dont le capitalisme mondial a besoin, The Economist se rassure en disant que les immenses réserves de change permettront au gouvernement d’éviter l’effondrement du système bancaire. Tous les observateurs de la Chine sont d’accord pour dire que le seul remède à la surproduction, serait une réorientation de l’activité économique d’une croissance extravertie à une croissance plus autocentrée. Au-delà de la nouvelle « classe moyenne » qui bénéficie des retombées de l’intégration de la Chine à l’économie mondiale, cela supposerait la liberté d’organisation politique, le droit des salariés de construire des syndicats indépendants et de défendre leurs revendications par la grève. Dans un autre livre, consacré uniquement à la Chine, écrit par Michel Aglietta avec Yves Landry, il est rappelé que « passée la phase de rattrapage quantitatif où il suffit d’investir pour générer de la croissance, vient la phase qualitative où seuls l’amélioration de la productivité et le renforcement institutionnel soutiennent la croissance et la transforment en développement durable. Dans cette seconde étape, les facteurs clefs sont l’éducation, la valorisation de l’initiative et la créativité, qui permettent l’émergence de nouveaux modes d’organisation et de nouvelles structures. La liberté des débats et la présence de contre-pouvoirs sont alors des éléments essentiels qui donnent une flexibilité indispensable aux structures » (souligné par moi). Et les auteurs de constater sobrement que « la Chine en est encore loin » 51. La teneur des débats au congrès du Parti communiste chinois viennent de le confirmer avec éclat.

Dans son dossier sur la Chine, The Economist fait beaucoup de cas des exportations chinoises vers l’Union européenne, dont la croissance a commencé à être plus forte que vers l’Amérique du Nord. L’UE est totalement ouverte à l’économie mondiale et elle est paralysée politiquement. Les deux choses sont nettement moins vraies des Etats-Unis. On a va donc sans doute assister à une montée des mesures protectionnistes qui les mettront aux prises avec la Chine. Pour être complète, l’appréciation de la place de la Chine dans le réseau mondial des mécanismes potentiels de propagation de crise, devra inclure ses rapports avec les pays voisins en Asie, ainsi qu’avec les parties de l’économie mondiale dont il n’a du tout été question dans ce texte. Ce sera pour un autre article. Les pays qui fournissent à la Chine les produits de base et les produits alimentaires qu’elle réclame ne seraient touchés que si celle-ci entrait en récession ou en crise ouverte de suraccumulation. Il n’en va pas de même pour les pays produisant les mêmes catégories de produits, par exemple les produits textiles. Ils subissent déjà, par exemple en Tunisie et au Maroc, le plein fouet de la concurrence chinoise. Même une contraction limitée de la capacité des Etats-Unis et de l’Union européenne de recevoir les importations venues de Chine et des autres pays d’Asie, accentuera la pression des marchandises asiatiques sur eux et aggravera leurs difficultés.

L’hypothèse défendue dans cet article est que l’économie mondiale se dirige vers une crise d’une certaine importance. Puisque toute crise porte la marque du moment exact où elle surgit et des contradictions propres à ce moment, ce sont eux que l’article a cherché à comprendre. Toute crise d’une certaine ampleur vient rappeler le caractère et les limites historiques du capitalisme. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir, en sachant toutefois que cet élément ne suffit pas pour en assurer le dépassement.

1 Note de l’économiste en chef (chief economist), 5 septembre 2007 sur www.oecd.org

2 Marx, Le Capital, livre I, Editions Sociales, t.1, page 143.

3 C’est le terme, qui me paraît juste, employé par Michel Aglietta. Voir Michel Aglietta et Laurent Berrebi, Désordres dans le capitalisme mondial, Odile Jacob, Paris, 2007.

4 Le livre très utile de Suzanne de Brunhoff, La monnaie chez Marx, Editions Sociales, 1967, a maintenant 40 ans. Il a été écrit à un moment très différent du capitalisme.

5 Marx, Le Capital, livre III, Editions Sociales, t.7, page 176.

6 Marx, Le Capital, livre I, t.1, note à la page 143.

7 Voir Ernest Mandel, La crise 1974-1982, les faits, leur interprétation marxiste, Collection Champs, Flammarion, Paris, 1982.

8 Je me suis expliqué sur ce point dans François Chesnais, Les contradictions et les antagonismes propres au capitalisme mondialisé et leurs menaces pour l’humanité, Actuel Marx, n°40 sur « la fin du néolibéralisme », novembre 2006.

9 Voir le livre d’Ernest Mandel de 1982 qui contient un long chapitre sur les enjeux du « cours nouveau » du Parti communiste chinois et l’évoltion de l’économie chinoise. Une bonne synthèse récente est celle de John Gittings, The Changing Face of China, Oxford University Press, 2006, chapitre 6.

10 Alain Bihr, La préhistoire du capital. Le devenir-monde du capitalisme 1. Éditions Page deux, coll. Cahiers libres, Lausanne, 2006, page 23.

11 François Chesnais, « La prééminence de la finance au sein du ’capital en général’, le capital fictif et le mouvement contemporain de mondialisation du capital », in Séminaire d’Etudes Marxistes, La finance capitaliste, Collection Actuel Marx Confrontations, Presses Universitaires de France, Paris, 2006.

12 Louis Gill, Fondements et limites du capitalisme, Boréal, Montréal, 1996, page 489-490. 13 Marx, Le Capital, I, t.2, page 231.

14 Mettons tout de suite « les points sur les i ». On vient de souligner le rôle joué par l’investissement des groupes industriels états-uniens. Depuis l’entrée de la Chine à l’OMC, les groupes japonais en ont fait aussi l’une de leurs bases industrielles extérieures. Pour autant, la place prise dans l’économie mondiale par la Chine et à un degré nettement moindre par l’Inde, ne peut pas être réduite à la seule « exportation » des rapports de production capitalistes à partir des pays de la Triade. Il repose sur un processus autochtone d’accumulation porté par des forces sociales endogènes. C’est cela qui sépare ces deux « pays-continents » d’autres « grands pays émergents » desquels on veut souvent les rapprocher.

15 C’est la question que se pose Diana Hochraich et à laquelle elle répond assez catégoriquement non dans son livre, Pourquoi l’Inde et la Chine ne domineront pas le monde, Ellipses, Paris, 2007.

16 Karl Marx, Introduction à la critique de l’économie politique, dans Contribution à la critique de l’économie politique, Editions Sociales, Paris, 1957, page 163-164.

17 C’est ce que j’ai encore fait dans mon chapitre au livre collectif, François Chesnais, Gérard Duménil, Dominique Lévy, Immanuel Wallerstein, Une nouvelle phase du capitalisme ?, Séminaire marxiste, Syllepse, Paris 2001.

18 Michel Aglietta et Laurent Berrebi, Désordres dans le capitalisme mondial, op.cit., écrivent (page 8) qu’il faut entendre « la globalisation comme un système d’interdépendances multilatérales où les puissances émergentes (c’est-à-dire la Chine et à un moindre degré l’Inde) exercent une influence déterminante sur les économies développées », ajoutant que « c’est à partir du tournant du 21° siècle que le terme ’globalisation’ est devenu adéquat aux phénomènes qu’il est censé désigner ».

19 On trouvera des calculs plus précis et l’analyse des effets bénéfiques de « l’excédent structurel d’offre de travail » par exemple dans « Globalisation and disinflation - Can anyone else do a ’China’ », Goldman Sachs Economic Papers, n°147, October, 2005.

20 Michel Aglietta et Laurent Berrebi, Désordres dans le capitalisme mondial, op.cit., chapitre 3.

21 Pour une définition de la distinction entre « mondialisation » et « transnationalisation » et la défense de la thèse que celle-ci continue à l’emporter complètement sur la première, voir Alain Bihr, La préhistoire du capital, op.cit., page 49 et suivantes.

22 Pour la phase allant de la première à la seconde crise de la dette du Mexique, voir François Chesnais, « Mondialisation financière et vulnérabilité systémique » dans François Chesnais, (coordinateur) La mondialisation financière, genèse, coûts et enjeux, Editions Syros, Paris, 1996.

23 Voir A. Orléan, Le pouvoir de la finance, Paris, Odile Jacob, 1999.

24 Voir sur tous ces points, l’analyse minutieuse de Paul Jorion, Vers la crise du capitalisme américain ?, La Découverte-M.A.U.S.S., Paris, 2007.

25 Michel Aglietta et Laurent Berrebi, Désordres dans le capitalisme mondial, op.cit., page 106-107.

26 C’est le terme utilisé par Frédéric Lordon, « Quand la finance prend le monde en otage », Le Monde Diplomatique, septembre 2007, page 10.

27 Titre de l’article page 80 du dossier « Will the credit crisis trigger off a downturn », The Economist, 22 septembre.

28 Au sujet de la théorie du « capital fictif » esquissée par Marx, à laquelle il faut maintenant donner son plein développement, voir mon chapitre dans Séminaire marxiste, La finance capitaliste, op.cit.

29 Marx, Le Capital, livre III, Editions Sociales, tome 7, page 140

30 Ibid, pages 132-133.

31 Voir Frédéric Lordon, Fonds de pension, pièges à con ?, Raisons d’agir, Paris, 2000.

32 Voir Patrick Artus, Les incendiaires, les banques centrales dépassées par la globalisation, Perrin, Paris, 2007, page 92. Il donne les chiffres suivants : le marché des CDS représentait 4% des obligations d’entreprise en 2001 et 70% en 2006.

33 Bertrand Jacquillat, Les 100 mots de la finance, Que Sais-je ? Presses Universitaires de France, Paris 2006, page 91.

34 Voir par exemple, la conclusion du dossier riche en données, « Securatisation » dans The Economist, 22 septembre, 2007 : « the debate should be about how the system can be improved, not dismantled ».

35 C’est ce qu’on nomme la « désintermédiation bancaire ».

36 Reinaldo Carambolo et Paulo Nakatani, Captalismo espectaculativo y alternativas para América Latina, Herramienta n° 35, Buenos Aires, juin 2007, page 34-35.

37 Bottonwood, « The profit puzzle », The Economist, 15 September 2007, page 88.

38 Voir par exemple, « Will the Fed reverse the housing slump ? », The New York Times, 19 September, 2007.

39 Michel Aglietta, Le capitalisme de demain, Notes de la Fondation Saint-Simon, n° 101, novembre 1998.

40 Michel Aglietta et Laurent Berrebi, Désordres dans l’économie mondiale, op.cit, page 63.

41 L’estimation des différentes formes de monnaie en circulation donne lieu à la publication de statistiques sous les intitulés M1, M2, M3.

42 Ibid., page 311.

43 La question est posée longuement en introduction et en conclusion du livre de Patrick Artus, Les incendiaires, op.cit.

44 Michel Aglietta et Laurent Berrebi, Désordres dans l’économie mondiale, op.cit, page 382.

45 Goldman Sachs, US Economics Analyst, n°07/38, September 21, 2007.

46 « Has commercial property peaked ? », The Economist, 13 octobre 2007.

47 « Stocks’ record finish amid surging mortgage defaults and growing fears of a recession, raises questions about what kind of calamity it will take to rattle Wall Street’s confidence ».

48 Financial markets are jumpy, with good reason, The Economist, 27 octobre 2007

49 Voir le dossier sur l’état de santé de l’économie chinoise : « How fit is the panda ? », The Economist, 29 septembre 2007.

50 Michel Aglietta et Laurent Berrebi, Désordres dans l’économie mondiale, op.cit, page 267.

51 Michel Aglietta et Yves Landry, La Chine vers la superpuissance, Economica, Paris, 2007, page 66.


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