« C’est pire que si il n’y avait rien... »

Expérience de décrochage en classe relais expérimentale
mercredi 9 septembre 2009
par  LieuxCommuns

Article publié dans La Revue Du Mauss n°28, second semestre 2006 ; « Penser la crise de l’école »

Je traite ici d’une expérience dans une classe relais, qui se dit école « différente », située en ZEP, dans une banlieue sensible. J’ai passé dans cette école un peu plus d’un an en tant que professeur. Avant de décrocher comme mon prédécesseur… [1]

Le double objectif de re-scolarisation / socialisation assigné à cette classe relais [2], échoue lamentablement ; elle reproduit, à petite échelle, les processus d’exclusion censés être combattus et renforce un peu plus les déterministes sociaux des jeunes décrocheurs. Oscillant entre démagogie et rigidité, l’équipe pédagogique dans sa totalité a renoncé à concevoir une authentique rencontre avec ces jeunes anti-scolaires (Lapassade, 1993) qu’elle est censée encadrer et réconcilier avec le savoir. Des jeunes qui, bien souvent après avoir fait le tour des quelques gadgets de l’école, la quittent, n’y trouvant finalement rien de bien différent avec ce qu’ils ont connu jusque là. Lucides certains d’entre eux se détourneront rapidement de cette farce, d’autres plus résignés après avoir fait leur mea culpa (Le Goff, 1999), auront (enfin…) appris à se taire face à ceux qui Savent…

Des atteintes symboliques portées à l’institution (vols, dégradations) aux atteintes physiques et verbales des personnes (insultes, agressions physiques, menaces...), en passant par la démotivation et l’absentéisme, on retrouve ici les mêmes symptômes criant d’une école malade, largement décrite, analysée depuis plus d’une trentaine d’années (Oury, Pain, 1971). Ici, je croyais pouvoir trouver un lieu où s’articulent élaboration de la Loi commune et construction des collectifs qui la vivent. C’est pour moi l’enjeu majeur de notre démocratie, qu’expriment les problèmes de l’enseignement aujourd’hui (« problèmes d’autorité », « discipline », « savoir-vivre », etc.…) et qui ne rencontrent sauf exception de véritables volontés pédagogiques. C’était le défi relevé par la pédagogie institutionnelle, dont cette école se réclamait, que je pratique depuis quelques années, et dont je connais bien les fondements théoriques. J’étais également familiarisée avec le milieu d’implantation de l’école pour y avoir vécu et travaillé [3]. Des compétences connues de tous dans l’équipe [4]...

Je propose dans un premier temps de cerner les besoins criants qui ont fondé la création de ces classes parallèles pour voir ensuite en quoi la pédagogie institutionnelle travaille fondamentalement, depuis presque 40 ans, ces mêmes besoins. Alors nous verrons comment dans la pratique cette classe relais dénaturait cette approche concrète en utilisant ses outils vidés de toutes fonctions régulatrices de la vie sociale et scolaire de l’établissement. Pour finir, je tenterai d’élucider ce qui, dans l’histoire de l’école et dans le fonctionnement de l’équipe, a entraîné cet état d’égarement aux conséquences lourdes pour le public, le personnel et qui, plus généralement, porte préjudice aux initiatives qui tentent de construire des alternatives à « l’école-caserne » qui ne soient pas des « écoles égogérées ».

Une classe relais pour qui ?

Tous les jeunes reçus dans cette école sont issus des cités du département, où certains vivent quand d’autres y sont placés en foyer. La population de cette zone est particulièrement touchée par toutes les précarités possibles (emplois, papiers, logement, famille...).

Ils seront en tout 24 à passer par cette classe. Ils ont entre 15 à 18 ans, la majeure partie d’entre eux est d’origine africaine (Afrique de l’Ouest, Afrique du Nord). Les « meilleurs » scolairement ont un niveau début 4ième (deux à trois ans « de retard »), les autres - la majorité - ont à peine le niveau cinquième. Deux ne savent pas lire et maîtrisent à peine l’écriture.

Mis à part quatre jeunes qui tentent de s’accrocher en BEP, CFA et 3ème d’insertion, tous les autres, après leurs passages, resteront sur le carreau : leurs tentatives de réintégration en milieu scolaire classique ou en formation professionnelle ont rapidement échoué... Ceux qui sont en âge légal de travailler se tourneront vers la recherche d’emploi, c’est-à-dire la précarité socioprofessionnelle. Deux d’entre eux ont repris activement leur carrière dans le commerce illicite. Je précise que les élèves des classes relais sont prioritaires pour les affectations en CAP, BEP, et 3ième d’insertion ; cela donne lieu dans cette école à des inscriptions chaotiques, dans l’urgence de la fin de l’année scolaire [5]. Bien des jeunes n’ont ni le niveau scolaire, ni le comportement social qu’exige leur orientation et de ce fait ils sont directement mis en situation d’échec. Situations d’échecs multiples donc, pour des raisons principalement interne à cette classe relais.

« Il [le public concerné] est constitué d’élèves de collège, faisant parfois l’objet d’une mesure judiciaire d’assistance éducative... qui sont entrés dans un processus évident de rejet de l’institution scolaire. La plupart du temps, ce rejet prend la forme de manquements graves et répétés au règlement intérieur, d’un comportement marqué par une forte agressivité vis à vis des autres élèves ou des « adultes » de la communauté scolaire, d’un absentéisme chronique non justifié, aboutissant à des exclusions temporaires ou définitives d’établissements successifs... »

BO N°25 (18 / 06 / 98).

Si on peut regretter le fait que le lien entre absentéisme - présenté ici comme « non justifié » - et rejet de l’institution scolaire ne soit pas posé, cette circulaire a le mérite de pointer clairement les difficultés majeures des élèves concernés par ces structures :

D’une part ce rejet des lois ne se limite pas au cadre scolaire (« manquement graves et répétés au règlement intérieur  ») mais au niveau des lois sociales en général (« ils font parfois l’objet de mesures judiciaires. »). Les jeunes concernés par ces structures semblent donc pris dans une impossible soumission à la Loi.

D’autre part, pour signifier ce rejet, ces élèves mettent en oeuvre deux stratégies qui toutes deux conduisent à l’exclusion de la communauté scolaire : celle de la fuite (absentéisme) et celle de la violence (forte agressivité).

C’est donc face à ce problème du rejet de la Loi dans un collectif que se construisent depuis des décennies diverses mesures censées « accrocher » les jeunes dans des « dynamiques » collectives. C’est le cas, plus récemment, des classes relais et des dispositifs « Seconde Chance » et, dernièrement, des « Centres Educatifs Fermés ». Deux options radicalement opposées par leurs approches : faire respecter la Loi comme construction collective pour les premiers ou comme corset disciplinaire pour les seconds.

La première repose sur le postulat, partagé ici, que ce qui éloigne ces jeunes du système scolaire c’est surtout l’existence et l’application de lois injustes en son sein. Ce que ces décrocheurs attendent de l’école c’est principalement qu’elle soit « juste », c’est-à-dire justifiées, explicables, « rationnelles »… Néanmoins, ils sont imprégnés d’une envie de réussite sociale dont les signes sont dictés par les médias. Ils veulent donc avoir leur place dans le « festin » capitaliste, dont ils sont pour l’instant exclus [6]. Avoir leur place, oui mais… pas à n’importe quel prix, notamment pas aux prix de la négation de soi qu’exige l’institution scolaire (Imbert, 1983) telle qu’elle existe « traditionnellement ».

Beaucoup de ces écoles dites différentes prônent donc l’accès à l’autonomie à travers un fonctionnement dit « démocratique » dans lequel « l’éducation à la citoyenneté » est revendiquée. La demande d’une école différente venant des décrocheurs ouvre sur des possibles pédagogiques ambitieux mais réalisables…

Bref aperçu de la Pédagogie Institutionnelle

La pédagogie Institutionnelle (Vasquez, Oury, 1966, 1971.Ardoino, Loureau, 1994) dont on retrouve dans cette école certains outils (Quoi de Neuf, Conseil, Journal) travaille précisément l’articulation Loi / Collectif.

Cette pédagogie prolonge le travail engagé par C.Freinet qui il y a plus de 50 ans mettait au centre de l’enseignement la question de la motivation et du désir (Freinet, 1969). Il s’agissait alors de construire une communauté éducative, travaillant autour de productions d’élèves (textes, correspondances, journal, sorties, enquêtes…) en liens directs avec leur vie et leur environnement quotidien. Le Conseil hebdomadaire était une assemblée générale permettant d’organiser la vie de la classe. En Pédagogie Institutionnelle, il devient un lieu de régulation des conflits, de construction de la Loi et de ses déclinaisons, où émerge la parole de tous. Il se transforme, de ce fait, en dispositif central autour de quoi toute la communauté s’organise.

Les lois et les règles dans l’école, la plupart du temps, sont construites par un « ailleurs » du collectif : elles sont donc extérieures au groupe censé s’y soumettre et revêtent par-là même un caractère « injuste », justifié ou non dans les faits, peu importe. Ici les lois de la classe sont respectées parce que c’est la classe qui les construit, les déconstruit, les reconstruit continuellement, en fonction des réalités du collectif. Le professeur ou l’équipe, a une fonction d’animation essentielle (et non de direction), permettant le respect, la prise en compte de la parole de tous et, par-là, installe les conditions de l’émergence du désir de chaque individu. On peut résumer cela ainsi : Ne rien laisser passer qui puisse me nuire et nuire à la vie du groupe, la sanction / réparation étant là, si nécessaire, pour réaffirmer cette loi qui permet l’existence du collectif.

Ce n’est donc pas l’effritement du pouvoir qui se joue là, mais bien la construction d’un pouvoir collectif dont l’adulte est le garant et où les désirs les plus naturellement délirants de chacun (se prendre pour un père, une mère, un dieu, un roi, pour les plus courants, bref quelqu’un de symboliquement tout puissant) se trouvent limités par l’autorité du groupe, et non par l’autoritarisme d’une personne qui endosserait ces mêmes désirs exaltants de puissance.

Pour accrocher le désir de l’autre – ici du jeune - il faut soi–même vouloir modifier les relations de pouvoir dominant / dominé, qui inhibent ce même désir.

L’investissement dans ces espaces collectifs, implique que chacun y trouve pleinement sa place. Donner l’occasion à celui qui a « décroché » d’occuper, au sein de l’école, une autre place que celle classiquement attribuée de « racaille » où de « fainéant », procède de cette démarche. On peut multiplier les situations ou le jeune est impliqué et responsabilisé, on peut instituer alors des métiers [7] (Freinet). Il s’agit alors de reconnaître la présence du jeune dans le dispositif comme acteur réel dans l’organisation de l’école et de ses apprentissages ; c’est à dire de se mettre en position d’accueillir et d’entendre ses critiques, ses conflits, ses propositions et que celles ci donnent lieu à des prises de décisions collectives effectives.

C’était quoi la Loi ici ?

Un règlement déjà ancien [8], affiché un peu partout dans l’école (salles, couloirs...) qui comportait en tout et pour tout six règles. Une note finale (et non une règle) précisait que les autres règles de l’école se décidaient « ensemble au grand conseil ». Pourtant jamais dans les faits n’était posé le lien majeur entre ces deux institutions centrales : règlement et conseil.

Ce règlement proposait en creux une définition stéréotypée, émanant de quelques adultes, des caractéristiques de l’élève des cités pas motivé.

Dans ce règlement il était supposé que : Le jeune arrivait en retard ou était absent souvent (règles n°1 & 2), qu’il avait un look banlieue dont on s’efforçait ici d’effacer tous les signes (règle n°3), qu’il n’avait pas son matériel pour travailler (règle n°4), qu’il fumait (règle n°5), et pour finir qu’il n’était pas digne de confiance. Alors pendant les pauses il n’était pas dans « les salles, et les portes restaient ouvertes » (règle n° 6).

« Six règles à respecter », effectivement c’est facile. Encore faut-il qu’elles fassent sens pour les premiers concernés. Ce qui était loin d’être le cas… De ce fait les élèves ne les respectaient que peu ou pas sans que jamais cela donne lieu à la relecture d’un règlement qui, dans sa forme, ressemblait étrangement à un règlement traditionnel miniature et, dans le fond, résumait ce qu’une « racaille » devait faire pour se transformer en élève idéal [9].

Dans ces tables de la loi, la première chose qui m’a frappé, c’est que rien ne marquait, rien ne repérait la violence - toujours réactionnelle - souvent spectaculaire de ces jeunes. De ce fait, insidieusement, elle se banalisait, se renforçait ; « ici ils ne sont pas violents, il n’y a pas de violence ici... » - autant de positions qui marquaient l’aveuglement... Des jeunes qui se bastonnaient, un autre qui insultait un collègue, des « caïds » qui à longueur de journée se moquaient des autres identifiés comme plus faibles, une autre qui se faisait régulièrement racketter ses cigarettes ... C’était important de remarquer et de sanctionner tous ces abus... Ils étaient ici ignorés. « C’est de l’abus, il se passe des trucs de ouf [de fou NDT] et vous vous ne faites rien  » disait Yasmine [10], victime de vol, avant de se décourager et de fuir au bout de quatre mois. Mais en face, les adultes hallucinaient le réel, là où ils ne se donnaient plus les moyens d’entendre et de penser la réalité. Ce que disait très bien Yasmine, c’est que ces « trucs de ouf », étaient la conséquence des abus de l’équipe, qui par son silence permettait la violence du lieu. Ce qu’elle signalait de façon forte c’était tout simplement la faillite de l’autorité dans l’école... Et ça l’équipe ne voulait pas l’entendre. A partir de là, toutes les interventions dans le sens d’une reconnaissance de cette violence et de sa prise en compte dans l’organisation de l’école, qu’elles viennent de moi ou des jeunes, étaient rejetées, occultées, voire imputées à une incapacité « naturelle » d’adaptation sociale…

Un jeune, lors d’un entretien individuel de crise, reprochait aux adultes de l’école « de donner la confiance trop vite »... Ces réactions d’élèves, rendaient compte de leur lucidité d’une part, mais surtout signifiait l’angoisse d’adolescents qui se savaient capables de violences dans des contextes bien précis et qui demandaient des limites là où ils ne rencontraient qu’un magma de contraintes décalées, inefficaces... Un air de déjà vécu ailleurs. « Pire qu’ailleurs », écrira un ancien élève [11]. Car effectivement, dans des établissements plus classiques on se donne les moyens de poser l’arbitraire ; il existe des sanctions à toute transgression du règlement intérieur. Des choix pédagogiques, certes tout à fait discutables, mais au moins là, c’est très clair : On sait où on est…

Aucune règle ne répond à des besoins réels dans ce règlement. Aucune sanction (autre que le renvoi [12]) n’en assure le soutient. Aucun droit, contrepartie du devoir, n’y est évoqué.

Pourtant il y avait bien ici une institution, censée accueillir et tenir compte des critiques et propositions autour de l’organisation de la vie à l’école : Il s’agissait du « Grand conseil ». Comme reconnu depuis longtemps, l’adjectif règne en maître là où la pensée se dérobe.

Qui avait le pouvoir ?

Le « Grand conseil » se déroulait en début de semaine et durait une heure. Nous disposions d’un tableau sur lequel nous notions durant la semaine les points que nous voulions discuter. Seul un point signé par son auteur pouvait être abordé. Régulièrement, ce tableau était maltraité : certains s’amusaient à y inscrire des insultes, d’autres à barrer des points, d’autres encore faisaient des remarques grotesques et signaient du nom d’un autre, celui-là taguait régulièrement le nom de sa ville, etc...

Il s’agissait ici, avant tout, de faire parler professeurs et élèves, sans trop se soucier de la question fondamentale du pourquoi on parle et du comment on se parle. De fait, on « babillait » plutôt. Pourtant, un document précis et rigoureux fixait les modalités de l’organisation de ce temps. Les conditions validant toute prise de décisions en conseil étaient énoncées en introduction ; le rôle du président ainsi que celui du secrétaire étaient clairement définis ; et la sanction face aux éventuels perturbateurs de ce moment était posée (en théorie, le gêneur pouvait être exclu du conseil au bout de deux rappels à l’ordre du président). Malheureusement, l’équipe ne s’y référait jamais et certains inscrits arrivés en milieu d’année ignoraient jusqu’à son existence [13]. Pour pouvoir être président du conseil, il fallait avoir été secrétaire, c’est à dire avoir produit un compte rendu de conseil. Ce qui principalement motivait le secrétaire était la perspective d’être président, c’est à dire d’acquérir une position de pouvoir proche de celle des adultes. Le seul modèle de présidence que ces jeunes avaient était celui des quelques adultes ayant assumé cette fonction en début d’année ; Loin d’animer ce temps, ces derniers se contentaient de diriger la parole dans le sens des intérêts idéologiques de l’école. En tant que participants, les adultes ne relevaient qu’exceptionnellement l’incompétence et les abus de pouvoir des jeunes présidents. Des dérives inévitables qui n’étaient absolument pas soulignés et analysés. Tel caïd, craint de tous, était jugé « bon président » alors qu’il n’hésitait pas à confisquer la parole à ceux avec qui il était en conflit, s’aidant de quelques insultes ou moqueries. D’autres présidents débordés par des problèmes de discipline abandonnaient leur fonction en milieu de conseil. Tout cela était complètement toléré par les adultes, ôtant ainsi toute valeur pédagogique à l’exercice d’un pouvoir délégué et cadré. En adoptant une position démissionnaire dans leur fonction de facilitation de l’analyse du groupe par le groupe, l’adulte abandonnait sa fonction principale (Lapassade, 1971).

La restitution des propos dans les comptes – rendus du conseil était tout aussi artificielle : ils étaient d’ailleurs produits de façon aléatoire et souvent bouclés à la hâte quelques minutes avant le début du conseil. Ils étaient le fruit du travail d’un adulte - celui de l’élève se réduisant, sauf exception, à sa saisie informatique. Le travail de restitution écrite, d’une valeur scolaire et pédagogique importante, était ici rendu complètement factice tout en maintenant les apparences d’un fonctionnement démocratique. Les jeunes ne rencontrant aucun espace d’implication autre qu’illusoire ne manifestaient que désintérêt et démotivation pour une paperasserie de plus qui ne servait à rien et laissaient donc faire les adultes. Seules les décisions de l’équipe y figuraient, étayés de quelques critiques et propositions secondaires d’élèves pour la forme…

J’apprenais à la fin de ma première année, tous comme certains élèves, que la note d’oral de français était en partie liée à la participation au conseil… Une carotte pour motiver certains à se prêter à cette singerie de la parole collective. Notamment ceux dont le silence angoissait les adultes, tant il révélait leur incompétence à faire de ce temps un moment d’échange authentique : « On fait zarma [comme si, semblant], on parle, en fait on ne fait rien » disait la jeune Rachida…

Les jeunes devaient, dans le cadre du cours de sport, aller à la piscine. Rachida refusait catégoriquement d’y aller : elle précisa alors que vivant dans une cité avec certains élèves présents, elle n’avait pas envie de « s’exhiber  » devant eux. Jusqu’ici le cours de sport était un des rares auxquels elle était assidue. Lorsqu’elle aborda ce point en conseil, elle se heurta à la même non-réponse que moi quelques jours plus tôt, « c’est comme ça ! ». Le bien être de l’adolescent et son développement personnel furent alors paradoxalement évoqués. Face au dialogue impossible, Rachida joua la carte de la franchise et déclara « je m’en fout j’esquive : certif’ [certificat médical] »… Un silence de gène succéda à son intervention, comme à chacune des rares fois ou une parole brutalement franche émergeait. Sur les douze élèves fréquentant l’école en cette période, seuls trois d’entre eux allèrent à la piscine ; beaucoup manquèrent le conseil, qui se déroulait en début d’après midi, juste avant le sport. L’équipe, conformément aux textes officiels, parlera « d’absentéisme non justifié ».

Un jour, Alex, un élève qui venait d’arriver, mit un point des plus intéressants au tableau du Conseil : « j’aimerais ne pas être dérangé quand je travaille ». Il évoquait un incident survenu lors de la fin du « temps Internet », pendant lequel il travaillait à un article pour le journal de l’école sur un gang de braqueur de la fin des années 80 (dont son père incarcéré avait fait partie) : l’aide éducateur aurait subitement éteint l’ordinateur. Alex identifia cet acte comme une entrave à son travail en cours, et voulut aborder la question en conseil, qui lui semblait à juste titre être le lieu pour… Malheureusement l’évocation publique de cet événement fut vécue comme une agression par l’aide éducateur et par l’équipe qui s’empressèrent de lui faire la morale sur sa subite mise au travail. Très vite, Alex se désinvestit de ce règlement de compte absurde, et mit fin à la discussion par un « ça sert à rien votre truc », une « provocation » de plus d’un élève que la majorité de l’équipe disait arrogant. Malgré mes interventions, personne ne voulu sérieusement aborder cette affaire d’Alex… Peu de temps après, il décrochait de nouveau…

D’autres jeunes tentèrent de tester le conseil comme lieu de parole, et se rendirent vite compte de son inutilité. Comment ne pas relier alors les problèmes de discipline avec ce constat puisqu’au cours de mon passage, à part quelques sorties (notamment celle de fin d’année pour une séance du film « Astérix »), aucune décision concernant la vie de l’école ne fut prise et appliquée et qu’aucun conflit n’y fut abordé sérieusement.

C’est avec beaucoup de retenue et l’impression de trahir un secret que j’insistais pour que l’on s’efforce de traiter avec lucidité les problèmes qui surgissaient en conseil. Souvent ces débuts de discussions étaient alors abrégés par l’équipe : « Ça on verra entre nous »… Pour l’équipe, l’organisation de l’école, même dans ses aspects les plus malléables, ne semblait pas être à l’ordre du jour dans cet espace.

Que faisait-on des conflits ?

Saisit de façon hasardeuse, « les Rapports d’incident » était aussi inefficace que le grand conseil. {}Il s’agissait d’un document sur lequel étaient inscrits le nom de l’adulte médiateur, et celui du (des) désobéissant(s) de quelques interdits implicites et aux applications aléatoires (ne pas se bagarrer, ne pas insulter les professeurs ou les élèves, ne pas faire de vandalisme, ne pas refuser de travailler, ne pas traîner dans les couloirs à ne rien faire, ne pas sécher certains temps de l’école etc...). Les protagonistes étaient invités à écrire leur version des faits, ces dernières étaient lues à voix haute par un adulte « médiateur ». Celui qui devait permettre un échange [14] se contentait de répéter soit le règlement, soit quelques formules consacrées de l’idéologie de l’école « c’est pour ton bien… il faut que tu respectes les règles… quand tu travailleras plus tard… ». Une leçon de morale donc, pas une médiation. Certains jeunes s’intriguaient de la destination de ce document, quelques-uns, perplexes, me demanderont si ce papier les « suit » dans leur dossier ! En théorie un élève pouvait demander un Rapport d’Incident en cas de problème avec un professeur mais cela ne s’est jamais produit durant mon séjour à l’école.

L’exemple de Michael (16 ans) est significatif du cercle vicieux de la non communication dans l’école. Cela faisait plusieurs fois qu’il mettait ce point au conseil  : « est-ce qu’on peut porter des casquettes ? ». L’équipe n’a jamais pu lui fournir des arguments justifiants l’interdit. A un moment, l’effort d’imagination poussa l’équipe à adopter un « compromis » : Pour les filles, le port d’un couvre chef était autorisé. Pour les garçons c’était toujours « Non ». Pourquoi ? On connaît la réponse : « C’est comme ça ! ». Impossible d’aller plus loin [15].

Michael, non entendu en conseil, fut l’objet de plusieurs Rapports d’incident et quitta l’école au bout de quelques semaines. A chaque fois, en guise de médiation, il se heurtait à la formule incantatoire : « C’est pourtant facile 6 règles à respecter ». Ce rappel au règlement échouait à chaque fois, faute de pouvoir en justifier posément les règles et celle-là en particulier. « L’ordre scolaire de surface » (Dubet, 2002, p.166) était respecté, mais ni les uns ni les autres ne parvenaient à comprendre ce à quoi les renvoyait cette question de « chefs » : identités, places et agencements des personnes et des territoires.

C’était quoi la classe ?

Des cours particuliers...

Dans l’emploi du temps, il y avait 4 heures de cours dans la matinée [16]. Juste avant il y avait le Quoi de Neuf (15 minutes) transformé ici en briefings, et dont le temps fort était la justification public des absences et retards. Avec très rarement plus de trois ou quatre élèves par cours, ces derniers prenaient vite l’aspect de cours particuliers. Le va et vient des élèves au gré des affectations de l’Académie et des abandons rendait impossible la constitution d’un groupe et donc de tout travail s’y référant ; jamais l’équipe n’éprouva le besoin d’exercer une quelconque pression sur l’Académie afin d’avoir un groupe fixe dès le début d’année. L’approche éducative était donc celle du cas par cas, en incohérence totale avec les besoins des décrocheurs que je soulignais plus haut [17]. Bien qu’en sous-effectifs les cours n’en étaient pas moins perturbés car une partie des jeunes « virés » d’un cours ou « séchant » tel autre erraient plus ou moins calmement dans les couloirs. Lorsqu’ils n’étaient que deux ou trois à l’école, les jeunes traînaient leur ennui de cours particuliers en cours particuliers. La plupart d’entre eux n’aimaient pas ces situations où, par manque d’effectif, ils se retrouvaient seul avec le professeur. A chaque fois, les même professeurs savaient leur rappeler, non sans les culpabiliser, le caractère privilégié de ces cours que ces « jeunes gâtés » boudaient, allant jusqu’à leur préciser le coût de telles séances. Ces situations de face à face contribuaient à développer les attirances et les rejets entre enseignants et enseignés, la dualité des rapports exacerbant les phénomènes de transferts et de contre transferts, ici complètement niés : « Il n’y a pas d’affects ici, il n’y a pas à avoir d’affects… » me dira un des professeurs appelé à devenir coordinateur l’année suivante.

Où était la parole ?

Les interstices où l’on parle : les pauses, les couloirs …

Durant ma première année scolaire dans cette école, j’ai été amenée à adopter différentes stratégies d’adaptation (Lapassade, 1998). Le caractère régressif du milieu, auquel je n’échappais pas, fut cependant atténué par les paroles des jeunes auxquelles j’avais accès pendant les pauses et à divers moments de flottement dans l’école. Mes interventions sur l’équipe trouvaient leur origine essentiellement ici, mes tentatives isolées et éphémères de modification des institutions également (introduction de sociogrammes lors des séances de tutorat hebdomadaires, création d’une commission sanction /réparation, propositions de règles...). J’étais un des rares professeurs à descendre d’un étage, dans la cour, rejoindre les élèves en pause. J’avais l’impression de « consulter la base », tandis que l’équipe, à l’étage au-dessus… Pauses multiformes, multifonctions… Tantôt Quoi de Neuf, où je découvrais la passion, jusque là secrète, de ce gaillard ex-taulard de 18 ans pour les hamsters, les déboires de tels autres en visite à un ami en prison, les détails de la récente fugue en duo de Yacine et Mohamed… Tantôt Conseil où étaient abordés tous les petits malheurs du collégien, qu’ils essayaient, pour certains d’entre eux, désespérément d’être. Des confidences lourdes, tout comme des critiques, qui se heurtaient à l’absurdité du système, y trouvaient leur place. Parfois, je décidais de ne plus descendre vers cette « base », dont j’avais l’impression d’être à la fois la confidente et la déléguée.

Myriam, 15 ans, veut changer de « groupe »… Des groupes poreux, mouvants, constitués de trois à cinq élèves, réunis de façon complètement arbitraire. Cela fait trois semaines que Myriam signale à son tuteur son malaise, et son incapacité à travailler entre les deux garçons chahuteurs de son groupe… « et il ne se passe rien ». Elle voudrait que j’en parle à la coordinatrice. Tel autre veut des revues de Rap mais n’ose pas en parler… Au début, à chaque fois que ces échanges concernaient la vie de l’école, je renvoyais les élèves vers le conseil. Certain s’y risquaient à leurs risques et périls. D’autres, déjà convaincus de l’inutilité de la chose, me riaient au nez…

Ces lieux parallèles d’échange avec les jeunes me paraissaient d’autant plus inconfortables et indispensables que les dispositifs de paroles ne jouaient pas leur rôle (Conseil, Quoi de Neuf, Rapports d’incident). C’est entre autres, ce que je répondais à deux de mes collègues qui me reprochaient de « trop les écouter ». Il ne s’agit sûrement pas là de nier le caractère périlleux de cette proximité avec ces jeunes, mais bien d’en cerner le danger dans un lieu de vie – qui se nie en tant que tel — vide de dispositifs permettant de déplacer ces relations dans des espaces de médiation collective.

Des conflits larvés qui ne trouvaient nulle part, malgré les apparences, l’occasion d’être reconnus et traités, conduisaient souvent à des violences réactionnelles diverses : chahut, insultes, menaces, bagarres à répétition, vols, dégradations… Ce climat contribuait au découragement des élèves à l’origine les plus motivés par la reprise d’une scolarité. L’image, la renommée de l’école, entre autres, obligeait le silence de l’équipe face à ce qui se présentait comme un obstacle majeur à tout apprentissage : la violence.

Quelle était la participation des élèves aux tâches ?

Propriété et propreté...

« Une fois par semaine, le vendredi, quelques minutes avant le ménage, les jeunes sont réunis dans une salle avec sur le tableau en face d’eux, une liste de tâches (ou plutôt une liste de salles, dans lesquelles ils doivent passer la serpillière et vider les corbeilles) parmi lesquelles ils doivent choisir… Et là souvent c’est la foire : Les caïds obtiennent ce qu’ils veulent, les « timides », prennent le reste ; et puis il y a Samir, qui, à chaque fois veut nettoyer les toilettes, sans qu’on sache pourquoi et surtout sans que cela pose problème… ça tombe plutôt bien d’ailleurs, car personne ne veut jamais de cette tache ingrate. La plupart des bagarres entre jeunes éclatent pendant ce temps, et les quelques tâches à effectuer, sont faites au prix d’interminables relances des adultes…Après le ménage souvent, l’équipe est épuisée. Ce temps paraît si illusoire que nous rechignons tous à la tâche… » [18]

C’était la seule tâche proposée aux jeunes « pour s’approprier l’école » [19]... Le professeur de biologie, responsable ad viternam de l’organisation de ce temps, concentrait toute la haine des jeunes pour cette tâche, notamment celle des garçons qui le surnommaient : « M. Propre ». Certains jeunes (à juste titre...) réclamaient que le ménage soit assumé par le personnel technique de notre collège de rattachement. Il apparaissait totalement injuste de demander à ceux qu’on considérait uniquement comme des « élèves » dans tous les autres temps de l’école d’être femmes et hommes de ménage d’une école dont on leur refusait par ailleurs l’appropriation.

C’est à la suite d’un règlement de comptes à coups de bâtons où je fus particulièrement exposée, et seule, consciente des mécanismes absurdes et prévisibles qui avaient engendré cette situation dangereuse, que je décidais qu’il s’agissait là de mon dernier jour dans cette école. Une goutte d’eau… Je quittais donc définitivement l’école, la veille d’une énième réunion de crise, échappant alors aux conseils déplacés, aux remontrances et lamentations diverses qui devenaient coutumes lors des moments les plus critiques.

***

Ce texte pourrait s’arrêter là. Il exprimerait alors le fatalisme et le manque de volonté autour des difficultés qui accablent le personnel éducatif impliqué. Mais les dysfonctionnements évoqués étaient avant tout la résultante des rapports entre les adultes, et des rapports qu’ils entretenaient avec cette école… Il est clair qu’il est impossible de demander aux jeunes ce qui pour nous adultes paraît irréalisable (s’écouter, se respecter, parler, écrire…) ; en d’autres termes de travailler la motivation du jeune sans être soi même dans une dynamique bien particulière.

Il s’agit ici de dégager quelques éléments dans l’histoire de cette école et dans le fonctionnement des équipes qui peuvent aider à comprendre cette dérive. Puissent-ils aider quelques lecteurs à y voir plus clair dans leurs pratiques respectives, et/ou les orienter vers quelques lectures, souvent salvatrices.

La singularité de cette classe relais :

L’école obtient au début des années 90 une ouverture à l’arrachée ; pour autant qu’elle existe enfin, l’école n’en est pas moins menacée puisqu’elle elle connaîtra plus d’une rentrée incertaine. Au gré des humeurs de l’inspection académique et de l’air du temps ministériel, tel ou tel axe touchant à l’identité initiale de l’école et à son fonctionnement sera ponctuellement remis en cause, de l’extérieur : Affectation d’un aide éducateur, mode d’affectation des élèves, nombre de professeurs contractuels, nombre d’heures supplémentaires, cooptation... C’est donc une école qui doit s’imposer pour exister auprès de l’Education Nationale. Résister, convaincre de la légitimité de l’école telle qu’elle est, ce rôle était essentiellement assumé par la coordinatrice de l’équipe ; c’était elle « qui montait au front » lorsque l’école était « attaquée », c’est elle aussi qui véhiculait l’image de l’établissement dans des réseaux d’implication divers : Médiatique, universitaire, institut de formation, partenaires… Dans le contexte que j’ai décris plus haut, la coordinatrice était l’absente / présente dans l’école ; présente dans le sens ou elle participait à certains temps de l’école ; absente dans le sens où, comme elle le dira quelques jours avant son départ à la retraite, elle « ne s’accordait ni le temps de l’observation ni le temps de l’analyse » et n’instituait rien dans ce sens.

Pendant mon passage, il n’y avait pas de projet émanant de l’équipe enseignante qui aurait assuré la cohésion autour d’objectifs précis et partagés par tous, et dont la coordinatrice aurait été la garante des conditions de réalisation. Cela n’empêchaient pas quelques adultes qui se persuadaient malgré tout de « travailler ensemble, dans le même sens ».

L’illusion du travail en équipe et la confusion entre « autogestion » et « laisser faire ».

En l’absence de vrai projet fédérateur et de normes reconnues et discutables, les rapports entre les membres de l’équipe étaient surtout amicaux et duels, toutes les décisions étaient prises sous l’influence de la coordinatrice (bien que, voire parce que, souvent absente pour cause de relationship et publicité) puis du professeur d’histoire / Géographie (coordinatrice implicite) [20]. C’est vers ces figures de pouvoir que se tournaient les regards chercheurs d’approbation, que ce soit en Conseil ou en réunion d’équipe, c’était souvent elles qui mettaient un point final aux questions les plus dérangeantes concernant l’état de l’école et les injustices qui s’y perpétraient.

C’est dans l’arrière cuisine des réunions d’équipe que la confusion entre autogestion et laisser-faire atteignait son paroxysme. Le soi–disant fonctionnement en autogestion étant invoqué à chaque demande de cadrage, émanant essentiellement du professeur de biologie et de moi … A chaque fois que nous demandions à la coordinatrice de jouer son rôle d’animatrice dans ces réunions, cela était interprété par le reste de l’équipe comme une demande infantile de direction et de hiérarchie... Souvent un professeur, appelé à assumer les fonctions de coordinateur, insistait sur la ferme croyance « qu’il n’y avait pas de chef ici ». Or nous ne demandions pas à être commandé aveuglément mais précisément à évoluer dans un cadre assumé et tenu par un responsable.

Jamais structuré, l’ordre du jour était rarement respecté, Dans ces réunions il n’y avait aucune prise en compte des difficultés rencontrées, aucune valeur accordée aux critiques plus ou moins poliment évincées. Une large place était accordée aux échanges de points de vue sur le comportement des jeunes qui « posaient problème ». L’inexistence d’outils précis d’évaluation (outre les quelques notes dans les matières enseignées) donnait lieu à des positionnements des plus arbitraires [21] et à des prises de décisions injustifiées et injustifiables. Les rares et vagues écrits que la coordinatrice produisait étaient destinés a l’extérieur. J’ai constamment essayé d’instituer des comptes rendus de réunion, puisque jusqu’ici les seules traces de nos échanges étaient consignées dans des notes personnelles ; cela envenimait parfois quelques conflits entre nous, chacun étant persuadé d’avoir, à partir de ses notes, l’information qui venait contredire le collègue qui, lui, avait noté autre chose ! Durant la première année seuls quatre comptes rendus de réunions furent produits et distribués à l’équipe. J’étais l’auteur de trois d’entre eux. En effet si nous exigions des jeunes qu’ils produisent des comptes rendus de conseil, nous étions loin d’avoir la même exigence quant aux écrits restituant les propos de l’équipe.

C’est dans cet espace, non sans mal, que se situeront dans un premier temps nombre de mes interventions, déterminées souvent, maladroites parfois… En tous cas toujours autour de la précision de notre tâche, et de nos difficultés quotidiennes. Souvent, j’interviendrai de façon formelle avec des documents de travail remis à tous sur lesquelles figurait des propositions de points à aborder tel que : Nos conflits, notre conception des jeunes, les objectifs et moyens de l’école, l’évaluation de l’équipe et des jeunes etc.… Maintes fois j’ai essayé d’engager des discussions sur le règlement, le conseil, la loi et ses garants… Jamais aucun de ces points ne fut abordé, ni par la première équipe, ni par la suivante. Ces interventions donnaient lieu à des réactions qui, bien souvent jetaient un peu plus de flou dans le marasme de mes sentiments vis à vis de notre travail.

Des arguments peu recevables m’étaient souvent avancés, pour me signifier que mes interventions n’avaient pas lieu d’être. Le plus récurent étant lié au fait que je n’avais pas participé aux réunions d’équipe en début d’année [22], la coordinatrice me signalait alors que tous les points que j’évoquais dans ces documents de travail avaient été longuement abordés par l’équipe au cours de la vie de l’école ainsi qu’à la rentrée. L’ambiance dans l’école démontrait pourtant clairement que ces prétendus échanges n’avaient jamais donné lieu à des prises de décision...

Bilan de fin d’année et changement partiel de l’équipe :

A la fin de l’année scolaire, la coordinatrice partait à la retraite. Avant son départ, elle réagit de façon distanciée à mon bilan écrit, seul travail sérieux avec celui du professeur de français dont c’était également la dernière année ici. Elle reconnut sa part de responsabilité dans certains égarements du dispositif que j’évoquais. Point de vue honnête, que l’ensemble des autres professeurs s’empressa alors d’atténuer, en justifiant tant bien que mal son nécessaire rôle « d’ambassadrice » de l’école à l’extérieur.

A la rentrée 2002/03, le poste de coordinateur revint au plus ancien des professeurs qui s’était vu refuser sa demande de mutation en province pour la seconde fois. Celui-ci était également le plus proche de la coordinatrice sortante. Une ex-directrice de SEGPA vînt prendre la place du professeur d’Histoire / Géographie (qui partait en IUFM). Cette nouvelle professeure assuma de fait et de manière totalement implicite le rôle de coordinatrice dès les premiers jours de l’année scolaire. Sa motivation pour la direction étant bien plus forte que celle du coordinateur « officiel ».

Dès la rentrée, j’entrais en conflit avec celui-ci, quant à l’équilibre des horaires de chacun dans l’école. Deux semaines après la rentrée il apparut que la professeure d’histoire « coordinatrice implicite » faisait beaucoup plus d’heures que le reste de l’équipe, coordinateur compris [23]. Je m’interrogeais sur la nature de ce surinvestissement, et demanda avec insistance au coordinateur de faire le point en équipe sur les horaires effectués. Là encore la confusion entre autogestion et laisser-faire se fit sentir. Pourtant, ma démarche était animée par la volonté d’initier une analyse de l’investissement de chacun, la surimplication étant ici synonyme d’appropriation de l’école, donc de prise de pouvoir. Le nouveau professeur de mathématiques et moi, tous deux contractuels, n’étions pas payés pendant prés de trois mois et demi... ponctués d’arrêts maladies de notre part. Très vite, les élèves l’apprirent ; certains nous interpellaient à juste titre : « Pourquoi vous ne faites pas grève ? ». Le besoin de justice de ces jeunes nous renvoyait à notre propre soumission face à l’injustice. C’est non sans soulever une certaine culpabilité, caractéristique du professeur charitable de ZEP, qui travaille dans « le social », que j’abordais en équipe ce point, tout comme la question de la répartition des horaires évoquée plus haut.

Le professeur de biologie, seul inquiété par cette situation, proposa de se joindre à moi si je décidais de me mettre en grève [24]. Le reste de l’équipe – sous l’influence de la professeure d’histoire « coordinatrice implicite » - s’y opposa ; ceci, au nom du sacrifice à la cause Elève, dont on se passa bien sûr de demander l’avis… Cette grève n’eut donc pas lieu et l’emploi du temps fut maintenu tel quel, malgré l’absence des professeurs impayés. La solidarité et le militantisme actif des équipes précédentes (qui n’hésitaient pas dans ce genre de situation à menacer de fermer l’école par voie de presse), n’étaient maintenant plus de mise. Cette situation participa à renforcer le pouvoir du professeur d’histoire.

Cette rentrée, malgré les espoirs portés par le changement partiel de l’équipe, n’était pas plus marquée par le désir de faire l’école autrement et sérieusement... Angoissée et fatiguée je décidai de partir au milieu du mois de décembre. J’annonçai mon départ au coordinateur par téléphone et je fis parvenir à l’équipe un courrier le motivant. Si cette rupture fut vécue comme une agression portée à l’équipe, elle ne questionna pas d’avantage cette dernière.

Pourtant l’école avait des moyens, beaucoup de moyens. A une certaine période, c’était même l’une des écoles qui recevait le plus d’aide financière de l’Etat et de la région et de l’Europe.

L’école disposait de moyens importants en terme d’effectifs du personnel éducatif d’une part : 5 professeurs à raison de 29 heures hebdomadaires chacun, un professeur d’éducation physique (6 heures), un aide éducateur (29 heures) pour un maximum de 25 élèves inscrits, et en moyenne moins d’une dizaine de présents durant l’année ; et d’autre part en termes de moyens financiers. En effet, aux cours de ses 10 années d’existence l’école à développé un réseau de partenaires conséquent, dont certains financent activement l’école, et d’autres lui facilitent l’accès à certaines infrastructures (Fond Social Européen, locaux gracieusement mis à disposition par la Mairie, ateliers artistiques extérieurs hebdomadaires sous l’égide d’un psychiatre...). Je ne saurais donner plus de précisions sur les finances de l’école mais jamais au cours de mon passage l’argent ne fut un obstacle à la réalisation de quoi que ce soit... D’ailleurs les nombreux vols à l’intérieur de l’école, outre la valeur symbolique d’agression de l’institution qu’ils révélaient, rendaient compte du désarroi de certains élèves face à cette profusion de matériel tentant (calculatrices, appareil photo numérique, postes audio cd, nombreux ordinateurs, casques audio, etc...) dont ils percevaient d’avantage l’utilité directe dans leur sphère privée que dans un collectif ne sachant s’en saisir.

La conception de la tâche, induite par cette profusion de moyens, peut se résumer ainsi : Face à une demande de justice, l’adulte désemparé propose des choses en plus (plus d’activités, plus d’attention individuelle en apparence, plus de proximité avec le professeur que l’on tutoie ici sauf exception...) ou des choses en moins (moins de règles, moins de cours, moins d’élèves...) afin de divertir le jeune. Il ne s’agit là, selon moi, que d’une démarche qui tend à faire oublier cette école plus juste que le jeune réclame, et qui pour l’adulte paraît irréalisable. Ainsi, je m’entendrai dire un jour, par le professeur d’histoire « coordinatrice » qui se disait anarcho–syndicaliste : « l’autogestion, le partage des décisions, pas avec eux ». L’assurance de son affirmation entre autres, me laissa alors sans voix. Il s’agit pourtant d’un parti pris pédagogique revendiqué haut et fort par l’école : que la démocratie est faite pour tous et qu’il est possible, sinon d’y éduquer, au moins d’encadrer sans aller à son encontre. Quelle idée de la démocratie un tel positionnement sous tend ? Est-ce à dire qu’il y aurait des gens « faits » pour être citoyens dans une démocratie et d’autres uniquement des techniciens, des exécutants, inéducables ? Et plus précisément pourquoi maintenir une telle prétention quand on reconnaît son impuissance et que l’on s’en satisfait... Car cette école est figée dans une illusion de la différence tandis qu’à l’intérieur, il n’y a plus de volonté ni de changement, ni d’amélioration. Ce qui en fait un système rigide et clos ; mes interventions et les résistances qu’elles ont suscitées en témoignent.

Au-delà de ces murs, et notamment dans le milieu de la recherche universitaire, il en est de même ; au cours de cette expérience, mes sollicitations dans cette direction ont été nombreuses, et non entendues, voire totalement incomprises.

Cette illusion de la différence - que la recherche sur l’innovation pédagogique cautionne, au mieux par son silence, au pire en organisant leur publicité dans des manifestations diverses - n’est pas sans conséquences : d’une part, pour les équipes porteuses d’un projet réellement expérimental, qui se voyant amalgamées avec des expériences relevant du folklore gauchiste ont peu de chances d’être soutenues par qui que ce soit, et sont souvent peu crédibles auprès de leurs collègues qui doutent de l’efficacité de ces projets ; d’autre part, pour les jeunes qui participent au make-believe démocratique. En effet, pour la grande majorité de ces jeunes, ces classes « différentes » représentent l’unique espace de rencontre avec ce que pourrait être un projet éducatif à la hauteur. Le spectacle a son prix : le nihilisme que l’on prête souvent à ces jeunes de banlieue trouve là l’occasion de se nourrir. Des jeunes qui, pourtant, portent en eux l’impératif d’une évolution de l’école qui paraît aujourd’hui encore impensable.

Plutôt que d’aborder de front les questions de fond soulevées par le décrochage, l’Education Nationale a créé des structures, pour ces jeunes « paumés  »comme elle en crée depuis des décennies pour les « anormaux  », afin que les autres, les « normaux », puissent avoir la paix dans leurs établissements. Puis allant plus loin encore dans sa volonté d’éluder ce problème, des lieux de dressage, fermés depuis cinquante ans, ont été remis en place sous l’appellation paradoxale de Centres d’Education Fermés.

Dans un contexte de banalisation de l’innovation il conviendrait peut-être, d’évaluer ces écoles dites « différentes » en ce qu’elles ont de vraiment différent. Terrain d’entente des libéraux et des libertaires [25], l’éclatement du groupe classe au non d’une mythique subjectivité de l’élève, dessine la réalité d’une école vidée de sa visée politique.

Les constats alarmants et les conséquences proprement régressives que je cerne ici trouvent-ils échos dans les milieux « pédagogiques » ? Se pose-t-on quelque part la principale question pédagogique qui vaille aujourd’hui, à savoir l’articulation de la Loi et du Collectif ? Qui, aujourd’hui peut répondre politiquement (par la réflexion et par l’action) aux arguments réactionnaires et conservateurs de tous bords, sur les questions qui assaillent l’école (autorité, violences, baisse du niveau, délabrement et flottement de ses objectifs…) autrement qu’en ayant recours à l’argument facile et démissionnaire du « manque de moyens » ?

Nayla NAFISSA
juillet 2003


Bibliographie

  • Ardoino.J, Loureau.R ,1994 ; « Les pédagogies Institutionnelles », Puf.
  • Dubet.F, 2002 ; « Le déclin de l’institution »,
  • Freinet.C, 1969 ; « Pour une éducation populaire », MaspéroLapassade.G, 1971 ; « L’autogestion pédagogique », Gauthier-villars
  • Imbert.F, 1983 ; « Si tu pouvais changer l’école, l’enfant stratège  », Le Centurion.
  • Lapassade.G, 1993 ; « Guerre et paix dans la classe. La déviance scolaire », A. Colin.
  • Lapassade.G, 1998 ; « Microsociologie de la vie scolaire », Anthropos.
  • Le Goff. JP, 1999 ; « La barbarie douce. La modernisation aveugle des entreprises et de l’école », La Découverte.
  • Mendel.G, 1968 ; « La révolte contre le père, une introduction à la sociopsychanalyse » Payot.
  • Oury.F, Pain.J, 1971 ; « Chronique de l’école caserne  », Matrice, rééd. 1998.
  • Terray.E, 2004 ; « La question du voile : une hystérie politique », in Collectif, 2004 ; « Le foulard islamique en question », ed. Amsterdam
  • Tosquelles.F, 1966 ; « Pédagogie et psychothérapie institutionnelle », rééd Matrice
  • Vasquez.A, Oury.F, 1966 ; « Vers la pédagogie institutionnelle », réed Matrice 1998
  • Vasquez.A, Oury.F, 1971 ; « De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle », Maspéro

[1Ce texte a été rédigé pendant un arrêt maladie qui se prolongea jusqu’à la fin de l’année scolaire 2002-03. L’équipe n’a, a aucun moment, exprimé la volonté d’une rencontre, que j’ai tenté plusieurs fois d’initier… Cet arrêt maladie n’a en rien empêché l’équipe d’embaucher un remplaçant, chose qui ne fut pas réalisée faute de candidat selon le coordinateur de l’école. Il s’agit ici avant tout d’un témoignage sous forme brut, pour une approche plus analytique se référer à l’article « Post-Gauchisme et néo-management » Quentin et Nafissa, Rev. EcoRev’, septembre 2006.

Un remerciement particuliers G. Lapassade, G. Chevalier (enseignants chercheurs retraités) et Quentin (Rmiste).

[2Les classes relais naissent au début des années 90 dans le cadre des politiques de lutte contre la violence en banlieue. Bien que rattachées administrativement à un collège, elle jouissent d’une autonomie totale en ce qui concerne l’élaboration de leur projet et de leur programme scolaire : Nombre d’entre elles sont situées hors des murs du collège de rattachement et s’en distinguent parfois, en adoptant un nom différent précédé de la mention « école ».

[3Au cours de mon parcours dans l’animation et en parallèle à mes études en sciences de l’éducation, j’ai encadré des colonies de vacances en cogestion (Ardoino, 1995), et ai été deux ans directrice de centres de loisirs dans deux banlieues sensibles dans tout les sens du terme puis professeure précaire en lycée général et technique dans ces mêmes banlieues.

[4Ma candidature à ce poste était accompagnée d’un dossier complet (CV, lettre de motivations insistant sur l’aspect militant de ma démarche, article rendant compte d’une de mes expériences pédagogique)

[5Les élèves de classes relais peuvent également prétendre au passage du Brevet des collèges. Pour le professeur d’Histoire de la première année et des enseignants du collège de rattachement, cela a donné lieu ici – il y a quelques années - à des passages de brevet, dans lesquelles les élèves se seraient vus attribuer des notes fictives dans les matières non enseignés par l’école. Certains élèves auraient donc eut ce brevet par falsification du dossier. Cela aurait provoqué quelques boutades des enseignants du collège de rattachement de l’école du style « si tu veux qu’il ait son brevet envoie ton cancre dans cette classe relais ! ».

[6A la fin d’un des ateliers de relaxation que j’animais, Tarek en s’étirant me dit : « j’ai rêvé que j’étais au bord d’une piscine…j’étais un big boss, avec plein super meufs…y avait tout…. »

[7Des métiers qui tournent : aujourd’hui je suis cantinière, les semaines prochaines je serai laveur de tableau, standardiste, jardinier…ça évite de faire toujours la même chose, ça évite de s’ennuyer, de ronronner, de s’endormir ou de devenir irritable. Ça évite aussi que ce soit toujours le même qui se tape le sale boulot, car il y a toujours un truc que personne ne veut faire, mais qu’il faut quand même faire sinon, c’est plus supportable…ça permet surtout quand quelqu’un est absent de pouvoir continuer ce qu’il y a à faire. Chacun peut se spécialiser sans se scléroser dans une tâche en particulier…

[8Tous les documents utilisés (en possession de l’auteur) sont l’œuvre des équipes précédentes...

[9On retrouve dans les termes du contrat bidon passé entre l’élève, sa famille et l’équipe enseignante la même détermination idéaliste et la même confusion, tout cela dans une prose qui n’est pas sans rappeler celle du néo-management (Le Goff, 1999)

[10Les prénoms et matières enseignées ont été changés.

[11Bilan 1996/97 (Archives de l’école).

[12Parfois celui ci peut être évité si le jeune accepte d’aller voir un psychiatre de renommé, partenaire de l’école ! Seul un jeune restera jusqu’à la fin de l’année grâce à ce « compromis » : rendu docile, l’équipe lui accordera sa place dans l’école et soulignera le « succès » de cette démarche...

[13Je découvrais moi-même ce règlement du conseil en milieu d’année en consultant les archives de l’école !

[14Un tiers qui intervient entre deux personnes en conflit, pour qu’elles s’entendent (c’est à dire que chacun comprenne bien ce que l’autre veut dire, et ce qui les oppose.) : Sa fonction est donc de rétablir une communication qui semble rompue. Il convient d’être alors particulièrement formé. On l’aura compris, aucun prof ne l’était.

[15Cette question du « petit casque » (Defrance.B) et sa cristallisation évoque la notion d’hystérie collective, telle que la précise E.Terray à propos du délire collectif qui s’est déroulé en France à la rentrée 2003 sur la « question du voile islamique à l’école » : « Qu’est-ce que l’hystérie politique ? Soit une communauté confrontée à une situation ou à un problème difficile, qui mettent profondément en cause, sinon son existence, au moins sa manière d’être et la représentation qu’elle se donne d’elle-même. Si elle ne trouve pas en son propre sein l’énergie et les moyens nécessaires pour transformer cette situation ou résoudre ce problème, si en conséquence elle se sent à la fois menacée et impuissante, elle peut être tentée par une sorte de conduite de fuite ; de la situation réelle qui la met à l’épreuve, elle va se fabriquer une image déformée et fantasmatique ; au problème réel dont elle ne vient pas à bout, elle va substituer un problème fictif, imaginaire, construit de telle sorte qu’il puisse être traité avec les seules ressources du discours et par le seul maniement des symboles. Comme il est toujours possible de parler et de jouer sur les symboles, la communauté peut ainsi se donner à bon compte le sentiment qu’elle a vaincu la difficulté, et recommencer à vivre comme avant. » (Terray, 2004) 

[16Toutes les activités de l’école (cours, cantine, ateliers, sorties…) étaient obligatoires, ce qui donnait un tour particulier au leitmotiv « tu viens quand tu veux… t’est pas obligé de venir… »

[17La dernière commission d’affectation avait lieu courant avril, il nous arrivait donc de recevoir des élèves en fin d’année scolaire pour un ou deux mois - sachant que ces derniers n’avaient droit qu’à une inscription dans ce dispositif.

[18Notes personnelles, prise au cours de ma première année.

[19« Souvent, il y a plus de métiers que d’élèves pour les remplir » écrit J.Pain (« Conférence européenne sur les initiatives pour lutter contre la violence dans les écoles », in www.gold.ac.uk/euconf/french). Le fait qu’agent d’entretien soit le seul métier proposé en dit long sur les préjugés de l’équipe quant aux jeunes de l’école.

[20Toutes deux militantes d’extrême soixante-huitarde, tendance mao pour la première, anarchiste pour la seconde.

[21J’apprendrai un jour que le professeur d’espagnol que je remplaçais était très souvent agacé par les interminables tergiversations, en réunion d’équipe, que posait la décision d’exclure un élève.

[22Je suis entrée dans cette école en décembre.

[23Cette année là l’administration avait réduit le nombre d’heures par professeur : de 11 heures supplémentaires nous passions à 3. Ceci ne fut pas sans surprendre de façon désagréable le professeur de biologie, très motivé par le salaire.

[24En ce qui concerne mon collègue impayé, c’était son premier emploi à l’Education Nationale et ne manifestait pas, de ce fait, la volonté d’exercer une pression sur son employeur pour remédier à cette injustice...

[25« Il faut multiplier les Gaby Cohn Bendit et les Marie-Danièle Pierrelée et créer 1000 collèges et lycées expérimentaux » Alain Madelin, Libération (24/11/2000). C’est précisément l’école dont il est question ici que A.Madelin a en tête lorsqu’il tient ces propos.


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