Hommage à Gerassimos Stephanatos

lundi 25 octobre 2021
par  LieuxCommuns

Nécrologie parue dans « Le Monde »
Nécrologie parue dans « Le Monde »

Gerassimos Stephanatos, docteur en médecine, psychiatre, pédopsychiatre et psychanalyste membre du IVe Groupe, est décédé ce 27 septembre, à Athènes.

Il était un des (très) rares dans son domaine, avec J. F. Narodetzki et E. Colombo, eux aussi récemment disparus, à s’approprier le travail de C. Castoriadis et c’est à ce titre que nous étions en correspondance avec lui depuis près de dix ans.

Nous avions publié la retranscription des échanges d’une discussion qu’il avait initiée (« Repenser la psyché »), et reproduit son texte, pour nous majeur, « De la haine nécessaire à la clôture totalitaire du sens ».

Il y a exactement un an, nous lui proposions un entretien écrit, ainsi qu’une interview radio dès son prochain passage à Paris. Nous avions repoussé ces perspectives, d’abord pour cause de pandémie (nous étions la veille d’un nouveau confinement en Grèce), puis par la surcharge de travail d’analyste, et l’écriture en cours d’un livre en grec, L’imaginaire de création : pensée-art-psychè – mais, peut-être, aussi, par les premiers signes du mal qui l’a emporté.

On trouvera ci-dessous, l’esquisse des questions que nous prévoyions de lui poser, et qui resteront sans réponses. Contribution dérisoire, mais qui témoigne du haut intérêt que nous portions à son travail.

Nous reproduisons par la suite un certain nombre d’ hommages qui lui ont été rendu et dont les auteurs ont accepté qu’ils soient repris ici.

On trouvera sur le site du IVe groupe sa bibliographie exhaustive.

LC


Projet d’entretien avec Gerassimos Stephanatos : esquisse de questions (Octobre — novembre 2020)

(Il ne s’agit ici, comme pour tout projet d’entretien écrit, que de questions indicatives et rapidement formulées : la première lui était déjà parvenue, et il avait commencé à y répondre, les autres devaient être reformulées, modifiées, éludées ou créées en fonction des réponses précédentes. On trouvera donc ici un matériau foisonnant dont seulement une partie allait être utilisée, à moins de prévoir une série d’entretien).

I – C. Castoriadis et la psychanalyse

Gerassimos Stephanatos, vous êtes psychanalyste au IVe Groupe et vous êtes un des rares clinicien à travailler les idées de C. Castoriadis. Que trouvez-vous dans son œuvre qui puisse apporter quelque chose à la psychanalyse, sur le plan pratique et/ou théorique ?

Comment expliquer le peu d’audience qui l’entoure que vous constatez dans votre intervention « D’une subjectivité réfléchissante toujours à faire être" ? Cela a-t-il trait à cette dialectique infernale de notre époque où l’on ne cesse d’osciller entre une pensée disloquée sous couvert d’indépendance d’esprit et l’érection d’un totem intellectuel inattaquable, un Maître-à-penser qui soulage de la difficulté de penser et condamne au psittacisme ? Ou cela relève-t-il plutôt, d’un autre côté, à l’originalité de son œuvre, et particulièrement à ces notions dérangeantes qui lient psyché, social et politique, comme celle de type anthropologique, de monade psychique, de création et clôture culturelles ou imaginaires, de projet d’autonomie individuelle et collectif ?

II – Psychanalyse et politique

Quels liens voyez-vous, justement, entre psychanalyse et politique ? Plus concrètement : il est clair que le principe de démocratie requiert un individu, un sujet très particulier – et réciproquement, la configuration psychique des individus se mêle inextricablement au type de société politique qui leur correspond. Pourquoi cette relation circulaire, qui était une banalité dans l’après guerre pour un A. Kardiner, un R. Linton ou Cl. Lefort, est aujourd’hui totalement oubliée ?

Alors que le discours « psy » a tout envahi depuis des décennies, les liens entre politique et psychanalyse ne semblent plus réellement travaillés. Les tentatives passées comme celles de G. Mendel et la sociopsychanalyse ou de M. Schneider et son idée de « Big Mother » n’ont pas de postérité assumée. Comment comprendre un tel arrêt de la pensée ?

II – Psychanalyse et évolution sociale

Comme quelques autres auteurs, C. Castoriadis avançait, il y a plus de quarante ans l’entrée de l’Occident dans un moment historique de « délabrement », qu’il reliait à un processus d’insignifiance croissante de tout, cette « montée de l’insignifiance ». Comment comprendre, d’un point de vue psychique, un tel mouvement civilisationnel que M. Gauchet semble avoir brillamment synthétisé ? Autrement dit vous reprenez pertinemment l’opposition hétéronomie / autonomie, mais n’y a-t-il pas sous nos yeux le développement d’une anomie, précisément, une sorte de clôture non par un sens inaltérable mais par le non-sens ?

Il est de plus en plus fait mention dans la vie courante d’être confronté au phénomène de bêtise, que l’on voit effectivement envahir des pans entiers de la vie sociale. La psychanalyse a-t-elle quelque chose à dire de cet étrange objet, elle qui est confrontée journellement à la bêtise névrotique, l’errance de l’esprit handicapé par les traumatismes infantiles refoulés ?

De la même façon, nos sociétés occidentales semblent dominées par des réactions de dénis face à leurs énormes transformations. Au-delà de la reprise telle quelle d’une notion centrale de la psychanalyse dans le champ politique, pensez-vous que le phénomène décrit puisse être interprétés à l’aide des catégories psychanalytiques ?

Nous avions relayé votre excellent article « De la haine nécessaire à la clôture totalitaire du sens », où vous reliez la constitution d’un tropisme totalitaire aux mouvements fondamentaux du psychisme. Cet éclairage semble parfaitement applicable aux actuels mouvements proto-totalitaires qui se développent dangereusement aujourd’hui dans les milieux dits « wokes », néo-féministes, végans, technophiles, pseudo-anti-racistes ou, encore plus caricaturalement, islamistes, tous soudés par une sorte de « complotisme victimaire ». Comment expliquez-vous le peu de réaction qu’ils rencontrent ?

III – Psyché et délabrement occidental

Le psychanalyste D. Sibony évoque quant à lui la notion de « culpabilité narcissique » pour rendre compte de cette complaisance qui habite l’Occidental à prendre sur lui les malheurs du monde afin de se placer à l’origine de tout. N’y a-t-il pas là une « haine de soi » qui serait toujours projetée sur « les Autres » mais de manière bien plus perverse que l’universelle xénophobie ?

D’une manière générale, les sociétés occidentales deviennent profondément multiculturelle, dans un contexte de « Déni des cultures » comme l’a parfaitement diagnostiqué le sociologue H. Lagrange. Comment la pratique de la psychanalyse peut-elle faire face à l’irruption de sujets culturellement éloignés du sujet moderne, judéo-chrétien et classiquement névrotique ? Cela ne devrait-il pas réveiller les questions posées par une ethnopsychiatrie qui ne fait plus aujourd’hui qu’inverser en l’appauvrissant la psychiatrie coloniale, comme le pointe très bien F. Gouriou ?

IV – Questions diverses

Cela soulève la question de la formation psycho-sociale du sujet humain ou, plus profondément et en terme psychanalytique, la psychogénèse, la formation de l’esprit humain. Les travaux sur le sujet semblent aujourd’hui très rares et méconnus, comme les travaux de P. Delion. Pourriez-vous en dire deux mots et formuler les questions énormes que cela soulève, comme la fameuse universalité du complexe d’Oedipe, la définition du pathologique ou l’inflation de l’autisme ?

L’envahissement technologique du quotidien et ses effets dévastateurs sont largement déplorés – sans que rien ne change, évidemment. Si les psychothérapeutes paraissent tardivement en prendre conscience, ignorant que la chose a été depuis longtemps analysée par G. Anders, J. Ellul ou C. Lasch, qu’auraient à dire les psychanalystes sur les effets de la prolifération d’objets « intelligents » sur l’esprit humain, et particulièrement les jeunes enfants en formation ?

Que dire, d’un autre côté du courant dit « transhumaniste », qui s’incarne par exemple très concrètement dans la généralisation de l’artificialisation de la procréation et les manipulations génétiques ? On les voit obsédés par un arrachement à la nature mais résolument aveugles à toutes les déterminations sociales, culturelles, familiales et surtout psychologiques ?

Alors que nos sociétés en sont obsédées par la question de la relation à la nature, les travaux psychanalytiques en font l’impasse, mis à part quelques exceptions comme F. Terrasson ou L. Magnenat. Freud lui-même posait quelques jalons dans Totem et Tabou, et chacun observe comme une fascination militante pour le règne d’une « Mère-Nature » : la frilosité des psychanalystes sur la question est-elle due à la complexité de la chose ou, encore une fois, à leur évitement du terrain social ?

Finalement, ne sommes-nous pas dans des sociétés traversées par un fantasme de retour à l’indifférencié, à ce « sentiment océanique » de plénitude dont parle S. Freud, à un monde homogène d’où l’altérité, qu’elle soit sexuelle, culturelle, idéologique ou organique, serait congédiée ? La psychanalyse n’est-elle pas ici mise en demeure de disparaître en tant que théorie et pratique cherchant à restaurer la capacité individuelle à affronter l’altérité, altérité de soi à soi, altérité du désir des autres, altérité du monde et altérité ultime des limites que nous impose notre finitude ?


« Ego de Logos »

Je connaissais la pensée de Gerassimos bien avant mon adhésion en Participante au Quatrième Groupe. Nouvelle venue, j’ai eu, à la Réinstituante de 2016, la surprise de le voir venir à moi et me féliciter pour un article que j’avais rédigé en réponse à l’un de ses textes, « Repenser la psyché et la subjectivité avec Castoriadis », tous deux parus sur le site Lieux communs en Septembre 2009.
Sept ans après, il s’en souvenait et m’avait reconnue. Il m’accueillit et me souhaita la bienvenue.
Douze ans plus tard, presque jour pour jour, voilà un anniversaire que je voudrais n’avoir jamais eu à connaître.
Nos échanges réguliers par mails, depuis ce temps, furent un enseignement constant, selon cette maïeutique singulière qu’il savait transformer en amitié libre et infiniment respectueuse. Il me confia comment il traduisait en grec ce « JE » qui n’y existe pas : Ego de Logos – formule qu’il avait élaboré de concert avec Piera Aulagnier, alors qu’il traduisait la Violence de l’interprétation.
Et je compris alors comment « JE » existe et œuvre en toute langue.

J’ai trop de chagrin pour trouver les mots. Je n’ai d’ailleurs pas le désir d’en chercher.

Voici seulement un texte que je lui envoyais en écho, le 7 Avril 2020, à son article « De la haine nécessaire à la clôture totalitaire du sens » (Topique n° 122) bouleversant de force et de profondeur que je n’ai pas eu envie de « discuter ». Juste d’y accorder une allégorie poétique de la psychanalyse.

J’en adresse tout particulièrement les mots à Tessa Stephanatos.

(« La Goutte d’huile », m’a été inspirée par cette phrase, extraite de l’article de Gerassimos « De la haine nécessaire à la clôture totalitaire du sens » : "Cette haine originaire autant que nécessaire reste active tout au long de l’existence du sujet et malgré ses métamorphoses, ses déplacements, ses médiations, elle alimente en permanence le système représentationnel de la psyché, ses affects, ses mises enscène, ses mises en sens. À la charge du sujet et d’Éros de faire son élaboration en permanence. »

La Goutte d’huile

On dit que la curiosité poussa Psyché à vouloir contempler l’image interdite de l’amant qui chaque nuit venait la combler. Cliché facile : c’est l’angoisse qui pousse la nymphe, qui paie le prix de sa beauté puisqu’on l’a condamnée à s’éprendre d’un monstre affreux, à vouloir “voir” qui est là : se pourrait-il qu’autant de bienfaits viennent à la Belle d’une Bête affreuse ? Psyché n’est pas neuve : elle a commencé dans l’effroi.
La voilà captivée par l’absolue beauté de celui qu’elle contemple au point qu’elle oublie le réel : la lampe qu’elle tient à la main penche, une goutte d’huile brûlante tombe sur la cuisse d’Éros – car c’est lui. Il disparaît aussitôt, selon l’interdit qu’il avait signifié à sa Trop Belle. Trop c’est trop.
Ainsi la toute-puissance de la perfection fusionnée dans l’union.

Comme Orphée se retournant vers Eurydice la perd, l’angoisse de voir et savoir sépare Psyché de son amour.
Chaque processus psychique, originaire, primaire, secondaire, traite l’information libidinale de manière à ce que la structure du représenté devient identique à celle du représentant.”
Fusion saisissante que la brûlure du réel fait éclater, à chaque niveau de la représentation ou de la compréhension, passé l’instant du “flash”, hallucination brève, intuition fulgurante ou illumination de l’idée : chacun de nous connaît ces instants rares où sujet et objet, dehors et dedans s’abolissent en un éclair de complétude que le réel aussitôt bouleverse : le pictogramme est toujours premier.

Psyché abandonnée ira d’épreuves en épreuves comme autant de punitions. Circumambulation d’impasses en contradictions impossibles à dépasser – et dont chaque fois l’angoisse de l’effroi et de la perte redouble l’absurdité.
Le conflit est permanent : le primaire contredit la toute-puissance originaire en renvoyant brutalement la psyché à la position passive masochiste d’objet du tout-désir de l’autre ou de son “tout-manque” ; le secondaire, recours à l’idéation et formation du Je contredit la posture passive masochiste d’objet, sans pour autant renforcer la toute-puissance originaire à laquelle l’auto-réflexivité secondaire portée par l’océan discursif, qui à la fois sépare et relie, s’oppose tout autant radicalement.
Cette circulation, dynamique parce que conflictuelle, se reconduit inlassablement.
Les trois processus s’intriquent, malgré le refoulement.
Dans le processus de métabolisation, il y a donc sans cesse travail vers l’harmonie par le conflit.
Conflit tripartite dont le produit, le Je, Ego de Logos selon la belle formule de Gerassimos Stephanatos, sera le quatrième pôle (quatrième terme psychique interrogé par Lacan) inassuré de lui-même et toujours en travail, d’où l’exigence qui lui est faite de renoncer aux attributs de la certitude (Aulagnier.)

Ce conflit même est projeté sur l’autre en cas de surtension.

Psyché aveugle ne part pas, dans ses épreuves, à la recherche d’Éros comme Isis partit en quête d’Osiris.
Non : le cœur de sa bataille n’est que la place vide de l’objet perdu. Et malgré cela, elle surmonte.
Parfois l’impossible tout à coup devient possible, malgré elle, comme si ça se faisait sans elle.
Informations sensorielles et libidinales : Psyché n’est pas seule à batailler – dans l’ombre aussi Eros travaille.
Séparés ils mènent ensemble leur transformation, qui les rapprochera – peut-être.
Ensemble dans l’inconscient, séparés par le Surmoi.

Castoriadis déplorait que la pédagogie moderne, soumise à des impératifs aseptisés d’efficacité voilant la censure morale, se voit privée de son moteur érotique : pour lui, la pulsion de savoir ne peut être féconde sans le secours d’Éros. Transfert animé par un Éros qu’apaise et sublime le travail de culture.
La pulsion de savoir est ce qui va conduire Psyché et Éros à la réhabilitation mutuelle.

Alors tout se met en mouvement – peu à peu le surmoi cède lorsque se calme l’angoisse.
Ici : la parole, épreuve et guérison (ou guérison par l’épreuve symbolique et ô combien puissante).
Une part du moi se décentre vers le discours, et se voit aussitôt obligée à la réflexivité : ici le travail du Je commence, qui doit absolument trouver le soutien du travail de culture et ce dès le cercle familial, sinon le risque d’un Je purement instrumental – juste un pauvre déictique – peut entraver sa faculté d’interprétation, sa liberté.

Oui, le pictogramme se saisit parfois du Je !
Les traumas hallucinatoires de coma autant que les éclats psychotiques en montrent la permanence accidentelle.
La plupart du temps nous ne le sentons pas alors croyons cela vain. Mais repensons aux instants d’inspiration qui émaillent le cours de nos travaux comme autant de brefs big-bang de relance où la libido réinvestit un Je sommé de s’auto-recréer – dans l’humilité : là est notre capacité de création. Ce fut celle de notre guérison.

Il n’y a pas que l’Éros agglutinant, tragiquement associé à son versant de mort. Il y a aussi l’Éros “psychisé”, Éros le fidèle, celui qu’auront transformé les douleurs de Psyché au fil de ses épreuves et dont s’émeut enfin ce Sujet en qui justice et désir alors se rejoignent.
Éros salvateur n’est alors pas autre que déjà l’époux, dont Psyché aura modifié la destinée : le “Je” qui peut se connaître lui-même.

Et qui garde en souvenir une cicatrice de brûlure sur la cuisse.
Abîmant la perfection d’une beauté narcissique, et renoncée.

Anne Vernet-Sévenier, 7 Avril 2020

Adieu au psychanalyste de l’autonomie, Gerassimos Stephanatos

(Article paru le 9 octobre 2021 dans le quotidien Kathimerini, en guise de témoignage du séminaire animé par G. Stefanatos depuis 2010.)

En septembre, les analyses interrompues pendant l’été reprenaient, les rencontres entre collègues permettaient aux liens de se réchauffer, les constellations dans l’univers psychanalytique se remettaient sur orbite. A l’aube de tout cela, l’obscurité se fit. De manière imperceptible et silencieuse, avec cette bienveillance qui lui était si propre, s’est éteinte une étoile dans le ciel de la psychanalyse, Gerassimos Stephanatos. Il est parti le 27 septembre, faisant un pas vers sa nouvelle demeure, notre espace intérieur, afin que son héritage inestimable soit transmis.

Son ancrage était Paris. Dans une « époque profondément marquée par la pensée lacanienne » disait-il, il a opté pour une version de la psychanalyse au sein des institutions qui tentait la mise en sens du délire, à l’encontre d’une psychiatrie imposant des distances de sécurité. Plus tard, fort de son expérience, à l’ombre de la vision freudienne d’une psychanalyse au service de la cité, il a été le directeur fondateur du Service de psychiatrie d’adolescents à l’Hôpital général d’Athènes G. Gennimatas. Il décrivait les résistances rencontrées face à sa tentative d’insuffler à tous l’esprit égalitaire qui l’animait, du psychiatre à la cuisinière, en insistant sur le rôle symbolique maternel de cette dernière, permettant l’émergence d’un matériel clinique précieux.

La scission de l’École Freudienne de Jacques Lacan en 1969 avait donné naissance au Quatrième Groupe, que G. Stephanatos a rejoint plus tard, ayant déjà entamé une longue analyse avec Cornelius Castoriadis. Il est resté fidèle aux principes et à la culture psychanalytique du Quatrième Groupe jusqu’à la fin. Il a choisi l’autonomie d’un groupe qui lui a permis de créer sa propre théorisation, articulant le freudisme et le lacanisme sans étiquettes, non sans une certaine gymnastique dont témoignait sa formule acrobatique : « Il n’y a pas de psychanalyse sans Lacan, il n’y a pas de psychanalyse uniquement avec Lacan ».

G. Stephanatos entretenait un dialogue continu en dehors des institutions psychanalytiques avec de nombreux psychanalystes affiliés ou indépendants. Parfois, lorsqu’on lui demandait pourquoi il n’avait pas fondé un Quatrième Groupe en Grèce, il répondait d’un ton énervé : « Votre question est le signe de votre méconnaissance. Le Quatrième Groupe n’est pas une franchise commerciale qui s’exporte et s’importe. Il est pleinement là, dès lors que je fonctionne avec ses principes, dans le séminaire, dans les supervisions analytiques, dans les échanges interanalytiques ». A l’époque où un « study group », conduit par Anna Potamianou, essayait d’acquérir le statut de Société analytique, il aurait pu répondre au chant des sirènes qui l’invitait à faire une analyse avec un membre de l’IPA pour y être admis. Son refus avait comme prix son exclusion à vie de la psychanalyse « institutionnelle », malgré sa valeur reconnue implicitement par tous et son oeuvre inestimable. « J’étais à l’intérieur de moi dans un processus vivant d’auto-analyse après l’analyse », disait-il. « Qu’est-ce qui m’était demandé ? De faire une fausse analyse pour être intégré ? ». Avec son humour incomparable, il répondait à A. Potamianou : « Quand je tomberai en dépression, je commencerai une analyse et je viendrai ».

La marque de fabrique de G. Stephanatos était l’autonomie, inscrite dans la généalogie du dessein castoriadien. Il y a quelques mois, il disait que son association était une institution cinquantenaire n’étant pas plus propriétaire de ses locaux que de son savoir. A l’encontre d’une logique de pouvoir et d’appropriation du savoir, il défendait une psychanalyse anti-bureaucratique, anti-académique, toujours à réinventer, à re-créer dans les échanges mutuels, à l’instar de la psyché. Les discussions avec lui mettaient en évidence une technique non technicisée, vivante, un cadre garanti par le psychisme de l’analyste en son centre, plutôt que rigidifié par des règles universellement appliquées.

S’opposant à la validation du cursus des candidats-analystes par une « onction », se faisant ainsi l’écho de la position de J. Lacan, il disait : « Ces rituels des comités, loin du vécu interanalytique, disent peut-être beaucoup, mais peut-être même rien à propos de l’analyste ». Il se concentrait plutôt sur le désir de l’analyste, dans son caractère multiforme, et en ce qu’il constitue l’objet principal de sa propre analyse et de son auto-analyse. « C’est comme le permis de conduire, disait-il. On te le donne quand tu sais déjà conduire. Soit on est analyste, soit on ne l’est pas ». Il pensait la psychanalyse comme travail d’ouverture dans un cadre d’intersubjectivité, où l’analyste, au contact de ses propres parties inconscientes et de celles de l’analysant, suit les mouvements psychiques qui se déroulent en séance dans une tentative d’apporter une réponse « vraie » à la « demande » du patient.

L’écriture et la traduction, parents privilégiés de la psychanalyse, ont été au centre de ses intérêts. Travailleur prolifique et infatigable, il a fondé en 1997 avec Thanassis et Eleni Tzavara ainsi qu’avec Giorgos Kourias, la revue emblématique Ek ton Ysteron [Après-coup] dont le cycle s’est achevé en 2017. Pluraliste et indépendante, il s’agissait de la première tentative de produire un discours psychanalytique en grec. En parallèle, les séminaires qu’il a coordonnés (depuis 2009) ont été le noyau vivant de rencontres de différentes voix psychanalytiques, un îlot d’auto-institution et d’autonomie. Un pont qui liait les institutions psychanalytiques, envers lesquelles il était sceptique, avec « sa propre » psychanalyse, représentative d’une génération de la psychanalyse française à laquelle il restait fidèle. Sur ce pont s’opérait une transition : l’extra-institutionnel et l’institutionnel n’étaient plus des positions rigides dans un jeu de miroir mais se retrouvaient dans un lieu synthétique de pensée et de quête de sens. Cela était probablement la composante principale de l’air de liberté que ces séminaires inspiraient.

L’« alter-vision », qui défait l’autorité du « super » de la « supervision » est une institution interanalytique. G. Stephanatos évitait de se mettre à la place du sujet omniscient au sein d’une relation enseignant-enseigné, garantissant ainsi un vrai respect. Se vivait avec lui une synthèse en perpétuel remaniement, souvent laborieux, un évitement vigilant de tout excès de discours interprétatif et de toute intervention préfabriquée. Surtout, il avait la capacité remarquable de rester toujours l’analyste privilégiant les allers-retours entre théorie et technique, entre mouvements transférentiels et consolidation des processus de pensée, loin du déterminisme d’une psychanalyse positiviste, Ego-centrée et amputée de la radicalité freudienne de l’inconscient.

Dernièrement, il s’était senti préoccupé par la virtualisation et le glissement vers une analyse « a-corporelle », produits par les protocoles sanitaires la minant de l’intérieur, s’immisçant au sein du cadre. Il avait repéré combien cette altération du cadre en menaçait les piliers, alors qu’il avait toujours insisté sur l’importance de leur invariabilité. Sa propre vision de la psychanalyse, s’appuyant sur des bases solides, soutenait une architecture enrichie et reconstruite par les transformations de sa théorisation, celle-ci étant imprégnée par ces couples fondamentaux : faire – être fait par soi-même et le monde, créer – être créé, construire – être construit. Lui-même chérissait toujours la conflictualité pour ses aspects créatifs, tout en gardant un esprit profondément rassembleur et empreint de justesse.

Nous avions été nombreux à collaborer étroitement avec lui, dans ses « alter-visions », à l’Association d’études psychanalytiques de l’adolescence « Enivos », qu’il avait fondée, et au sein du séminaire interrompu par la pandémie. Au début des deux étés 2020 et 2021, la possibilité réconfortante nous a été offerte par G. Stephanatos et sa femme Tessa Hadjiyanni, psychanalyste, de faire des rencontres de travail « incarnées » dans leur maison de campagne à Vytina, dont le souvenir nous remue profondément. Nous avons partagé avec lui des moments fécondés par la diversité de son horizon psychanalytique, la profondeur de sa réflexion, son humour et son esprit perpétuellement curieux, tout cela constituant une puissante source d’inspiration, tel un phare, qui nous manquera. Au-delà de l’immense tristesse éprouvée pour sa disparition, nous garderons la chance de l’avoir rencontré. Nous le retrouverons dans ses écrits qui seront publiés, le suivant à jamais dans la « quête d’une vérité qui guérit » [1].

Stelios Makris,
Psychologue, membre de l’Association d’études psychanalytiques de l’adolescence Enivos.
(Traduction : Véra Savvaki, psychologue, docteure en psychologie, Athènes et Odile Marcombes, psychanalyste, Paris)


Gerassimos Stephanatos, un psychanalyste engage

J’ai connu Gerassimos Stephanatos dans les débuts du Quatrième Groupe quand, psychiatre en exercice, il poursuivait sa formation analytique. C’était un temps où, à l’encontre des modalités institutionnelles d’organisation prévalentes dans d’autres sociétés, nos fondateurs avaient osé penser et créer un lieu où on se côtoyait aisément hors les « rituels frontaliers » au nom d’un principe d’ouverture et de non aliénation à l’institutionnel. Gerassimos en maintenait l’actualisation dans son séminaire où se retrouvaient des analystes d’obédiences diverses, ainsi que dans ses liens de travail et d’échange avec d’autres sociétés analytiques.

Choisir de s’investir dans le Quatrième Groupe était, sans doute, pour Gerassimos, comme pour certains d’entre nous, s’engager dans une voie entrant en résonance avec des engagements préexistants et trouver dans la psychanalyse, et dans un lieu qui lui était dédié, un étayage pour les valeurs d’émancipation et d’autonomie auxquelles nous aspirions tant sur un plan personnel que politique et sociétal, un temps où S. Viderman, référence transférentielle pour certains analystes ayant participé aux fondements du Quatrième Groupe, pouvait affirmer que la psychanalyse est politique (où elle n’est pas ?) et non adaptative. Je me souviens que, lors d’un bref et chaleureux séjour en Grèce à l’invitation de Gerassimos pour faire une conférence dans le cadre de son séminaire, combien il était heureux de me faire connaître ce quartier d’Athènes où il avait fait ses études et où s’étaient déroulées de violentes manifestations d’étudiants contre la dictature des colonels auxquelles il avait participé. Ces luttes étaient comme présentes, vivantes, encore en lui. Etudiant engagé, il est devenu un psychanalyste engagé de la façon la plus exigeante dans les valeurs de l’analyse, comme dans celles du Quatrième Groupe.

C’est ainsi que dans un texte récent qu’il m’avait communiqué début juillet, texte consacré à la théorie de la subjectivité proposée par Cornelius Castoriadis, « penseur de la création humaine, psychique et social-historique », qui fut son analyste, soucieux de l’avenir de la psychanalyse comme du Quatrième Groupe, il dénonce avec force les dérives actuelles de la psychanalyse :

« L’empirisme scientiste en coexistence paradoxale avec le relativisme intersubjectif, menacent l’apport freudien tant sur le plan théorique que pratique. L’abandon progressif de la métapsychologie par les courants herméneutiques et narratifs d’une certaine psychanalyse contemporaine va de pair avec le renoncement aux notions de base comme le transfert au profit de l’empathie et d’une relation analyste-analysant qui vise une efficacité thérapeutique avec des résultats tangibles sinon quantifiables : déviation qui ne va pas sans évoquer le conservatisme de nos jours  ».

Dans ce texte, comme dans ceux qu’il a consacré à la pensée de Piera Aulagnier dont il a été le traducteur, se donne à voir sa capacité, fruit d’un travail soutenu et d’une vaste culture, à prendre en compte la pensée des autres en mettant en valeur les avancées et l’originalité dans le champ analytique de leurs travaux, mais toujours sous le sceau de sa propre clinique et pour créer sa théorisation personnelle.

Comme Castoriadis qui a travaillé de longues années au Quatrième Groupe sans, pour autant, demander à devenir analyste- membre, il est resté longtemps libre de son appartenance institutionnelle et ne s’y ait résolu qu’après le décès de Nathalie Zalztman en raison de sa fidélité aux profonds liens d’amitié qui le liaient à elle. La distance géographique qui nous séparait n’a sans doute pas, toujours et pour tous, permis d’apprécier pleinement la force de ses convictions qu’il savait exprimer avec pondération, non plus que sa fidèle et chaleureuse présence. Je ne saurais oublier l’accueil amical et festif qu’avec Tessa, sa femme, et tous les membres de son séminaire, il m’avait réservé dans la douceur d’un printemps athénien.

Il nous reste ses écrits pour situer tout ce qu’il a souhaité apporter par son écoute, son travail et ses valeurs à la psychanalyse et au Quatrième Groupe.

Janine Filloux


En souvenir de Gerassimos Stephanatos

Gerassimos Stephanatos a fait un travail considérable en traduisant en grec « La violence de l’interprétation » ainsi que d’autres textes de Piera Aulagnier. Nous pensons tout de suite à l’intérêt que cette traduction représente pour tous les collègues grecs qui ont découvert, découvrent ou vont pouvoir découvrir son œuvre grâce à son travail. Cependant, nous n’imaginons pas l’intérêt qu’elle représente pour nous.

Gerassimos Stephanatos était intervenu lors des Journées Scientifiques de 2017 du Quatrième Groupe qui nous ont réunis autour de l’œuvre de Piera Aulagnier, et je garde un souvenir très précis d’un moment de son intervention qui m’a permis d’appréhender la notion d’originaire telle que Piera Aulagnier l’envisageait.

Il évoquait de manière très vivante ses rencontres avec elle, au sujet de cette traduction. Pour caractériser le registre des représentations dans l’originaire, il lui proposa présentation (παράσταση) plutôt que représentation (αναπαράσταση). Piera Aulagnier a tout de suite été d’accord, allant jusqu’à dire que même en français, il aurait été plus juste de dire présentation plutôt que représentation et qu’elle aurait choisi ce mot si elle avait dû réécrire son livre.

Depuis, j’ai mieux appréhendé cette notion d’originaire (en particulier dans sa différence avec le primaire) et je peux plus aisément en faire l’hypothèse dans ma pratique clinique. La proposition de Gerassimos Stephanatos a d’autant plus fait écho chez moi, que c’était à propos d’une activité de théâtre d’ombre avec des enfants autistes, que je bataillais avec cette notion à ce moment-là.

En effet en Grèce, c’est en premier lieu au théâtre qu’on va voir une παράσταση. L’étymologie de ce mot nous dit qu’il s’agit de se poser là, d’être présent, de se tenir à coté et c’est son usage courant qui nous dit que c’est à propos de ce qui apparaît sur une scène, celle du théâtre actuellement ou celle du tribunal autrefois. Αναπαράσταση n’est pas un mot de la langue courante, mais un mot savant, inventé au XIXème pour traduire le mot français, il est moins souple. Avec le préfixe ανα, il ajoute une strate du côté de la superposition, de la répétition, dimension qui nous est familière en psychanalyse, où on peut écrire parfois re-présentation avec un trait d’union pour le signifier.

Je suis persuadé qu’une traduction littérale de « La violence de l’interprétation » aurait fait choisir αναπαράσταση, même sans savoir que ce terme venait du français. Mais la fine compréhension, que Gerassimos Stephanatos avait de la notion d’originaire, lui a permis d’ouvrir la discussion. Grâce à la manière dont il a pu faire entrer en résonance la langue grecque et la pensée de Piera Aulagnier, la notion d’originaire s’est non seulement enrichie, mais encore éclairée. Ce dialogue a permis que quelque chose d’imprévisible et de nouveau surgisse par le travail de la traduction.

Jean Peuch-Lestrade


Γεράσιμου Στεφανάτου

La disparition soudaine de Gerassimos Stephanatos nous plonge dans le désarroi, me bouleverse et c’est avec beaucoup d’émotion que j’ai écrit ce texte.
J’ai connu Gerassimos en 1979. J’étais interne en psychiatrie et lui chef de clinique. 1979, cela me paraît si loin et en même temps nos moments de rencontre et d’échanges de cette époque lointaine restent si présents. Il parlait déjà avec cet enthousiasme que nous lui connaissions tous de psychanalyse. Il me parlait avec ferveur de La Violence de l’interprétation de Piera Aulagnier. Paru quelques années plus tôt, cet ouvrage était pour lui essentiel et fondamental. C’est lui qui me le fit découvrir et ce qu’il en disait aura sans doute contribué à ce que j’aille écouter à Sainte-Anne la dame qui parlait debout. Je l’entendais également déjà développer une critique très ferme du structuralisme et de l’immuabilité qui caractérise le symbolisme lacanien. Mais je garde surtout de ces années-là ce sentiment d’un collègue habité d’un tel enthousiasme pour la cause psychanalytique qu’il en était joyeux et qu’il pouvait transmettre cette joie. Avant qu’il ne s’établisse à Athènes en 1988, il a été attaché des hôpitaux psychiatriques de Paris où il fut chargé d’enseignement clinique à l’Hôpital Lariboisière et nous nous rencontrions à quelques colloques.

Puis, installé en Grèce, il a développé son activité de psychanalyste en libéral tout en étant médecin chef du département de psychiatrie pour adolescents et jeunes adultes à l’Hôpital général d’Athènes G. Gennimatas (1990-2003) où il devait s’appliquer à mettre en place son expérience de la psychiatrie institutionnelle. Il est le co-fondateur (1997) et membre du comité de rédaction de la revue psychanalytique grecque Ek ton ysteron (après-coup) (1997-2014) et fondateur (2013) de la Société pour l’étude psychanalytique de l’adolescence « Enivos » qui siège à Athènes où il a été responsable de la publication Psychanalyse et adolescence. Repères théorico-cliniques. Il collabore avec le Centre européen de traduction, de littérature et de sciences humaines (EKEMEL), enseigne au Département de théorie et d’histoire de l’art de l’ASKT (2007 à 2011) et, sera directeur de collection (Psychanalytika) aux éditions Hestia à Athènes. Il est également membre du Comité de lecture de la revue Topique.

Membre du Quatrième Groupe depuis dix ans, on ne peut dissocier chez notre regretté collègue, sa sensibilité aux problèmes sociaux, son engagement politique de son élaboration théorico-clinique. En référence aux travaux de C. Castoriadis, il considère l’être humain comme un être fou de ses passions, malade de son désir, tout en étant épris d’une quête inextinguible de sens et soutient qu’il n’est donc guère possible de penser la psyché et le sujet humain sans référence au monde socialement institué. Mais, qu’il est tout aussi essentiel de reconnaître que tout processus de subjectivité a à se confronter à un déjà-là, à un en deçà de lui-même qui le précède et il s’appuie alors sur les concepts d’Aulagnier pour penser l’avènement du Je.

De la richesse de son élaboration qui confronte la dynamique instituant / institué au rapport Je identifiant / Je identifié, je ne rappellerai ici que ce qui le conduit à sa conception de la cure. Celle-ci est pensée depuis la capacité autoréflexive de l’originaire pictographique qui a à tenir compte du travail de création, de « l’imagination radicale » qui dépasse la répétition. En sa dynamique transféro-contre-transférentielle l’espace de la cure est posé comme co-création et le champ de l’interprétable situe le travail analytique au niveau de la construction interprétante créatrice : proche à la fois de la poièsis psychique et de l’émergence d’une subjectivité s’ouvrant et se renfermant sans cesse sur elle-même, d’une subjectivité réfléchissante toujours à faire être.
Gerassimos a organisé un séminaire, des groupes de travail. Il a écrit de nombreux articles, publié des livres. Il a participé à de nombreux colloques quand il ne les organisait pas à Athènes où du fait de son expérience parisienne il a pu inviter nombre d’analystes de différentes sociétés. Gerassimos a beaucoup contribué à faire connaître en Grèce les travaux métapsychologiques liés au Quatrième Groupe en initiant notamment la traduction de la Violence de l’Interprétation ainsi qu’un article de Nathalie Zaltzman. Et ceux de ses collègues du Quatrième Groupe qui se sont rendus à Athènes se souviendront de son attention, de sa profonde hospitalité ainsi que celle de son épouse, Tessa, à qui je renouvelle l’adresse de mes plus sincères condoléances.

Nous perdons un collègue animé d’une passion indéfectible pour la psychanalyse et j’ai pu apprendre qu’il avait travaillé à la correction de son dernier livre tant que cela lui a été possible. Je perds un collègue qui par sa lecture des plus attentives de l’oeuvre freudienne, de C. Castoriadis, de P. Aulagnier, de N. Zaltzman m’aura beaucoup appris, à le lire, à l’écouter. Je perds un ami qui a marqué ma vie d’analyste, ma vie tout court.

Bernard Defrenet


Hommage à Gerassimos Stephanatos

La disparition de Gerassimos Stephanatos a été un choc pour moi puisque depuis des mois à cause de la pandémie de Covid-19 les réunions du Quatrième Groupe dont il était membre étaient suspendues.

Ce sont mes origines grecques qui m’ont liée à l’Association Franco-Hellenique de Psychiatrie Psychologie et Psychanalyse que notre ami commun Vangelis Spyratos m’a fait connaître il y a bien longtemps maintenant, et dont je suis toujours la trésorière. Elle était malheureusement en sommeil depuis des années, avec la disparition des collègues Claire Sinodynou, qui en avait été co-fondatrice, Vassilis Papadakos, et maintenant Gerassimos avec qui nous avions tenté de réfléchir à une évolution possible ....
Mais j’ai vraiment compris la profondeur et la finesse de Gerassimos en travaillant avec lui au Quatrième Groupe. Son sens théorique à la recherche de l’expression des traces et de l’indicible n’était jamais déconnecté de la relation humaine. J’ai pu constater sa générosité exceptionnelle autant que rare, ainsi que son sens du partage, du don, du lien ....
Il aurait dû venir à Paris pour notre séminaire le 20 Novembre 2021 et je me préparais à le revoir avec grand plaisir, comptant sur sa bienveillance et l’intelligence de son écoute.

Même s’il nous manque, ce qui est donné ne se perd pas et j’espère que la fidélité à sa pensée et à son être à la fois solide et tout en délicatesse, perdurera.

Le 11/11/2021

Monique Mioni
Membre du Quatrième Groupe-OPLF


[1Il s’agit du sous-titre de son ouvrage intitulé Constructions de l’analyse, construction de l’analyste, publié en 2017 aux Éditions Hestia à Athènes.


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