Ce texte fait partie de la brochure n°26bis :
« Écologie, pandémie & démocratie directe »
L’écologie politique dans la crise mondiale — seconde partie
Sommaire :
- Introduction — Ci-dessous
Introduction
La pandémie de Covid-19 peut être qualifiée de crise écologique mondiale au moins à trois niveaux.
Le premier, assez évident, relève de l’écologie scientifique : un organisme pathogène, le fameux SARS-CoV-2, contamine à grande échelle les populations d’Homo sapiens, et en décime les membres les plus vulnérables. L’abord est donc biologique ; il est question de transmission entre espèces, d’infection et d’immunité, de comportements et de déplacements des organismes, de courbes en cloche, de mutations et d’ARN viral. On parle d’écosystèmes forestiers et urbains, d’éthologie et de physiologie humaine, d’épidémiologie et d’évolution, mais aussi, et surtout, de cette co-implication pluri-millénaire et planétaire entre le « naturel » et « l’anthropologique » d’où surgissent la peur, le coronavirus, l’infection, la guérison et la mort.
Le deuxième niveau de la dimension écologique de l’épidémie est celui de l’écologie politique. Frappées de plein fouet, toutes les grandes sociétés contemporaines ont bousculé leur fonctionnement habituel, interrompant la plupart de leurs activités, s’engageant à infléchir leur course folle et prenant d’autorité ces mesures d’exception sous la férule d’experts scientifiques. Ces situations extraordinaires, à la fois souhaitées et redoutées, font écho aux transformations profondes que nos civilisations de croissance infinie devront mener pour intégrer pleinement la gravité et l’ampleur des problématiques écologiques, sous peine d’effondrement pur et simple. La pandémie a été une préfiguration des crises politiques intenses que va affronter l’humanité, tiraillée entre un ordre social inouï exigé par le discours savant et le prurit irrépressible de « retour à la normale » qui anime des populations aimantées par la consommation accélérée. La voie de sortie exigerait de renouer avec l’essence d’une démocratie radicale, régime de lucidité et de responsabilité collective.
Enfin, à un niveau bien plus profond, le déclenchement de ces crises en cascade relève de l’écologie en tant qu’approche ouvrant sur l’hyper-complexité. Car c’est la totalité de la biosphère et des milieux humains qui est concernée, leur interdépendance étroite, leurs rétroactions infinies et leurs multiples dimensions. Cette crise concerne non seulement tous les domaines de la vie sociale, mais toutes les disciplines et, en leur sein, la question même des savoirs scientifiques, leurs rapports au réel comme avec le reste de la société. Les questions mises en jeu recoupent celles de la philosophie et les joignent toutes : l’ambivalence vertigineuse de la technique, le statut de la rationalité, l’impossible acceptation de la finitude, la possibilité pour l’être humain d’accéder à la maturité et de fonder des collectivités autonomes et, en toile de fond, le rapport entre la « nature » et « l’homme » ou, plutôt, entre physis et nomos, au fondement des sociétés visant l’émancipation.
Ce sont ces questions, et d’autres, que les textes de ces deux brochures veulent participer à nourrir.
Lieux Communs
8 mai 2020
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