N. : Bonsoir, vous êtes sur Fréquence Paris Plurielle 106.3 avec l’émission « Vive la Sociale ». Ce soir nous sommes avec quatre invités. Trois sont présents et nous attendons un quatrième. Quentin, Majid et Pierre et nous attendons Henri. Tous font partie du collectif « Lieux communs » et tous ont été faire un petit séjour en Tunisie où ils sont allés rencontrer des gens avec qui ils étaient en contact et se renseigner. Ils vont nous raconter ça. Tout d’abord, peut-être qu’un d’entre vous peut dire quelques mots de votre collectif. Pierre ?
Pierre : Nous sommes un collectif qui est très petit, cinq-six personnes. Avec nos sympathisants, on est une quinzaine. Et nous essayons de promouvoir l’idée du projet d’autonomie, c’est-à-dire un projet de démocratie directe. L’idée, c’est que nous pensons qu’il faudrait un changement radical de société, avec des individus autonomes, pour créer une société autonome qui puisse se remettre en question elle-même, qui puisse notamment questionner, créer, critiquer, ses institutions propres. Ca c’est notre projet. Sinon, effectivement, nous sommes partis en Tunisie voir des amis, des camarades que nous avons là-bas, avec qui nous sommes entrés en contact en 2008. Ils nous ont accueillis en Tunisie, on a pas mal discuté avec eux de la situation depuis le 14 janvier. Nous sommes allés à la mi-mars. On a discuté de la situation en Tunisie, et de ce qu’ils y avaient fait, et on a confronté un peu nos points de vue.
Majid : Je précise juste aussi qu’il y a un camarade qu’on a vu là-bas qui faisait aussi partie de notre groupe quand il était en France, puisqu’il était en France les deux dernières années.
N. : Et ton donc, Majid, tu as fait après un petit tour en Algérie. Peut-être que tu nous en diras quelques mots si on a le temps. ?
Majid : Oui, pourquoi pas ? J’y suis allé vraiment très rapidement, et ce n’était pas pour un séjour d’observation politique ou militant, comme ça a été le cas en Tunisie, mais je veux bien essayer d’apporter quelques éléments de comparaison après.
Quentin : Peut-être une précision. Pierre a dit qu’on partait là-bas confronter nos points de vue, mais on partait surtout pour essayer de comprendre la situation. Les camarades là-bas nous en parlaient beaucoup, au téléphone et par mail : on les a interviewés, on les a mis sur le site internet qu’on anime. Mais on partait là-bas essentiellement pour enquêter, essayer de comprendre ce qui s’y passait, et on a beaucoup discuté là-bas avec eux. Mais ce n’était pas du tout une confrontation de points de vue.
Pierre : Non, c’est un échange de points de vue.
Quentin : Un échange, en tous cas à la fin, lorsqu’on commençait à avoir quelques informations intéressantes à confronter.
N. : Où est-ce que vous êtes allés, alors, concrètement ?
Quentin : Essentiellement, on était hébergés par nos camarades, dans un quartier très populaire, dans le centre de Tunis. Donc rien qu’en lui-même, le lieu d’hébergement était intéressant. C’était un point d’observation qui était très pertinent. On est restés essentiellement à Tunis parce qu’on n’est restés qu’une dizaine de jours. Par contre, certains d’entre nous ont fait des escapades dans des villes alentour. Mais on ne s’est pas tellement éloignés de la capitale. Donc, tout ce qu’on va dire, et le point de vue qu’on exprime, il faut le relativiser, c’est-à-dire qu’on est restés que très peu de temps, avec des camarades qui parlaient arabe, mais pas nous. Il y a une de nos sympathisante qui parle arabe et qui nous a beaucoup aidés, mais il y a une coupure linguistique là-bas qui est importante. Et d’autre part, on n’est pas allés dans les provinces de l’intérieur, dans le cœur du pays, alors que la capitale est très différente du reste du pays, un peu comme la France et Paris.
N. : Vous rencontriez quand même facilement des gens avec qui parler français ou pas ?
Quentin : Oui, tout de même, parce que la population est quand même très francisée, voire très francophile d’une manière générale, et la communication ne posait pas de problème du moins jusqu’aux classes sociales les plus basses. A partir d’un certain moment, notamment des ouvriers de transport avec qui j’ai discuté, la communication n’était pas évidente parce que j’étais tout seul et qu’eux ne parlaient que très peu français. Voilà, donc, il y a un biais dans toutes nos interventions. Là-dessus, il faut aussi relativiser, puisqu’on discutait avec nos amis qui connaissent très bien le pays, qui sont nés là-bas, qui ne l’ont presque pas quitté.
N. : Et qu’est-ce que vous pouvez dire de vos premières impressions ? Pour la plupart d’entre vous, c’était la première fois, non ?
Majid : Pour Pierre oui. Moi, j’étais déjà allé en Tunisie deux fois auparavant. J’étais venu l’été 2009, j’étais allé faire un stage linguistique là-bas. Et c’est vrai qu’il y a deux ans, on ne parlait absolument pas politique. Le nom même de Ben Ali était proscrit. On disait ça à quelqu’un, tout de suite il se taisait, il ne sait pas qui on est, il ne sait pas si ce qu’il peut dire peut être rapporté par la suite, enfin, ça lui apporte des emmerdes. Donc surtout pas. Et là, il y a ce verrou qui a complètement sauté. Ca ne se voit pas au premier abord quand on arrive – enfin, je ne sais pas, après les autres me diront – mais c’est vrai que quand on arrive dans Tunis en tout cas – on y est donc allés à la mi-mars – il n’y avait pas de différence radicale à première vue par rapport à mon séjour de 2009. Enfin, si on regarde la vie sociale comme ça, bon, il y a des gens dans les rues, ça a l’air tout à fait calme, les gens vaquent à leurs occupations quotidiennes : boulot, etc. Il n’y avait pas une effervescence… Bon, après, par la suite, on se rend compte tout de suite quand on parle… très vite on en vient à des considérations politiques sur la situation, les actualités, etc., ce qui n’était pas du tout le cas avant, mais il n’y a pas un changement radical dans l’atmosphère. En tout cas, il y a comme une… enfin, on ne savait pas trop à quoi s’attendre.
Quentin : Il y a une chose qu’il faut préciser. Moi, je connaissais aussi un peu la Tunisie depuis 2000, j’étais allé deux ou trois fois. Il faut dire qu’on est arrivés aussi au moment où, depuis quatre ou cinq jours, c’était réellement le retour à la normale. C’est ce que voulaient les gens après le traumatisme – dont on va discuter un peu – dans la suite de l’insurrection. On est arrivés à ce moment-là où les gens voulaient vivre normalement, ce qui est entièrement compréhensible. Donc effectivement, au premier abord, on était impressionnés de marcher dans des rues qui avaient vécu un soulèvement ou une insurrection, mais ce sont des rues qui voulaient avoir l’air normal.
N. : Ils exprimaient un sentiment de fatigue après les événements ? Qu’est-ce que c’est, la normalité, par rapport aux moments vécus ?
Quentin : Normalité, c’est-à-dire qu’effectivement, les rues de Tunis étaient les mêmes qu’il y a deux-trois ans. C’est-à-dire un peu plus de marchands dans les rues, puisqu’il y avait là aussi un verrou qui avait sauté quand à l’écoulement de marchandises. Donc il y avait un peu plus de marchands ambulants. Mais à part dans l’avenue principale de Tunis, [l’avenue Bourguiba] il n’y avait pas tellement plus de discussions dans les rues, de regroupements ou d’échanges politiques qu’avant, en tout cas à première vue. Les choses par contre qui changeaient, c’était que dans les discussions, tout passait immédiatement sur un terrain politique, ce qui est évident, l’avenir du pays n’étant pas du tout réglé, les Tunisiens eux-mêmes étant très inquiets vis-à-vis de l’avenir.
Majid : Précision : retour à la normale, ça veut dire qu’il y avait les écoles qui rouvraient. C’était assez récent, c’était depuis une semaine. Ca rouvrait massivement, les différentes institutions, les mairies rouvraient, c’était en voie de retour au fonctionnement plus ou moins, entre guillemets, « normal ».
Quentin : Il n’y avait plus de problèmes d’alimentation, il n’y avait plus de comités de défense, les rues étaient quand même relativement sûres, ou alors très tard le soir, et encore, on n’a rien vu d’extraordinairement dangereux. Donc une tentative, une volonté de retour à la normale, effectivement. Après, peut-être que Pierre peut parler de la terre musulmane, que tu ne connaissais pas ?
Pierre : Oui, je suis arrivé en néophyte, effectivement. Je ne suis jamais allé dan un pays musulman, donc à cinq heures du matin, on est réveillés par l’appel à la prière. C’est étonnant au début. On était entre deux mosquées et un café dans ce quartier-là, et ce café n’avait pas le droit de faire bar parce qu’il était dans un rayon de moins de deux-cents mètres d’une mosquée. Les choses qui m’ont frappées, c’étaient notamment la place des hommes et des femmes dans les cafés. Par exemple, nous avons une amie tunisiene qui ne pouvait pas venir avec nous au café le matin parce que quand une fille va au calé dans un quartier populaire, elle essuie des regards. Sinon, ce que j’ai remarqué, c’est que dans la rue il n’y a pas d’agressivité de la part des gens, il y a une gentillesse. Il y a vraiment une gentillesse naturelle, spontanée, dont on n’a pas l’habitude à Paris, par exemple. Une vie sociale quoi. Les gens sont assez facilement dans la rue. Même à deux heures du matin, il y a un type qui repeint sa devanture, il y a deux gars autour qui regardent ce qu’il fait, qui font des commentaires. C’est assez rigolo. En fait, il existe encore, dans la rue, une convivialité, une attention à l’autre, des liens horizontaux, dans les relations sociales. Ces liens contrastent avec les relations exclusivement verticales (salarés-patron, chômeurs-Etat…), qui s’instaurent lors des conflits sociaux. L’horizontalité des liens va de soi dans la vie quotidienne, mais elle n’est pas souhaitée dans les luttes.
N. : Peut-être que l’on peut passer à l’aspect enquête qui vous a amenés là-bas, et à ce que vous avez pu repérer à travers les discussions comme forme de mobilisations encore en cours. La situation est loin d’être pacifiée, si on peut dire. Qu’est-ce que vous avez repéré ? De quoi vous avez entendu parler dans vos échanges ?
Majid : J’ai parlé de la première impression où on ne voit pas grand-chose, mais très vite on se rend compte qu’il reste des signes du soulèvement dans la rue. Notamment sur l’artère principale de Tunis, il y a des chantiers, et les panneaux qui couvrent le chantier sont recouverts de graffiti, par exemple, « La femme tunisienne restera libre et indépendante », « vive la Tunisie libre », « RCD out », etc. C’est là où il y avait eu les grosses manifestations qui avaient abouti au départ de Ben Ali, et donc là, effectivement, on voit qu’il y a eu quelque chose. L’ambassade française, qui est complètement barricadée derrière des barbelés et qui a des fenêtres qui ont été attaquées, on voit qu’il y a encore pas mal de vitres qui sont cassées ou qui sont fissurées. Et dans Tunis, dans plein d’endroits très très localisés, il y a beaucoup de petits mouvements, de petites grèves, occupations, tout un tas de choses. Par exemple, sur l’avenue Bourguiba, il y a l’Hôtel Africa, un grand hôtel de luxe, de standing international, que les employés occupent depuis le 11 février, et ils réclament leur titularisation. Peut-être Quentin peut mieux en parler que moi, puisqu’il est allé les voir sur le piquet.
N. : Quand tu dis « titularisation », c’est-à-dire … ? C’est un hôtel étatique ?
Majid : Non, ils demandent une normalisation de leur contrat. C’est-à-dire qu’ils enchaînent depuis des années des contrats précaires, et ils demandent l’application de la loi tunisienne : au bout de quatre ans, je crois, de contrats précaires, on a le droit d’être titularisé. Ils se mobilisaient principalement pour ça. Et là, on peut voir aussi que l’attitude de l’UGTT le principal syndicat tunisien, est très ambivalente, puisqu’à l’époque où on y était – et je crois que c’est encore le cas – la direction, dit : « ce n’est pas trop le moment pour trop de grèves. Là, on est dans une période de transition », etc. Et donc, ils leur ont envoyé un responsable, les employés nous ont dit « complètement bourré », qui leur a dit : « tout va bien, ça y est, ça va être réglé, vous pouvez reprendre le boulot ». Mais ça n’a pas été le cas.
N. : Ils n’ont pas repris le boulot ?
Majid : Non, ils n’ont pas repris le boulot. Mais ils ne peuvent pas compter sur le syndicat non plus, alors qu’ils demandent la simple application de la législation tunisienne. Et eux-mêmes n’ont pas envie de faire un mouvement trop « fort » entre guillemets. Ils disent : « on est raisonnables, on demande l’application de la loi ». Ils demandent un arbitrage, en fait. C’est très orienté vers le gouvernement, à qui ils demandent une médiation, ou en tout cas d’intervenir directement pour dire : « Allez-y, réglez cette situation ».
G. : Tu peux donner d’autres exemples de mouvement ? Au début, tu parlais de plein d’autres petits mouvements. Est-ce que tu peux en donner d’autres ?
Majid : Ca n’a pas prétention d’être exhaustif, c’est ce qu’on a pu voir en dix jours, mais en tout cas on a vu qu’il y avait pas mal d’endroits qui bougeaient. Entre les ministères de la Justice et de l’Education, il y a des maîtrisards (ils s’appellent comme ça, ce sont les diplômés qui ont une maîtrise et qui sont au chômage), qui sont une quarantaine et qui font un sit-in. Ils sont entourés de policiers ou de militaires qui ne les délogent pas. Ils réclament un éclaircissement des politiques de recrutement dans l’Education nationale puisqu’ils ont réussi à mettre à jour que l’équivalent du CAPES s’obtenait par un énorme bakchich. C’était quinze mille dinars, dix mille dinars, je ne sais plus, mais ça représente bien cinq mille euros. Mais pour les salaires de là-bas, c’est une fortune, c’est un rêve.
N. : Quand tu dis « ils ont mis ça en lumière », comment ça s’est passé ? Est-ce que vous avez une idée de comment toutes ces choses deviennent publiques ?
Majid : Alors eux, ils s’étaient organisés sur toute la Tunisie par rapport à leur situation particulière.
Quentin : Il faut quand même préciser, juste une parenthèse, qu’ils ont une légitimité particulière, qu’ils occupent une place un peu différente de celle des autres dans ce qui se passe en ce moment en Tunisie, vu que ce sont des jeunes, des diplômés et des chômeurs, c’est-à-dire les trois caractéristiques qui sont propres à la Tunisie telle qu’elle se voit. L’insurrection est partie de l’immolation de M. Bouazizi, qui était jeune, qui était relativement diplômé, et qui était chômeur. Donc ils ont une légitimité assez importante. Pour ce qui est des dossiers de corruption, il y a tout un mouvement de « dégage ! », qui est très célèbre maintenant, qui est parallèle et en même temps qui se confond avec des mouvements de grève, et où les gens constituent des dossiers à propos de responsables qui ont trempé dans le parti et dans les magouilles de Ben Ali et du clan Trabelsi. Donc même les lycéens montent des dossiers contre les proviseurs, les salariés contre les patrons, et les diplômés contre le ministre de l’Education.
N. : Quand tu dis « il y a un mouvement de « dégage ! » », est-ce que c’est un mouvement qui se veut en tant que tel, qui se constitue en tant que tel, ou en tout cas qui se présente en tant que tel, voire qui se structure, ou est-ce que c’est simplement une dynamique ?
Majid : C’est quelque chose qui traverse quasiment tous les mouvements, oui, c’est plus une dynamique au sens où tu le définis là.
Quentin : C’est le paradigme même de la Tunisie, c’est-à-dire que Ben Ali a été dégagé, et par la suite, il y a des mouvements de la Casbah, des grandes manifestations, qui partent du centre du pays. Il y en a eu deux déjà, peut-être une troisième se prépare, qui montent à Tunis, pour contester justement la composition du gouvernement qui serait toujours composé – et c’est totalement vrai – de corrompus du régime. Donc, c’est un mouvement qui a une grande légitimité, et tous les mouvements qui émergent aujourd’hui s’inscrivent là-dedans, de manière indépendante les uns des autres.
Pierre : Oui. Il faut bien le préciser, ça. Ce sont des mouvements qui, chacun, s’adressent en haut lieu. Mais ce ne sont pas mouvements qui s’adressent aux gens qui sont autour. Si vous avez deux corps sociaux en grève, par exemple les travailleurs d’un journal qui a fermé, et par exemple les jeunes diplômés, ils peuvent se retrouver sur la place de la Casbah, à manifester côte à côte, mais sans communication aucune entre les deux. C’est un trait assez caractéristique : il n’y a pas de liens horizontaux entre les mouvements. Ils s’adressent tous au pouvoir, ils s’adressent tous au gouvernement ou à leurs patrons, de façon un peu pétitionnaire, mais ils ne se parlent pas et il y a même des tensions entre eux.
Quentin : Oui, absolument. Il y a de multiples exemples de ce type-là : des salariés d’une société de transports [urbains de bus] qui manifestent sur l’avenue Bourguiba, qui passent devant l’Hôtel Africa qui est ouvert, qui a mis une banderole, et qui ne s’arrêtent absolument pas. Et quand on leur demande : « pourquoi vous n’allez pas les voir ? », ils sont très embarrassés, ils ne comprennent même presque pas la question. On voit des manifs qui se croisent et qui ne s’adressent pas du tout la parole. En face des chômeurs diplômés, il y avait des comptables qui manifestaient, il était hors de question de traverser la rue pour aller les voir. D’un point de vue français, c’est très étonnant.
N. : C’est là qu’on voit quand même la culture du mouvement ouvrier, qui est la culture de l’unité ouvrière…
Quentin : Une tradition quasiment perdue... En tout cas, ça nous parle encore. Même si en France, les luttes sont très divisées, très catégorielles, les gens sont quand même obligés de se justifier de ne pas être solidaires. On peut accuser le syndicat de diviser les luttes, ce qui est très vrai, mais ils font semblant de faire la jonction, ou expliquent pourquoi il ne faut pas la faire... Les Tunisiens n’ont pas du tout ces réflexes-là. Quand on leur proposait d’aller voir des grévistes, c’était du chinois. Alors il y avait plusieurs raisons. Ils disaient qu’ils n’ont pas envie de faire de la politique. Ils sont pris dans une contradiction qui est très profonde : il y a un besoin de retour à la normale qu’eux-mêmes ressentent très fortement, et en même temps ils se sentent eux-mêmes très légitimes dans leur lutte. Donc ils sont pris dans une contradiction de vouloir lutter, mais sans faire de vagues. Et pour eux – ils ont entièrement raison – aller voir les autres, ce serait commencer à faire de la politique, à aller un petit peu plus loin que juste le mouvement de dégagement, et remettre en cause la structure de la société, ou en tout cas certaines structures, et pas uniquement des gouvernants, des décideurs, des élus, enfin pseudo-élus, qui seraient corrompus. Mais ça, c’est un mouvement qui ne passe pas tellement, le mouvement est assez élémentaire de ce point de vue-là. Et d’une manière très générale, la société entière demande de bons gouvernants.
[Pause musicale]
N. : Quentin, tu disais avant la coupure qu’en fait, ça vous paraissait être un mouvement pour de bons dirigeants. Est-ce que vous êtes tous d’accord avec cette définition-là ?
Majid : Ce n’est pas seulement un mouvement pour de bons dirigeants, mais il y a cette demande qui est extrêmement forte. C’est un mouvement qui n’a pas l’air de croire beaucoup plus que ça en ses forces pour parvenir à changer les choses. D’où un appel à des dirigeants, mais qui cette fois n’abusent pas, qui ne soient pas trop corrompus, qui écoutent un peu, quoi. A la fois il n’y a aucune illusion sur tous les partis qui se sont créés, sur les politiciens. Il y a l’habitude : on les connaît, ils sont là pour leur gueule avant tout, mais bon, il en faudrait, là, on en a besoin. Il y a comme une espèce d’impasse. On ne dit pas que la situation est absolument figée, mais pour l’instant, de ce qu’on a discuté, de ce qu’on a vu, bien sûr, c’est quand même ça…
N. : Est-ce que ça veut dire – pour toutes les couches de la population, toutes les classes sociales, si on veut – la même chose, « des bons dirigeants » ? Par exemple, qu’est-ce que ça peut vouloir dire – vous avez faut allusion à des grèves, on sait qu’il y en a eu beaucoup et qu’il y en a probablement encore énormément – qu’est-ce que ça veut dire « de bons dirigeants » pour des grévistes ?
Quentin : Par exemple, un des grévistes de l’hôtel [Africa] me disait qu’un bon dirigeant, c’était un riche,qu’il n’y a pas de problème pour qu’il y ait des riches et des pauvres, mais il ne faut pas que la riche en veuille trop. Il ne faut pas qu’il abuse. Le problème n’est donc pas la différence entre les classes sociales et entre les richesses, ni la manière dont on les a, mais il ne faut pas que le puissant aille trop loin, quand même. Pour d’autres, notamment les grévistes des transports [urbains de bus], eux me disaient que n’importe quel dirigeant, de toute façon, serait corrompu. Alors c’étaient des gens qui étaient quand même assez pauvres, payés très très peu, c’est une grande injustice, il y avait beaucoup de femmes dans le collectif. Ils étaient un petit peu désespérés, c’est-à-dire qu’ils étaient dans la position de voir que c’est le pouvoir lui-même qui corrompt. C’est-à-dire qu’il disaient que tout Tunisien qui a le pouvoir sera tenté d’en abuser nécessairement. Ca, c’est un discours qui est assez généralisé et qui crée une sorte de boulevard pour la morale, qui est forcément religieuse. On veut de bons dirigeants qui soient bien, qui soient moraux, qui soient honnêtes, qui soient droits, et en même temps, il y a une vision des Tunisiens de la part du Tunisien lui-même qui est très très auto-dépréciatrice : « un Tunisien n’est pas prêt pour la démocratie », « un Tunisien doit être dirigé », ...
N. : Ca, c’est ce qu’ils disent d’eux-mêmes ?
Majid : Oui, c’est ce qu’ils disent d’eux-mêmes. C’est extrêmement répandu. Et c’est le problème principal. Notamment, c’est pour ça que les comités de protection des quartiers, des comités de sécurité qui se sont constitués à l’issue du soulèvement, à l’issue de la fuite de Ben Ali, ces comités se sont dissous immédiatement une fois que l’armée a repris le contrôle de la rue, parce que les gens ne se sentaient pas du tout d’aller plus loin que simplement défendre leur quartier. Il n’était pas question du tout d’auto-organiser ni le quartier, ni la vie locale, ni les entreprises, et encore moins le pays. Ce n’est pas du tout un objectif qu’ils ont, ça.
N. : Vous n’avez pas entendu parler d’exceptions ?
Majid : Il faut nuancer un peu ça. Ca, c’est principalement à Tunis en tout cas, de ce qu’on a vu. Après on nous a dit que c’était quand même assez général, même de personnes venant d’autres régions. On n’a pas eu l’occasion d’y aller, mais il y aurait des villes en province où il y a eu carrément démission de toutes les institutions. Toutes les autorités locales se sont sauvées. A ces endroits-là, il paraîtrait – et ce serait peut-être vers Thala - en tout cas, il y a eu quelques villes où les comités de protection ont aussi auto-organisé, par exemple, le ramassage des ordures. Il y a vraiment tous les gens, même des gens qui sont au chômage, des jeunes chômeurs, qui participent pour faire fonctionner un peu les autorités locales. Donc il y a une sorte d’auto-gouvernement, bon…
N. : … qui demeure.
Quentin : La question là aussi, qui serait intéressante et à laquelle on n’a pas de réponse, c’est : comment s’est passée la reprise en main des autorités de l’Etat ? Qu’est-ce qui s’est passé lorsque les responsables ont été effectivement remplacés ? Qu’est-ce qui s’est passé dans tout le pays, à ce moment-là ?
Majid : Là, c’est un impératif pratique, en fait. Comme il n’y a pas eu retour des autorités, les gens les ont remplacées.
Quentin : Ils ont pallié à leur absence.
Majid : Mais a priori, dans les autres villes où il y a eu une appropriation des institutions au départ et où les autorités sont revenues, elles n’ont pas eu énormément de difficultés à reprendre tout en main. Il n’y a pas eu de conflit pour la direction.
Quentin : De ce qu’on sait
Majid : De ce qu’on sait. Mais peut-être qu’il y a aussi une plus grande vigilance des autorités, qui sont moins méprisantes ou prétentieuses, qui font attention, qui ont vu que les gens s’étaient soulevés, et qu’il faut reprendre, mais doucement.
Quentin : Ca, c’est une grande fierté des Tunisiens, et ils ont entièrement raison : ils se réclament d’une vigilance extrême vis-à-vis des prochains dirigeants.
N. : Au sommet de l’Etat ?
Quentin : Au sommet de l’Etat, mais dans toutes les institutions aussi. Dans les gouvernorats (l’équivalent des conseils régionaux), dans les écoles, dans les lycées, dans les collèges, dans les entreprises, dans les administrations. Ce mouvement de « dégage ! », il se veut être une vigilance constante vis-à-vis des responsables. C’est un peu calqué sur l’insurrection, c’est-à-dire que pour eux, dès que le responsable sera identifié comme un corrompu, on se mobilisera, on descendra dans la rue, et on le mettra dehors. On lui dira : « dégage ! ». Donc il y a quelque chose de très politique là-dedans, qui est calqué sur l’insurrection, qui est très intéressant. Il y a quelque chose de l’ordre d’une démocratie directe. Le problème est qu’il y a les obstacles dont on a parlé. Il y a un rapport de verticalité vis-à-vis du pouvoir qui empêche toute construction horizontale un petit peu durable, et que dans l’avenir, il est très peu probable qu’un gouvernant remporte une telle unanimité contre lui, comme Ben Ali. Donc il risque d’y avoir des conflits, et une mobilisation massive risque de ne pas pouvoir être faite, pas sans répression en tout cas.
Majid : Juste un petit truc qui illustre ce qu’il venait de dire juste avant, une petite anecdote. Il y a un mot marrant qui circule, c’est : « le prochain président, il sera sur une poêle Téfal ». Il ne pourra pas s’accrocher, quoi. On l’aura à l’œil. On va le faire sauter.
G. : Mais quelque part, ça me semble intéressant parce que ça renvoie non pas à une institution qui serait garante de la continuité du processus révolutionnaire, mais ça renvoie quelque part à la dynamique dans sa force, si elle en a.
Quentin : Oui. Mais le problème, outre sa force déclinante, c’est que c’est un petit peu contradictoire. C’est-à-dire qu’on va se mobiliser jusqu’à ce qu’il y ait un bon gouvernant. C’est-à-dire que pour l’instant – pour l’instant ! Les choses peuvent grandement évoluer dans l’avenir – les gens attendent le « bon » responsable. Ca peut déboucher sur un contrôle direct, mais le fait est que, pris dans ce retour à la normale, dans l’activité la plus quotidienne, ça me semble très difficile à faire. Effectivement, ça renvoie à une dynamique de fond. Mais comme les gens n’ont pas envie de s’auto-organiser, ça va créer des contradictions, je pense.
G. : Oui, mais on sait aussi que dans le passé, à certains moments révolutionnaires, il n’y avait pas forcément au départ une envie particulière de s’auto-organiser. Les gens se sont auto-organisés parce que c’était la dynamique des choses qui les poussait à le faire. La nécessité de s’affronter à des adversaires, par exemple, ce qu’on a vu en partie en Espagne en 1936, ou ce qu’on a pu voir en Allemagne au moment des Conseils, le fait que les institutions qui étaient censées les représenter, finalement, se retrouvaient en face d’eux. Donc on voit comment les dynamiques elles-mêmes peuvent pousser les gens à faire des choses qu’ils n’avaient pas pensées, qu’ils n’avaient pas théorisées à froid avant, et c’est dans l’évolution du moment que les choses se font. C’est pour ça que je trouve que ce que vous dites là est assez intéressant. Evidemment, ça peut aussi retomber. Il peut y avoir l’attente de l’homme de la Providence qui arrive et qui peut tout résoudre. Mais vu comment on est partis, je ne suis pas sûr qu’on sera vraiment dans cette configuration.
N. : Pour revenir de façon concrète à l’envie d’avoir un « bon » dirigeant… Dans les situations de grève – vous en avez cité deux. Vous en avez peut-être vu d’autres, je ne sais pas – qu’est-ce que ça veut dire, par exemple ? Si vous avez réussi à savoir, quel est le type de rapport avec le délégué syndical ? Est-ce qu’il y a une remise en cause ou des exigences qui s’adressent, disons, à la hiérarchie de l’UGTT ?
Quentin : Pour ce qui est de l’UGTT, les grévistes qu’on a rencontrés avaient créé une section pour couvrir leur grève, pour qu’elle soit légale. Et uniquement pour ça. Mais les délégués de l’UGTT n’étaient pas du tout de leur côté. Il y a une énorme distance, les grévistes perçoivent l’UGTT comme une branche du pouvoir, et c’est ce qu’elle est. Elle a été créée en 1946, mais depuis l’indépendance en 1956, elle a toujours été du côté du pouvoir, d’une manière générale. Donc il n’y a pas de volonté de la part des grévistes, en tout cas de ceux qu’on a rencontrés, de réformer l’UGTT. Par contre, il y a des militants qu’on a rencontrés, qui sont des militants de base, qui eux veulent la démocratiser, et qui organisent des mouvements de « dégage ! » aussi pour tenter de la réformer. De quelle manière, ils ont été assez flous là-dessus. Mais c’est un mouvement qui existe aussi, d’autant plus que l’UGTT a été impliquée dans la décolonisation, donc elle a une valeur très symbolique. Mais bon, ce serait à peu près l’équivalent de vouloir démocratiser la CGT en France... Ce n’est pas du tout évident...
N. : Oui, c’est peut-être même plus difficile. La CGT n’est plus aussi monolithique qu’elle l’était, l’UGTT, c’est peut-être, au moins au sommet, un bloc encore plus solide que ça.
Majid : En tout cas, comme disait Quentin, la centrale, c’est-à-dire la direction, est vraiment décrédibilisée aux yeux des gens. Par exemple, pendant le mouvement de l’insurrection, jusque quelques jours avant, ils lançaient des communiqués : « on est contre toute forme de violence d’où qu’elle vienne », alors qu’à la base, il y a eu des syndicalistes organisés, qui étaient dans les villes de province, etc., qui ont tout de suite joué le jeu, enfin, qui ont suivi et qui ont participé à l’insurrection, au niveau de l’organisation pratique, etc. Mais on a rencontré un gars de province, qui était syndicaliste, et qui nous racontait que dans le bassin minier de Gafsa en 2008, il y avait eu un soulèvement qui avait duré des mois, avec des manifestations très violentes, et que dans le journal du syndicat, ils n’en avaient parlé qu’au bout de deux-trois mois, alors que lui était pour informer tout le monde depuis le début. Et à la suite de ça, quand le mouvement est retombé, ils ont essuyé des sanctions avec les autres syndicalistes qui avaient pris parti pour le mouvement.
N. : C’est ce que j’allais demander : est-ce que vous avez entendu parler déjà, éventuellement, de sanctions ou de cas de répression des militants les plus actifs ? Ou est-ce qu’en fait, du côté du pouvoir, ils se tiennent encore à carreau ?
Pierre : De la part de l’UGTT ?
N. : De l’UGTT, et puis disons d’une manière plus générale, du gouvernement, des autorités…
Pierre : Actuellement, jusqu’à un certain point, ils auraient du mal, pour l’instant, à mon avis.
Majid : On n’a pas entendu plus que ça.
Pierre : Non, enfin, on ne sait pas trop. Et il ne faut pas oublier une chose, c’est que nous-mêmes, nous ne sommes pas allés dans les villes du centre-ouest, ni à Gafsa, ni à Kasserine. Il faut quand même rappeler un petit détail, ce sont nos amis qui nous disaient ça : le dernier discours de Ben Ali avant qu’il s’enfuie, a été rédigé par un dirigeant de l’UGTT. C’est-à-dire, c’était vraiment une compromission jusqu’au bout, une espèce de collusion structurelle depuis des années. L’UGTT à la fin des années 1970 et au début des années 1980 s’est donnée une image de radicalité, elle a un peu vécu là-dessus, mais en réalité, elle était foncièrement du côté du manche, et contre les travailleurs. Je distingue bien les militants de base qu’on a rencontrés et la direction, mais il est clair que la direction de l’UGTT n’était pas du côté des travailleurs tunisiens. Ca, c’est évident. Les gens sont obligés de composer avec eux puisque, comme disait Quentin, une section syndicale n’a pas de valeur légale si elle n’est pas affiliée à l’UGTT. Donc les gens sont obligés de composer avec l’UGTT. Mais ce n’est pas de leur plein gré qu’ils font ça.
Majid : Ils font ça pour se couvrir pur leurs grèves. Sinon ces grèves sont illégales.
N. : Ce n’est pas forcément très différent de la situation française. Il y a beaucoup de gens qui prennent leur carte pour pouvoir se mettre en grève ou entrer dans un conflit ouvert.
Quentin : Eh oui, tout-à-fait. Alors d’autre part, il y a quelques tentatives de créer des syndicats autonomes. Il y en a de deux types. Il y a les réactionnaires qui créent des syndicats pour installer du népotisme, du favoritisme. C’est une mainmise d’une région ou d’une famille même, sur un secteur particulier, qui veut être indépendant de l’UGTT pour s’ériger eux-mêmes en décideurs, en gestionnaires de la main d’œuvre. Il y a des syndicats, comme les avocats, les médecins, qui sont indépendants, mais du fait de la catégorie socio-professionnelle, c’est plutôt un lobby. Et il y a, mais beaucoup moins, des syndicats indépendants, au sens où on l’entend en France. Il y en a un qui a failli naitre, qui regroupait les instituteurs, et d’autres qui apparaissent, notamment les chômeurs diplômés, qui ont toujours été négligés par les cadres de l’UGTT. Mais à part ces quelques regroupements-là, notamment le dernier, on ne connaît pas tellement de groupes qui se constituent formellement et qui pourraient rivaliser avec les autres. En termes de démocratie directe, c’est un petit peu limitant. Je vois mal un groupe en fusion qui durant dix, vingt, trente ans, se mobiliserait et se soulèverait par une insurrection pour destituer un président ou un ministre. Ca me semble un peu difficile.
Majid : Surtout que – pour aller dans ce sens-là aussi – l’attitude par rapport aux différents mouvements de grève est qu’ils sont très très dénigrés, dans la presse ou à la télé. Et ça se retrouve beaucoup dans le discours des gens et des grévistes eux-mêmes, mais même… Des gens. On leur parle un peu des grèves : « il se passe des choses. Est-ce que vous allez voir des manifestations ? ». Il y a une moue d’agacement : « Ce n’est pas le moment, on est en train de reconstruire le pays ». Il y a la pression de la saison touristique qui arrive, etc., il y a pas mal de facteurs qui constituent comme un frein à une effervescence sociale. Ils disent : « on ne sait pas où ça va nous mener, nous aussi, on sort de plus de quarante ans de parti unique. Politiquement, on repart de zéro ». Ca, c’est même des grévistes qui nous disaient ça, sur les questions qui se posaient, comment il fallait faire, qui nous demandaient : « mais vous, qu’est-ce que vous pensez de notre mouvement ? ». Entre mouvements, entre petites grèves, comme disaient juste avant Quentin et Pierre, il n’y a pas de solidarité du tout. Je prends un exemple : on discutait avec les maîtrisards, les chômeurs diplômés. On leur dit : « c’est intéressant », etc., et on leur dit : « Et vous avez vu, aussi ? Il y a plein de gens des transports qui font grève. Il y a plein de grèves ». Ils nous regardent et nous disent : « Putain, ça, ça nous a déçus ». On leur dit « Ah oui, déçus ? », et ils nous disent : « Oui, nous on est au chômage. Eux, ils ont un boulot. Ils veulent une augmentation ». Ca, ça nous désarçonnait. Alors on discute, on dit : « il y en a quand même qui touchent des millions dans ce pays, les salariés, c’est pas la même chose quand même ». Par la suite, ils nous disent : « OK, c’est vrai »... Mais disons que chaque mouvement, manifestation ou grève se vit un peu comme – c’est quelque chose qu’ils m’avaient dit à un moment – le parachèvement de la révolution. On a fait l’insurrection, il y a une grande fierté par rapport à ça, par rapport au mouvement extraordinaire que ça a été. Et c’est comme si on mérite que ça aille mieux. « OK, on l’a fait, c’est parti de nous », notamment notre catégorie, les chômeurs diplômés – qui ont été très actifs. « Après nous… Là, on est en train de militer pour le parachèvement de la révolution ». Et c’est comme si chacun dans son petit coin vivait ça dans sa tête. « Après moi, ça ira déjà mieux ». Mais du coup, c’est assez néfaste pour une dynamique plus large qui peut affronter des questions plus profondes : comment se défaire du joug d’une économie qui nous met la pression ? Comment on sort de ça ? Il faut que les choses changent, mais pas trop tout de suite… Il y a toutes ces choses auxquelles ils font face, ils n’ont pas forcément de réponses évidentes, et ils sont très isolés. Il n’y a aucun parti ou militant qui vient, même discuter...
N. : A vous entendre, c’est un peu comme si les idées de division de classes de la société n’étaient pas du tout dans les têtes. Par exemple, l’idée qu’il faut un patron qui n’abuse pas, plutôt que de se poser le problème du principe même du patronat…
Majid : Ca se redécouvre, on dirait.
N. : Ca se redécouvre ?
Quentin : Ca se découvre.
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