Ce texte fait partie de la brochure n°24 « Le mouvement des gilets jaunes »
Surgissement populaire et démocratie directe en germe
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Sommaire :
- « Les gens expérimentent et ils ont raison de le faire » (Émission) — ci-dessous
Présentation
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Cyrille : Vous êtes sur Radio Libertaire, c’est l’émission Offensive Sonore que nous consacrons à une deuxième partie sur la révolte des gilets jaunes [ après une première partie enregistrée le 5 décembre ]. Nous sommes le 19 décembre – c’est bien de préciser – et c’est une émission enregistrée préalablement. On a parlé la dernière fois, c’était le 5 décembre, donc juste avant la fameuse manifestation du 8 qui était, on le constate maintenant, un peu le point d’orgue de la contestation. Là, vient de se dérouler la dernière manifestation du 15 décembre, et il y a eu des événements entre-temps.
L’évolution du mouvement des gilets jaunes
D’abord on voulait parler du mouvement des gilets jaunes, de l’état du mouvement aujourd’hui. Plusieurs choses se sont passées, c’est un peu difficile de resituer mais surtout il y a une annonce gouvernementale qui montrait clairement qu’il reculait sur pas mal de sujets : sur la taxe carbone notamment et qu’il augmentait le Smic – même si c’est pas vraiment le Smic qu’ils augmentent de 100 euros, c’est une entourloupe… C’est déjà une énorme victoire pour les gilets jaunes, on peut le dire comme ça, puisque c’est un gouvernement qui n’a jamais cédé et là qui est en train de céder et en plus qui continue parce qu’il se rend bien compte qu’il est obligé de donner pas mal. On voulait faire un bilan, même si les médias disent que c’est quasi terminé : nous on pense que ce n’est pas forcement le cas, en tous cas c’est mon avis à moi, Quentin toi aussi tu reviens de Bordeaux où tu as pu rencontrer pas mal de gens, on voulait te poser la question : comment tu voyais les choses ?
Quentin : Oui, je pense que le mouvement est en train de continuer, malgré les annonces de Macron qui sont effectivement une entourloupe parce que tous le monde a très bien compris, extrêmement rapidement, que tout ce qui était donné l’était par l’État, donc allait bien être repris à un moment ou à un autre… C’est uniquement des concessions qui seront faites à partir des impôts et des taxes… Ce qui est étonnant c’est que cette déclaration a eu très peu d’effets en réalité sur le mouvement des gilets jaunes, qui continue. C’est la deuxième déclaration de Macron et le mouvement ne s’arrête pas. C’est assez exceptionnel dans un mouvement, d’habitude les premiers reculs du gouvernement ont un effet : ou alors le mouvement décline, ou alors il y a scission à l’intérieur du mouvement, et ce n’est pas ce qu’on voit puisque les gilets jaunes continuent d’être mobilisés.
Ça c’était la carotte, mais il y a aussi eu le bâton ; c’est-à-dire qu’on voit une répression lors des manifs où l’on a vu un décuplement des forces de l’ordre à Paris mais aussi en Province, ce qui a calmé le jeu énormément. On peut même dire qu’on est à la limite [de la répression républicaine], qu’on est en train d’atteindre le droit de manifester : il y a eu des contrôles un peu partout à Paris ce samedi-là. Je n’y étais pas, j’ai manifesté à Bordeaux, mais on m’a décrit des contrôles un peu partout, des manifestants bloqués en périphérie que l’on obligeait à retirer les gilets jaunes, des contrôles policiers, des fouilles, etc. Donc il y a vraiment une grande répression. Mais, les manifestations ne sont pas non plus le centre du mouvement, je pense qu’on en discutera, l’essentiel est en périphérie, si j’ose dire, il est dispersé à travers la France à travers des occupations de ronds points, des blocages, des actions diverses et là aussi on rencontre une répression importante puisque les gilets Jaunes sont chassés : on évacue les cahutes qu’ils ont montés, qui sont des points de rassemblement et de fraternisation. Alors assez souvent ils reconstruisent un peu plus loin, ils se déplacent. C’est ce qui s’est passé notamment à Bordeaux où j’étais, sur le rond point de Sainte-Eulalie, qui est un site occupé depuis le début, depuis le 17 novembre, par une trentaine de personnes – ils font des rotations, donc on peut dire une centaine de personnes en tout – eux ont été délogés de leur endroit et la semaine dernière, ils se sont installés à 50 mètres… Donc il y a une adaptation du mouvement qui tente de survivre malgré la répression qui varie d’ailleurs évidemment en fonction des régions : il y a des endroits où c’est plus violent, où par exemple les flics incendient les constructions précaires des gilets jaunes, et c’est déchirant pour eux parce qu’il y une grande fraternité qui s’est installée au fil du temps dans ces endroits-là. On détruit un véritable lieu de vie, des endroits où des gens se sont rencontrés pour la première fois, ont fait connaissance, se sont mis à discuter… Il y a d’ailleurs un bon reportage de Florence Aubenas à ce sujet-là, que j’ai republié sur le site Lieux Communs : La Révolte des ronds-points , qui a été publié dans Le Monde, qui rend vraiment très bien, en quelques pages, l’ambiance que j’ai retrouvée là-bas. C’était très beau, cette fraternisation, et c’est ça qui est en train d’être rompu par le gouvernement. Donc cela laissera des traces car c’est autant la lutte contre un pouvoir, qu’on juge à raison arbitraire, arrogant, et accapareur, qu’une lutte de gens qui refont société, qui recréent du lien dans des endroits qui étaient désertifiés, qui étaient précarisés et qui tissent des relations, nouvelles, de voisinage, d’amitié, d’affection très forte, à travers une lutte. C’est à cela à quoi on assiste.
Plus généralement, le mouvement se heurte à l’immobilisme du reste de la société française. Le soutien au mouvement ne s’est pas démenti : ni la violence des manifestations, ni la répression, ni le travail des médias, ni les quelques miettes données par le pouvoir n’ont eu raison de la sympathie que la population éprouve pour ce mouvement-là. Le soutien perdure mais il n’y a pas de nouveaux secteurs de la population qui rentrent en lutte réellement. J’ai vu sur le rond point de St-Eulalie, énormément de klaxons, les gens qui passent donnent un jambon, une bouteille de vin – même si l’alcool est interdit sur ce rond point là, et c’est très bien – donnent des gâteaux, du chocolat, etc. Mais malgré tout sur le rond-points les gilets jaunes n’étaient que trente… Donc il y a un soutien massif des automobilistes – les klaxons étaient quasiment en continu –, des routiers ; on montre le gilet jaune, on lève le bras, il y a des mots d’encouragements, etc. Les gens leur disent « merci », les saluent mais les gilets jaunes leur disent aussi en retour « Rejoignez-nous ! » parce que ce n’est pas le cas. Le mouvement se trouve un peu tout seul dans sa propre dynamique en face du pouvoir. De ce point de vue là c’est un échec : les villes ne se mobilisent pas réellement, ni les populations urbaines paupérisées – nous à Paris, mais à Bordeaux non plus : les gens à la manif de Bordeaux étaient presque uniquement des gens de la périphérie, il y a avait très peu de bordelais à proprement parler – ni la banlieue non plus. La France qui est dite périphérique se retrouve toute seule dans sa lutte, alors que ce sont des gens qui attendent, qui attendraient que les Français se mobilisent. Sur le rond-point de Saint-Eulalie, les gilets jaunes me demandaient si des carrefours, des ronds-points étaient bloqués à Paris… Je leur répondais que, malheureusement, à Paris c’était absolument mort, qu’il n’y avait absolument rien… C’était très triste, ils étaient très déçus, ils pensaient que les médias leur cachaient quelque chose, qu’ils avaient du mal à avoir des informations… En fait, non… Il y a quand même un sentiment, malgré tout, de solitude. C’est un petit milieu, c’est une minorité, les gilets jaunes. Même si on peut décupler les chiffres [officiels du ministère de l’intérieur] ça reste une minorité de français. Et de ce point de vue-là, c’est un échec.
C : Si on parle de l’état du mouvement, il y a eu 50 % de manifestants de moins à la dernière manif du 15 décembre dernier, une dégringolade – essentiellement sur Paris, c’était assez spectaculaire – qui venait après deux éventements : l’annonce du gouvernement qui disait qu’il allait augmenter le Smic et cédé sur la revendication qui a enclenché le mouvement ; les taxes sur le diesel ont été annulées. Même s’il y a eu des couacs dans la communication, en gros, le gouvernement actait toutes les revendications, les plus importantes, on va dire du mouvement. Et [deuxième événement], l’attentat de Strasbourg, avec beaucoup de pressions des médias et des autres pour dire « Vous êtes des traîtres à la Nation, vous mettez en danger la sécurité », etc. À cela s’est ajouté l’entrée en lutte des lycéens, qui était bien lancée et qui continue encore avec quelques universités en plus sur Paris, je ne sais pas s’il y eu tout le temps jonction… La CGT qui a officiellement essayé de joindre le mouvement en lançant une manif le même jour, le 8 décembre il me semble, et le 14 ensuite, un jour avant. Donc on a quand même l’impression de loin que le mouvement est en train de s’arrêter ou de faire une pause…
Daman : Je voudrais juste revenir sur la répression de samedi dernier : C’est vrai qu’on a eu à faire à pas mal de cars qui montaient de province qui ont été bloqués des heures et des heures aux portes de Paris ou avant, fouillés, parfois avec confiscation des gilets jaunes. Il y a eu plusieurs appels à manifester à plusieurs endroits dans Paris dans le but de rejoindre les Champs-Élysées qui ont été nassés des heures et des heures durant, faisant enlever les gilets jaunes à la sortie des nasses, etc. Tous ça pour dire que de ce fait les chiffres sont faussés. Pour ce qui est des groupes qui rejoignent le mouvement comme les lycéens, ou maintenant les policiers qui appellent à rejoindre le mouvement, j’ai l’impression que ce sont des groupes qui viennent avec des revendications très sectorielles et que cela dessert le mouvement car dès qu’ils auront obtenu gain de cause, ils se désolidariseront du mouvement. Alors la police est sur des revendications d’augmentations salariales très précises et que sur leur secteur il n’était pas question de généraliser la cause ; les lycées, c’était sur Parcoursup et pas tellement plus ; les routiers aussi… À la fois, c’est intéressant que d’autres secteurs rejoignent le mouvement, mais en même temps c’est aussi un piège que chaque groupe viennent avec sa petite revendication, ça viendrait mettre un terme au mouvement.
Q : Je suis tout à fait d’accord et assez pessimiste de ce point de vue là. Ce qu’on voit depuis, on va dire 10-15 jours, c’est en toile de fond le mouvement des gilets jaunes, qui ne cesse pas qui continue à avoir des revendications extrêmement générales, extrêmement riches, une auto-organisation, un appel à la démocratie directe, plus ou moins radicale mais en tous les cas un mouvement extrêmement riche et divers et on voit dessus des greffons d’autres mouvements qui sont, de mon point de vue, plus de l’ordre du parasitisme ou plutôt de l’opportunisme : on va se servir de ce désordre en toile de fond pour tenter d’amener notre propre lutte, on avance nos propres pions pour tenter d’obtenir gain de cause. La palme du cynisme revenant à la CGT qui, ce doit être pour la troisième fois, menace de lancer un grève – la CGT qui déclenche une grève ça rajouterait évidemment du désordre au bordel et réciproquement – et qui immédiatement après 2/3 jours de négociation obtient gain de cause et annule la grève ; ça été le cas des routiers, des BTP… C’est-à-dire que plutôt que d’accompagner ce mouvement radical des gilets jaunes, on va le parasiter, en profiter pour obtenir effectivement des petites revendications catégorielles…
Alors, les flics, il me semble que c’est un secteur à part, je serais pour qu’on en parle un peu plus tard parce qu’il joue un rôle dans l’État qui est quand même extrêmement important et si eux se mettent réellement en mouvement, là ça va changer…
Mais pour les gilets jaunes, c’est un succès du côté des revendications : ils ont réussi à faire plier un gouvernement absolument arrogant et détestable. Mais du point de vue de la dynamique du mouvement, de sa force et de sa richesse, c’est très très dommage qu’il soit resté isolé. C’est assez terrible et la grosse difficulté pour eux – qu’on avait déjà soulignée dans notre discussion précédente – serait d’arriver à changer de mode d’actions, soit de passer des blocages ou des péages et des ronds-points à un autre type d’actions, un peu plus durables, qui permettent de passer au moins l’hiver, parce que dès qu’il fera -10° à mon avis il y aura beaucoup moins de personnes. Changer, en tenant notamment des assemblées et en inventant des actions qui soient différentes. Je crois que c’est très dur parce que ce qui a créé leur succès, ça a été le mode d’action « blocage » justement et qu’ils sont – de ce que j’ai vu après discussion avec eux – très attachés à ça. Ils ont réussi à créer un petit milieu avec des codes, un réseau de connaissance, une manière de se donner rendez-vous, des habitudes et, si tous ces gens se mettent à se rassembler, par exemple dans une salle – ce qui est en train de se faire à certains endroits – bon, les relations vont changer, ils vont être obligés de discuter de manière peut-être un plus âpre entre eux, un peu plus sérieusement, et ce n’est pas leur mode de coexistence jusqu’à maintenant. Ils risquent de perdre la fraternité qu’ils ont éprouvée ici– en tous cas c’est ce qu’ils m’ont dit – cette fraternité qui pour eux est une véritable victoire et pour certains une révolution existentielle, il y en a qui sortent vraiment d’une solitude dans laquelle ils s’enfermaient depuis 20 ou 30 ans. C’est difficile donc pour eux de passer à autre chose, d’autant plus que sur les points de blocage, il y a quelque chose de très gratifiant : c’est le soutien des gens dont j’ai parlé, on le voit ce soutien, il est physique, on voit des têtes qui défilent, les automobilistes qui font des signes, etc. C’est extrêmement encourageant et très valorisant. Se retrouver à 30 ou 40 ou même à 200 dans une assemblée à discuter, bon ça me semble être moi un passage presque obligé pour le mouvement, mais ça demanderait vraiment une mutation du mouvement, et ce n’est pas ce qui est train de se passer, je crois. Donc, qu’est-ce qui va arriver dans les semaines qui viennent ? C’est assez difficile à dire… Ils peuvent rester sur les ronds-points, mais, je ne suis pas sûr qu’ils puissent durer – sur ce mode-là, en tous cas.
Alors, il y a eu aussi cet attentat, la semaine dernière [le 10 décembre]. On parlait effectivement de l’extrême-droite musulmane lors de notre dernière discussion, moi je parlais plutôt d’une mobilisation de la banlieue via les lycéens qui commençaient à se mobiliser. On a eu pire quasiment : un attentat islamiste à Strasbourg qui a donné lieu à beaucoup de thèses complotistes parce que ça tombait presque à pic pour le gouvernement pour faire rentrer [dans le rang] le mouvement social. C’est assez difficile de faire la part des choses ; je pense que très spontanément c’est bien possible qu’un islamiste passe à l’acte tout simplement, à ce moment-là, il peut très bien ne pas être dans la temporalité des médias, la nôtre, il peut même ne pas être au courant du tout du mouvement des gilets jaunes, c’est tout à fait possible. Il peut aussi le faire en réaction aux Gilets Jaunes… Peut-être aussi suite à des tractations en sous-main…
C : Peut-être aussi profiter de la faiblesse des forces de l’ordre…
Q : Éventuellement, mais je ne serai pas étonné que ce soit même indépendant du contexte. C’est vraiment un monde, des gens qui vivent avec d’autres repères que les nôtres, ce n’est pas du tout le même cadre de pensée… Mais, quoi qu’il en soit, ça montre qu’effectivement que quoi que l’on discute, il faut avoir en tête systématiquement qu’il y a une partie de la société qui obéit à des règles différentes et qu’elle pourrait intervenir de plusieurs manières dans les évènements. Il n’y pas uniquement le peuple et le gouvernement : il y a le peuple, le gouvernement et cette zone grise, une sorte de corps étranger qui s’est constitué, qui s’exclut de lui-même de la société française et qui est capable d’intervenir de mille manières. Ce peut être des émeutes, ou lors des cortèges, ou ce qu’on voit systématiquement à la fin de toute manif, et ce peut-être des attentats, bien sûr, plus ou moins importants. Là c’est un attentat relativement mineur, malgré les morts ; ce n’est pas le Bataclan, c’est pas Charlie Hebdo. Je pense qu’il faut maintenant qu’on ait en tête que, quoiqu’il arrive, il y a un troisième acteur… C’est malheureux, mais il me semble que c’est comme ça.
Un autre changement qui me semble important depuis, on va dire le 15 décembre, c’est l’ascension fulgurante de la revendication pour un Référendum d’Initiative Citoyenne. C’est une sorte de réponse à Macron : il y avait le choix, après ses déclarations sur les augmentations diverses, les annulations de taxes, etc. entre soit une surenchère dans la revendication autour du pouvoir d’achat ; soit il y avait un changement de registre. Et il y a eu un changement de registre assez radical puisque maintenant on ne parle presque plus que de ça, le RIC. Je pense que cela s’est fait, aussi, sous pression des partis, parce que là aussi, comme pour le pouvoir d’achat, c’est ce qui permet de discuter [concrètement] avec le mouvement et de réduire tout l’éventail des revendications à une question assez précise et qu’on pense pouvoir régler.
Le Référendum d’Initiative Citoyenne
C : J’ai l’impression que la France Insoumise, d’autres partis de gauche ou d’autres groupuscules de gauche sont beaucoup plus loquaces sur ce point-là alors qu’ils étaient jusque-là en retrait voir très hostiles, ils oublient très vite le passé. Beaucoup de revendications des gilets jaunes étaient mal comprises par ces [organisations] de gauche et là j’ai l’impression qu’ils font du passé table rase, qu’ils ont complètement oubliés les revendications, les cahiers de doléances des gilets jaunes et qu’ils choisissent ce que eux veulent. On a eu par exemple Mélenchon qui a fait des déclarations en disant, en gros : « ce que veulent les gilets jaunes, c’est la même chose que nous, alors ils n’ont qu’à voter pour La France Insoumise et on va appliquer leur programme »… Alors qu’il y a vraiment des différences, des sujets qui sont abordés par les gilets jaunes et qui ne le sont jamais par la gauche. Par exemple, parmi les couacs de communication, il y a eu la proposition [par le gouvernement] d’un « grand débat », et ils avaient mis par malheur le thème « Immigration ». Pas mal de gens de gauche ont dit alors :« Pourquoi vous mettez ce thème ? Ça n’a rien à voir avec le mouvement des gilets jaunes ! », alors que la semaine d’avant ces mêmes gens disaient que le mouvement des Gilets Jaunes était un mouvement de fachos… Fallait quand même être d’une grande mauvaise foi pour dire cela… Sur le Référendum d’Initiative Citoyenne, j’ai l’impression que c’est des choses qui peuvent plaire à la gauche. Même s’il y toujours des gens qui résistent, qui défendent toujours la démocratie mais, là, il y aurait trop de démocratie, donc ça ne va pas… C’est assez étrange comme discours… Mais ce RIC peut-être facilement intégré dans un programme de gauche style Mélenchon, d’ailleurs je crois que lui-même le proposait. Il me semble que c’est pour ça aussi que ça ressort autant, que la presse en parle beaucoup. Est-ce que c’est une chose qui est vraiment portée par les Gilets Jaunes ? Est-ce que c’est une revendication qu’ils ont voulu mettre en avant ou est-ce que c’est l’air du temps qui fait que s’est passé en tête des revendications ?
Q : De ce que j’en sais le Référendum d’Initiative Populaire était présent dès le début dans les revendications, mais ce n’est pas la seule revendication de ce type-là concernant la démocratie. Les Gilets Jaunes voulaient aussi la fin du Sénat et son remplacement par une assemblée citoyenne de gens tirés au sort, la fin du lobbyisme au parlement, ils voulaient une Constituante, mais aussi une diminution des indemnités parlementaires, etc. Donc le RIC était une revendication parmi tant d’autres. Effectivement, depuis quelques jours ça s’est fixé dessus, et c’est une revendication qui convient à beaucoup de gens, parce que je crois que Dupont-Aignant la propose, Le Pen et Mélenchon aussi, je crois que c’est dans leur programme déjà depuis longtemps, et ils ont trouvé là une sorte de terrain d’accord…
D’un côté ce n’est pas mal aussi : ça permet de discuter politique et d’autre chose que du pouvoir d’achat – qui est important, je ne dis pas que ce n’est pas important, mais comme on l’a établi lors de notre dernière discussion, cette question de niveau de vie était un gros problème, notamment du point de vue écologique, c’est une impasse. Alors la question de reprendre du pouvoir politique n’est pas idiote du tout.
Mais il est possible aussi que ce mot d’ordre soit le symptôme d’un changement éventuel dans le public des gilets jaunes : il est possible que des gens plus urbains, plus jeunes, plus diplômés les aient rejoins et aient mis cette revendication en avant. Si je parle du point du vue, minuscule, du rond point de Sainte-Eulalie où j’étais, c’était les trois seuls jeunes qui étaient présents qui revendiquaient le Référendum – les autres, ils parlaient plutôt de pouvoir d’achat, plus généralement de « Macron, démission ! », etc. Donc il est possible qu’il y ait un changement léger dans la sociologie des gilets jaunes. C’est tout à fait possible, aussi, qu’il y ait de l’entrisme chez eux… Et, dernière hypothèse, il est tout à fait possible que le mouvement des gilets jaunes devienne un parti en vue des élections Européennes : il y a déjà des partis des gilets jaunes qui se créent plus ou moins folkloriques ou sérieux. Cela conviendrait assez à l’oligarchie, puisqu’un parti des gilets jaunes qui se présenterait aux élections européennes serait capable de grappiller des voix au RN (ex FN) et donc d’éviter que le Rassemblement National soit en tête des élections…
C : Macron gagnerait…
Q : Il gagnerait… ou en tous cas, la défaite serait moins cuisante… Et dans cette perspective, il est probable que le Référendum soit un élément de ce puzzle pour rendre le mouvement – puisque c’est toujours la grande affaire – qui est protéiforme, qui est magmatique, qui est multiple, donc pour le rendre compatible avec le paysage politique français. Alors que de notre point de vue ce serait plutôt au paysage politique de s’adapter et de changer radicalement, là ils tentent encore de faire rentrer ce mouvement-là dans les cases plus politiquement correctes et plus facilement traitables et manipulables par les médias.
C : Il y des sondages qui ont été fait avec l’hypothèse d’un parti des gilets jaunes qui se présenterait aux élections : il ferait autour de 14 %. C’est quand même quelque chose pour un parti qui n’existe pas encore… En partant de l’hypothèse qu’il n’y ait qu’un seul parti unissant les gilets jaunes… Ils seraient donc suffisamment populaires pour avoir pas mal de voix.
Q : Et sur qui prendrait-il ces voix-là ? Abstentionnistes, RN, Mélenchon ?
C : On ne sait pas. Le RN arrivait quand même en tête malgré les 14 % de cet hypothétique parti… D’ailleurs, il y a eu des études là-dessus ; les gilets jaunes ne sont pas plus RN que la population en général, voir un peu en dessous…
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