Quant à considérer que toute volonté (et non croyance !) de faire advenir une société sans classe porte en elle le rejet de toute altérité, c’est reconduire, en pensant la retourner, l’idéologie dominante de l’économisme (capitaliste autant que marxiste) selon laquelle la seule et vraie différence humaine est celle fondée sur la propriété... Il y a bien quarante ans que les questions du féminisme, des cultures régionales et de l’écologie ont sérieusement entamé le dogme...
Il est amusant de voir à quel point le malentendu (ou le malécouté ?) est à la base de l’interlocution. La pensée que vous me prêtez est à l’opposé de celle que j’ai en réalité. Affaire de mots peut-être. Lorsque je parle de « classe » , c’est dans ma bouche , tout ce qui chez l’humain sépare et sur le contenu duquel porte le fameux conflit.
Classe économique, certes, qu’on dit souvent sociale, comme si le social ne se définissait que là, qui nous spécifie selon la quantité de valeurs que nous avons à disposition mais qui doit s’étendre à la manière que nous avons ou non de passer cette quantité au prisme d’une grille qualitative (c’est toute la problématique du « bio », de « l’éthique ») et d’un principe de précaution ( tout ce qui concerne les conflits écologiques). Classe économique donc mais également, classe « de genre » (d’où la question du féminisme), classe générationnelle ( d’où le conflit des anciens et des modernes, qui s’il s’est joué la plupart du temps dans le privé des familles, arrive depuis les années cinquante régulièrement dans l’espace public) et classe que j’hésite à qualifier d’ethnique, vu les valises que porte ce mot ( d’où les conflits régionalistes, nationalistes et ceux qu’on qualifie d’identitaires, comme si l’identité n’était pas aussi économique, de genre et de génération). C’est à tous ces endroits que porte la questions sociale par excellence : qu’est-ce qui est toi (ou à toi), qu’est-ce qui est moi (ou à moi) et sur quel modus vivendi peut -on s’accorder pour satisfaire relativement et provisoirement les partis en présence.
Relativement et provisoirement. Toute l’importance de ces deux mots. Qui disqualifient toute idée de fin de l’histoire qu’elle soit libérale ou communiste. Un contrat social (dans quelque domaine que ce soit : contrat salarial, achat d’un bien ou contrat de location, usage linguistique, ou partage des tâches ménagères) n’est jamais juste ou injuste en soi. Sa justice se mesure à la capicité relative et provisoire, qu’il a, d’ apaiser le conflit. L’histoire passant, on peut passer d’un ordre accepté à une dénonciation des privilèges. Les mouvements sociaux sont justement le lieu de cette contestation de l’ordre jusque là accepté. Mais comme le dit, D.Boullier, ils sont à la fois, complexes et divers.
La scène de ménage portant sur l’inégalité du partage des tâches ménagères ou le passage aux prud’homme pour licenciement abusif suite à un congé de maternité, l’inscription de son enfant dans une école bilingue ou la demande de construction d’une mosquée, la lutte contre l’installation d’une antenne relais , l’adhésion à une AMAP , ou une grève pour l’augmentation des salaires, l’adolescent qui revendique son autonomie sexuelle, l’association de jeunes qui demande des équipements pour leurs loisirs ou la revendication de la spécificité des rave parties pour ce qui est de de la demande d’autorisation préfectorale. Tout cela sont des mouvements sociaux en acte. Qui conduisent à faire bouger les lignes d’accord , par contrat, par modification de l’usage dominant ou par jurisprudence, pour une autre ligne qui sera un jour ou l’autre remise en question
C’est, il me semble, à ce rappel à la relocalisation , à la relativisation, et à la diversification du regard que nous portons sur les mouvements de contestation sociale, que nous invite Dominique Boullier. ET je ne pense absolument pas que ce genre de point de vue soit celui développé dans ce que vous appelez les médias dominants.
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