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Comme il a été dit plus haut, Linton attribue les difficultés qui se sont produites dans la collaboration entre ethnologues et psychologues à l’absence d’une armature conceptuelle bien définie leur permettant de s’entendre sur l’analyse des problèmes que recouvre leur champ d’étude.
Aussi a-t-il d’abord écrit The Cultural Background of Personality afin de mettre sur pieds un langage qui soit intelligible à la fois aux psychologues professionnels et aux anthropologues. En même temps qu’il s’efforce de dégager le point de vue de chaque discipline d’une manière synthétique, en référence à une sorte de dénominateur commun à toutes les écoles, il tente d’en présenter les travaux dans des termes qui soient accessibles à la fois aux uns et aux autres : ainsi, la culture, objet de l’anthropologie, est présentée aux psychologues en termes d’habitudes, et la personnalité, objet de la psychologie, est présentée en termes d’attitudes aux anthropologues. Ce dessein fait évidemment du travail de Linton quelque chose d’ essentiellement théorique, et il a répété lui-même à plusieurs reprises que c’était le premier du genre. On comprend alors que les exemples multiples qui jalonnent l’ouvrage, toujours brefs, ne servent pas à la démonstration, mais à l’illustration. Le lecteur remarquera aisément que la structure même des paragraphes illustre ce propos fondamental : position d’un problème, définition des concepts, exemples. Cette manière de méthode typologique se traduit par la fréquence de la particule « thus » (ainsi, par exemple).
Il faut toutefois noter que si, en principe, Linton s’adresse également aux psychologues et aux ethnologues, c’est surtout aux psychologues qu’il en appelle. Cela provient d’abord du fait qu’anthropologue de formation, il n’a rencontré que tardivement la psychologie : aussi veut-il avant tout utiliser son savoir psychologique pour rénover l’ethnologie traditionnelle. D’autre part, il pense que jusqu’à présent l’armature conceptuelle de la psychologie est loin d’être prête à encadrer adéquatement une interprétation des phénomènes d’interaction psycho-sociale. Aussi met-il volontiers l’accent sur les aspects du concept de culture qui sont généralement négligés par les psychologues, ou encore tente-t-il de poser les problèmes culturels en termes de conduites individuelles : ce qui, nous l’avons dit, contribue à donner une réelle unité de perspective à son ouvrage.
L’effort de conceptualisation qu’a ainsi effectué Linton est particulièrement intéressant en ce qui concerne la notion même de culture. Les définitions de la culture abondent. Les ethnologues s’accordent généralement pour dire que la culture s’apprend, qu’elle permet à l’homme de s’adapter à son milieu naturel, qu’elle se manifeste dans des institutions, des formes de pensée et des objets matériels. Tylor la définissait en 1871, dans sa Primitive Society, comme « un tout complexe qui inclut les connaissances, les croyances, l’art, la morale, les lois, les coutumes et toutes les autres dispositions et attitudes acquises par l’homme en tant que membre d’une société » : Herskovits dit plus brièvement, en 1948, dans Man and his Works [1] : « La culture est ce qui dans le milieu est dû à l’homme ». Mais il apparaît immédiatement qu’avec un tel contenu, le concept de « culture » devient singulièrement mou et de peu d’utilité. À quoi peut-il servir, s’il désigne pratiquement tout l’héritage social au sein duquel naît et se développe l’individu ! Or, précisément, Linton a vu qu’il était absolument nécessaire de donner une consistance à ce concept qui tend à n’en point avoir. Et même si la perspective de sa systématisation est psychologique et réaliste, même si son centre de référence est l’individu qui vit une culture, – du moins cette systématisation a-t-elle l’intérêt de ramener la culture à des faits précis, à savoir des comportements et des résultats de comportement. Dans le chapitre qu’il consacre au concept de culture, trois points au moins doivent retenir l’attention, car c’est là que se trouve son originalité : le rapport qu’il établit entre culture et comportement, l’importance qu’il attribue aux modèles culturels, la distinction qu’il effectue entre « culture réelle » et « culture construite ».
Certes, toute culture est une totalité organique, ayant une configuration générale, qui peut être étudiée dans ses éléments et leurs rapports, abstraction faite des êtres humains qui composent le groupe : aussi bien toute culture dépasse ce qu’un individu peut saisir et manipuler, se perpétue malgré la disparition des individus, etc… Mais pratiquement l’ethnologue qui analyse une culture donnée ne trouve qu’une série de réactions, que des conduites, –des gens qui accomplissent des rites, des gens qui raisonnent, etc… C’est pourquoi Linton se sent autorisé par les ethnologues eux-mêmes à présenter aux psychologues une conception de la culture qui la considère comme une organisation structurée de conduites. La culture existe dans et par le comportement individuel ; concrètement, elle est immanente aux conduites, et c’est par le moyen des réponses acquises, par le moyen de l’éducation au sens large qu’elle peut se perpétuer et demeurer relativement stable. Aussi Linton insiste-t-il sur l’idée d’acquisition, de « learning ». Dans ses derniers ouvrages, Culture and Mental Disorders et The Tree of Culture, qui sont parus après sa mort, il donne des définitions de la culture qui reprennent cette idée : il la définit ici, « la masse des comportements que les êtres humains de toute société apprennent de leurs ancêtres et transmettent à la génération plus jeune » , et là, « un groupe organisé d’idées et de réponses apprises partagées par les membres d’une société et caractéristiques de cette société ». C’est en effet grâce aux processus de l’apprentissage social, plus précisément au processus d’ « enculturation » (absorption de la culture par l’individu), qui met en jeu des individus singuliers, que l’influence, ou plutôt la réalité de la culture, est partout et toujours médiatisée. Si donc la culture se saisit complètement comme forme ou modalité de conduite, le concept qui l’exprime ne peut que provenir du comportement et retourner vers le comportement, il doit avoir un contenu psychologique.
C’est en fonction de ce psychologisme qu’il convient de concevoir la notion de modèle culturel. Utilisé pour la première fois d’une façon systématique par Ruth Benedict, la notion de « pattern », de modèle, a en effet une grande importance théorique dans les ouvrages d’anthropologie culturelle. Récemment, dans le manuel de psychologie sociale de Gardner Lindzey, Clyde Kluckhohn (1954) fait consister la culture en un « ensemble de modèles implicites et explicites ». Or, ce qui ressort des analyses de Linton consacrées aux modèles est bien leur caractère psychologique. De même que la culture s’exprime à travers les conduites, et est donc concrètement conduite, de même les modèles qu’elle propose à l’individu, les « patrons » qui dessinent la silhouette de son comportement désiré, le dépassent tout en n’existant réellement qu’à travers ses manières d’agir et de penser réelles. Le modèle ne saurait être un pur idéal de conduite, car il n’y aurait plus de modèle si aucun des membres du corps social ne le suivait plus. Pourtant, nul n’est esclave d’un modèle quelconque : d’aucuns s’en écartent, voire ne le suivent pas, sans que celui-ci disparaisse pour autant. Le modèle de conduite dans une église est de parler à voix basse : cela veut dire à la fois qu’une règle idéale demande aux fidèles d’être silencieux, et que l’observateur voit effectivement que les fidèles sont silencieux. Cependant, il arrive que des visiteurs s’écartent de la règle, sans qu’on puisse conclure pour autant que le modèle n’existe pas : il faudrait que tout fidèle s’en écarte pour qu’on puisse décréter scientifiquement que le modèle a disparu de la culture. Linton a parfaitement vu l’ambiguïté du modèle culturel, ambiguïté qu’il attribue à son essence psycho-sociale. Certes, tous les schèmes culturels ne sont pas d’une essence également impérieuse : Linton distinguait dans The Study of Man, les « universaux » qui sont communs à tous les membres adultes et sains de la société, les « spécialités », qui sont propres aux membres de certaines catégories socialement délimitées et reconnues, et enfin les « alternatives », qui permettent à l’individu, dans certaines situations et par rapport à certaines fins, un certain choix, – car « toute culture comprend un noyau solide, bien intégré et relativement stable, consistant en universaux et en spécialités mutuellement adaptés, et une zone fluide, peu intégrée, constamment changeante, d’alternatives qui entourent ce noyau », Mais, qu’il s’agisse des premiers ou des seconds éléments de culture, le « modelage » implique une dialectique de l’impératif et de l’effectif, et le modèle est à la fois idéal et réalité. Encore ici, nous nous trouvons aux frontières psychologiques du social, et en admettant, avant Kluckhohn, que la culture présente des modèles de et pour le comportement, Linton est fidèle aux-faits eux-mêmes, et conceptualise une réalité dont l’essence est d’être « dans l’entre-deux »,
Enfin, on trouve chez Linton des réflexions originales sur la construction ethnologique. Après avoir recueilli des documents ethnographiques, l’ethnologue est en effet dans l’obligation d’opérer une reconstruction notionnelle de la culture étudiée, par un effort d’interprétation. Mais, qui prouve que l’ethnologue n’est pas dupe de son esprit constructif en systématisant la configuration générale d’une culture à partir d’observations particulières ? Autrement dit, qui autorise l’ethnologue à identifier la construction logique effectuée à partir de la détermination d’un ensemble d’éléments culturels, et cette culture en soi qui est vécue, agie et pensée par les membres du corps social ? Les pages que Linton a consacrées à ce problème des rapports entre culture réelle et culture construite laissent entendre que si les modèles culturels peuvent bien être considérés dans leur configuration globale en tant qu’ « abstraits » généralisés par l’anthropologue pour représenter les régularités distinctives du groupe, cela n’implique pas que la culture ne soit rien d’autre qu’une construction logique de modèles ou de formes. À partir des modèles réels, qui s’inscrivent dans des comportements variés, mais appartenant à une sphère déterminée, il faut certes induire des modèles construits, représentant – selon une définition donnée dans Culture and Mental Disorders – « le mode de l’étendue de variations au point du maximum de fréquence » ; mais il ne faut jamais oublier que seules existent les règles perçues par les individus, vécues en relation avec l’identification d’une situation particulière. Le psychologisme de Linton entraîne le réalisme qu’il professe sur ce point : il ne légitime l’utilisation des symboles de culture que dans la mesure où ils permettent une certaine prévision, ont un rôle utilitaire, et il n’accorde d’être réel qu’aux modèles intériorisés, incarnés par les individus qui constituent le groupe. Ce réalisme suffit à différencier la position théorique de Linton vis-à-vis de celle de Lévi-Strauss, par exemple, – qui accorde une première place aux « structures » dans la définition des cultures, et qui se fait des modèles une conception différente de celle qu ’on rencontre dans les travaux plus axés sur le psychologique [2].
Aussi bien, les trois ordres de considération précédents ne suffiraient-ils point à épuiser la théorie lintonienne de la culture. Ainsi, il n’est pas sans intérêt de noter qu’à l’exemple de Herskovits et de nombreux autres anthropologues américains, Linton fait dépendre, dans The Cultural Background of Personality, la société elle-même de la culture. Groupe organisé d’individus, la société se ramène à l’ensemble des institutions qui règlent les relations des individus entre eux : le système social ne peut être compris et décrit que dans le cadre de la culture entière, de telle sorte qu’il se présente comme une conséquence de cette dernière. « Un système social, écrit-il plus tard dans The Tree of Culture, est cette partie d’une culture qui apporte des solutions aux problèmes de la vie en groupe. » Faudrait-il, alors, ramener la société elle-même à une configuration de comportement appris ? On peut lire dans Culture and Mental Disorders : « La structure d’une société est en réalité un aspect de sa culture, consistant en l’ensemble des modèles et des attitudes qui sont imposées aux individus occupant diverses positions. » « C’est le fait de partager des idées, des habitudes, des attitudes, etc… , qui permet à un groupe d’individus de s’organiser et de fonctionner en tant que société… On peut donc dire que le système social d’une société est l’ensemble des éléments culturels qui comportent des modèles guidant les interactions entre individus. » Ces lignes nous paraissent indiquer assez clairement que Linton fait bien des structures sociales une organisation d’éléments culturels et, partant, les rattache à des conduites à la fois collectives et acquises.
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La théorie lintonienne de la personnalité répond, de même que la théorie lintonienne de la culture, au but précis que s’est fixé l’auteur au départ. Il s’agit de se représenter comment les modèles culturels peuvent s’inscrire dans la conduite individuelle et donner lieu à ces habitudes dont l’ensemble forme la culture : la nouvelle formulation du contenu et de l’évolution de la personnalité devra donc avoir d’abord comme qualité d’être apte à organiser le matériel psycho-social qui se présente à l’observateur. Linton prétend montrer aux psychologues qu’à travers la diversité de leurs écoles – behaviorisme, théorie du learning, psychologie des profondeurs – on peut mettre sur pieds un instrument permettant d’exprimer les phénomènes de modelage et d’enculturation. Bien que reprenant un concept traditionnel de la psychologie américaine, il infléchit cependant ses analyses dans une perspective qui lui est propre, en ce sens qu’il ne se demande pas, comme Allport par exemple, qu’est-ce que la personnalité ?, mais : comment faut-il définir la personnalité pour obtenir des concepts rendant compte de l’intériorisation des modèles culturels ? Ainsi s’expliquent certaines « obsessions » lintoniennes : s’il est insisté longuement sur le « besoin de réponses favorables de la part d’autrui » cela provient du fait que ce besoin fournit un impact pour exprimer la soumission de l’individu aux voies proposées par la culture ; si la personnalité est analysée en termes de réponses, c’est pour ramener la personnalité, comme la culture, à des conduites, de sorte que l’intégration psycho-culturelle ait un dénominateur commun : la conduite individuelle.
Toute la théorie de la personnalité se trouve acculée à une aporie fondamentale, qui est de savoir comment, depuis l’enfance, s’effectuent les successives transformations de la conduite [3]. Le processus de transformation lui-même pose deux questions : comment émergent les nouvelles conduites ? pourquoi se fixent-elles ? Or, pour répondre à ces questions, Linton ne semble pas retenir –malgré son souci éclectique – les schémas psychanalytiques qui invoquent, on le sait, de successives réactions à des obstacles extérieurs, puis intérieurs, des phénomènes d’identification et d’introjection, la formation progressive du surmoi. Il fait seulement intervenir la double action des besoins fondamentaux de l’homme (y compris le besoin de réponses favorables) d’une part, et d’autre part, des modèles de comportement représentant les voies de satisfaction admises, sur une conduite qui consiste strictement en un ensemble de réponses soit établies, soit en cours de formation. Les réponses sont présentées comme émergeant par imitation, essais et erreurs, éducation ; leur fixation est affaire d’inertie.
Toutefois, l’introduction du concept dialectique d’attitude donne son sens réel à cette théorie. Enfant chérie de la psychologie sociale américaine, la notion d’attitude peut en effet s’appliquer également aux dispositions des individus pris isolément, et aux modèles sociaux d’influence très générale. La sociologie peut être considérée, d’un certain point de vue, comme l’étude systématique des attitudes collectives, c’est-à-dire des dispositions du groupe à agir et à penser d’une manière déterminée : dans tout groupe en effet, on observe des dispositions collectives s’inscrivant dans des significations et des valeurs, qu’on les appelle « préjugés », « croyances », « idéologies », etc… [4]. Dans la perspective psychologique, l’attitude collective se présente comme une disposition individuelle qui pousse le sujet à penser et à agir en fonction de valeurs acquises et partagées. Comme dit Otto Klineberg, « la présence d’une attitude prépare l’individu à agir d’une certaine manière, l’oriente vers certaines réponses », Une attitude d’hostilité envers les Nègres, par exemple, prédispose l’individu à participer à des activités qui expriment cette hostilité, que ce soit simplement la perception et l’enregistrement d’informations défavorables paraissant dans les journaux, l’expression d’arguments anti-nègres, ou la participation effective à quelque acte de violence raciste. « Même lorsque cette personne est engagée dans une activité parfaitement inoffensive et qui ne concerne en rien les Nègres, nous parlons d’elle comme ayant une attitude anti-nègre à cause de la disposition à répondre d’une manière hostile » [5].
Mais comment caractériser, dans une théorie de la personnalité, une telle tendance à répondre à des stimuli en vertu de significations partagées ? Reprenant des idées formulées en 1937 par Gordon Allport dans son livre sur la Personnalité, Linton invoque la perception de l’équivalence des stimuli L’attitude collective se présente, chez l’individu, comme la possibilité acquise de répondre d’une façon permanente et identique à des situations perçues comme équivalentes. « Supposons, disait Allport, la personnalité d’un « super-patriote ». On découvrira vite que pour lui des situations différentes provoquent la même réponse : un drapeau rouge, un livre de Marx, un discours pacifiste induisent chez lui une sorte de rage. L’équivalence de ces stimuli demande qu’on fasse appel à une disposition qui précisé ment les rend équivalents à une attitude. » Linton, développant le thème, voit donc dans l’attitude une tendance générale à répondre d’une façon précise à des situations pouvant être en fait très diverses, mais présentant des facteurs communs. Aussi distingue-t-il, à côté des réponses spécifiques, évoquées par un petit nombre de stimuli, les « réponses généralisées », qui nous font passer du plan des habitudes individuelles aux habitudes sociales, à des « systèmes » qui en viennent à opérer automatiquement et inconsciemment, réalisant ainsi dans le champ social une sorte d’harmonie naturelle entre les divers points de vue des individus. Une fois ces systèmes de réponses généralisées établis, la « production » même de la réponse dépend de la perception d’un simple « schéma », voire d’un simple élément de l’ensemble. Linton appelle systèmes valeurs-attitudes ces complexes de réactions généralisées à des schèmes situationnels typiques. Le lecteur notera à ce propos que Linton utilise très tôt cette notion (dans le cours du troisième chapitre) mais sans la définir, et qu’il ne la définit que dans le chapitre spécialement consacré à la personnalité. C’est qu’en raison de l’aptitude qu’elle présente à rendre compte du champ psycho-social, il en avait besoin avant même d’avoir pu la situer dans le cadre de la théorie de la personnalité.
Évidemment, l’intérêt propre du concept de « système valeur-attitude » est son ambivalence. Dans le Gardner Lindzey, Linkeles et Levinson ont reproché à Linton d’utiliser ce concept « d’une façon confuse, sans distinguer clairement ce qui en lui revient à la personnalité et à la culture », Or, il n’y a ici aucune confusion : Linton sait pertinemment que la disposition à valoriser une situation appartient à la fois à la personnalité, qui est le siège de la réponse, et à la société, qui suscite cette réponse. Le système valeur-attitude est culturel et « intérieur » tout à la fois. Il doit être au centre d’une théorie, non seulement de la personnalité, mais d’une théorie de l’idéologie groupale, d’une explication de la formation des superstructures idéologiques.
Y a-t-il enfin quelque analogie entre les complexes valeurs-attitudes, les réponses généralisées qui en sont les éléments, et les fameux « systèmes projectifs » invoqués par Kardiner pour expliquer la nature des « institutions secondaires » d’une culture ? Linton semble effectuer le rapprochement. Veut-il dire par là que par essence toute projection consiste à donner une signification à un donné, et qu’en conséquence elle se ramène à une attitude « valorisante » ? Et certes, lorsque Kardiner dit que l’enfant alorais projette sa méfiance des adultes en imaginant des Dieux frustrants, il s’agit bien d’un élargissement d’une attitude, du transfert d’une signification valorisante. Mais on notera pourtant que Kardiner utilise la notion de projection dans une optique strictement psychanalytique, ce qui n’est pas le cas de Linton, et qu’au surplus il utilise les systèmes projectifs pour rendre compte, non pas du champ psycho-social en général, mais seulement de l’interaction entre les institutions primaires et les institutions secondaires par le biais de la personnalité infantile. L’optique de Linton dans The Cultural Background of Personality est donc suffisamment différente de celle de Kardiner dans son premier ouvrage, pour qu’on ne puisse assimiler totalement systèmes valeurs-attitudes lintoniens et systèmes projectifs kardineriens.
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Ceci nous amène à souligner les divergences assez grandes qui existent entre les thèses lintoniennes et les thèses kardineriennes relativement aux rapports entre culture et personnalité. Ainsi est-il pour le moins remarquable qu’après avoir préfacé en 1939 The lndividual and his Society et lui avoir donné deux études sur les indigènes des îles Marquises et les Tanala de Madagascar, après une participation active, par une monographie sur les Comanches, au deuxième ouvrage de Kardiner, The Psychological Frontiers of Society, paru au début de 1945, Linton ne fasse, dans The Cultural Background, que de très rapides allusions à la théorie de la « personnalité de base », pourtant fondamentale. Il est probable que Linton a tenu à garder ses distances vis-à-vis des conceptions propres de Kardiner.
Certes, si Linton est très méfiant vis-à-vis des théories du « caractère national » dans les sociétés complexes, il considère comme acquis le fait que, dans les sociétés élémentaires, il existe une personnalité de base, ou du moins une personnalité « modale » commune chez tous les participants du groupe. Il écrit, par exemple, dans un texte datant de 1949, présenté au séminaire de la Vicking Fund et qui est rapporté par S. S. Sargent dans le recueil Culture and Personality : « la réalité de différentes personnalités de base dans différentes sociétés semble être fermement établie ».
Pourtant, tout en admettant, au contact de Kardiner, le principe théorique de la « personnalité de base », Linton reste en même temps très attaché à un ensemble de conceptions personnelles, exposées dès 1936 dans The Study of Man, et qu’on retrouve à peine modifiées dans The Tree of Culture. Il ne faut jamais oublier, expose-t-il dans son plus ancien livre, que jamais un individu ne participe à tous les éléments culturels dont l’ensemble forme la culture du groupe. D’une part, dans les sociétés complexes, la société globale est toujours composée de sous-groupes, ce qui implique, parallèlement, l’existence de sub-cultures dans le sein de la culture totale. D’autre part, les sociétés primitives elles-mêmes ne laissent pas de comporter des modèles de comportement différents pour les hommes et les femmes, les enfants et les vieillards, etc… Aussi, on peut faire correspondre à la position de l’individu dans la société un ensemble de droits et de devoirs qui forment son statut : ils se traduisent, dans le comportement effectif de l’individu, par le fait de jouer le rôle qu’on attend de lui.
Linton a résumé lui-même les chapitres les plus importants de The Study of Man dans sa préface au premier ouvrage de Kardiner. « Aucun individu n’est familier avec le tout de la culture à laquelle il participe ; encore moins en exprime-t-il tous les modèles dans son propre comportement. En réalité, toute société divise ses membres en une série de catégories et assigne différents secteurs de la culture totale à chaque catégorie. L’éducation des enfants, si tant est qu’elle est consciente de ses buts, est toujours dirigée en vue de les préparer à la place qu’ils occuperont dans la société. La participation de l’individu à la culture est ainsi en premier lieu conditionnée par sa position dans la structure sociale, c’est-à-dire par son statut. Dans toute organisation sociale, chaque statut comporte, associé à lui, une constellation de modèles culturels. Ces modèles sont organisés et ajustés mutuellement de telle sorte que tout individu qui occupe le statut puisse utiliser dans son ensemble la constellation ainsi associée. Les constellations qui appartiennent à différents statuts sont de même ajustées les unes aux autres, ce qui permet à la société elle-même de fonctionner comme un tout. » Et Linton conclut : « En raison de cette différenciation dans la participation culturelle, c’est une erreur fondamentale de considérer une culture comme le commun dénominateur des activités, idées et attitudes des membres composant la société. De tels communs dénominateurs peuvent être seulement établis pour les individus qui ont un statut particulier en commun. »
Or, en résumant ainsi ses propres idées, Linton voulait précisément indiquer qu’en rencontrant Kardiner après sa nomination à la Columbia University, il possédait une conception fonctionnaliste et topographique de la société qu’il n’entendait point abandonner. C’est en tout cas conformément à cette conception qu’il a à la fois accepté et complété, dans les ouvrages postérieurs à The Study of Man, la théorie kardinerienne de la personnalité de base.
Kardiner a surtout demandé à Linton de le faire bénéficier de son expérience d’anthropologue. « Ma collaboration aux travaux du or Kardiner, raconte ce dernier, commença presque par hasard. Quand j’arrivai à New-York, le séminaire du Dr Kardiner fonctionnait déjà depuis quelques années. Pendant ce temps, de nombreuses cultures avaient été analysées à partir de documents ethnographiques. Pour élargir le champ de ces études comparatives, on me demanda de participer à ce séminaire à titre d’informateur, pour apporter mon témoignage sur certaines cultures au sujet desquelles j’avais des renseignements de première main, et pour donner des compléments, si possible en fonction de mes impressions personnelles, et de toutes ces menues anecdotes qui ne sont en général pas consignées dans les documents écrits. » Il est probable qu’en participant à ce séminaire, Linton se familiarisa avec les techniques psychologiques. Mais, en même temps que Kardiner développait ses propres hypothèses théoriques, Linton les interprétait nécessairement en fonction de ses conceptions précédentes. C’est pourquoi s’est progressivement développée chez lui, de 193 7 à 1945, la théorie originale de la « personnalité de statut », ou, si l’on veut, de la « personnalité statutaire » (status personality).
Linton envisage dès lors la participation culturelle en fonction du statut social de l’individu. La question fondamentale à laquelle il faut répondre, pour comprendre le mécanisme de cette participation, est la suivante : comment la position de l’individu dans l’organisation sociale influence-t-elle ses relations à la culture ? Or, l’idée d’une personnalité statutaire est un instrument particulièrement adéquat pour résoudre le problème ainsi posé. Non, d’ailleurs, qu’elle présente des difficultés fondamentales dont Linton est parfaitement conscient.
En premier lieu, les positions sociales (ou encore, d’un point de vue institutionnel, les statuts) doivent être classés en diverses catégories, chacune d’elles conditionnant à sa manière la personnalité. Linton distingue mieux en 1949, puis dans The Tree of Culture, ces différentes catégories qu’il ne le fait en 1945 : il sépare nettement dans le texte de la Vicking Fuund intitulé Problems of Status Personality, les statuts qui dérivent d’une structure de classe ou de caste d’une part, et d’autre part ceux qui ne comportent aucun facteur de classe ou de caste. Parmi ces derniers figurent les statuts propres aux hommes et aux femmes, les statuts d’âge, etc… Ils ne sont pas à proprement parler sub-culturels, car on ne saurait parler du « groupe » des hommes, ou des femmes, ou des enfants, dans une société. Au contraire, les statuts de caste ou de classe comportent des modèles très différenciés, et c’est ainsi que Linton (peut-être sous l’influence de Fromm) fait une part importante aux personnalités statutaires liées à la classe (class-linked status personalities). Cette hypothèse d’une « personnalité de classe » rend certainement mieux compte du type de modelage subi par l’individualité dans nos sociétés, que ne le fait celle d’une personnalité basique indifférenciée. Ces sociétés présentant des rapports de production à contenu de classe, il est fatal que l’ensemble des attitudes de chacun soit conditionné au premier chef par l’appartenance à la classe, ce qui est en somme une sorte d’aliénation fondamentale. Linton retrouve ici, sans s’en douter probablement, le concept marxiste d’ « individu de classe » [6], et a le mérite de l’intégrer dans sa théorie générale des personnalités statutaires.
Cependant, outre la difficulté de classer les divers types de personnalité statutaire, une autre difficulté se présente dès qu’on veut comprendre son mécanisme de formation. Si l’on se réfère au schéma kardinerien, la personnalité de base se forme dans la première enfance. Ne faudrait-il pas, dans ces conditions, admettre que la personnalité statutaire – si elle doit être le pendant méthodologique de la P.B. – se forme également dans l’enfance ? Ici encore, Linton est plus net en 1949 qu’en 1945. Les expériences infantiles faites par les enfants de classes sociales différentes ne sont pas nécessairement très différentes. Les enfants d’ouvriers ou de paysans, de propriétaires ou de fermiers, d’ingénieurs ou de fonctionnaires, sont l’objet – aux États-Unis du moins – de procédés d’élevages pratiquement identiques. Aussi, la personnalité de classe se construit-elle probablement après l’enfance, sur le tuff d’une personnalité de base commune. Mais, en ce qui concerne les statuts d’homme ou de femme, les statuts d’âge, etc… , qui ne comportent aucun facteur de classe, le problème est différent. Linton pense que c’est dès la première enfance que garçons et filles sont appelés à apprendre leurs rôles futurs d’hommes ou de femmes, les étapes de cet apprentissage s’inscrivant en eux à la fois sous forme de techniques et de systèmes valeurs-attitudes. Les personnalités statutaires liées à l’âge et au sexe lui paraissent donc plus proches de la structure définie par Kardiner que la personnalité de classe, – qui décidément possède une structure à part.
Il ne faut pourtant pas oublier que le statut s’inscrit dans le comportement, suivant l’optique de Linton, par le biais de la conduite de rôle. Il restera donc toujours que la personnalité statutaire ne saurait obéir, de quelque type qu’elle soit, à la même loi de formation que la P.B. kardinérienne. On a vu que la formation de la P.B. est essentiellement affaire de mécanismes psychanalytiques. Et ceci suscite une troisième aporie, qui est de déterminer l’impact du rôle sur la personnalité. La conduite de rôle est-elle toujours un indice de la personnalité ? Jusqu’à quel point la personnalité s’identifie-t-elle à un ensemble de rôles ?
Disons d’abord que Linton, en accord avec la plupart des psycho-sociologues américains qui utilisent la notion, définit le rôle comme l’aspect « dynamique » du statut. Il ne s’écarte déjà guère de la définition éclectique qu’en donne S. S. Sargent dans son manuel de Social Psychology (1951) : « Un rôle est une façon de se conduire socialement, qui apparaît convenable à l’individu placé dans une certaine situation, en fonction des demandes et des attentes des membres du groupe » [7]. L’analyse des rôles conduits à distinguer des rôles obligatoires ou facultatifs, permanents ou occasionnels, etc… , bref à souligner la grande diversité des comportements de rôles que doit adopter un même individu. Or, cette diversité, et le fait que de multiples rôles peuvent être accomplis successivement, ne doivent-ils pas interdire de considérer le role behavior comme un élément fondamental de la personnalité ? Linton note dans le texte précité : « Il semble qu’un système adéquat de récompenses et de punitions étant donné, tout individu puisse apprendre à jouer n’importe quel rôle, dans la mesure où on lui demande une routine ; nombreux sont ceux qui arrivent à s’ajuster à deux ou trois rôles différents qui paraîtraient convenir respectivement à des personnalités différentes, en allant aisément de l’un à l’autre ; beaucoup d’individus « normaux » paraissent posséder à un haut degré cette aptitude de caméléon ». C’est probablement que le « personnage » n’est pas l’authentique personne et que ce n’est pas nécessairement en « jouant » notre rôle professionnel, notre rôle de père, notre rôle de participant à quelque cérémonie rituelle, que nous nous réalisons vraiment. Autrement dit, nous n’adhérons pas toujours à nos rôles. La psychologie a même établi que certains rôles peuvent être contradictoires avec des tendances fondamentales (Karen Horney).
Il n’en reste pas moins vrai que certaines catégories de rôles contribuent fortement à modeler la personnalité. D’abord, il est d’expérience courante que le « personnage » arrive fréquemment à s’incorporer à la personne, dès lors qu’il s’agit de rôles prégnants et de longue durée (comme certains rôles professionnels). Ensuite, il est indéniable qu’une bonne partie de l’apprentissage social de l’enfant s’effectue à travers l’acquisition de conduites de rôles. C’est le moment d’indiquer que Linton et les autres psycho-sociologues à tendances culturalistes tiennent le concept de rôle des travaux de G.H. Mead [8]. Ce dernier l’introduisit pour rendre compte de la formation du « moi enfantin ». Selon G.H. Mead, c’est en apprenant à jouer son personnage d’enfant et en jouant dans le cadre du jeu proprement dit le rôle des autres (y compris des adultes qui l’entourent), que l’enfant se situe socialement et acquiert le type de personnalité d’enfant qui est requis par le milieu. « C’est en assumant successivement des rôles différents que l’enfant s’habitue à se stimuler soi-même comme l’autre le stimule, à répondre à ses propres actions comme l’autre leur répond. En se mettant à la place de l’autre, l’enfant se déségocentrise. si l’on peut dire, s’ouvre à la vie sociale, l’introduit en lui-même et prend ainsi conscience de sa propre personnalité. »
Il apparaît donc bien que la « conduite de rôle » contribue dans une large mesure à la socialisation de la personnalité.
Et dans cette mesure – dont notre objet n’est pas ici de déterminer les limites – se forment des aspects de la personnalité, liés aux positions sociales qui suscitent les rôles eux-mêmes, ressortissent à la « personnalité statutaire ». Quelles que soient les insuffisances et le caractère un peu schématique des conceptions de Linton relatives aux rapports entre personnalité statutaire et personnalité de base, il n’en reste pas moins qu’il a su nuancer et rendre plus utile le point de vue certainement trop compact de Kardiner.
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Aussi bien est-ce ce double souci d’efficacité et de nuance qui singularise les hypothèses conceptuelles de Linton. Première tentative pour formuler clairement les problèmes qui naissent de cette nécessité reconnue d’une collaboration entre ethnologie et psychologie, le travail de Linton s’exprime certes en termes qui peuvent paraître bien généraux et théoriques. Mais il n’est pas pour autant fait de vues de l’esprit : non seulement parce qu’il se rattache à des courants très vivants de l’anthropologie et de la psychologie, mais aussi parce que – ne l’oublions pas – il provient d’une expérience ethnologique véritable, et d’au moins six années d’études des relations culture-personnalité « sur le champ », dans neuf sociétés différentes, primitives et civilisées.
Les simplifications que d’aucuns reprocheront peut-être à un ouvrage qui se veut purement méthodologique ont toutefois un mérite : d’être parfaitement délibérées. Et peut-être appréciera-t-on, parfois, l’humour de cet anthropologue qui joue volontiers au « paysan du Danube », et qui a l’audace de nous apporter une théorie complète des sociétés !
Parmi les critiques dont a été objet Linton, les plus nombreuses concernent sa position vis-à-vis de la psychologie. Elles sont d’ailleurs contradictoires : les uns disent qu’il est trop peu psychologue, les autres qu’il l’est trop. On peut, en effet, d’un côté, monter en épingle sa grande timidité en face de la psychanalyse. Alors que la psychanalyse tend elle-même à s’infléchir vers le culturalisme avec Sullivan, Thomson, alors que de nombreux travaux, qui vont exactement dans le sens souhaité par Linton, ont été amenés par la suite à utiliser les schémas analytiques [9]. on ne peut que davantage regretter cette timidité. On aimerait que Linton eût poussé son souci éclectique jusqu’à donner la part qui leur revient à de tels schémas, qui ont suffisamment démontré leur valeur… Mais, inversement, des auteurs à tendances « culturalistes » ont accusé Linton de « subjectivisme », en ce sens qu’il accorderait une place trop importante aux éléments implicites, « vécus », de la conduite. Ainsi, Bidney considère, nous l’avons vu, comme « idéaliste » la définition lintonienne de la personnalité, parce que précisément elle est effectuée en termes de réponses intérieures et d’attitudes : une telle définition aurait le tort, selon Bidney, de contraster avec la définition réaliste qui est donnée de la culture. Le lecteur jugera si un tel reproche est justifié. Il nous semble en tous cas que Linton est plus près du behaviorisme que de la psychologie introspective ! Il est, d’autre part, évident que le psychologisme de Linton n’excède jamais les limites méthodologiques qui en forment le contexte : rien n’indique qu’il considère les phénomènes psychologiques comme étant le substrat des faits sociaux.
La critique la plus grave qu’on puisse faire à Linton devrait porter, à notre sens, sur le fait que la perspective dans laquelle il s’est sciemment enfermé le conduise à exclure l’histoire de sa conception des phénomènes culturels. Au fur et à mesure de son évolution, l’anthropologie culturelle paraît d’ailleurs de plus en plus en retrait par rapport aux thèmes de F. Boas qui, dès ses premières études sur les Indiens Kwakiutl. prétendit comprendre les cultures à la fois d’un point de vue psychologique et d’un point de vue historique [10]. Selon Boas, la comparaison ethnographique doit permettre de déterminer les causes historiques qui conduisent à la formation d’une culture en même temps que les processus psychiques qui les ont rendu possibles. La psychologie doit s’intégrer à l’histoire, en raison même du fait que la connaissance des processus dynamiques par lesquels chaque individu agit sur sa culture (innovations individuelles, etc… ) ne peut prendre tout son sens sans la connaissance du développement historique qui a abouti aux formes actuelles. Toute étude du changement culturel, processus psycho-culturel s’il en est, doit se profiler sur l’analyse de l’arrière-fond historique avec lequel il entre en dialectique Comme le dit Lévi-Strauss, commentant Boas dans son Anthropologie structurale : « Seul le développement historique permet de soupeser et d’évaluer dans leurs rapports respectifs, les éléments du présent ; et très peu d’histoire (puisque tel est malheureusement le lot de l’ethnologue) vaut mieux que pas d’histoire du tout. »
Reconnaissons cependant que la collaboration entre l’histoire et l’anthropologie, quelque souhaitable qu’elle soit, ne saurait être réalisée sans un premier travail d’élaboration théorique et conceptuel qui excède le dessein de Linton. Sa tentative est nécessairement fragmentaire, puisqu’elle veut se borner à l’étude des conditions d’une intégration de la psychologie et de l’anthropologie. Les remarques précédentes doivent simplement nous faire prendre conscience de la nécessité d’élaborer, dans une optique plus large que celle de Linton, une théorie unitaire de toutes les sciences de l’homme, comportant en particulier un appareil conceptuel commun.
Tel qu’il se présente, le travail de Linton peut être considéré (nous l’avons souligné au début) comme une première tentative en ce sens. À ce titre, il prend une valeur réellement exemplaire. Nous espérons que la traduction d’Andrée Lyotard lui permettra d’être un instrument d’étude utile pour les chercheurs comme pour les étudiants.
J.-C. Filloux
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